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Batman – New Gotham | Tome 02 : Un homme à terre

Batman New Gotham Gordon

New Gotham est une série de trois tomes se déroulant après la saga No Man’s Land (mais il n’est pas obligé de l’avoir lu pour découvrir ce nouveau run). Elle est principalement scénarisée par Greg Rucka, bénéficie d’un style graphique particulier et se focalise sur Gordon et Batman. Critique du second tome, Un homme à terre, qui contient douze chapitres répartis en deux parties bien distinctes.

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[Histoire]
Le volume se scinde en deux parties. La première (Turning Points en VO) propose cinq chapitres indépendants se déroulants à différents moments importants dans la mythologie de Batman, donc bien avant le fameux No Man’s Land (NML) — à l’exception du dernier chapitre. Cette partie permet d’introduire pus efficacement la seconde (Batman : Officer Down en VO, donc Un Homme à Terre en VF) : un chapitre de sept séries différentes pour suivre un protagoniste de l’univers de Batman après les évènements du NML.

Première partie – Turning Points (5 chapitres)

Jusqu’à ce que la mort nous sépare
Scénario : Greg Rucka | Dessin : Steve Lieber

[Se déroule juste après Année Un]
Gordon vient de se faire quitter par sa femme, Barbara, repartie vivre à Chicago avec leur fils James Jr. En cause : la vie à Gotham City et la relation infidèle entre Essen * et Gordon. Dans la foulée, le « capitaine » Gordon doit gérer une prise d’otage dans une église pendant un mariage. Batman, qui fait alors ses premiers pas de justicier, essaie d’aider tout en ayant l’approbation de Gordon.

Batman New Gotham Turning Points

D’une génération à l’autre, comme un cancer
Scénario : Ed Brubaker | Dessin : Joe Giella

[Se déroule entre Amère Victoire et Robin : Année Un]
Gordon apprend que Batman a un allié adolescent et n’approuve pas que ce jeune garçon soit en danger permanent. Mais le policier est amené à le rencontrer lors d’un affrontement face à Mister Freeze et va changer d’avis…

Batman Robin Turning Points

Hanté
Scénario : Ed Brubaker | Dessin : Dick Giordano

[Se déroule après Killing Joke et Un Deuil dans la Famille]
Un tueur en série du nom de L’Éboueur a assassiné une troisième personne dans Gotham City. Mais Batman laisse la police s’en charger, préférant utiliser d’autres cibles avec de nouvelle méthodes : plus furtif, plus violent et s’éclipsant rapidement après une action. Violence et solitude comme il le résume lui-même.

Gordon Batman New Gotham

Transformations
Scénario : Chuck Dixon | Dessin : Brent Anderson

[Se déroule durant Knightfall, lorsque Jean-Paul Valley reprend le costume de Batman]
Face aux agissements de plus en plus en violent et à la radicalité de Batman, Gordon soupçonne que ce ne soit plus le même homme sous le masque. Robin ne l’aide pas et le policier est contraint de se tourner vers Bane, emprisonné à vie.

Batman Azrael New Gotham

(Conclusion) Aussi vieux que les étoiles
Scénario : Greg Rucka | Dessin : Paul Pope

[Se déroule peut après No Man’s Land]
Un homme revient à Gotham City après plusieurs années en compagnie de sa femme et sa fille. Il souhaite voir Gordon et Batman. Ces deux derniers sont en charge de surveiller des personnes pouvant être la cible d’un attentat.

Batman Gordon New Gotham

Seconde partie – Un Homme à Terre / Batman : Officer Down (7 chapitres)

C’est l’anniversaire de Jim Gordon. Le policier fête cela dans un bar avec ses collègues et reparle de l’importance de leur métier, leur pouvoir de privatisation de la liberté de quelqu’un et l’obligation de se souvenir que chaque personne arrêtée a une famille. En rentrant chez lui pour retrouver sa fille Barbara, il croise Catwoman dans une ruelle et se fait tirer dessus. Trois balles dans le dos. Un homme à terre.

Le femme féline est vite suspectée et recherchée tandis que la police peine à trouver des témoins ou à retrouver Catwoman. La Bat-Family (Nightwing, Robin, Azrael et Batgirl) se réunit autour d’Oracle en attendant les consignes de Batman, fou de rage quand il apprend la nouvelle. Qui a tiré sur Gordon ? Celui-ci va-t-il s’en sortir sans séquelles ?

Batman New Gotham Gordon GCPD

[Critique]
Voilà un tome qui va clairement rejoindre les coups de coeur voire… les indispensables des comics sur Batman ! Un livre qui peut se lire en totale indépendance de la saga No Man’s Land mais aussi de la série New Gotham ! Il n’y a d’ailleurs quasiment aucune connexion directe ou importante avec ces précédentes histoires (en tout cas rien d’obligatoire à connaître pour ne pas prendre de plaisir pour découvrir Un Homme à Terre). En revanche, il faut connaître les « incontournables » pour totalement apprécier la première partie de l’ouvrage (Turning Points), sur laquelle on va s’attarder quelque peu.

Si cette bande dessinée frôle en effet la perfection, c’est parce qu’elle [dans Turning Points donc] vient apporter des pièces de puzzle aux récits forts du Chevalier noir : Année Un, Amère Victoire, Robin : Année Un, Killing Joke, Un Deuil dans la Famille, Knightfall… Tous les moments blessant psychologiquement (et physiquement) Gordon et Batman se retrouvent donc entremêlés à de courtes histoires (dont la dernière rejoint la première de façon élégante et « boucle ainsi la boucle »). Ces cicatrices de combat que portent les deux hommes se répercutent à travers d’efficaces monologues alternés entre les deux. Une narration croisée qui rappelle les meilleurs moments des comics sur Batman, qui plus est dessinée avec un grand respect des styles de l’époque !

Batman New Gotham Oracle Bat Family

La seconde partie du tome, les sept chapitres formant donc l’arc Un Homme à Terre, est tout aussi réussie. L’histoire est digne d’un bon polar (difficile de trouver le coupable, un chouilla dommage que le lecteur ne le connaisse pas « vraiment » en amont). Plusieurs scénaristes officient à tour de rôle (comme pour la première partie) mais les connaisseurs reconnaîtront indéniablement le style de Greg Rucka (qui officiera ensuite sur l’excellent Gotham Central en reprenant justement l’univers qu’il met en place ici, celui centré sur la police de la ville) et Ed Brubaker (qui travaillera sur le même projet).

L’étonnant retrait de Batman durant l’enquête pour retrouver l’agresseur de Gordon est l’un des rares points un peu étrange de l’histoire. Il le dit : ses alliés sont capables de s’en sortir. Mais cette inactivité a des conséquences inattendues, à commencer par un sévère conflit avec… Alfred ! On peut ajouter le côté déjà-vu et un peu cliché sur les réflexions sur les notions de justice et vengeance mais elles sont réalistes et donc pas distrayantes pour autant. Le duo Allen/Montoya est particulièrement mis en avant et fédère immédiatement de l’empathie (dans la droite lignée de ce qu’on a aperçu dans NML pour Montoya et Évolution pour Allen). Qui plus est, comme évoqué plus haut, on tient là un tome quasiment indépendant qui vient compléter d’anciens récits et proposer une histoire one-shot axée sur Gordon. Aucune raison de s’en priver !

Batman New Gotham Alfred

Seule ombre au tableau : l’armée de dessinateurs différents qui s’occupent de ces sept chapitres. Deux d’entre eux sont plutôt faiblards : cases aux fonds colorés unis, visages parfois caricaturés… Rien de trop désagréable mais on peut tiquer (un peu) sur cet aspect. Le reste est vraiment brillant, on ne peut que conseiller ce tome, sans obligation d’avoir lu le premier ou No Man’s Land (mais idéalement les récits incontournables dans la chronologie du Dark Knight). L’ensemble apporte une pierre non négligeable à la mythologie du Chevalier Noir.

Batman New Gotham Catwoman Azrael

 

[À propos]

Publié en France en septembre 2017.

Contient en VO / Titres des chapitres :
– Batman Turning Points #1-5

Un Homme à Terre (7 chapitres)
– Batman #587 : voici vos droits
Scénario : Greg Rucka | Dessin : Rick Burchett
– Robin #86 : derrière les lignes
Scénario : Ed Brubaker | Dessin : The Pander Brothers
– Birds of Prey #27 : armé et dangereux
Scénario : Chuck Dixon | Dessin : N. Steven Harris
– Catwoman #90 : l’arme du crime
Scénario : Bronwyn Carlton | Dessin : Michael Lilly
– Nightwing #53 : incriminant
Scénario : Devin Grayson | Dessin : Rick Burchett
– Detective Comics #754 : le monstre dans la boîte
Scénario : Nunzio DeFilippis | Dessin : Michael Collins
– Batman:Gotham Knights #13 : conclusion
Scénario : Greg Rucka | Dessin : Rick Burchett

Traduction : Alex Nikolavitch
Lettrage : Moscow ★ Eye

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Batman – New Gotham | Tome 01 : Évolution

Batman New Gotham

New Gotham est une série de trois tomes se déroulant après la saga No Man’s Land (mais il n’est pas obligé de l’avoir lu pour découvrir ce nouveau run). Elle est principalement scénarisée par Greg Rucka, bénéficie d’un style graphique particulier et se focalise sur Gordon et Batman. Critique du premier tome, Évolution, qui contient douze chapitres de la série Detective Comics : du #742 à #753).

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[Histoire]
Au lendemain de la fin du no man’s land, Gotham est à la reconstruction. Gordon, toujours endeuillée par la mort de sa femme par le Joker, reprend du service au GCPD. Batman veille et arpente sa ville…

La recrudescence du crime organisé complexifie la situation. Le commissaire et le Chevalier Noir mènent l’enquête sur un meurtre d’un policier récent. Les indices conduisent à un certain Vassili Kosov de la mafia russe.

Mais dans l’ombre, Ra’s Al Ghul dirige un plan secret, aidée de sa complice « Murmure De Défi »…

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[Critique]

Évolution est un tome très moyen, aussi bien sur son travail scénaristique (Rucka fut plus inspiré dans No Man’s Land et le sera davantage peu après dans Gotham Central) que graphique (sur lequel on s’attardera plus tard). S’il n’est nul besoin d’avoir lu la saga No Man’s Land (NML) pour apprécier ce premier volet (sur trois) de New Gotham, des références explicites ou non à cette ancienne situation particulière * apparaissent de nombreuses fois. À commencer par la dissociation entre les V.G. (Vrais Gothamiens) et les DEZ (Déserteurs) — dont est affublé Bruce Wayne — qui revient régulièrement et donne naissance à divers conflits. Malheureusement, ceux-ci ne seront pas exploités convenablement.

Le livre se scinde en effet en plusieurs parties et à peu près quatre fils rouges narratifs répartis sur douze chapitres. Le plus important, qui occupe plus de la moitié de l’ouvrage, est la relation entre Batman/Bruce et « Murmure de Défi » (sic). Cette dernière sert donc Ra’s Al Ghul, peu présent in fine. Son plan n’est pas très clair et les nombreux protagonistes issus de mafias et gangs différents n’aident pas du tout à la compréhension. Pire : les transformations en serpent ou en loup des sbires de l’immortel ennemi du Chevalier Noir cassent l’ambiance « hard boiled » qui était pas mal instaurée. C’est à dire un côté polar, urbain et relativement noir (à l’instar de la série Gotham Central, plus aboutie, du même Rucka). Les autres arcs sont plus captivants mais durent moins longtemps. L’un englobe ce qu’on voit en filigrane tout au long du récit (avec quelques mises en avant de temps en temps) : le retour de Gordon (endeuillé), la vie des flics (Crispus, Bullock, Montoya…), la politique à Gotham (un maire peu populaire), etc. bref, ce qui peut clairement se nommer « l’après NML ».

 Batman New Gotham

Batman New Gotham

Toujours dans cette optique post-NML, une histoires s’attarde sur Montoya et sa relation avec Harvey Dent/Double-Face (ce dernier étant tombée sous le charme de la policière dans NML) puis la lecture d’un comic-book écrit et dessiné par Dent lui-même le met en scène dans des aventures héroïques (un côté clairement WTF assumé et amusant). Enfin, pour conclure sur cet après NML, on retrouve Poison Ivy qui avait élu domicile dans un parc végétal durant un an où plusieurs orphelins l’avaient rejoint (pendant le no man’s land donc). On récapitule les quatre récits qui s’entrecroisent : Batman contre la mafia et Ra’s Al Ghul via sa sbire « Murmure De Défi », Gordon et ses équipes dans un Gotham qui se reconstruit, Montoya et sa relation ambigüe avec Harvey Dent et enfin Poison Ivy condamnée à quitter un parc où elle n’a jamais blessé ou tué qui que ce soit.

Comme évoqué, toute la partie avec « Murmure De Défi » occupe une place prédominante (la première moitié du livre puis un retour entre deux autres histoires). Celle-ci est plutôt frustrante car l’on retrouve un Batman axé en mode détective (même si pas mal de choses restent confuses dans les résolutions d’énigmes, les nombreux noms de mafieux…) mais avec des problèmes scénaristiques flagrants : manque d’empathie pour « Murmure De Défi » (ce nom…), transformations en animaux surréalistes, manque de clarté sur les enjeux et le plan à long terme de Ghul.

New Gotham Bullock

Du côté des graphismes, pas de demi-mesure : ça passe ou ça casse. Deux aspects à prendre en compte, une sur laquelle il est assez simple de faire l’unanimité : la colorisation, effectuée intégralement par le studio Wildstorm FX, qui est excellente puisqu’elle se concentre sur une couleur seulement par chapitre, le reste étant en nuances de gris ou de bleu. Ainsi on retrouve beaucoup de planches mélangeant une couleur froide principale (du bleuté) avec des variations colorisées d’une couleur chaude (orange, rouge…). Presque bichrome donc, ce pari graphique audacieux est réussi (rappelant parfois brièvement Sin City). Malheureusement, le second aspect sur lequel on est plus critique est tout simplement « le dessin ». Huit chapitres sur douze sont ainsi signés par Shawn Martinbrough. Ses traits anguleux et gras (pas tout à fait cartoony quand même mais presque — cf. les nombreuses images d’illustrations de cette critique), manquent cruellement de détails et ressemblent à des brouillons, fan-arts ratés ou des résumés grossiers. L’ensemble (dessins et couleurs) se rejoignent plutôt bien mais on tique quand même devant trop de cases pour apprécier le tout et être émerveillé. Dommage, il y avait clairement un coup à jouer. Heureusement, les quatre chapitres restant sont dessinés par quatre autres artistes et sont nettement plus réussis, ancrés dans un certain réalisme et plutôt élégant, avec toujours ce même jeu de couleur quasi bichromique qui sert à merveille l’ouvrage.

Anecdotiquement, sur le plan éditorial, on sera aussi rebuté par une police d’écriture assez illisible, choisie le temps de quelques planches. Trop de poins négatifs donc, pour véritablement apprécier Évolution. Mitigé aussi par quelques incohérences d’écriture qui sautent aux yeux. Par exemple, Bruce Wayne est affublée par Lucius Fox d’une garde du corps (Mlle Bordeaux). Sans tomber dans un sexisme primaire, on peut s’étonner de ne pas avoir choisi plutôt un voire deux hommes robustes pour ce travail. Peu importe, cette mise en situation inédite pourra déboucher sur des scènes intéressantes (à voir ce que donnera le tome deux). Seulement, dès l’arrivée de cette garde du corps, Bruce s’éclipse de son bureau juste devant elle et ressort peu après en Batman devant les fenêtres. La jeune femme est surprise mais ne fait pas le lien entre le milliardaire et le justicier…

Ras Al Ghul New Gotham

Il faut reconnaître à Rucka quelques idées novatrices ou en tant cas plutôt intéressantes. Wayne apparaît beaucoup en civil, décrit comme un homme à femme et un type maladroit. C’est quelque chose qu’on voit de moins en moins dans les comics sur Batman, c’est donc tout à fait plaisant de (re)trouver cela. On se focalise à nouveau sur lui et Gordon, un peu comme à l’époque d’Année Un, récit initiatique des (nouvelles) origines du Chevalier Noir. Ce retour aux sources parsème Évolution, durant lequel les autres figures d’alliées résonnent par leur absence notoire : quid de toute la Bat-Family qui peuplait NML ? Même Alfred n’officie qu’en figurant le temps de quelques cases.

Un premier tome plutôt moyen, avec des partis pris graphiques et scénaristiques alléchants mais pas forcément bien exploités ou finalisés. À suivre dans les deux volets suivant…

Batman New Gotham

* À noter également, des références aux évènements survenus dans La Tour de Babel et un affrontement avec Hugo Strange mentionné (on ignore de quelle histoire précise il s’agit, peut-être La Proie de Hugo Strange).

Gordon Bullock New Gotham

[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 16 juin 2017.
Publication originale en 2000 à 2001 dans Detective Comics #742 à #753.

Titres des chapitres :
Honneur à nos morts [DC#742]
Évolution (Chapitre 1 à 4) [DC #743-746]
– Évolution I : Murmures dans les Ténèbres
– Évolution II : Unité de but
– Évolution III : Les Lois du Pays
– Évolution IV : Arrière-goût
– Joie-deux Anniversaire
[DC #747]
Rénovation Urbain (Chapitre 1 à 2) [DC #748-9]
Dépendance [DC #750]
Balade dans le Parc (Chapitre 1 à 2) [DC#751-2]
Les Aventures de Copernic Dent [#DC 753]

New Gotham Batman

Scénario : Greg Rucka
Dessin : Shawn Martinbrough | John Watkiss (+ DC #745-6), William Rosado (DC #747), Phil Hester (DC #748-9), Steve Mannion & Brad Rader (DC #753)
Encrage : Steve Mitchell | Hilary Barta & John Lowe(DC #753)
Couleurs : [Studio] Wildstorm FX
Traduction : Alex Nikolavitch
Lettrage : Moscow ★ Eye

Poison Ivy New Gotham

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Bruce Wayne Murmures de defi new gotham  Gordon Batman New Gotham

Ci-dessous, deux exemples des « transformations animales » de deux personnages…

New Gotham Snake  New Gotham Wolf Lycanthrope

Dark Night – Une histoire vraie

Récit un peu particulier puisqu’il ne conte pas les aventures de Batman mais d’un de ses auteurs, Paul Dini, qui propose, comme son titre l’indique « une histoire vraie ».

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[Histoire]
Paul Dini, scénariste de Batman s’est fait agressé. Avant de revenir sur ce fait, il explique face caméra à ses élèves (ou aux lecteurs directement) les éléments de sa propre vie qui l’ont conduit à devenir artiste. Il débute en évoquant son enfance, durant laquelle il était solitaire et « invisible » pour beaucoup, préférant se réfugier dans son imagination et la culture. Dini propose un bond de vingt-cinq années plus tard, lorsqu’il travaille pour Warner Bros Animation, précisément quand il œuvre avec brio sur la série d’animation Batman. La belle vie selon lui, à l’exception d’une vie sentimentale mise de côté, ou bien d’une tentative de liaison perdu d’avance, et d’une constante visite chez des psychothérapeutes — une introspection qu’il juge avec un regard plus mature aujourd’hui, évidemment. Jouets, loisirs, trophées… Paul Dini est heureux et fier de sa vie de « geek » avant l’heure. Puis un soir, deux hommes le tabassent avec une violence inouïe, l’artiste doit alors remonter la pente.

Dark Night Dini Une Histoire Vraie

[Critique]
Bande dessinée atypique, autobiographique et croquée avec plusieurs styles, « Dark Night – Une histoire vraie » captive de bout en bout. Clairement scindé en deux actes : un premier revenant sur l’enfance de Paul Dini puis son travail de scénariste chez Warner et ses problèmes relationnelles avec les femmes (cf. le résumé) puis un second évoquant l’après-agression, lorsque l’auteur s’apitoie sur son sort et ne s’en relève pas.

« Tu es l’incarnation irréelle et hors de portée du fantasme de puissance d’un gosse. »

Les scènes du début vont intéresser les fans de Dini (Mad Love, Paul Dini présente Batman…), ceux qui veulent connaître son parcours. L’ensemble est assez « basique » : on découvre un type certes acharné de travail et épanoui dans son domaine, mais finalement assez pathétique envers les femmes (voire méprisables), autant que ses conquêtes (le personnage de Vivian est une illustration concrète de Poison Ivy d’ailleurs). Aussi étonnant qu’il puisse paraître, écrire quelques personnages « très clichés » semble être une facilité narrative mais puisque l’ensemble se veut « une histoire vraie », il faut accepter que ceux-ci réagissent exactement comme on peut l’anticiper et de façon tout à fait normal, basique ou convenu.

Dark Night Dini

La partie revenant sur la guérison de Dini, ses doutes et ses craintes, permet de mieux saisir à quel point l’univers de Batman est non seulement important pour lui, mais aussi qui l’amène constamment à réfléchir et à échanger. Ses interactions se font avec les héros et vilains de Gotham : tour à tour Batman, parfois Batgirl, puis la galerie d’ennemis : Double-Face, le Joker, l’Épouvantail, Poison Ivy… un régal non seulement pour un lecteur assidu des aventures du Chevalier Noir, mais également pour un simple connaisseur qui découvre là les multiples facettes de chaque protagoniste, correspondant à un puissant rapport au réel. Ainsi, l’attitude de Dini envers la gente féminine interroge aussi bien Poison Ivy que Double-Face, la volonté de sombrer dans la folie voire l’extrémisme côtoie le Joker, le refuge vers l’alcool a évidemment lieu dans un bar du Pingouin et, bien sûr, les terreurs et la paranoïa servent à merveille des remarques de l’Épouvantail.

Si l’on pouvait naïvement penser que la « force » mentale d’un Batman s’ajouterait à celle de Dini, on constate que c’est tout l’inverse qui se produit. Le Caped Crusader bouscule l’auteur régulièrement, les deux se disputent en se partageant la responsabilité de l’agression. De ce traumatisme (qui remonte à bientôt vingt-cinq ans), l’artiste en propose à la fois un travail d’introspection sur lui-même mais aussi une histoire qu’il juge intéressant de partager (non sans s’être interroger sur cette démarche au préalable).

Dark Night Dini Batman Dark Night Dini Joker

Pour illustrer ce récit original, Eduardo Risso (Citée Brisée) livre de sublimes planches, changeant de style en fonction de ce qui est conté, proposant divers looks aux ennemis de Batman et ainsi de suite (un passage de drague est ainsi digne d’un cartoon). D’une certaine manière, on se rapproche de « C’est un oiseau… » une autre œuvre autobiographique du même genre mais mettant Superman au lieu de Batman dans la propre vie d’un auteur de comics.

Quelques éléments sont à déplorer toutefois, notamment dans l’utilisation du levier nécessaire à Dini pour se relever de son agression. Si son côté non pragmatique (face à ses potentiels agresseurs qu’il repère de loin) peut laisser certains dubitatif, c’est un dialogue avec un être humain qui lui fait prendre conscience « qu’il y a (toujours) pire » dans la vie, et en l’occurrence chez l’autre dont cet interlocuteur. Un aspect un peu « ridicule » (même s’il est vrai) qui survient soudainement dans un processus de dépression et qui agit comme un petit miracle. Il y a aussi une certaine naïveté chez l’auteur qui constate que « oui la vraie vie est injuste et que l’injustice existe », un état de fait assez généralisé pourtant.

Dark Night Dini Scarecrow

Cette conclusion n’entache pas l’ensemble de ce Dark Knight, résolument original et passionnant, malgré sa couverture un poil mensongère. Ce n’est pas la première fois que l’éditeur applique cette recette : un dessin qui ne correspond pas forcément au récit de base mais qui permet d’avoir une couverture « classe et impressionnante ». Pour défendre Urban Comics, il s’agit ici de la même version que l’édition américaine, mais parfois l’éditeur choisit de très belles illustrations certes, mais qui ne reflètent pas forcément le contenu (Cataclysme ou DKIII par exemple). Ce n’est pas très grave en soi mais le non fan, le non connaisseur se doit obligatoirement de lire le résumé au dos et de feuilleter l’ouvrage (ça semble être une évidence, mais on achète parfois sur un coup de coeur d’une couverture, ou bien sur Internet sans se renseigner au préalable). Quoiqu’il en soit, Dark Night – Une histoire vraie est touchant et sort un peu des classiques aventures du Chevalier Noir, en offrant un propos grave, humain et élégamment dessiné sous plusieurs styles. C’est d’ailleurs peut-être cet ensemble de formes différentes (et réussies) qui font la richesse d’un fond sympathique mais pas forcément fédérateur pour tous.

(Une autre critique à lire, celle de Neault sur UMAC qui n’a pas du tout été emballé par la seconde partie et explique quels éléments sont problématiques selon lui.)

Dark Night Dini True Story

[À propos]
Publiée en France chez Urban Comics [collection Vertigo] le 03 février 2017.
Titre original : Dark Night – A True Batman Story
Scénario : Paul Dini
Dessin et couleur : Eduardo Risso
Lettrage : Moscow Eye
Traduction : Xavier Hanart

Première publication originale en juin 2016.

Dark Night Batman Dini

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