Archives de l’auteur : Comics Batman

Batman : Le Chevalier Noir – Tome 1 (réédition intégrale)

Urban Comics réédite depuis 2018 certaines de leurs séries en compilant en moyenne deux à trois « tomes simples » en un seul, proposant ainsi un nombre réduit de livres (deux à quatre) pour avoir une série complète. C’est le cas de Batman : Le Chevalier Noir, une série initialement divisée en quatre « tomes simples » (Terreurs Nocturnes, Cycle de Violence, Folie Furieuse et De l’Argile) et republiée en 2019 sous forme d’intégrale en deux volumes (comprenant évidemment les deux premiers « tomes simples » pour l’un, les deux derniers pour l’autre). La série s’inscrit plus ou moins en suite du one-shot La Nouvelle Aube (plutôt moyen) — la couverture de l’intégrale provient d’ailleurs de celle d’un chapitre de ce récit — mais nul besoin de connaître cette histoire pour découvrir Batman : Le Chevalier Noir.

Le sommaire propose trois récits reprenant les anciennes éditions :
Terreurs Nocturnes [Batman : The Dark Knight #1-7]
En Pleine Folie [Batman : The Dark Knight #8]
Cycle de Violence [Batman : The Dark Knight #10-15 + #0]
L’absence du chapitre Batman : The Dark Knight #9 est logique, celui-ci était totalement déconnecté de la série puisqu’il était relié à la saga La Nuit des Hiboux et fut publié dans le magazine Batman Saga #10 (en mars 2013) et fut brièvement chroniqué dans cet article récapitulatif.

(Les couvertures des deux « tomes simples », Terreurs Nocturnes et Cycle de Violence — publiés en France en octobre 2012 et août 2013 — aujourd’hui plus en stock et donc réédités sous forme d’intégrale.)

[Histoire – Terreurs Nocturnes]
Plus de trois cent détenus d’Arkham s’évadent ; tous ont injecté un certain sérum (ressemblant à celui de Bane) et sont devenus des montagnes de muscles. Une mystérieuse fille en lingerie et costume de lapin semble connectée à ces libérations et nouveaux pouvoirs des ennemis de Batman

Ce dernier s’efforce donc de combattre tour à tour ses antagonistes habituels : Double-Face, le Joker, Gueule d’Argile, l’Épouvantail, Deathstroke, etc. On ignore qui se cache réellement derrière la toxine décuplant les forces de ces vilains. L’aide de Flash (et même de Superman) ne sera pas de trop !

Dans le civil, Bruce Wayne fait la connaissance de Jaina Hudson, une étrange complicité se noue entre eux. Quant au GCPD, il semble que le commissaire Gordon soit plus est moins la touche et c’est le lieutenant Forbes qui s’occupe de l’investigation de l’évasion ; ce dernier a clairement une dent contre le Chevalier Noir.

[Critique]
Terreurs Nocturnes accumule les défauts et qualités « classiques » de certains comics banals de super-héros (incluant donc ceux sur Batman). Explications.

L’histoire est très basique, on enchaîne des affrontements entre « le gentil mais violent Batman » et « les très très méchants et très très musclés ennemis ». En somme : pas trop de subtilité, du combat bien bourrin comme il faut. Une approche assez primaire mais qui gagne en intérêt au fil des chapitres pour une révélation finale assez étonnante ! Avant celle-ci, on s’ennuie parfois tant les clichés s’accumulent et l’ensemble manque d’une certaine finesse. L’extrême « virilité » (de Batman, de Bruce Wayne même, et de ses ennemis quasiment surhumains) va malheureusement de pair avec le traitement des personnages féminins. Jaina Hudson ne cache pas son intérêt « sexuel » envers Bruce Wayne (« Bénis soient les bonnes nouvelles et les dessous en dentelle. » lui dit-elle au restaurant) ; la jeune fille costumée en « lapin blanc » et en lingerie (un corset, un string et des bas pour habillement) est elle aussi réduite à un objet de fantasme, y compris pour… Alfred ! « J’espérais que le lapin blanc puisse s’enticher d’un justicier d’âge mûr mais raffiné. » évoque le majordome sans retenu. Un contraste détonnant avec l’habituelle production récente des récits sur Batman.

In fine, ce sont ces deux écritures « simplistes » qui empêchent d’apprécier pleinement le récit (pour ceux qui y sont sensibles évidemment, les moins exigeants y trouveront leur compte). Les hommes sont donc des brutes musclées et les femmes une surenchère sexuée de leurs atouts. Sans forcément évoquer un prisme féministe, c’est tout de même flagrant… et du coup vraiment dommage de proposer cela pour des lecteurs jeunes ou adultes, surtout en pleines années 2010.

Mais — heureusement ! — il y a, comme évoqués plus haut, quelques éléments de l’histoire bienvenus car non prévisibles (même s’ils arrivent tardivement) et qui laissent présager du bon pour la suite ! Et puis, surtout, il y a les dessins de David Finch (qui signe également le scénario co-écrit avec Paul Jenkins). Les planches sont sublimes : les héros et vilains sont brillamment croqués, fidèles aux meilleures productions comics modernes. Le découpage permet de vibrer au même rythme que le Chevalier Noir, particulièrement dans ses affrontements. Brutal. Implacable. Cet axe graphique (assez proche du travail de Jim Lee par exemple) gagne en profondeur grâce à l’encrage de Richard Friend (la galerie de bonus montrant les crayonnés de Finch et les encrages noir et blanc des couvertures par Friend sont superbes). La mise en couleur par Alex Sinclair et Jeromy N. Cox enjolivent encore plus l’ensemble (sauf pour certains visages). On peut juste déplorer un côté parfois trop gras pour les plans « de corps » tant il y a une musculature imposante qui manque de finesse.

Terreurs Nocturnes avance en terrain plus ou moins connu. Des connexions avec le reste de la chronologie de Batman (il a été dévoilé que Wayne finançait Batman — référence à Batman Incorporated de la saga Grant Morrison présente Batman qui se déroule juste avant et en parrallèle, Gordon subit les conséquences de Sombre Reflet…) sans que cela gâche la compréhension (la série a été lancée au moment du premier relaunch (New 52) et est donc parfaitement accessible à tous). La plupart des ennemis sont représentés et en action, une partie de la Justice League vient même à la rescousse et la Bat-Family fait office de figuration (ce n’est pas problématique). Une nouvelle enquête et un nouvel antagoniste complètent les affrontements épiques. Sur tous ces points, l’ensemble est quand même très réussi (pour peu, comme on le disait, de ne pas être trop exigeant). Si l’ensemble narratif n’apparaît guère moderne (et rappelle pour les connaisseurs le jeu vidéo Arkham City qui lorgnait vers le même script — qui connu également une adaptation en librairie — et les séquences avec Bane sont clairement pompées sur Knightfall), il séduit quand même grâce à sa fin (qui donne vraiment envie de découvrir la suite) et il est sublimé par ses dessins. En synthèse : de belles planches et une histoire un peu simpliste (qui enchaîne les stéréotypes grossiers) mais qui permet de passer mine de rien un agréable moment sans chercher une grande réflexion. La forme l’emporte donc sur le fond…

[Histoire – En Pleine Folie]
Des citoyens de Gotham se sont entretués dans une rame de métro. Le Chevalier Noir enquête et se retrouve rapidement face aux jumeaux Tweedledum et Tweedledee.

James Gordon est forcé de voir une psy s’il veut conserver ses fonctions.

[Critique]
L’accent était tellement forcé sur « le lapin blanc » (aussi bien textuellement que graphiquement via le nouveau personnage féminin mystérieux — elle n’est pas présente dans ce chapitre malgré sa présence sur la couverture), qu’on ne pouvait que supposer que le Chapelier Fou n’était pas étranger à tout ça. Il apparaît évidemment ici mais finalement plutôt déconnecté de ce qu’on a vu avant. On reste dans un petit récit très classique : Tetch veut provoquer l’anarchie en manipulant les esprits. Rien de novateur dans tout cela… même si ça s’incruste bien dans l’histoire entamée précédemment puisque le Dark Knight n’avait pas encore affronté cet ennemi.

C’est cette fois Joseph Harris qui écrit ce chapitre et Ed Benes qui le dessine. À nouveau : c’est là le point fort puisque les planches sont particulièrement réussites avec en prime d’agréables jeux d’ombre. Seuls des fonds de cases sans décors à part une couleur font tâches. Pour les plus intéressés, Robert Hunter et Jack Purcell s’occupent de l’encrage, tandis que Jeromy N. Cox reste à la colorisation. En conclusion : un chapitre anecdotique donc mais toujours agréable à regarder (mais pas spécialement à lire).

[Histoire – Cycle de Violence]
Bruce Wayne
est en couple avec la pianiste ukrainienne Natalya Trusevich (qui ignore sa double-identité). Leur relation est loin d’être parfaite et le milliardaire peine à se remettre en question.

James Gordon et Batman sont à la poursuite d’un mystérieux Croque-Mitaine qui enlève des enfants et les relâche complètement métamorphosés. Il s’agit évidemment de l’Épouvantail qui kidnappe aussi le commissaire…

Le Chevalier Noir, plus remonté que jamais, compte bien l’affronter.

[Critique]
Une conquête féminine qui débarque de nulle part… voilà qui commence mal ! La musicienne Natalya est en effet déjà avec Bruce depuis un petit moment visiblement et a même ses quartiers (et son piano) dans le Manoir Wayne. Elle reproche au milliardaire de ne pas s’investir au quotidien ; leur couple ne mène à rien vu qu’il ne fait pas d’efforts — plusieurs dialogues du genre confirment donc que la relation existe depuis longtemps. C’est d’autant plus étonnant que, quelques chapitres plus tôt, Wayne semblait conquérir une autre personne : Jaina Hudson (qui était narrativement mieux introduite en tout cas). Natalya est bien vite éclipsée, au même titre que Jaina Hudson et même du « lapin blanc » des épisodes précédents (vont-elles revenir dans les suivants ?).

« Qu’est-ce qu’elle a cette ville ?
Toujours à nous mettre sous le nez
un miroir déformant qui nous renvoie
nos propres peurs. » James Gordon

À la fin de la lecture il y a clairement un manque de cohérence entre le premier et le second tome (rassemblés ici dans l’intégrale donc). En éclipsant cette « mauvaise écriture » sur la vie civile de Bruce Wayne et la « non-suite » entre les deux histoires, le reste est tout de même relativement réussi. Encore une fois, ce qui fait la part belle au récit est bien sûr les dessins, toujours de David Finch. L’ambiance plus sombre, plus gore, plus sale est brillamment croquée. Il faut dire que l’affrontement épique entre l’Épouvantail et l’homme chauve-souris est au cœur de Cycle de Violence. Un ennemi de choix pour laisser libre court à son imagination et une vision noire de l’ensemble. Sans surprise, le questionnement de la peur revient sans cesse, alternant les flash-backs réciproques du justicier et de son ennemi (étrangement communs). La solitude est mise à rude épreuve, noyau dur des tourments de chacun.

Du reste, on retrouve autant d’action que d’incohérences ou de réel intérêt à la réflexion. En synthèse, cette seconde partie s’avère plus maîtrisée mais toujours très classique dans son traitement. Rien de vraiment novateur dans tout cela. In fine, à l’instar de la première moitié de l’ouvrage, c’est avant tout la partie graphique qu’il faut privilégier pour apprécier pleinement ces aventures du Chevalier Noir. Anecdotiquement, on notera quelques connexions avec Damian Wayne et la série Batman & Robin ainsi que des allusions au célèbre Killing Joke.

[À propos]

Publié en France chez Urban Comics le 11 janvier 2019.

Scénario : David Finch, Paul Jenkins et Gregg Hurwitch
Dessin : David Finch
Encrage : Richard Friend
Couleur : Sonia Oback

Interlude dessinée par Mico Suayan et Juan Jose Ryp

Acheter sur amazon.fr :
Batman – Le Chevalier Noir : Tome 1

Gotham – S05E05 : Pena Dura

Page récapitulative de la série Gotham.

[Histoire]
Un ancien allié de Gordon refait surface et lui propose son aide. Notamment pour capturer Nygma, responsable de l’attentat du Refuge.

Ce dernier enquêtait justement sur sa « double identité » puisqu’il ne sait jamais ce qu’il a fait la nuit lorsqu’une autre personne semble le contrôler. Il découvre, en interrogeant le Pingouin, que c’est le Dr. Strange qui détient peut-être la clé du mystère.

Selina est devenue une véritable « star » après avoir mortellement poignardé Jeremiah, ce qui déplaît évidemment à Bruce, énervé de constater que son amie est devenue une tueuse…

[Critique]
Encore un épisode moyen avec beaucoup d’incohérences, de n’importe quoi et de « retournements de situations » qui ne le sont pas. Citons quelques aberrations. Nygma est contrôlé à distance par quelqu’un à cause d’une puce dans son cerveau, le maître des devinettes devient presque un robot ! Ridicule. L’ami de Gordon sorti de nulle part est finalement… « un méchant » (qui ne s’en doutait pas ?). Sans surprise, Jeremiah n’est pas décédé (la raison de cette fausse mort n’est pas encore vraiment justifiée mais le peu qui est évoqué n’est guère plausible). Strange revient sans explications. Bref… trop d’éléments peu convaincants et, une fois de plus, qui ne semblent pas spécialement corrélés au statut du no man’s land. On stagne sans intérêt en se concentrant sur des bribes narratives peu passionnantes.

Si la série a toujours été en dents de scie côté scénario, on espérait légitimement qu’elle tire vers le haut pour sa prestation finale. Ce n’est toujours pas le cas (mis à part quelques bons moments mais trop peu pour être pris en considération dans la moyenne). Même si on n’attend pas forcément quelque chose de Gotham, elle arrive quand même à décevoir alors qu’on pensait avoir tout vu… Plus que sept épisodes pour redresser la barre. On a du mal à y croire.

Gotham – S05E04 : Ruin

Page récapitulative sur Gotham

[Histoire]
Plus de 300 morts dans l’explosion du refuge « Paradis » de Gordon (voir fin de l’épisode précédent) et aucun coupable… La colère gronde et la police ne sait plus comment calmer les citoyens démunis. James Gordon trouve une aide inattendue de la part de Barbara, qui souhaite elle aussi trouver l’auteur de l’attentat. Et le Pingouin propose également ses services pour prêter main forte au GCPD.

De son côté, Selina Kyle poursuit toujours Jeremiah. Elle refuse l’aide de Bruce qui reste trop pacifiste à son sens et l’avait menotté à une pote ; c’est donc Alfred qui va venir secourir le jeune justicier.

Pour comprendre ce qu’il fait durant la nuit, Edward Nygma doit s’associer à Lucius Fox.

[Critique]
Un épisode un peu plus réussi que le précédent mais toujours en demi-teinte. L’arc avec Gordon et le Pingouin est assez long et peu crédible. Le retour de Zsasz, personnage sacrifié depuis pas mal de saisons, est mal traité (gaspiller une tonne de munitions pour son arrestation semble surréaliste vu l’effectif dont disposait Gordon et le Pingouin). L’aspect « judiciaire » avec le procès semble lui aussi peu plausible malgré le contexte d’anarchie qui règne. En somme, c’est toute une partie important de l’épisode qui ne fait pas vraiment avancer les choses d’une part, et n’est pas forcément bien écrit d’autre part.

Les deux paragraphes suivants dévoilent des éléments narratifs importants.

Il faut se tourner vers les petites séquences dédiées aux autres personnages pour trouver un intérêt plus prononcé à l’épisode. On pense notamment à l’étroite collaboration (malheureusement trop éphémère) entre Fox et Nygma. Un court jeu de piste pas vraiment énigmatique ni surprenant mais qui relance quand même efficacement l’histoire. Nygma est donc le responsable de l’attentat, ce qui risque d’accentuer son aura criminelle (il n’était pas trop pris au sérieux) et atteste d’un certain « dédoublement de personnalités » (donc plus ou moins proche d’un Double-Face que d’un Sphinx). Cette piste est esquissée depuis un bon moment, elle est désormais confirmée et devrait inaugurer de bons moments pour la suite du show si les scénaristes ne bâclent pas cette évolution du personnage.

L’autre aspect nettement plus novateur est le retour de Jeremiah ! Pas vraiment épique, bien au contraire, l’illustre clown du crime se fait même rapidement poignarder à de multiples fois par Selina Kyle ! Choquant. Surprenant. Osé ! Mais… On le sait, dans Gotham une mort n’est pas forcément « définitive ». Son frère ayant été ressuscité par le passé (ainsi que Fish Mooney par exemple), on peut s’attendre à ce que cet ennemi emblématique revienne d’une façon ou d’une autre. Si on est pessimiste, on penchera pour un retour parmi les vivants par un tour de passe-passe pseudo scientifique avec le Dr. Strange ou magique avec un autre antagoniste. Si on est optimiste alors on se plaît à imaginer un « troisième » héritier qui se muerait au fil des épisodes en véritable Joker (et non en « proto-Joker » comme ce fut le cas pour Jerome et Jeremiah). Cela rejoindrait les propos de Bruno Heller, tête pensante de la série, qui expliquait que le Joker n’existait pas encore véritablement dans le show. Des propos ambigüs qui peuvent, de toute façon, valider à peu près toutes les théories…

Quoiqu’il en soit, et comme souvent dans Gotham, on a envie de voir la suite malgré la qualité moyenne d’un épisode. Pour l’instant après les quatre premiers, soit un tiers de cette ultime saison, on avance toujours trop lentement et on manque clairement de moments épiques, tragiques ou flamboyants. Ce n’était pas forcément le point fort de la série mais elle a su (re)donner ses lettres de noblesse par le passé à quelques figures importantes de la mythologie du Chevalier Noir. Gageons que les huit prochains épisodes tirent un peu vers le haut la fiction…