Archives de catégorie : Catwoman

Batman – One Bad Day : Catwoman

La collection One Bad Day se poursuit avec cette fois Catwoman au premier plan !

[Résumé de l’éditeur]
Alors que Selina Kyle n’était qu’une adolescente, sa mère a dû se résoudre à vendre une broche dont elle avait héritée à un prêteur sur gages peu scrupuleux. Quelques années plus tard, lorsque Catwoman apprend que ce bijou est en réalité d’une valeur inestimable, elle n’a plus qu’une idée en tête : reprendre ce trésor familial à tout prix ! Mais cette course effrénée ne risque-t-elle pas de déterminer le reste de son existence ?

Inutile de détailler le début de l’histoire, le résumé officiel de l’éditeur suffit.

[Critique]
Cet opus est davantage un récit complet sur Catwoman (de bonne facture au demeurant – on y reviendra) qu’un One Bad Day à proprement parler, c’est-à-dire un titre qui fouillerait le passé de Selina Kyle pour montrer son « jour de bascule » pour devenir voleuse (bien qu’un flash-back soit présent). L’histoire tourne autour d’une broche familiale qu’avait dû vendre pour une bouchée de pain la mère des jeunes sœurs (Maggie et Selina) pour subvenir à leur besoin. Quelques années plus tard, la célèbre Catwoman compte bien la reprendre.

Le titre se déroule majoritairement « dans le présent », à priori dans la continuité officielle (un peu comme l’opus sur Double-Face), les quelques échanges avec Bruce/Batman laissent entendre cela. Toutefois, cet One Bad Day peut aussi rester indépendant ou en marge de tout ça, ce n’est pas très important. On a l’impression de lire un annual luxueux (comme ceux du Pingouin et Harvey Dent) mais, cette fois, en plus qualitatif, grâce aux dessins emmenés par Jamie McKelvie, signant une singularité visuelle sans faille (comme toujours, si les quelques illustrations de cette critique vous séduisent, le reste devrait aller). Il dessine, encre et colorie entièrement ses planches ! Si l’on peut déplorer de nombreux fonds de cases vides, le style épuré et léché de l’artiste ne laisse pas indifférent.

Côté histoire, le schéma narratif de G. Willow Wilson (Gwendoline de son prénom) est malheureusement un poil convenu avec un ou deux rebondissements peu surprenants. La plus grosse faille est sans aucun doute la conclusion abrupte qui laisse une sorte de « suspens » au lecteur (quid de… ? pas mal de choses en fait – qu’on ne révèlera pas ici). C’est dommage de rester sur ce sentiment d’inachevé. La figure habituelle de Selina est respectée, oscillant entre « le bien et le mal », ou plutôt le profil personnel, l’individualisme et la criminalité, sans en effleurer une réflexion très poussée – on parle banalement d’un vol d’un objet lui ayant appartenu.

En somme, heureusement que la partie graphique et le début de ce One Bad Day fonctionnent, à défaut d’être marquant ou incontournable. Comme d’habitude, il y avait plein de choses à explorer en prenant en compte un passif d’enfance malheureuse (peut-être) ou une vie de jeune adulte dans la prostitution (comme dans Année Un). L’ensemble reste trop « sage », un brin décevant mais sympathique visuellement. Pour le prix on aurait tendance à la déconseiller sauf aux aficionados de Catwoman, évidemment. Pas le meilleur des One Bad Day (Le Sphinx, Mr. Freeze, Bane), pas le pire (Double-Face, Le Pingouin), juste entre les deux !

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 18 août 2023.
Contient : Batman – One Bad Day : Catwoman 
Nombre de pages : 72

Scénario : G. Willow Wilson
Dessin, encrage et couleur : Jamie McKelvie

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Studio Myrtille (Christophe Semal)

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Catwoman – Lonely City

Récit complet centré sur Catwoman (mais pas que !) dans une Gotham City différente, dix ans après la mort de Batman et le Joker, Lonely City réussit là où Batman/Catwoman échouait parfois et propose une histoire passionnante.

[Résumé de l’éditeur]
Il y a dix ans, le massacre connu sous le nom de Nuit du Fou coûta la vie à Batman, à Nightwing, au commissaire Gordon ainsi qu’au Joker… et a envoyé Catwoman derrière les barreaux. Une décennie plus tard, Gotham a changé et remisé l’héroïsme et autres phénomènes de foire au rayon des souvenirs encombrants. La nouvelle Gotham est plus propre, plus sûre… et désormais placée sous l’œil vigilant du maire Harvey Dent et de ses Batcops. C’est dans cette nouvelle ville que Selina Kyle revient, marquée, avec en tête un dernier gros coup : les secrets enfouis de la Batcave et une ultime promesse faite à Bruce Wayne !


[Critique]

L’artiste Cliff Chiang (dessinateur connu entre autres pour Human Target, Paper Girls – écrit par Brian K. Vaughan –, Wonder Woman – période Renaissance, avec Brian Azzarello) a tout géré sur cette œuvre : scénario, illustrations, colorisation, lettrage ! En quatre chapitres et près de deux cent pages, Chiang propose une version assez touchante de Selina Kyle mais aussi d’une grande foule de protagonistes. Hasard du calendrier, lire ce titre après le plutôt bon mais inégal Batman/Catwoman permet de « gommer » (involontairement) les deux défauts majeurs de cette autre déclinaison un brin futuriste de Catwoman.

On reprochait à Tom King d’avoir rendu Kyle parfois antipathique mais aussi ridicule en costume du fait de son âge avancé. Ici, dans Lonely City, c’est tout l’inverse. La femme féline émeut à plusieurs reprises, tiraillée entre son passé de criminelle, son deuil perpétuel et sa volonté de décrypter les derniers mots de Batman. Quand elle apparaît costumée, elle a du mal à être aussi agile qu’autrefois. Des problèmes aux genoux et quelques années de plus au compteur, Selina est une humaine avant tout.

Mais reprenons. Dans cette Gotham avancée d’une dizaine d’années, il n’y a pas de sursaut technologique improbable ou une évolution trop radicale de ce qu’est déjà la ville dite « moderne ». La principale surprise réside en Harvey Dent, définitivement guéri (même si toujours difforme au visage), qui est devenu le maire d’une métropole sûre et avec peu de criminalité. Bien aidé d’une milice surarmée et effrayante (ornée de casques et masques de chauve-souris !), Dent brigue un nouveau mandat.

C’est sans compter sur le peuple qui se soulève lentement mais sûrement face au fascisme ambiant (reconnaissance faciale, flicage…) et au milieu duquel Catwoman fait figure d’emblème révolutionnaire bien malgré elle. C’est probablement l’un des points les plus étranges de la bande dessinée tant il s’insère mal dans le reste de la fiction.

Lonely City conte le parcours avant tout d’une cambrioleuse, veuve et solitaire en semi quête de rédemption. Son obsession sera de comprendre ce que lui a dit Batman en mourant et, éventuellement, d’exaucer une possible dernière volonté. En cela, le fil rouge qui se dessine peut décevoir dans sa conclusion – difficile d’en dire davantage sans dévoiler. Comme le dit l’adage, ce n’est pas la destination qui importe mais le voyage (ou la compagnie, comme l’évoquait Brad Pitt à propos de David Fincher aux Césars 2023 – aparté improbable).

Ici, le parcours croisé d’une femme ainsi que ses anciens alliés et compagnons de route face à la férocité d’un maire et d’une ville en proie au chaos accompagnent le lecteur avec une narration très efficace. Entre les dessins soignés (on y reviendra) et le rythme « parfait », la lecture est fluide et agréable. Cliff Chiang parsème son ouvrage de têtes familières (pas forcément les plus attendues) en conservant une cohérence par rapport à la mythologie habituelle du Chevalier Noir. Eddie (Nygma) s’est rangé par exemple et a une fille, Waylon (Killer Croc) ressasse le passé en buvant et ainsi de suite.

Quand il faut monter un casse atypique (aller dans… la Batcave !), c’est une équipe imparfaite mais soudée qui se lance dans l’aventure. Une dimension presque « humaine » (à nouveau) et plaisante, avec des moments tragiques et sincèrement touchants (c’est tellement rare en bandes dessinées, encore plus dans les comics !). Malgré tout, il manque cet ingrédient mystère qui aurait pu faire de Lonely City une œuvre incontournable. Un univers – ou plutôt une dystopie – peut-être plus élargi (d’autres chapitres ? d’autres volumes ? une dimension politique plus poussée ?), un lien avec Batman usité différemment (une réflexion plus développée sur la pertinence des justiciers ?), une présence accrue de la Bat-Family (seule Barbara Gordon est encore très active) ? Etc. Difficile à expliquer. Le titre veut le détour, assurément, mais peine à s’inscrire au-delà de son concept.

Il vaut le détour malgré tout (on l’ajoute volontiers aux coups de cœur du site), restant plutôt original pour un récit hors-continuité ! Par ailleurs, Cliff Chiang livre de belles planches, proches d’une bande dessinée indépendante européenne. On est loin de lire un comic book mainstream ! Entre la mégalopole über réaliste et les costumes (et clins d’œil à d’autres époques) de Catwoman, c’est un régal. Tout sonne « vrai » entre les relations des personnages, indéniablement la grande force de l’œuvre, une authenticité très bien écrite. Le tout dans un étrange mélange entre nostalgie (le temps s’est écoulé, plus personne n’est aussi puissant qu’auparavant) et une étonnante vivacité contemporaine. Le bel écrin du Black Label est idéal pour les épisodes qui composent le récit (Sale vieille ville, Le club des chats de gouttière, Une épopée à l’américaine, Le monde d’en bas).

L’ouvrage comporte plusieurs bonus et est introduit par un texte de l’éditeur Chris Conroy (disponible sur le site d’Urban) livrant quelques secrets de création. Pour une fois, le mot de la fin appartient à un ami et confrère, GriZZly, issu de sa critique (très élogieuse) de Lonely City (sur le site UMAC pour lequel je collabore de temps en temps).

Pourquoi ces gus en costumes se battent-ils comme des forcenés en habits de carnaval ? Leur action est-elle utile, n’est-elle pas contreproductive ? Une politique de fermeté mettant fin aux agissement de chacun de ces personnages, de quelque camp qu’il soit, ne serait-elle pas la solution ? Au final, c’est sans doute ça qui est impressionnant : Lonely City est autant la résurrection d’une question que l’on ne se pose plus qu’une réponse à une question que l’on ne se pose pas encore.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 10 février 2023.
Contient : Catwoman Lonely City #1-4

Scénario & dessin (& couleur) : Cliff Chiang

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : MAKMA (Gaël Legeard, Sarah Grassart et Stephan Boschat)

Acheter sur amazon.fr : Catwoman – Lonely City (21€)

 


Batman/Catwoman

Publié au sein du Black Label (qui permet aux auteurs de sortir de la complexe chronologie du Chevalier Noir), le titre Batman/Catwoman est écrit par Tom King, à l’œuvre de la très longue série Batman Rebirth où le couple entre Bruce et Selina occupait déjà une place importante. À mi-chemin entre la « suite » de son run et une œuvre parallèle, Batman/Catwoman est séduisant par bien des aspects mais se vautre de temps en temps. Critique d’un one-shot qui s’ouvre sur… la mort du Chevalier Noir (déjà publié dans À la vie, à la mort).

[Résumé de l’éditeur]
Batman et Catwoman se sont rencontrés, sont tombés amoureux et ont eu une vie heureuse. À la mort de Batman, Catwoman règle les derniers comptes d’une vie passée à évoluer entre les ombres. Son compagnon disparu, elle a désormais toute latitude pour rendre visite, une dernière fois, à une vieille connaissance à l’humour douteux…

[Début de l’histoire]
Voir critique d’À la vie, à la mort.

[Critique]
Voilà une bande dessinée touchante et singulière, à réserver en priorité aux fans de Catwoman (ça aurait pu/du s’appeler simplement Catwoman, la mention de Batman n’est pas pertinente) et/ou à ceux qui avaient aimé le travail de Tom King (qui sera une fois de plus clivant) sur le mythique couple, ainsi qu’aux lecteurs souhaitant voir ce qu’est devenue Andrea Beaumont, personnage principal et inoubliable de l’excellent film Batman contre Fantôme Masqué (Mask of the Phantasm) – qui n’avait jamais réellement eu droit à une présence dans les comics (ni à une « suite »), à l’inverse d’Harley Quinn.

Batman/Catwoman prolonge dans un futur lointain ce qu’avait proposé le scénariste dans À la vie, à la mort, comprendre : Bruce Wayne est mort, Selina est une veuve fortunée, sa fille Helena (née de son union avec Bruce bien sûr) a pris la relève pour protéger Gotham en tant que Batwoman (et Dick Grayson est devenu le commissaire du GCPD). Passé ce constat, Selina retrouve le Joker et le tue une bonne fois pour toute… Sa vie se poursuit, entremêlée de nombreux souvenirs et, notamment, d’une filature complexe de l’époque où elle était avec Batman. Tous deux couraient après le Fantôme Masqué (alias Andrea Beaumont), elle-même poursuivant le Joker (n’en dévoilons pas davantage).

On navigue donc entre le passé et le présent (ce dernier étant donc un futur hypothétique) où Selina croise d’anciennes figures alliées ou ennemies. La fiction bénéficie d’un double fil rouge narratif (et d’une double voire triple temporalité) qui la rend palpitante. D’un côté l’évolution des protagonistes après la mort de Bruce/Batman, d’un autre l’enquête du Chevalier Noir et de la Femme Féline sur un enfant disparu, le tout entrecoupé donc par le Joker et le Fantôme Masqué et, surtout, les aléas de la vie de couple de Bruce et Selina. C’était l’un des points forts de la série Batman Rebirth (dont on retrouve quelques « extensions » ici comme la sortie entre couple avec Lois et Clark) : l’écriture si « juste » sur l’amour entre ce couple mythique. Pas besoin d’ailleurs de connaître ou avoir lu Batman Rebirth pour apprécier la BD comme un récit complet.

Tom King poursuit donc son travail et si le lecteur l’avait déjà aimé, pas de raisons qu’il n’accroche pas davantage. Batman/Catwoman s’étale sur douze chapitres, tous titrés par le nom d’une chanson (on y reviendra). Le récit s’ouvre sur un épisode à part (Batman annual #2) déjà publié (À la vie, à la mort donc) qui offre une solide introduction et contextualisation pour ceux qui ne l’avaient pas découvert auparavant. Une fois achevée, l’histoire est enrichie de trois chapitres spéciaux : Interlude, Helena et Héritage (ce dernier déjà publié dans Batman Bimestriel #13 et le cinquième et dernier tome de Batman : Detective sous le titre Histoire de fantômes). Tous proviennent de différentes séries ou publications inédites. Ces segments s’attardent sur différents moments de la vie de Selena, principalement son enfance et son parcours de voleuse, son idylle avec Bruce, sa grossesse, etc. Helena apparaît surtout quand elle fait ses premiers pas comme héroïne. Bruce est lui aux prises avec Dr Phosphorus.

En synthèse, le volume frôle les quatre cent cinquante pages mais n’est jamais indigeste, au contraire (sans oublier les traditionnels bonus : couvertures alternatives, recherches et un texte hommage à John Paul Leon (décédé en 2021 – il avait dessiné une toute petite partie d’Interlude – et est surtout connu pour l’atypique Créature de la nuit). La lecture a beau être aisée et globalement passionnante, elle n’en demeure pas moins « pénible » à plusieurs égards. Tout d’abord, l’omniprésence de chansons de Noël tout au long de la bande dessinée. Leurs titres sont aussi ceux des chapitres et leurs paroles (en anglais) occupent une certaine place en début de chaque épisode… Problème : en France la plupart de ces morceaux ne sont pas connus donc impossible de les « lire » avec leur air musical en tête ou – éventuellement – d’en saisir un double sens dans le texte. Cela gâche un peu l’immersion…

Ensuite, autre élément un peu pénible en lecture : les dialogues comportent beaucoup de mots vulgaires qui sont, comme toujours, écrit par des symboles (« Nom d’un @$@%@ », « Tout ça, c’est un @%@% de mensonge ?! »…). C’est la même chose en version originelle et peut-être qu’Urban n’a pas le droit de proposer un mot écrit alphabétiquement et donc « normalement » à la place mais c’est vite gonflant car passé le premier tiers du livre, ça prend une proportion hallucinante (presque un par planche !). Entendons-nous bien, la problématique n’est pas d’usiter d’insultes ou termes trop familiers, mais d’en utiliser trop (le cas ici, cela manque d’une certaine fluidité et d’un « son de lecture» peu agréable) et de ne pas les nommer directement.

C’est certes un détail mais c’est un peu dommage. Pour pinailler, évoquons la non lisibilité des titres des chapitres quand ils sont écrit pile au milieu de la double page qui coupe chaque épisode. Impossible d’ouvrir davantage le livre sans l’abîmer sinon. Encore une fois : ce n’est foncièrement pas grave non plus. Les seuls « vrais » défauts de Batman/Catwoman relèvent d’une certaine autre subjectivité. L’écriture autour de Selina rend de temps en temps (souvent ?) le personnage assez antipathique… C’est peut-être voulue, ou bien c’est une impression sommaire. Heureusement, la femme (dans ses jeunes années ou lorsqu’elle est âgée) est aussi (souvent ?) touchante et sonne « juste ». C’est donc probablement fait exprès mais c’est spécial… On fermera les yeux sur les capacités physiques hors-norme pour une personne qui a probablement soixante-dix ans voire davantage (sans parler du costume ridicule le temps de quelques cases).

Enfin, second élément qui fait tâche : les dessins de Clay Mann autour des femmes. L’artiste est brillant et signe ici l’une de ses meilleures œuvres (on en parle plus loin) mais – comme toujours – il ne peut s’empêcher de montrer ses corps féminins dans des postures sexuées, des tenues aguichantes, des poitrines et fessiers en avant, des costumes très moulants, etc. Si parfois ça fonctionne et fait presque sens pour la narration (Catwoman qui tourne autour de Batman, le couple qui fait l’amour…), trop souvent c’est complètement gratuit et semble relever de fantasmes adolescents… Un problème déjà soulevé (avec une analyse plus poussée qu’ici) dans Heroes in Crisis – également écrit par Tom King. Quand Mann est remplacé par Liam Sharp, ce dernier tombe également dans cette facilité mais à de rares occasion.

Même si l’on s’attarde sur ces quelques défauts (non négligeables certes), Batman/Catwoman reste une œuvre plutôt singulière dans le genre qu’on recommande (comme dit : surtout pour les amoureux de Selina et des travaux de King). Le titre offre également enfin une place de choix au Fantôme Masqué (il n’est pas obligatoire de connaître le film animé éponyme mais cela facilite grandement la compréhension). Curieusement, Andrea Beaumont n’avait jamais bénéficié d’une « seconde vie » en comics, c’est désormais le cas. Rien que pour cela il ne faut pas faire l’impasse sur Batman/Catwoman !

Difficile de détailler davantage le contenu de cette longue aventure sans gâcher un certain plaisir de découverte. Les dialogues fusent, les allers et retours entre les différentes époques également, sans qu’on s’y perde. Là-dessus, la BD est remarquable et offre une passionnante plongée au cœur d’une relation compliquée entre les convictions de chacun et les sacrifices nécessaires dans un couple. La difficulté de retrouver une certaine liberté et la quête d’un bonheur (utopique ?). C’est dans ces moments-là qu’excelle Tom King, quand il met à nu et tente de rendre plausible la réalité d’un couple fictif mais iconique et ancrée dans l’ère du temps, sans jamais dénaturer leur ADN (sauf, peut-être, Selina une fois âgée).

Graphiquement, Lee Weeks et Michael Lark signent À la vie, à la mort, une fois de plus se référer à la critique dédiée pour découvrir les illustrations et le style épuré qui convenait à merveille à l’histoire. Clay Mann s’occupe ensuite de neuf chapitres sur douze. L’artiste excelle à tous points de vue, conférant de magnifiques compositions, nocturnes ou diurnes, surtout durant les séquences dans le passé, dans Gotham entre autres. Si on met de côté les problèmes corporels féminins évoqués plus haut, l’ensemble est sublime, les traits sont fins, élégants et très précis, bien aidés par la colorisation sans faille de Tomeu Morey.

L’atmosphère froide et souvent austère qu’il se dégage jongle avec la chaleur de l’intérieur (dans le Manoir Wayne par exemple) et tire la cohérence graphique vers le haut. Liam Sharp intervient le trois de trois épisodes (sept, huit et neuf) dans un style moins conventionnel, un subtil mélange rappelant Dave McKean (L’Asile d’Arkham…), Sam Kieth (Batman : Secrets…) ou carrément Bill Sienkiewicz (qui a signé une couverture alternative). Visuellement, l’ensemble est donc majoritairement somptueux (cf. les illustrations de cette critique, près de quarante images avaient été sélectionnées initialement, difficile de choisir !).

La distribution est complétée pour les autres épisodes bonus par John Paul Leon, Bernard Chang et Mitch Gerads (Interlude – qui aurait du être placé en dernier tant sa conclusion est« parfaite » pour définitivement refermer cet univers), Michael Larks (À la vie, à la mort), Mikel Janin (Helena) et Walter Simonson (Héritage). En résulte des styles plus ou moins différents mais cohérents (à l’exception de Simonson).

Le titre a beau être imparfait, il s’intercale parfaitement comme une lecture divertissante ET de réflexion, dans un univers à la fois familier (le passé) et novateur (le « futur ») qu’on aimerait voir développer : comment Helena combat le crime ? La séduisante proposition graphique (imparfaite elle aussi comme évoquée plus haut) épouse brillamment le propos et permet à Batman/Catwoman de rejoindre les coups de cœur du site. Attention, l’épais ouvrage coûte tout de même 35 €, la fourchette haute des prix chez Urban… À feuilleter impérativement avant l’achat donc, et à ne pas prendre si on n’est pas très fan de Selina/Catwoman. Pour les autres, aucune raison de se priver de ce titre atypique dont quelques planches prennent aux tripes.

Pour l’anecdote, une édition limitée à 500 exemplaires avec une couverture de Jim Lee (loin d’être la meilleure, à la fois de l’artiste ou de celles de Batman/Catwoman) a été proposée sur la boutique Original Comics. Cela semble très étonnant vu le discours tenu par son fondateur envers l’industrie au global et, surtout, contre Urban Comics mais bon…

Ce qui est dommage c’est que les autres versions du livre (les « normales » donc) ont le logo d’Original Comics sur la page des des crédits à la fin. Ce n’est clairement pas grave (même si pas très sympathique pour les libraires indépendants) mais si vous connaissez un peu le milieu  du « comics game » et cette boutique, c’est agaçant.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 25 novembre 2022.
Contient : Batman/Catwoman #1-12 + Special + Annual #2 + Detective Comics #1027 + 80th Anniversary

Scénario : Tom King
Dessin : Clay Mann, Liam Sharp, Lee Weeks, John Paul Leon, Bernard Chang, Mitch Gerards, Michael Lark, Mikel Janin, Walter Simonson
Encrage additionnel : Shawn Crysal
Couleur : Tomeu Morey, Liam Sharp, Mitch Gerads, Dave Stewart, Elizabeth Breitweiser, June Chung, Jordie Bellaire, Laura Martin

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : MAKMA (Gaël Legrand, Coralline Charrier, Lorine Roy et Stephan Boschat)

Acheter sur amazon.fr : Batman/Catwoman (35 €)