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Batman – Detective Comics | Vol. 8 : Blood of Heroes

Avant-dernier tome de la série Detective Comics (période New 52), Blood of Heroes (Le sang des Héros) a été publié en France dans les huit premiers numéros du magazine Batman Univers. Il contient les chapitres #41 à #47 ainsi que le prologue DC Sneak Peek et n’a jamais été ressorti en version librairie, c’est pourquoi il y a son titre et sa couverture US dans cette présente critique, qui permet de complémenter l’index de Detective Comics.

[Histoire]
Tandis que Batman semble mort (en réalité Bruce Wayne est amnésique — cf. la fin du tome 7 de la série Batman : Mascarade), Harvey Bullock refuse de s’allier avec son remplaçant, un nouveau justicier qui a endossé une armure high-tech géante. Le policier ne sait pas (encore) que Jim Gordon a remplacé le Chevalier Noir dans cette « Bat-Armure » (voir La relève, tomes 8 et 9, toujours de la série Batman).

En parallèle, Bullock décline l’offre proposée par le commissaire Sawyer de diriger la « Force Spéciale Batman », composée comme son nom l’indique de soldats des forces spéciales, jouissant d’autres prouesses technologiques et de gadgets de Batmen. Harvey Bullock peut compter sur l’aide de Renee Montoya et sa nouvelle compagne à lui, également collègue : Nancy Yip. Mais cette dernière suit des consignes visiblement différentes de ses co-équipiers…

Le gang de La Morte sévit dans Gotham, obéissant à la mystérieuse « fille du Joker » tandis que Gordon/Batman a du mal à apprécier sa nouvelle vie.

[Critique]
Flashs-forwards et bonds dans le passé compliquent un peu la compréhension du prologue puis le chapitre introductif (tout en permettant de tenir en haleine le lecteur) mais une fois ceux-si passées, tout se lit avec une certaine cohérence et appréciabilité. Les quatre premiers épisodes (Réunion, Partenariats, Accords et Adieux) forment une histoire complète mais cruellement inégale. Le parcours de Bullock est toujours aussi réjouissant (dans la droite lignée d’Anarky, dont ce présent volume est la suite directe et ce segment de quatre chapitres aurait pu y être inclut pour le finaliser d’ailleurs).

Le personnage, souvent relayé au statut d’homme de main bourru, est assez attachant et son écriture soigné. Ce qui est raté correspond aux mêmes défauts que les deux tomes de La Relève : on a toujours du mal à trouver crédible Gordon dans la peau du nouveau Batman… Quant à leur ennemie commun, elle est encore plus ridicule et sa justification tient en une case : la « fille du Joker » est juste une cinglée qui a kidnappé un scientifique pour lui faire construire un « Robot Joker » gigantesque pour affronter le « Robot Batman » (sic)… Même le scénariste, Brian Buccellato, a du mal à (se) justifier — il explique ce déroulé en une bulle de texte et (s’auto)nargue ensuite : « et tout ça en une seule journée ». C’est vraiment moyen.

Les deux épisodes suivants (Des géants et des hommes puis Sang pour sang , écrits par Peter J. Tomasi, un habitué du Chevalier Noir : la série Batman & Robin et notamment son quatrième tome, le deuxième de Batman Metal, le premier d’Arkham Knight…) changent de protagoniste : c’est Gordon qui est désormais au centre de l’aventure et doit aider… la Justice League ! Si la petite histoire (complète en deux chapitres) tient la route et permet d’avoir brièvement le point de vue de Gordon dans son nouveau boulot, elle peine à rester en mémoire… Le vétéran (et son armure proche de celle d’Iron Man) côtoie la ligue en tant que nouveau membre à part entière : ses équipiers requérant son aide pour trouver l’origine de la mort d’un monstre géant. Une interaction inédite, notamment entre Gordon et l’homme d’acier et apparemment explorée dans les séries Superman de l’époque. « Vous avez fait vos premiers pas vers l’extraordinaire » le félicite Aquaman à la fin. Sympathique mais anecdotique.

Le troisième et dernier épisode (Ray Fawkes au scénario et Steve Pugh aux dessins et à l’encrage) correspond à la troisième partie de la saga La Guerre des Robin. On a du mal à comprendre pourquoi l’avoir inclut ici tant il se déroule au beau milieu de ladite guerre, quand les multiples Robin (les « classiques » comme Red Hood, Damian Wayne, Red Robin, etc. mais aussi des inconnus se revendiquant du mouvement « Nous sommes Robin ») ont été arrêtés par la police de Gotham. Gordon doit choisir son camp et retrouve Grayson pour l’occasion. Une critique complète de l’évènement (éparpillé entre les séries Robin War, We are Robin, Grayson ou encore Robin, Son of Batman) sera proposés sur le site sous peu pour mieux l’analyser.

Le principal problème de Blood of Heroes a déjà été évoqué indirectement : le récit est étroitement lié aux deux derniers tomes de la fin de la série Batman. Les pessimistes diront qu’il est impossible de lui trouver un intérêt sans connaître l’autre série (il est vrai qu’un néophyte risque d’être perdu), les optimistes trouveront dans ce volume de Detective Comics un complément important (presque indispensable) pour mieux apprécier ou redécouvrir sous un angle novateur la conclusion mitigée de la série Batman. Les deux points de vue se défendent ; il serait appréciable qu’Urban Comics réédite ces chapitres dans une nouvelle édition qui inclurait donc La Relève et ces tranches de vie quotidiennes de Harvey Bullock et Jim Gordon. Les deux titres s’entrecroiseraient brillamment pour donner une force inédite à l’ensemble. Sans ça, on peine à l’apprécier indépendamment, malgré — on l’a déjà dit — le chouette travail d’écriture sur Bullock notamment, le mettant en avant comme cela avait été rarement proposé et le tout servi par un univers graphique plus que correct.

Ce sont Fernando Blanco (dessins et encrage) et Brian Buccellato (couleurs — mais aussi scénariste comme on l’a vu) qui sont à l’œuvre dans la première partie (sur Bullock donc), accompagné de Francis Manapul pour le prologue — comme dans Arnaky — ce dernier étant aussi crédité pour « l’intrigue ». On retrouve un ton dans la veine polar étrangement mêlé avec un brin de science-fiction pour l’aspect des robotiques. Les visages manquent d’un certain relief, pas tant dans les expressions mais surtout dans leur colorisation…

Marcio Takara (dessin et encrage) et Chris Sotomayor (couleur) s’occupent de la deuxième partie (sur Gordon et la Justice League), dans un style un peu différent, pas déplaisant mais lorgnant parfois vers des croquis au stade de brouillon, un sentiment inachevé donc, à l’image de l’ensemble de ce huitième volume sur lequel nous sommes donc très partagés. Pour le lire en France, il faut se tourner vers le marché de l’occasion en récupérant les six premiers numéros de Batman Univers de mars à août 2016 (le septième ne contient pas d’épisode de Detective Comics et le huitième contient celui qui est assez déconnecté du reste avec La Guerre des Robin).

Les cinq derniers chapitres de Detective Comics sont regroupés (aux États-Unis) dans le neuvième et dernier tome de la série, intitulé Gordon at War. Le premier épisode de Batman Rebirth est également proposé avec. Là aussi Urban Comics a fait le choix de ne pas le proposer en libraire après sa publication en kiosque (dans Batman Univers #10 puis #12 à #14). Cette suite et fin est à découvrir dans cette critique et on redonne la page d’index de toute la série pour mieux s’y retrouver.

[A propos]
Publié en France dans le magazine Batman Univers #1 à #7 et #9.

Scénario : Brian Buccellato (+ Francis Manapul), Peter J. Tomasi
Dessin : Fernando Blanco (+ Francis Manapul), Marcio Takara
Encrage : Fernando Blanco, Marcio Takara
Couleur : Brian Buccellato, Chris Sotomayor

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Stephan Boschat

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Joker

Publié pour la première fois début 2009 chez Panini Comics, le récit immédiatement culte Joker a été réédité par Urban Comics une première fois fin 2013 puis six ans plus tard dans la collection Black Label. En octobre 2020 l’éditeur offrait la version noir et blanc de Joker pour l’achat de deux comics issus du Black Label ! Retour sur un comic-book percutant, rappelant la version Joker incarnée par Heath Ledger dans le film The Dark Knight.

[Résumé de l’éditeur]
Le Joker rit. Il vient tout juste d’être libéré de l’asile d’Arkham. Pourtant, le célèbre baron du crime est loin d’être euphorique. En son absence, les fripouilles de son petit gang se sont partagé son territoire avant de revendre leur part pour une bouchée de pain. Mais aujourd’hui, le patron est de retour en ville, bien décidé à récupérer ce qui lui appartient. Entraînant dans son sillage le loyal Johnny Frost, la sanglante parade du clown farceur pour la reconquête se met en marche.

[Histoire]
Quand le Joker sort d’Arkham, seul Johnny Frost se porte volontaire pour aller le chercher. Cette « petite frappe » rêve de gloire et d’être craint, voilà l’occasion parfaite. Fasciné par le Clown Prince du Crime mais aussi effrayé, Frost l’accompagne dans son retour à Gotham et ses vengeances contre d’autres rivaux. Le Joker et ses sbires, incluant Killer Croc, doivent en effet reprendre le contrôle de la ville en affrontant ou s’associant avec Double-Face, le Pingouin, le Sphinx

[Critique]
Joker
est une grande réussite à tous points de vue mais peut être particulièrement clivant à cause de son double, voire triple prisme artistique et narratif choisi. Le narrateur principal est un parfait inconnu (Johnny Frost), on le suit tout au fil de la fiction d’environ 120 pages. Un parti pris qui aide à se mettre à hauteur « humaine » pour mieux comprendre l’aura qui entoure le Joker (et Batman). C’est une approche risquée car on perd en éventuelle empathie (difficile de s’attacher à Frost). De la même manière, c’est bien le célèbre Joker qui est aussi au cœur du livre (le titre ne ment pas) : il n’y a pas de place pour Batman (quelques courtes apparitions, notamment vers la fin). Cela semble une évidence mais les férus du Chevalier Noir pourraient être déçus s’ils s’attendaient à voir le justicier et sa némesis uniquement.

Enfin et surtout, le style graphique de Lee Bermejo peut rebuter certains. L’artiste nous propose un ensemble particulièrement « réaliste » : pas de fantaisie ou d’éléments qui ne pourraient pas exister dans notre propre monde (même Killer Croc a davantage son apparence humaine qu’animale — initialement une maladie lui confère son côté reptilien). Appuyée par une colorisation peu criarde (magnifique travail de Patricia Mulvihil) et, là aussi, relativement proche de notre réalité, la bande dessinée tranche radicalement avec bon nombre de productions « classiques ». Ambiance oppressante, univers lugubre, urbanisme sale… c’est une véritable plongée macabre qui attend le lecteur !

Si ces points ne dérangent pas (ils sont au contraire très séduisants), aucun doute que Joker est un incontournable. Brian Azzarello donne vie au célèbre criminel insaisissable : on ne sait toujours pas s’il est réellement fou ou intelligent (c’est parce qu’il a été déclaré « sain d’esprit » qu’il aurait été libéré !). Cela rappelle bien sûr le long-métrage The Dark Knight, qui mettait en scène un Joker davantage « sérieux », interprété par feu Heath Ledger. Un modèle d’écriture donc, mais aussi visuel car Bermejo semble emprunter ce qui caractérisait le Clown à l’écran. Le premier texte en quatrième de couverture de l’édition d’Urban Comics stipulait même « […] Une vision du Joker très proche du personnage interprété par Heath LEDGER dans The Dark Knight. »

De l’importance du choix des mots car aux États-Unis le film est sorti en juillet 2008 et le comic-book en octobre 2008. Une affiche promotionnelle du Joker avait même été dévoilée lors d’une avant-première de The Dark Knight. Difficile donc de savoir si le binôme d’artiste s’est inspiré de la version cinéma mais à priori pas plus que ça vu les dates de sorties trop proche (la réalisation des deux a probablement eu lieu en même temps) ! Le projet initial devait d’ailleurs être une mini-série, intitulée Joker : Dark Night (Joker : nuit noire), un titre qui ne se démarquait peut-être pas assez du film et aurait compliqué la promotion ? Peu importe, factuellement il est vrai que le Joker de la bande dessinée rappelle celui du long-métrage mais que ce n’est en aucun cas un défaut (ni un plagiat).

Récit hors-continuité, donc particulièrement accessible, Joker laisse peu de place à des moments de pause, tout s’enchaîne brillamment et on ne peut que déplorer l’incursion trop brève dans ce « nouvel univers » Gothamien. Il faudra attendre 2019 avant de s’y replonger, du point de vue de Batman et Constantine cette fois, dans Batman – Damned , une suite indépendante à ce Joker mais tournée vers le mysticisme, donc (malheureusement) éloignée du côté thriller crasseux réaliste.

Dans Joker, le lecteur s’attend à tout moment à ce que Johnny Frost [1] trépasse, on guette avec autant d’excitation que d’appréhension les moments où le Clown basculera dans un énième moment de folie destructrice. Frôler la quasi-intimité du Joker par l’intermédiaire d’un homme de main est une idée simple mais brillamment exécutée. Parfois dérangeant, parfois alléchant (les fans de Harley Quinn devraient aussi y trouver leur compte le temps de quelques cases — un peu « gratuites certes »), le livre est clairement un coup de cœur. L’intrigue reste basique mais efficace, l’ambiance poisseuse y joue beaucoup avec son concept de suivre « au plus près » un génie du Mal déjà bien connu. Imprévisible, le criminel n’a pas de limites, si bien que certaines scènes peuvent être insoutenables et l’ensemble malsain (que ce soit par des meurtres hyper violents, des représentations gore ou… un viol suggéré, à défaut d’une relation sexuelle payée par le Joker — l’ambiguïté demeure).

Nul doute que Joker a contribué à façonner le mythe au cours de la décennie suivant sa parution et s’avère indispensable pour les fans du criminel. Les lecteurs ont probablement en mémoire quelques cases ou planches marquantes (le Joker sortant de l’asile, le Joker avec son propre pistolet dans la bouche, Harley Quinn strip-teaseuse, le Joker remontant sa braguette en sortant de la voiture, un couple tué dans leur lit où le Joker prend place ensuite, un macchabée pendu par les pieds avec un trou au milieu du visage, Harvey Dent agenouillé suppliant Batman de l’aider, le visage apeuré de Frost à de multiples reprises, la peau enlevée sur un homme encore en vie, la scène finale, etc.). Outch !

La version Black Label contient un texte introductif rappelant le parcours éditorial du Joker et le pitch du projet initial en fin d’ouvrage, ainsi qu’une BD parodique de deux planches, Joker et Lex, réalisée durant l’été 2010 en hommage au célèbre titre Calvin et Hobbes de Bill Waterson. Chacun expliquant sa définition de génie du mal. De nombreuses illustrations en noir et blanc, soit pour la recherche, soit dans leur version encrée (par Bermejo lui-même, continuant l’aspect proche d’Alex Ross voire d’un « photoréalisme », ou Mick Gray, lorgnant davantage vers les comics — ce qu’on constate aussi en couleur) régalent les rétines. On conseille d’ailleurs aussi la version noir et blanc pour les chanceux qui ont réussi à se la procurer tant elle propose une immersion nouvelle. Dans une ambiance singulière, moins « glauque » que la couleur mais tout autant voire davantage « effrayante ». L’impression de découvrir un vieux polar…

Pour les amoureux du style inimitable de Lee Bermejo on conseille ses autres œuvres, parfois co-signée avec Brian Azzarello d’ailleurs. Toujours dans l’univers DC Comics, la « suite » de Joker, nommée Batman – Damned est moins convaincante à cause de son incursion dans l’ésotérisme, perdant la brutale radicalité crasse de l’opus précédent, mais somptueuse au niveau des dessins bien sûr.

Batman – Noël vaut lui aussi le détour, réinventant un conte de Charles Dickens sous un filtre « Gothamien ». L’excellent récit complet Lex Luthor est également recommandé, deuxième production collective avec Azzarello après Batman/Deathblow – Après l’incendie (dont on attend toujours une réédition chez Urban Comics à prix décent). Hors super-héros, la série Suiciders (en deux tomes) est aussi appréciable et de qualité selon les critiques.

Bermejo s’est emparé du célèbre Rorschach pour le segment Before Watchmen consacré à ce dernier (disponible en tome simple ou en intégrale), ses dessins sauvent un scénario plutôt convenu. La critique est disponible sur ce site, créé par l’auteur de ces lignes et spécialement conçu pour ces comics se déroulant avant Watchmen.

Enfin, pour se plonger dans le travail de l’artiste, rien de mieux que le beau livre Lee Bermejo Inside – En terrain obscur, toujours chez Urban Comics et arborant, justement, le célèbre Clown du Crime en couverture. C’est aussi un de ses dessins du criminel qui trône fièrement sur celle de Tout l’art du Joker, magnifique compilation graphique sur la némésis de Batman.

Bermejo a croqué quelques chapitres ici et là pour DC Comics (diverses séries sur Batman et quelques unes sur Superman…), Vertigo (100 Bullets, Hellblazer…), Wildstorm (Gen¹³, Wildcats…) et un peu de Marvel (Daredevil, X-Men…) mais il signe généralement de nombreuses couvertures, variantes ou non, de multiples séries (outre celles déjà évoquées, ajoutons Checkmate et Fight Club 2 entre autres).

[1] Pour l’anecdote, Johnny Frost a été aperçu dans un rôle très secondaire dans le film Suicide Squad.

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[A propos]
Publié en France chez Urban Comics le 29 novembre 2013 puis réédité dans la collection Black Label le 27 septembre 2019.
Précédemment publié chez Panini Comics le 18 février 2009.

Scénario : Brian Azzarello
Dessins : Lee Bermejo
Encrage : Lee Bermejo et Mick Gray
Couleurs : Patricia Mulvihil

Traduction : Alex Nikolavitch
Lettrage : Studio MAKMA

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Batman – Arkham Knight | Tome 01 : Les origines

Situé dans l’univers des jeux vidéo de l’excellente série Arkham (alias l’ArkhamVerse) — qui avait déjà eu droit à une incursion en comic-book via Batman – Arkham City —, ce premier volume d’Arkham Knight est censé lever le voile sur « les origines » (son titre) du mystérieux Chevalier d’Arkham (aka « l’Arkham Knight » bien sûr). Mais c’est un tout petit plus compliqué que cela…

Publié en décembre 2015, au moment de la sortie du formidable jeu vidéo du même nom, retour sur un livre qui n’a curieusement jamais eu droit à sa suite.

[Résumé de l’éditeur]
Découvrez les origines du nouveau protecteur de Gotham dans la préquelle du jeu vidéo à succès Batman – Arkham Knight !

Le Joker est mort. Le projet Arkham City n’est plus qu’un mauvais souvenir. À l’aube d’un nouveau jour, Bruce Wayne, récupérant de ses récents exploits, est déchiré par un dilemme : la survie de Gotham City justifie-t-elle encore l’existence de Batman ? Mais l’introspection ne durera pas car déjà on annonce l’apparition d’un nouveau justicier aux méthodes particulièrement violentes, connu sous le nom d’Arkham Knight.

[Histoire]
Le Joker est mort mais son ombre plane toujours dans Gotham : toxines mortelles, clé USB retrouvée dans son corps, diffusion de vidéos en direct… Quels derniers messages veut délivrer le Clown Prince du Crime ?

Bruce Wayne jongle entre ses obligations de chef d’entreprise, impliquée dans la reconstruction de la ville, et son rôle de justicier nocturne, à la poursuite de ses habituels ennemis ou d’autres de seconde zone. Quand Gordon inhale du gaz mortel laissé par le Joker, le Chevalier Noir fait appel à Harley Quinn pour l’aider. L’occasion de croiser Killer Croc, disparu depuis quelques temps…

Dans l’ombre, le Pingouin prépare son retour ainsi que l’Épouvantail. Un mystérieux homme costumé aux méthodes radical apparaît également dans la cité.

[Critique]
Difficile d’accrocher à ce premier volume d’Arkham Knight si on n’a pas joué à Arkham Asylum et Arkham City ! Le lecteur sera probablement perdu, d’autant plus qu’étrangement, Urban Comics ne propose aucune aide pour se plonger dans l’ArkhamVerse. Pas d’avant-propos ou de notes éditoriales en bas de cases ou pages… Quand le Joker apparaît défiguré et mentionne le Titan, impossible de savoir à quoi il fait référence (les évènements du premier jeu). Quand Croc et L’Épouvantail reviennent discrètement, difficile de comprendre pourquoi ils avaient disparu (idem). Quant au statut quo inédit et au projet Arkham City, là aussi le lecteur non joueur risque d’être perturbé. Le manque de contextualisation est un défaut flagrant de l’édition de ce volume (fourni avec un code permettant d’obtenir un costume inédit sur PS4 ou Xbox One). On remarque aussi l’absence de lettres majuscules qui contiennent des accents ou cédilles par exemple lorsque Killer Croc s’exprime. Deux mauvais points donc…

Que vaut Les Origines à part ça ? Et bien, si l’on est familier des jeux (incluant ou non ledit Arkham Knight), on apprécie voir les évolutions d’une foule de personnages, que ce soit par des actions anodines ou visant à préparer le terrain pour le futur jeu vidéo. Impossible en revanche de ne pas être « déçu » à propos des fameuses « origines » (le titre de ce tome) du « Chevalier d’Arkham » (le titre de la série) car ce dernier n’apparaît quasiment pas ! Il aurait été judicieux de renommer ce volume autrement…

Malgré tout, le joueur/lecteur prend plaisir à suivre ces aventures bien rythmées (mais inégales) sous la plume du célèbre Peter J. Tomasi (la sympathique série Batman & Robin, avec un quatrième tome incroyablement réussi). On apprécie la mise en avant de Lucius Fox et d’Alfred (inoubliable sarcasme) parmi les alliés, entre autres. Les dessins ne sont pas en reste grâce aux traits de Viktor Bogdanovic notamment (ainsi que ceux d’Ig Guara et Robson Rocha) couplés à la colorisation de John Rauch (Andrew Dalhouse et Kelsey), proposant une immersion rappelant moins le côté terne des jeux vidéo mais offrant une vision plus proche des comics habituels. De beaux plans restent en mémoire ainsi qu’un découpage dynamique et fluide dans les scènes d’action. L’armure de l’Arkham Knight est particulièrement réussie et son arrivée (fin du premier chapitre sur les quatre qui compose le volume) est redoutablement efficace (dommage qu’on ne le revoit plus ensuite).

Un premier tome (sur trois à priori) qui peine à convaincre les non habitués de la franchise mais s’avère plaisant pour les connaisseurs. Néanmoins il est primordial d’attendre la suite afin de voir si l’ensemble proposera quelque chose de plus convaincant voire d’indispensable pour les complétistes car ce n’est pas le cas jusqu’à présent…

Si le succès de la série de comics Injustice, elle aussi issue de la brillante saga de jeux vidéo du même nom, n’est plus à démontrer, celui d’Arkham Knight semble être resté confidentiel… Urban Comics a affirmé à plusieurs reprises vouloir sortir le tome 2 en incluant un code pour télécharger le jeu vidéo sur PC Windows mais cela n’a jamais pu aboutir. Pourquoi ne pas proposer la suite malgré tout ?

L’éditeur devait même publier une des séries annexes, Genesis (complète en six chapitres, soit un unique tome et appréciée par la critique, modernisant efficacement Un deuil dans la famille tout en explicitant comment le Chevalier d’Arkham s’est constitué son armée) en novembre 2017 avant de le reporter sans date… La couverture avait même été dévoilée !

Le premier volume d’Arkham Knight, sorti deux ans plus tôt fin 2015 (et isiblement plus commercialisé en 2021), contient douze chapitres « numériques », équivalent de quatre chapitres « classiques » au format papier (composées d’une vingtaine de pages). Aux États-Unis, la série de comics Arkham Knight s’est étalée sur 41 chapitres digitaux (incluant un #0 et annual), soit l’équivalent d’environ 12 chapitres classiques, soit… deux ou trois tomes seulement !

Outre la série principale et Genesis, quatre chapitres spéciaux ont été publiés également à part : un sur Robin, un sur Batgirl et deux sur Batgirl & Harley Quinn. Là aussi on peut les imaginer compilés dans un tome à part. Ce qui aurait donné cinq tomes pour compléter l’entièreté de la saga ou bien deux sous forme d’intégrales. Début 2021, la question a de nouveau été posée à l’éditeur pour savoir ce qu’il en était de cette éventuelle « suite et fin »…

MàJ mars 2022 : dans le cadre d’une interview de François Hercouët, directeur éditorial d’Urban Comics, ce dernier a confirmé que la série Arkham Knight était définitivement abandonnée.

[A propos]
Publié chez Urban Comics le 4 décembre 2015.

Scénario : Peter J. Tomasi (+ collectif, cf. critique)
Dessin : Viktor Bogdanovic (+ collectif, cf. critique)
Couleur : John Rauch (+ collectif, cf. critique)

Traduction : Xavier Hanart
Lettrage : Calixte Ltd – Île Maurice

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