Batgirl – Tome 01 : Bienvenue à Burnside

Après les critiques des chapitres #01 à #34 (et quelques compléments) de la série Batgirl sous l’ère New 52 — qui ont tous été publiés dans le magazine Batman Saga en France (mais pas en recueil en librairie) — place à la « suite » (qui est surtout un nouveau départ) avec les chapitres #35 à #40 (et Secret Origins #10) qui composent ce premier tome (sur trois) de la série sobrement intitulée en France chez Urban Comics Batgirl, point d’entrée idéal avec Batgirl – Année Un pour découvrir un récit entièrement centrée sur l’héroïne. Mais attention, le personnage et son univers changent radicalement dans cette aventure… Explications.

[Résumé de l’éditeur]
Lorsque les ennuis pointent le bout de leur nez, Barbara Gordon n’est pas du genre à abandonner ses vieilles habitudes. Alors, quand un terrible incendie la prive de tout ce qu’elle possédait, la jeune femme saisie l’opportunité de repartir à zéro. Tout comme le reste de la jeunesse branchée de Gotham, elle s’installe dans le quartier chic de Burnside et profite de ce renouveau pour redéfinir le style et les méthodes utilisées par son alter ego Batgirl. Mais changer d’environnement ne réduit pas pour autant les menaces et dangers quotidiens de l’héroïne.

[Histoire]
Le lendemain du déménagement de Barbara à Burnside (quartier branché de Gotham), la jeune femme se réveille avec une sacrée gueule de bois. Sa nouvelle colocataire Frankie lui rappelle qu’elle a flirté avec un homme qui a passé la nuit chez elles (mais qui a dormi sur le canapé !). Après avoir été cherchée des cafés et arrêtée un voleur au passage, Barbara Gordon croise Dinah Lance (Black Canary), dont l’appartement a été brûlé (ainsi que tout le quartier où elle résidait). Double problème : Barbara avait stocké des affaires et son équipement chez Dinah et en plus son propre ordinateur personnel a été volé durant la crémaillère. Le précieux travail de sa thèse, un algorithme pouvant anticiper certains crimes avant d’avoir lieu, se trouvait dans son disque dur.

La justicière doit faire appel à sa mémoire photographique pour se rappeler ce qu’il s’est passé. Un certain Black Riot récupère justement les données virtuelles de personnes pour détruire leur vie en les dévoilant ensuite…

Dans Burnside, il semblerait qu’une personne se fasse pour Batgirl ! Elle aurait même démasqué Barbara.

[Critique]
Après un run plus ou moins dispensable (cf. cet article), que vaut ce nouveau départ de Barbara sous l’égide des scénaristes Cameron Stewart et Brenden Fletcher (Gotham Academy) ? Et bien… c’est plutôt sympathique, à défaut d’être épique, révolutionnaire ou mémorable. Le ton est relativement « léger », l’ensemble frais et coloré, parfois improbable (on y reviendra) mais l’héroïne est particulièrement attachante, comme son entourage. Attention : ce renouveau de Batgirl risque d’être clivant, tant on s’éloigne (un peu) d’une personnalité et (beaucoup) d’un univers normalement plus « sombre et sérieux » !

Problèmes d’argent, travail scolaire, thèse, soirées alcoolisées, relations amicales et amoureuses compliquées, ordinateurs, smartphones, image virtuelle, réseaux sociaux et sites de rencontres, pas de doute, nous écumons les thématiques de la « jeunesse » post-adolescence/pré-adulte ! Si certaines véhiculent quelques clichés (ou sonnent trop « girly » selon son degré d’acceptation), l’ensemble n’a pas à rougir tant il propose une approche singulière dans l’univers habituellement sombre de Batman. L’homme chauve-souris est d’ailleurs absent ici, de même que James Gordon (à quelques rares cases près mais sans intérêt). A l’exception de Dinah Lance, il n’y a d’ailleurs aucune connexion à la mythologie connue du Chevalier Noir. Les ennemis sont nouveaux et on a presque l’impression de suivre une justicière qui pourrait être « n’importe qui » tant l’accent du tome est mis sur le quotidien de la jeune femme. C’est clairement la partie la plus réussie de l’ouvrage, impossible de ne pas apprécier cette Barbara et ses soucis journaliers très communs !

Quand elle enfile son costume, c’est pour se battre contre des personnages un peu ridicules et vite oubliés. Mais — heureusement — l’œuvre va plus loin, cherchant à conjuguer la vie numérique moderne et les conséquences des images et vidéos sur les réseaux sociaux (le fameux Hooq, mélange de Facebook et Tinder, très présent tout au long de la bande dessinée). Que va-t-on dire sur le hashtag #Batgirl après ses derniers exploits ? C’est une approche assez minimaliste mais tout de même plaisante. On peut pousser la réflexion plus loin et y voir une critique acerbe non seulement de la vie ultra-connectée de certains jeunes, mais aussi de l’art contemporain dans son arnaque la plus pure, la télé-réalité, les applications de rencontre et ainsi de suite. Est-ce vraiment la volonté des auteurs ? Difficile de le savoir mais dans les deux cas ça passe.

Autour de Barbara gravitent plusieurs hommes et femmes, certaines homosexuelles ou musulmanes, sans que cette orientation sexuelles ou religion soit mise en avant ou devienne une caractéristique primaire de leur personnalité. Une écriture accessible, presque évidente et une forme de progressisme quelque part. Appréciable. Les traits simplistes et la mise en couleur, très variée et riche, avec un côté « pop-art » assumé (parfois presque cartoony), contribuent à cette impression de « légèreté » évoquée plus haut, de bonne humeur même ! Babs Tarr (dessin et encrage) et Maris Wicks (couleur) proposent leur style atypique pour servir la fiction et, une fois de plus, sans révolutionner le genre, ça fonctionne plutôt bien. Les tons pourpres (rappelant le costume) et orangées (la chevelure rousse) agrémentent les cases. La fameuse « mémoire photographique » de Barbara est particulièrement bien illustrée dans le premier chapitre, dommage qu’on ne retrouve pas le procédé (sorte d’arrêt sur image bleuté avec indices en surbrillance) plus tard ou qu’on n’emmène pas le lecteur dans des énigmes possibles si on est attentif. On note un épisode particulier (Secret Origins #10) où Irene Koh officie aux dessins et à l’encrage, accompagné de Hi-Fi pour la colorisation : les planches sont un brin plus élégantes tout en restant proche du travail du binôme créatif graphique de la série principale.

Tout n’est pas pour autant acceptable dans Bienvenue à Burnside. On flirte avec la science-fiction un peu trop improbable pour être réaliste (que ce soit dans une technologie évoquée dans les premiers chapitres ou de l’identité d’une intelligence artificielle dans les derniers). Pas très grave en soi mais ça gâche une certaine immersion… De même, on se demande comment certains protagonistes n’arrivent pas à devenir l’identité de Batgirl quand ils la côtoient sous son costume mais aussi sous son alias civil. Là aussi on peut fermer les yeux dessus aisément.

Ce premier tome de Batgirl ne propose pas une longue aventure épique et palpitante (et manque cruellement d’action) mais permet d’ouvrir une parenthèse sympathique se concentrant sur une « nouvelle » Barbara Gordon, accroc aux réseaux sociaux et dans un univers bien trop acidulé. En se concentrant sur des tranches de quotidiens mêlées à quelques affrontements peu palpitants, le comic séduit un lectorat bien particulier tout en repoussant légitimement un autre, attendant probablement quelque chose de foncièrement différent dans le traitement d’une justicière emblématique. A ceux-là, on les dirigera plutôt vers d’autres sagas où Barbara est en retrait, reflétant peut-être une autre image, plus guerrière et davantage ancrée dans l’univers de Batman.

[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 11 septembre 2015
Précédemment publié dans Batman Saga #37 à #43

Scénario : Cameron Stewart & Brenden Fletcher
Storyboard : Cameron Stewart
Dessin : Babs Tarr
Encrage : Babs Tarr
Couleur : Maris Wicks

Traduction : Mathieu Auverdin
Lettrage : Stephan Boschat

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Ci-dessous, la superbe couverture du chapitre #40 sans les textes et titres.

 

Batman Saga #44 – 4 récits complets autour de « End Game » (Mascarade / Joker Renaissance)

Retour sur l’avant-dernier numéro de Batman Saga (le #44, publié en janvier 2016) qui propose une brève extension de Mascarade (ainsi qu’un récit à part de la série Batman & Robin). Malheureusement l’ensemble est sans grand intérêt… Explications.

[Rappel du contexte]
Dans Mascarade (alias Endgame en VO, soit Fini de jouer), le Joker est de retour à Gotham après ses actions dans Le Deuil de la Famille, soit les tomes 3 et 7 de la série Batman scénarisées par Scott Snyder, c’est-à-dire les deux tomes compilés dans Joker Renaissance.

Le Deuil de la Famille et Mascarade sont particuliers, tous deux globalement « déconseillés ». Les guillemets sont de mise car tout n’est pas à jeter dedans bien sûr, à commencer par l’aspect graphique de l’ensemble. Quant à l’histoire en elle-même, la première raconte la fracture de la confiance au sein de la Bat-Family… Une idée séduisante mais maladroitement développée car n’apparaissant qu’à la fin du récit et donc n’ayant aucune conséquence dans la série en elle-même (à peine dans sa « suite » Mascarade). Il fallait se tourner vers les séries annexes au même moment pour trouver un intérêt plus prononcé à l’ensemble du Deuil de la Famille. On apprécie tout de même l’affrontement plutôt « psychologique » entre l’homme chauve-souris et sa Némesis. Quant à Mascarade, si on accroche à son début et sa fin, l’histoire en elle-même reste paradoxalement confuse et convenue. Confuse car il y est question de biologie surréaliste et tirée par les cheveux, convenue car le déroulé de la la narration reste assez basique, in fine. Néanmoins il y a quelques chouettes propositions dedans : Batman contre la Justice League, le rôle de la Cour des Hiboux (encore une fois trop en retrait), l’évolution d’Alfred et sa fille, la conclusion de l’ensemble…

Les quatre chapitres de ce Batman Saga enrichissent à peine Mascarade et sont complètement dispensables.

Batgirl : Endgame #1 : La bataille du Burnside Bridge montre, entre autres, le sauvetage d’une citoyenne de Gotham en pleine pandémie. Rien d’exceptionnel si ce n’est que l’entièreté du chapitre est muet, dessiné par Bengal, un artiste français ! Malheureusement, on apprend pas grand chose, on suit banalement une (très) courte action de Batgirl…

Arkham Manor : Endgame #1 – Le Manoir Arkham : Fin de partie est probablement le récit le plus intéressant. Bullock interroge un garde du Manoir Arkham pour savoir s’il est complice de l’évasion du Pingouin notamment. Il faut rappeler que la courte série Arkham Manor est inédite en France et met en avant la vie de l’Asile d’Arkham qui avait été transféré… au manoir Wayne ! Situation singulière, causée par la destruction du célèbre hôpital psychiatrique et la non habitation (à ce moment précis) du manoir du milliardaire, réquisitionné par la mairie pour accueillir les criminels de Gotham. Cette courte série (six chapitres) était liée à la grande saga Batman Eternal.

Gotham Academy : Endgame #1 – Histoires de Joker s’attarde sur trois jeunes étudiantes de la Gotham Academy (série non chroniquée sur le site mais terminée en trois volumes). Les amies se racontent mutuellement trois contes/légendes urbaines autour du Joker. Chaque histoire est dessinée par une personne différente, apportant une certaine identité visuelle sympathique à cet épisode mais qui reste, in fine, assez vain aussi…

Detective Comics : Endgame #1 – Fin de partie revient sur Lonnie Machin, alias Araignée du soir, allié impromptu apparu dans Anarky. Il se fait aider, toujours dans un Gotham en proie aux toxines du Joker, par plusieurs jeunes de la ville (qui s’avèreront être les futurs adeptes du mouvement Nous sommes Robin). Une fois de plus, on reste sur une aventure hyper banale, où apparaissent brièvement à la fin Spoiler et Batwoman entre autres.

Le numéro se referme sur le troisième annual de la série Batman & Robin (Vielles Lunes), qui fut publié dans le septième et dernier tome de la série. Une histoire qui montre le père et son fils sur… la lune. Vite oubliable malgré les jolis dessins de Juan José Ryp.

[Conclusion]
Pas grand chose à sauver de ces épisodes, les connexions avec Mascarade s’avèrent sans grand intérêt (à l’exception d’Arkham Manor à la rigueur) et ne permettent ni d’enrichir le mythe ni d’apporter des compléments pertinents ou l’envie de suivre ces autres séries annexes (qui, de toute façon, n’ont pas bénéficié de suite poussée). Il aurait fallu raconter sur trois à six chapitres les « vraies » conséquences de l’évènement — ou un point de vue différent durant ce dernier (un peu comme ce qui avait été effectué pour Le Deuil de la Famille, l’enrichissant un peu plus (sans que ce soit non plus révolutionnaire bien sûr).

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Vidéo YouTube : 2h15 d’entretien pour parler de Batman au cinéma et en comics !

Le 25 mars 2021, j’ai participé à une vidéo de la chaîne Microciné pour parler de Batman au cinéma et à la télévision. Le journaliste Samir Ardjoum m’avait contacté quelques jours plus tôt pour me proposer cette émission diffusée en direct.  Pour être transparent : il m’avait envoyé le « conducteur », c’est-à-dire l’ordre des sujets abordés et certaines questions. En préparant, je me suis rendu compte qu’il fallait modifier pas mal de choses si on souhaitait aborder d’une manière plus « stimulante » le parcours du Chevalier Noir et — surtout — je tenais à faire découvrir de nombreux comics. J’ai donc travaillé sur un angle différent et j’ai pu mettre en avant des éléments souvent méconnus du « grand public » (ou en tout cas des non fans de Batman), comme le film d’animation Batman contre le fantôme masqué (sorti au cinéma uniquement aux États-Unis), le jeu vidéo Injustice, les premiers serials de 1943, les encyclopédies passionnantes sur le Caped Crusader et une sélection de bandes dessinées (les plus connues mais aussi d’autres plus confidentielles).

La communauté de la chaîne étant davantage tournée vers le cinéma et les séries télévisées, le but était double : livrer des informations (idéalement peu connues) sur les films et vulgariser l’évolution éditoriale et dans la culture populaire de Batman afin d’amener à présenter des comics. Ce fut la première fois que je me prêter à un exercice du genre et l’auto-pression s’est vite éclipsée après quelques minutes pour livrer un échange (parfois un monologue 😉 ) qui, j’espère, a permis de découvrir quelques anecdotes sur Batman et, surtout, envie de lire des comics !

Merci encore à Samir pour l’invitation, à la communauté bienveillante et aux commentaires pertinents reçus en direct (ainsi que vos compliments — cela me touche beaucoup !) ; le replay est disponible sur YouTube (vidéo ci-dessous également) et je vais compiler à l’occasion toutes les questions qui ont été posées durant l’émission et auxquelles je n’ai pas eu le temps de répondre en direct. Les réponses seront sur cette page.