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Le Pingouin – Tome 2 : Un homme sans importance

Suite et fin de la série sobrement intitulée Le Pingouin, qui se déroule en réalité dans la continuité de Batman de l’ère Infinite (et du premier tome de Dark City) et dans le même univers que Killing Time, également écrit par Tom King. Mais nul besoin d’avoir lu ces travaux ni même le premier volet (Bec et ongles) – enfin presque –, tant celui-ci s’en éloigne, pour le meilleur. Critique.

[Résumé de l’éditeur]
Les combats entre le Pingouin et Batman sont légendaires dans les rues de Gotham City….. mais qu’en est-il de leur toute première rencontre, le premier coup de poing lancé sur le ring ? Tandis qu’un changement radical est apparu dans leur relation… Cobblepot est-il prêt à affronter le Chevalier Noir ? Ou a-t-il déjà deux coups d’avance ? Un seul objectif l’anime : reprendre son trône dans la ville du Chevalier Noir.

Pas besoin de détailler davantage le début de l’histoire, le résumé de l’éditeur suffit amplement (d’autant plus que le début du titre est un long flash-back et non la suite directe du volet précédent).

[Critique]
Le premier opus n’était pas mauvais mais pas exceptionnel non plus, il se lisait sans réel plaisir mais sans douleurs non plus (à l’inverse des productions récentes particulièrement médiocres, à savoir les séries Dark City et, surtout, Batman Nocturne). Contre toute attente, les sept épisodes qui composent cet Homme sans importance sont bien meilleurs que les précédents – en particulier grâce aux deux premiers. En effet, complètement déconnectés du reste de la fiction, les deux premiers chapitres sont un flash-back sur les débuts du Pingouin, à l’époque œuvrant pour Falcone, sa légère ascension et son pacte avec Batman (une certaine « tolérance » aux agissements du Pingouin dans Gotham City en échange de précieuses informations).

L’on (re)découvre un ennemi exigeant, fourbe, menteur et manipulateur. Dans cette atmosphère lugubre, brillamment croquée par Stevan Subic (The Riddler – Année Un), Oswald Copplebot n’est pas (encore) foncièrement effrayant mais les esquisses de son ADN sont déjà là. Impossible, pour les lecteurs qui ont été spectateurs de la série The Penguin, de ne pas y voir une corrélation autour du même protagoniste !

La suite est moins qualitative : en cinq autres épisodes, le retour à Gotham du Pingouin ne se fait pas sans heurt mais, cette fois, Tom King s’éparpille moins et recentre son duel entre le Chevalier Noir et le célèbre malfrat. Il y fait toujours mention du majordome Aide, des enfants jumeaux Copplebot et de quelques autres figures secondaires mais l’ensemble est davantage fluide, mieux rythmé. L’auteur ne peut pas s’empêcher d’adosser une bulle de narration pour tous les personnages, y compris d’éphémères figurants, dommage… Sa vulgarité récurrente dans les dialogues n’échappe pas non plus au récit, hélas. On l’a dit et redit sur la plupart des critiques des travaux des scénaristes et on peut même copier/coller ce qu’on appose systématiquement.

Dont acte : « Comme toujours, Tom King est bavard, trop. L’auteur prolifique chez DC et clivant, capable du meilleur comme du pire (Batman Rebirth, Heroes in Crisis, Batman/Catwoman, One Bad Day – Le Sphinx…) renoue avec ses tics habituels : langage grossier à outrance et non transposé en alphabet latin, etc. ». Heureusement, c’est surtout une antagoniste (victime d’un syndrome qui lui donne un langage fleuri) qui écope de cela – cf. image ci-dessous –, le reste est, disons… un peu moins pire.

Le point fort du titre est (au-delà de ses deux premiers segments évoqués plus haut) sa force visuelle. Après la patte graphique léchée et parfaite de Subic, Rafael de Latorre dessine le reste de l’œuvre, promouvant une densité nocturne, urbaine et violente à souhait – un brin « plus lisse » que son confrère mais tout aussi efficace. Un portrait (au sens littéral comme au figuré) d’une figure du crime puissant et qui, dans sa conclusion, revient à l’éternel « point de départ / statu quo » ; comprendre que le Pingouin est de retour à Gotham, surveillé tout de même par Batman. Ça « tombe bien », ce dernier bénéficie également d’un retour aux sources dans sa série principale (Dark City et notamment son cinquième volet même si le sixième devrait confirmer cela).

En synthèse, la mini-série Le Pingouin est à réserver aux amoureux de cet ennemi qui, ici, n’a pas des masses droit à de l’empathie, au contraire. Cruel, manipulateur, étrange… tout l ‘ADN régulier du célèbre Copplebot est dosé avec plus ou moins de brio. On aurait préféré qu’Urban Comics propose l’ensemble des épisodes en un seul volume pour davantage le conseiller, à défaut (et en attendant cette inévitable réédition/réimpression dans deux ou trois ans), on suggèrera uniquement le second tome (chroniqué ici donc) ; l’ouvrage n’étant pas forcément difficile d’accès et permettra une légère économie – toute l’histoire précédente étant bien résumée en ouverture.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 15 novembre 2024.
Contient : The Penguin #6-12
Nombre de pages : 176

Scénario : Tom King
Dessin : Stevan Subic (#6-7), Rafael de Latorre (#8-12)
Couleur : Marcelo Maiolo

Traduction : Yann Graf
Lettrage : MAKMA (Gaël Legeard)

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Nightwing Rebirth – Tome 02 : Blüdhaven

Après un premier tome franchement moyen, Nightwing s’émancipe (à nouveau) de Batman et de Gotham. Un second volet plus réussi que le premier mais qui peine encore à être extrêmement palpitant. Critique.

[Résumé de l’éditeur]
Après avoir fait face à la noirceur de Gotham City lors de « la nuit des monstres », Dick Grayson avait besoin d’un nouveau départ et espérait le trouver à Blüdhaven. Mais d’anciens adversaires attendent son retour depuis longtemps. Et lorsqu’un tueur en série accuse Nightwing de crimes qu’il n’a pas commis, son seul espoir consiste à se lier à ses ennemis jurés pour faire front commun et nettoyer la ville.

[Début de l’histoire]
Nightwing s’associe au « nouveau » Superman provenant d’une autre Terre afin de combattre le des ennemies à travers des incursions oniriques (!).

Dick Grayson est de retour à Blüdhaven. Il propose ses services en tant que bénévoles pour les services sociaux (dirigée par Shawn Tsang).

En parallèle, un tueur en série sévit dans la ville. Nightwing doit s’associer aux « Échappés », d’anciens criminels peu dangereux mais qui ont parfois été arrêtés par Batman et Robin à l’époque où Dick revêtait la cape du jeune acolyte du Chevalier Noir.

L’arrivée du super-héros à Blüdhaven divise autant la municipalité (qui en profite pour redorer son image) que les forces de l’ordre (pas très en phase avec Nightwing) et différents citoyens.

[Critique]
Une fois de plus, Nightwing Rebirth oscille entre de bonnes et mauvaises choses. Les sept épisodes sont bien rythmés et se lisent plus aisément que dans le premier volume. Ouvrir la fiction sur un chapitre un peu en marge consacré à Superman et Nightwing n’était peut-être pas l’idéal (même si la relation Clark/Dick est parfaite), ça dénote fortement avec les six autres chapitres qui se suivent directement. Dans ces derniers, encore une fois, on a du mal à s’intéresser aux trop nombreux protagonistes (les fameux Échappés notamment, L’étalon, Souris, et quelques autres noms ridicules en thérapie de groupe), on anticipe les principaux ressorts narratifs et « retournements de situations », il y a peu de surprises, que ce soit au niveau de l’intrigue générale sur le tueur à gages ou de la romance entre Dick et Shawn. En complément, l’histoire nous gratifie d’une femme orque (littéralement) en nouvelle ennemie improbable et d’une vraie/fausse connexion avec Tsang qui fut une ancienne ennemie de Batman et Robin (mais qui n’avait jamais été évoquée avant ce titre).

Par ailleurs, on croit difficilement au « traumatisme » de Dick suite à son affrontement avec Raptor (dans le tome précédent), le justicier semble faire du « surplace » identitaire un peu pénible et répétitif (surtout quand on l’a déjà lu dans la précédente série Nightwin puis dans Grayson). Le jeune héros dégage toujours un charisme efficace (très volubile avec le lecteur mais c’est ce qui caractérise aussi bien le personnage que ses aventures en comics) et si ses balbutiements émotionnels sont parfois peu convaincants, on apprécie la tournure que prend la série dans son dernier épisode (probablement le plus « justement » et mieux écrit depuis le début de la série – malgré quelques clichés éculés). Hélas, pour y arriver, il faut se farcir une succession de scènes d’action et plus ou moins d’investigation peu passionnantes. Sa romance est à la fois rapide mais convaincante, l’alchimie est présente et ça fait du bien de lire ça et d’être heureux pour Dick un moment. On s’attache plutôt bien à Shawn, l’un des points forts de Blüdhaven.

Reste des évènements en second plan qui fonctionnent mais auraient mérité un travail plus poussé, comme l’impact sociétal et politique (voire économique) de la figure héroïque de Nightwing exploitée par la municipalité. C’est mentionné subtilement et ajoute un certain cachet à une bande dessinée qui demeure, in fine, inégal pour un résultat mi-figue mi-raisin (comme le premier tome donc). Le scénariste Tim Seeley distille plus ou moins des fils rouges sans qu’on sache réellement s’il a un « plan » en tête sur du long terme. Encore une fois : on donnera sa chance à la suite (qui sera davantage connecté au présent volume, à l’inverse du précédent) voir si une lecture globale vaut le coup/coût.

Pour l’anecdote, impossible de ne pas voir au détour d’un dialogue un tacle de l’auteur envers la « cancel culture » (terme devenu un peu fourre-tout, au même titre que le fameux « wokisme »), notamment à propos des statues déboulonnées ou démontées par des militants divers (souvent pour dénoncer des personnages historiques jugées « mauvais / toxiques / moralement inacceptables de nos jours / racistes / violeurs / etc. »). Ainsi, dans un flash-back, quand le duo dynamique arrête la Pigeonne (!) et la Vandale, Batman explique à Gordon qu’elles sont des « « terroristes de l’art », qui ont cru pouvoir récrire l’histoire de Gotham en détruisant les monuments de son passé ». Là aussi, une très légère dimension « politique » qui tire l’œuvre vers le haut les rares fois où elle l’aborde.

En synthèse, la série Nightwing Rebirth continue de se chercher, proposant cette fois une intrigue moins décousue et plus terre-à-terre mais assez prévisible. Le cheminement personnel de Dick reste intéressant bien que déjà abordé et « déjà vu » maintes fois. Les dessins et l’encrage majoritairement signés Marcus Toet colorisés (à nouveau) par Chris Sotomayor confèrent à l’ensemble une cohérence graphique appréciable, faisant la part belle aux scènes d’action et de jolis effets de lumière (cf. Nightwing en action en illustration en fin de cette critique) mais manquant de relief chromatique sur quelques planches (visages pâles, fonds de cases ternes…). On évoquait l’épisode de conclusion comme étant le plus mieux écrit, c’est aussi le mieux dessiné, par Minkyu Jung et ses traits « doux », participant aux « tranches de vie quotidienne » du couple. Un côté épuré bienvenue où l’on croise bon nombre de proches de Nightwing haut en couleur.

À l’instar de l’aventure précédente, ce n’est pas désagréable sans être pour autant extraordinaire (parfois trop simplistes). On reste donc sur une lecture à peu près « divertissante » de moyenne qualité, réservée avant tout aux amoureux de Dick Grayson… Ne pas se fier à la couverture montrant Superman, ce dernier n’apparaît qu’au début, ça ne reflète absolument pas l’entièreté de la bande dessinée. Un curieux choix éditorial, surtout que les couvertures des autres chapitres fonctionnaient très bien.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 2 février 2018
Contient : Nightwing (Rebirth) #9-15

Scénario : Tim Seeley
Dessin & encrage : Marcus To, Marcio Takara, Minkyu Jung
Couleur : Chris Sotomayor, Marcelo Maiolo

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Stephan Boschat (Studio Makma)

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