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Suicide Squad – Get Joker !

Une prestigieuse équipe artistique (Brian Azzarello à l’écriture, Alex Maleev au dessin), un récit complet, une publication dans le Black Label… Suicide Squad – Get Joker ! partait avec beaucoup de qualités pour devenir un titre au pire singulier et une curiosité à lire, au mieux une future référence culte et incontournable. Malheureusement, après une excellente introduction, la fiction se vautre dans un exercice vulgaire et peu passionnant. Critique et explications.

[Résumé de l’éditeur]
Chargée de mettre un terme à la série de cadavres laissés dans le sillage du Clown Prince du Crime, la Suicide Squad d’Amanda Waller doit traquer le plus grand ennemi de Batman dans l’espoir de le mettre six pieds sous terre, une bonne fois pour toute. Par devoir, mais surtout par vengeance, l’ancien jeune prodige de Batman, Jason Todd, accepte de mener cette bande de criminels sur le terrain et de ne surtout faire confiance à personne. Et surtout pas à Harley Quinn

[Début de l’histoire]
Jason Todd
, alias Red Hood, est en prison. Amanda Waller lui rend visite et lui propose une vengeance idéale : tuer le Joker via une mission d’une nouvelle équipe de Suicide Squad.

L’ancien Robin accepte et prend donc la tête d’une bande de mercenaires atypiques composés d’autres prisonniers, méta-humains ou non, et bien sûr d’Harley Quinn, l’ancienne compagne du célèbre Clown Prince du Crime…

[Critique]
Quel dommage ! Le début de Suicide Squad – Get Joker ! est palpitant mais sa suite et fin particulièrement moyenne pour ne pas dire ratée (et décevante selon les attentes bien sûr). En trois chapitres (d’une cinquantaine de pages chacun), le récit va à l’essentiel : exposition (premier chapitre), action (deuxième), rebondissements et conclusion (troisième). Pas de temps mort donc, de quoi survoler l’entièreté de ses nombreux protagonistes à l’exception de Todd.

En effet, Jason Todd devient le leader d’une nouvelle équipe dirigée par Amanda Waller. Une énième Suicide Squad avec un objectif bien précis : tuer une bonne fois pour toute le Joker. Qui de mieux placé que l’ancien Robin assassiné par le célèbre Clown pour mener cette mission ? C’est sur cette idée originale (et étonnamment jamais proposée auparavant) que le scénariste Brian Azzarello invite son lectorat à assister à une succession d’action par une équipe atypique : Firefly, Silver Banshee, Pebbles, Miou Miou (! – Meow Meow en VO, Miaou Miaou aurait été plus adapté en français), Plastique, Wild Dog, Y es-tu (!! – Yonder Man en VO) et Harley Quinn. En somme, des méta-humains, mercenaires ou criminels de seconde voire troisième zone (à noter que Pebbles et Miou Miou sont des créations pour la bande dessinée).

Azzarello a déjà écrit pour Batman avec plus ou moins de réussite. On lui doit l’excellent Joker et sa très moyenne suite Damned. L’auteur avait également signé les sympathiques Cité brisée (et autres histoires…). Chez DC Comics, il s’est illustré sur l’excellente série 100 Bullets (disponible en cinq tomes intégrales) et plusieurs segments d’Hellblazer/Constantine. Son style cru et incisif, usant parfois gratuitement d’une certaine vulgarité ne fonctionne pas toujours. Get Joker ! n’y fait pas exception puisque les membres de la Suicide Squad sont assez grossiers et insultants. « On est baisés. » ou « J’te baise ! » reviennent plusieurs fois, y compris dans la bouche du Joker. Étrangement, d’autres termes vulgaires sont édulcorés dans leur traduction (« fuck/fucked/fuck you, pussies… »).

Tous ces mots fleuris n’apportent rien à la fiction, si deux ou trois font mouche, ils sont vite trop nombreux et on s’en lasse. C’est quelque chose qui fonctionne mieux au cinéma ou en série qu’en lecture concrète (romans ou bandes dessinées). Azzarello corrèle sa fiction à des faits réels, en évoquant l’attaque du Capitole par un des membres de la Suicide Squad et la suspicion envers les élites (médiatiques et politiques) à travers un personnage banalement « complotiste » sans aucune nuance (« on nous ment » / « on est oppressé »). Là aussi ça a du mal à prendre alors qu’il y avait des choses pertinentes à tirer de cette volonté d’encrer le récit dans une forme de populisme « séduisante ». Mais le traitement enchaîne les clichés et la réflexion n’est pas développée…

Si l’on comprend tout ce qui se déroule durant les trois épisodes, les deux derniers sont nettement moins bien écrits que le premier, qui emportait d’emblée le lecteur dans ce qui s’annonçait comme une aventure fascinante et fracassante. Impossible de ne pas penser à l’excellent film The Suicide Squad de James Gunn en voyant les membres d’autres teams de Suicide Squad ainsi que la façon dont ils sont mis en scène. Les mêmes costumes et look déstabilisent d’ailleurs – faut-il inclure ce comic book dans le canon des films ? Dans le prolongement du diptyque Joker/Damned ? Car si les connexions sont peu nombreuses, la scène de pole dance d’Harley Quinn fait écho à ces autres créations d’Azzarello. Quinn est très peu vêtue dans la seconde moitié du titre (pour une raison qui se « justifie » au début mais n’est pas très intéressante et aurait dû s’arrêter un moment).

Le look (et même « le caractère ») du Joker n’aide pas non plus. Taciturne, peu souriant, crâne rasé avec une crête et habillé comme Alex dans le film Orange Mécanique (les « droogies » sont mêmes nommés explicitement), on a du mal à avoir de l’empathie pour le célèbre Clown, rappelant un peu celui de La Guerre des Rires et des Énigmes – déjà peu apprécié. C’est aussi dans la seconde partie de Get Joker ! qu’on perd en fluidité de lecture, davantage cryptique, manquant d’une certaine synergie, en plus de la traduction étrange de la vulgarité et des noms de protagonistes (cf. exemples plus haut).

De la même manière, les dessins d’Alex Maleev sont de moins en moins bien… En effet, à l’instar du scénario, le début est particulièrement soigné, bien encré et colorisé, avec plusieurs détails en fond de cases et des visages expressifs. Plus on avance dans la BD, moins on a de décors et un côté brouillon ressort de l’ensemble. Quelques traits peu expressifs pour croquer des visages, un aplat de couleur en guise d’arrière-plan, etc. Un peu comme Jock lorsqu’il n’est pas en forme, cf. Le Batman Qui Rit. Heureusement, la colorisation assurée par Matt Hollingsworth accentue l’ambiance lugubre du titre, rappelant le même travail de l’artiste sur des titres récents comme White Knight et sa suite, ou des plus anciens comme Catwoman – Le Dernier Braquage. Il y a même une petite vibe Sean Murphy entre les traits de Maleev couplés aux couleur d’Hollingsworth – qui officie donc sur les créations de Murphy.

En synthèse, côté histoire, l’équipe de Suicide Squad court après un Joker peu empathique avant de s’allier avec lui puis tout se termine dans des affrontements soudains, pas forcément lisibles et une conclusion assez frustrante puisqu’on ne sait pas si le Joker a été tué ou non… Beaucoup de bonnes idées se succèdent mais aucune n’est exploitée correctement pour rendre le titre incontournable. L’ambiance graphique confère une patte singulière au comic mais s’avère beaucoup trop hétérogène pour être réussite. Il manque donc une constance visuelle dans les visages ou les poses iconiques pour avoir un équilibre entre le scénario bancal et les dessins qui, in fine, le sont aussi. Difficile donc de conseiller le titre, à la traduction parfois étrange aussi (c’est suffisamment rare pour être souligné – le traducteur n’étant pas un régulier chez Urban, ceci explique peut-être cela), peut-être pour les amoureux de Jason Todd ou les férus d’Azzarello…

[À propos]
Publié chez Urban Comics le
Contient : Suicide Squad : Get Joker #1-3

Scénario : Brian Azzarello
Dessin et encrage : Alex Maleev
Couleur : Matt Hollingsworth

Traduction : Julien Di Giacomo
Lettrage : MAKMA (Gaël Legeard et Stephan Boschat)

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Batman – Curse of the White Knight

Après l’excellent — et désormais culte et incontournable Batman – White Knight — Sean Murphy propose une seconde salve dans son univers détaché de la chronologie « officielle » de Batman (à l’instar de The Dark Knight Returns de Frank Miller qui a conçu au fil des années d’autres volumes pour étoffer également sa propre mythologie, avec des suites et séries annexes).

Cette nouvelle incursion sort dans quatre formats : d’abord le 02 octobre 2020 en version classique en couleurs (22,50€), dans le même format mais avec une couverture alternative spécialement pour les enseignes Fnac (25€), en version limitée en noir et blanc (29,00€)  comme ce fut le cas pour son prédécesseur puis le 20 novembre 2020 en version luxueuse (dans la nouvelle collection Urban Limited) agrandie (36 x 24 cm), encore plus limitée et numérotée de 1 à 1500 avec dos toilé, marquage à chaud et signet (59€ tout de même) !

Que vaut la malédiction (curse en VO) du fameux chevalier blanc ? Critique.


[En préambule si vous n’avez pas le temps de relire White Knight ou sa critique]

Quelques rappels nécessaire et révélations importantes : Harley Quinn (le « vrai » chevalier blanc de Gotham, c’était elle) a secrètement mis au point une pilule guérissant le Joker. Ce dernier est effectivement devenu sain et souhaitait changer la ville de Gotham en bien, sous son alias civil Jack Napier, aux côtés de son ancienne muse (redevenue Harleen Quinzel). Auparavant, le Clown du Crime, trop obsédé par Batman, n’avait même pas compris que son acolyte féminine de toujours (Harley Quinn donc) était partie et qu’une autre  l’avait remplacée : Marian Drews (une de ses anciennes otages). Furieuse de la tournure des évènements (la guérison de son amant), Marian se mue en néo-Joker, véritable nouvelle menace pour la cité.

Dans l’ombre, Jack Napier manipule tous les ennemis du Chevalier Noir afin d’arriver à ses fins politiques. Derrière son apparence « respectable », l’homme est resté menteur et manipulateur mais, cette fois, dans un but plutôt noble. N’est-ce pas ce que fait également Batman (devenu trop dangereux pour tout le monde et sombrant dans une violence hors-norme) ? Napier connaît d’ailleurs la véritable identité du justicier et lui apprend aussi que Jason Todd n’est pas mort…

En parallèle, Victor Fries (alias M. Freeze) ressuscite enfin sa compagne Nora. Le passé de la famille Freeze est lié à celui des Wayne à l’époque des nazis. Une situation explicitée partiellement mais qui renferme encore quelques mystères. La lettre posthume d’Alfred (mort après s’être sacrifié une ultime fois pour son maître) évoque justement des choses secrètes cachées dans le manoir (à la toute fin de l’ouvrage, sans que celles-ci soient dévoilées). Le GCPD s’est doté d’une nouvelle équipe puissante grâce au GTO, Groupe Tactique Opérationnel, initiée par Napier. Celle-ci se compose d’agents d’élites mais aussi des vigilantes de Gotham, comme Nigthwing et Batgirl. Une forme hybride entre forces de l’ordre et justiciers, équipés de la technologie de Batman incluant ses véhicules. Jack Napier redevient le Joker et retourne en prison, épousant Harleen au passage et faisant ses aveux à la police. De son côté,  le Chevalier Noir finit par révéler son identité à Gordon, confessant dans la foulée sa détresse entre son plaisir à faire du mal aux criminels et son envie de restaurer la confiance en son égard.

[Résumé de l’éditeur]
Le fléau Jack Napier est de nouveau derrière les barreaux, mais la sérénité est loin d’être de retour à Gotham, et encore moins au Manoir Wayne, où Bruce peine à retrouver équilibre et sérénité. Son pire ennemi n’a pas seulement ébranlé ses convictions et sa raison d’être, il a également durablement saccagé l’image de Batman et sa légitimité aux yeux des habitants de sa ville. La disparition d’Alfred n’est pas sans séquelle non plus, bien qu’elle laisse derrière lui un héritage inattendu : le journal d’Edmond Wayne daté de 1685, premier de sa lignée à s’être installé à Gotham et adversaire d’un certain Lafayette Arkham, dont les ossements ont été récemment découvert dans la cellule du Joker.

[Histoire]
1685. Manoir d’Arkham. Lord Wayne tue Lafayette Arkham. Ce dernier énonce une malédiction avant de trépasser…

Aujourd’hui. Asile d’Arkham. Le Joker s’échappe, prêt à retrouver son statut de criminel le plus puissant de Gotham et bien décidé à faire oublier son « alter ego » Jack Napier.

Batman et Gordon enquêtent et découvrent de vieux ossements dans une ancienne cellule de l’établissement (où était le Joker à une époque). S’agirait-il des os de Lafayette « Laffy » Arkham, dont la légende raconte qu’il était… un vampire ?

De son côté Bruce Wayne découvre le journal intime de son ancêtre Edmond Wayne, daté de 1685 (dans la cachette qu’évoquait Alfred dans sa lettre posthume).

En parallèle, Nightwing refuse que Batman dévoile son identité aux citoyens de Gotham mais le Chevalier Noir estime que c’est une décision juste et importante, reconnaissant que l’Initiative Napier a fait beaucoup de bien à la ville tout en mettant le justicier face à ses propres erreurs (tout en le « détruisant » intérieurement).

Plus loin dans la cité ténébreuse, Jean-Paul Valley, ancien soldat de l’armée souffre d’hallucinations et apprend qu’il a un cancer. Le Joker, connaisseur des secrets des ancêtres de Wayne ravive la flamme de l’épée et du combat d’Azraël, en la personne de Jean-Paul Valley justement, descendant d’un ennemi des Wayne.

Dans la foulée, le Clown sabote l’annonce de Gordon pour les municipales de Gotham et révèle au monde entier que Batgirl est en réalité Barbara, la propre fille du policier.

[Critique]
Le pari était risqué et il n’est pas vraiment réussi… Après la pépite White Knight, difficile de faire mieux évidemment et le résultat est (très) mitigé. Azraël et l’ancêtre de Bruce Wayne se connectent moyennement à la solide mythologie instaurée par Sean Murphy mais, heureusement, de bons éléments sauvent le reste et l’enrichissent. Explications.

L’univers de Batman, d’une manière générale, se marie moyennement avec les histoires de malédiction (un prétexte ici, il n’y en a pas vraiment), de secte (idem) ou d’ancêtres liés aux Wayne (on a du mal à se passionner pour cette extension d’antan — pas assez proche du présent du héros pour être appréciable, on en reparle plus loin). Ces nouveaux sujets tranchent donc assez radicalement avec le volet précédent — davantage urbain, porté sur le juridique, la morale, le psychisme… — et connotent difficilement avec l’univers du Chevalier Noir (comme souvent donc), en particulier celui mis en place par le scénariste et dessinateur Sean Murphy.

Ainsi, l’Ordre de St. Dumas et Jean-Paul Valley ont toujours été des éléments (crées dans l’indigeste mais culte saga Knightfall) à double tranchant (comme sa lame). D’un côté une psychologie intéressante pour l’être humain (il est quasiment bipolaire, ce qui est hélas peu exploité dans cette itération contemporaine) ainsi qu’une force hors du commun couplée à une panoplie esthétique variée et parfois appréciable quand il endosse le costume, ou plutôt l’armure de Batman (en résulte de savoureuses scènes de combat — ici et déjà à l’époque dans Knightfall). D’un autre côté un passif pénible, un brin lourdingue et surtout un aspect religieux trop prononcé, peu plausible et avec un intérêt limité, in fine.

Heureusement, il n’y a pas « que ça » dans Curse of the White Knight. En complément des dessins toujours aussi sublimes (on y reviendra), l’écriture et certaines situations restent passionnantes car si singulières et hors des sentiers battus. On pense en premier lieu à la relation mi-amicale, mi-amoureuse entre Batman et Harleen Quinzel ainsi que l’évolution de cette dernière. Elle était l’un des points forts du tome précédent, son rôle continue d’être soigné (dommage d’avoir mis sur la touche la néo-Joker même si elle est mentionnée au détour de quelques cases).

Autre suivi appréciable : l’avancement du GTO. Outre l’approche militaire et policière, c’est à nouveau Barbara/Batgirl qui fait l’objet d’une certaine attention ainsi que Renée Montoya, fraîchement promue à la tête des équipes (et dont le costume aux tons pourpres rappellent un peu Huntress — la policière se muera-t-elle en cette justicière dans une suite éventuelle ?). Dick/Nightwing est toujours un peu en retrait mais la fin du livre lui offre un joli échange/hommage. L’on suit évidemment à nouveau le Joker et par bribe Jack Napier — sans aucun doute les passages les plus réussis de l’œuvre. L’équilibre entre cette longue liste de protagonistes (et d’autres) reste idéal et le rythme plutôt soutenu malgré des passages pénibles (voir un peu plus loin). Le texte est dense mais accessible.

Un peu comme dans le tome précédent, Sean Murphy bouscule quelques statu quo de façon inédite : Harleen Quinzel est enceinte, l’identité de Batman est révélée à beaucoup de personnes (dont certaines auxquelles on n’aurait pas songé), celle de Batgirl à la population entière, Gordon démissionne du GCPD, de nouvelles morts dont certaines très osées surprennent et choquent le lecteur, etc. D’autres états des lieux sont plus convenus mais toujours plaisants à découvrir, comme le manoir Wayne qui est brûlé — souvent vu en films mais pas tant que ça en comics ! — ou encore la croisade multiple entre Jean-Paul et le Joker. On note aussi le mystérieux personnage de Ruth, véritable clone d’Amanda Waller, et d’un prêtre, lui aussi énigmatique même s’il fait un peu sens après quelques révélations tardives.

On l’a un peu évoqué, ce qui plombe le récit tient sur deux axes. Le premier correspond à tous les flashbacks de l’ancêtre de Bruce (Edmond Wayne) et cet improbable héritage pour ses descendants (il aurait inondé une partie de Gotham City pour moduler la ville à sa convenance) corrélé à son ennemi de toujours Bakkar (dont Jean-Paul Valley serait, évidemment, le légitime rejeton). Difficile de s’attacher à ces nouveaux personnages ou d’y trouver un intérêt. Seule la conclusion de l’histoire offre une nouvelle perspective et permet de relancer (plutôt efficacement) la narration avec (encore) un statu quo original. Bullock semble être une voix de la raison : « Des histoires de propriétés ? De sectes ? Un vampire qui s’appelle Laffy ? Sans parler de rosbifs et d’un mystère englouti à la Scooby-Doo daté de plus de trois cent piges. En quoi ça va nous aider à choper Azraël ? »

Le second « problème » est lié au premier puisqu’il s’agit de Jean-Paul Valley/Azraël qui est un choix peu cohérent par rapport à White Knight comme on l’a vu car il colle mal au registre initialement mis en place. Bane aurait eu sa place légitime pour le remplacer (il apparaît d’ailleurs pour l’occasion puisque le titre propose une certaine relecture, toute proportion gardée évidemment, de Knightfall, notamment avec la modernisation d’Azraël et de certains de ses costumes). Néanmoins, la présence d’Azraël face, entre autres, à Batman offre des scènes d’action spectaculaires : on ne boude pas son plaisir devant les combats, courses-poursuite et explosions dont la bande dessinée est friande. C’est réalisé avec brio, c’est très intense et réussi !

Une fois de plus, Sean Murphy parsème son histoire de quelques hommages et allusions aux autres œuvres cultes sur Batman, comme le fameux « stylo qui disparaît » issu du film The Dark Knight, ou le logo du Chevalier Noir issu du premier long-métrage de Tim Burton qui orne le tee-shirt… du Joker ! On retrouve aussi son amour pour les Batmobiles avec l’une d’entre elles mise en avant, « ça a toujours été ma préférée » stipule le super-héros/le scénariste. L’auteur égratigne (à nouveau) gentiment tout ce qui a souvent été un peu risible dans la mythologie de Batman, comme Gordon qui n’a jamais reconnu sa fille dans le costume de Barbara « à cause d’un stupide masque en cuir » [autour de ses yeux].

Un peu d’humour au détour de quelques vannes ou punchlines qui manquait peut-être auparavant est le bienvenu. Quelques étrangetés subsistent, comme le matériel informatique utilisé (disquettes et gros écrans d’ordinateurs) qui laisse penser que le récit n’est peut-être pas si « moderne » que cela malgré (dans le tome précédent) l’utilisation de smartphones et de vidéos virales. Une erreur de l’auteur ou une volonté d’être semi-vintage ou plus ou moins intemporel ? Toujours dans les incohérences ou fourvoiements, Batgirl se remet étonnamment vite d’une blessure profonde et on reste surpris d’un certain mutisme planant lors de séquences spécifiques…

Après six chapitres, s’intercale un interlude dessiné par Klaus Janson (encreur de la saga The Dark Knight Returns, donc Murphy reconnaît bien volontiers l’inspiration pour son propre travail, évoquant en Janson une de ses idoles) et intitulé Von Freeze. Prévu initialement pour s’intégrer dans le premier volume (dans lequel Freeze, son passé commun avec les Wayne et des nazis étaient mis en avant), il trouve une place ici plus ou moins bancale ; cassant l’immersion et le rythme du récit principal (en plus de ne pas du tout être dans le même style graphique) et, surtout, y semblant peu connecté suite aux raisons qu’on vient d’évoquer.

Malgré tout, l’épisode est plutôt réussi et s’ancre habilement avec l’Histoire de notre monde et celle, toujours, de cette « nouvelle » mythologie du Chevalier Noir remaniée par Murphy. Seule la fin raccroche fébrilement les wagons avec Curse…. Pourquoi pas inclure ce chapitre spécial dans les prochaines rééditions de White Knight tant il semble davantage y être destiné ? La postface de Murphy, datée de novembre 2019, explique que la famille de Janson a elle-même vécu la fuite de l’Allemagne, à l’instar de ce qu’on lit dans la fiction.

En conclusion, difficile de s’extasier devant Curse of the White Knight qui passe après « l’excellence » (voire le chef-d’œuvre) qu’était son prédécesseur. Le comic demeure intéressant dans l’ensemble car Sean Murphy continue de réinventer l’univers de Batman à sa sauce avec une certaine audace mixée à de jolies évolutions mais malheureusement avec un traitement narratif fortement inégal. Un tiers de l’ouvrage aurait mérité une approche plus terre-à-terre et dans un style plus connecté à ce qui faisait la qualité de White Knight. Cet écart va perdre une partie de son lectorat et surtout « l’aura » qui gravitait autour de cette nouvelle série — sans pour autant rappeler le fossé (immense) entre The Dark Knight Returns en son temps, qui rebâtissait lui aussi la mythologie du Chevalier Noir, et sa première suite catastrophique The Dark Knight Strikes Again.

Curse of the White Knight reste pertinent par certains aspects et il serait dommage de passer à côté, ne serait-ce que pour sa qualité graphique exceptionnelle : traits anguleux et design des personnages toujours aussi inédits, découpage endiablé et efficace (aussi bien dans les scènes d’action que dans celles plus calmes), colorisation peu criarde et élégante (à nouveau assurée par Matt Hollingsworth), etc. Malgré tout, il y a de fortes (mal)chances d’être déçu tant certaines pistes ne sont pas exploitées (quid des autres ennemis ?) et certaines choisies sont nazes (cf. quelques paragraphes plus haut). Encore une fois, le titre se suffit à lui-même mais appelle, sans surprise, à une suite (la fin joue sur un habile teaser).

Pour vulgariser, le comic pourrait se diviser en trois parties : une sur la partie « historique » de Gotham/ancêtre de Bruce (qu’on a donc peu aimé — mais évidemment si ça vous attire foncez, on rêve de voir Sean Murphy sur une œuvre de pirate par contre, il dessine merveilleusement bien ce style), une sur la « seconde partie » de l’arc urbain/juridique/vigilante (la meilleure) et une rassemblant les scènes de combat et affrontements, physiques ou en véhicules, parfois très sanglants et brutaux voire gores (très appréciable). On reste donc sur un quota qualitatif au-dessus de la moyenne. Un second tome qui fera sans aucun doute moins date que son aîné, au résultat en demi-teinte mais qu’on conseille tout de même, pour prolonger la découverte d’un univers atypique et solide.

Comme souvent chez Urban, de nombreuses pages bonus ferment la bande dessinée. Galerie de couvertures alternatives, planches crayonnés (donc noires et blanches), carnet graphique… s’étalent sur une quarantaine de pages. La version noir et blanc ne les comporte pas en revanche. Cette dernière apporte une vision différente, plus « noire », un côté polar et graphique élégant mais qui ne rend pas honneur au travail d’Hollingsworth pour toutes les scènes de combat, surtout celles avec la lame enflammée d’Azraël ou des explosions — les tons orangées sont sublimes. Cela reste évidemment un bel objet en attendant de jeter un œil sur l’autre édition, encore plus limitée (1500 exemplaires) et agrandie.

[A propos]
Le premier chapitre (sur huit sans compter l’interlude sur Freeze) avait été distribué en novembre 2019 au Comic Con à Paris la conférence d’Urban Comics/François Hercouët puis en juillet 2020 pour le Free Comics Book Day (initialement prévu en mai 2020).

Publié chez Urban Comics le 02 octobre 2020.

Scénario & dessin : Sean Murphy (+ Klaus Janson)
Couleur : Matt Hollingsworth

Traduction : Benjamin Rivière
Lettrage : MAKMA (Sarah Grassart, Gaël Legeard et Stephan Boschat)

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Batman – Curse of the White Knight [édition normale – 22,50€]
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Quelques couvertures alternatives (cliquez pour agrandir).

 

 

 

 

 

Batman – White Knight

Sean Murphy (Punk Rock Jesus, Tokyo Ghost…) écrit et dessine les huit chapitres de Batman – White Knight. Un one-shot publié en France le 26 octobre 2018 en trois éditions : une classique en couleur, la même mais en édition limitée avec une couverture inédite uniquement disponible en Fnac et, enfin, une luxueuse limitée (et plus onéreuse) en noir et blanc. Découverte de cette histoire singulière qu’Urban Comics a proposé pour inaugurer sa collection DC Black Label : « le versant adulte de l’univers DC ».

(Les couvertures des trois éditions différentes.)

[Histoire]
Toujours plus radical, Batman tabasse le Joker après une énième course-poursuite. Le justicier ne se soucie même plus des dommages collatéraux et son entourage (Batgirl et Nightwing notamment) peinent à le reconnaître et faire en sorte qu’il se ressaisisse. Le Joker cherche justement à convaincre le Dark Knight qu’ils forment un « couple » et que l’homme chauve-souris a autant besoin de lui que l’inverse. Il le met même au défi d’être guéri de sa folie pour lui prouver que même en étant « gentil », Batman désirera toujours le Clown du crime, d’une façon ou d’une autre…

Batman  est filmé à son insu dans un excès de violence contre le Joker (il l’achève même en lui enfonçant de force des pilules de guérison dans la bouche) et sous les yeux impassibles de Gordon et de policiers. Le justicier est sujet à débat politique et sociétal. Dans une ville où le GCPD ne semble pas assez efficace, les méthodes du Caped Crusader divisent les citoyens.

Peu après, aussi surprenant que cela puisse paraître, le Joker, alias Jack Napier semble guéri de sa folie. En recouvrant ses facultés mentales, il décide d’attaquer la ville en justice, ainsi que le GCPD et, bien sûr, Batman.

« J’aime Gotham et il est temps que je rembourse la dette du Joker.
Cette ville mérite mieux que vous, mieux que le Joker
et mieux que le Chevalier Noir.
Aussi, je serai son Chevalier Blanc. »

De son côté Bruce Wayne s’associe avec Mr. Freeze, travaillant ensemble sur les technologies pouvant d’un côté redonner vie à Nora, la compagne de Victor Fries, et d’un autre côté à… Alfred, apparemment dans le coma et mourant.

Jack Napier entame sa rédemption, aidé de son ancienne psychiatre et compagne Harleen Quinzel. L’homme souhaite aller de l’avant tout en combattant ses démons intérieurs — la folie du Joker rôde toujours — et on le sait responsable (à l’époque où il était encore le criminel redouté) de la disparition de Jason Todd, alias Robin.

Bon orateur, intelligent et charismatique, Napier bouleverse l’opinion publique au fur et à mesure qu’il gravit les échelons politiques.

[Critique]
Cela faisait très longtemps qu’une œuvre (récente) sur Batman n’était pas aussi proche de la perfection. N’ayons pas peur des mots : Batman – White Knight est un chef-d’œuvre. Un one-shot qui fera date et restera dans la postérité aux côtés des récits cultes de l’homme chauve-souris ! À la fois accessibles aux plus néophytes et aux fans ardus, les qualités ne manquent pas pour qualifier cette bande dessinée. Le scénario, habile par bien des aspects, surprend par sa crédibilité (cette inversion des rôles — le gentil Joker vs. le méchant Batman — a déjà eu lieu et elle apparaît, ici, comme un réel défi moderne et plausible). Cette approche contemporaine brasse divers thèmes comme les dégâts immobiliers causés par Batman remboursés par les frais du contribuable, les avis tranchés des médias sur le justicier, les technologies de l’homme chauve-souris non partagées avec les services de police (la répartition de ces ressources aurait pu sauver des vies), etc.

Batman était censé être une solution temporaire pour Gotham… [Jim Gordon]
Mais désormais, c’est une addiction.
Et nous voulons la même chose, Jim : une solution. [Jack Napier, ex-Joker]

En évoquant ces aspects plus ou moins « inédits » dans une aventure de Batman (certains sont souvent abordés mais rarement aussi brillamment développés comme ici), le scénariste (et dessinateur) Sean Murphy propose un récit mature et passionnant. Il en profite aussi pour ajuster quelques éléments iconiques de la mythologie du Chevalier Noir. Dans son White Knight, Batgirl ne connait pas Jason Todd par exemple. Ce dernier a disparu et il n’a pas été remplacé (par un troisième Robin). Il n’hésite pas non plus à reléguer Alfred à de la figuration, luxueuse certes, et a envoyer le célèbre majordome six pieds sous terre. Duke Thomas, personnage créé récemment dans la série de Scott Snyder, apparaît ici comme un grand gaillard musclé, qui porte certes les couleurs de Robin (un souhait de l’auteur, comme le confirme ses croquis de recherche en bonus en fin d’ouvrage) mais est loin de sa version classique.

En plus de revisiter à sa sauce Batman et Gotham, Sean Murphy créé aussi un nouvel ennemi, appelé « la néo-Joker ». Il s’agit en réalité de Harley Quinn mais attention, la « seconde » muse du Joker. Explications : la première Harley Quinn (la psychiatre Harleen Quinzel) existe bien mais s’était éloignée du Joker, qu’elle ne reconnaissait plus. Une citoyenne de Gotham, prise en otage lors d’un braquage de banque par le Clown du Crime, fut victime du syndrome de Stockholm et devint, plus ou moins à son insu, une nouvelle Harley Quinn. Si cela peut paraître ridicule sur le papier, c’est très intelligemment mis en scène dans le comic-book. Murphy tacle d’ailleurs le virage ultra commercial et sexué qu’a pris l’Harley Quinn de ces dernières années dans tous les médiums artistiques. Il balaie même, à raison, l’argument féministe évoqué en guise de justification. On retrouve du coup deux femmes amoureuses du même hommes mais aux deux facettes radicalement différentes : le Joker et sa version « gentille » Jack Napier. Qui plus est, sans en dévoiler davantage, Murphy offre un véritable « bon et solide » rôle à la muse, voire aux deux muses, du Joker. C’est peut-être elle(s ?) qui est la véritable héroïne de cette histoire !

La « neo-Joker », nouvelle ennemie donc, s’allie avec le Chapelier Fou, là aussi tourné en dérision par l’auteur — qui semble se moquer régulièrement de ce qu’il juge plutôt risible dans la mythologie de Batman et, encore une fois, souvent à raison — mais le réécrit habilement pour lui proposer un solide second rôle. Une aubaine pour Jervis Tetch, rarement mis en avant dans les comics sur le Caped Crusader. La plupart des ennemis habituels sont aussi de la partie, avec une mention honorable pour Gueule d’Argile. Hélas — et c’est l’un des rares tout petit reproche à White Knight — la galerie de vilain est maladroitement exploitée (ils sont manipulés, leur cerveau étant contrôlé à distance…) et, in fine, peu montrée ; ils se contente de bastonner de temps en temps.

Les (nombreuses) scènes d’action s’ajustent parfaitement avec les séquences de dialogues. Le dosage est très réussi et cet équilibre bienvenu fonctionne très bien. Entre les coups de sang, ou plutôt les coups de poing, d’un Batman enragé, le récit fait aussi la part belle aux véhicules du justicier. Une nouvelle Batmobile a été conçue par Sean Murphy. Il s’est aussi fait plaisir en incrustant quasiment toutes les autres versions de la célèbre voiture ! Celle de la série d’animation de Bruce Timm, celle des films de Tim Burton (dont Murphy conservera le nom de Jack Napier pour l’alias civil du Joker), celle de la trilogie de Christopher Nolan, celle de la série kitch des années 1960, etc. Une vraie parade qui ne pourra que plaire aux fans.

En autres (très) légers défauts, on peut évoquer la difficulté à se rendre compte de la temporalité. Apparemment plus d’un an s’écoule avec le Joker « sain » et cela n’est pas forcément bien rendu. Des mentions datées auraient peut-être été plus judicieuses. De la même manière, il est évident (surtout sur la fin du récit) que Jack/Joker rappelle… Double-Face. Une schizophrénie à la fois graphique et rédactionnelle qui intervient de façon pertinente lorsque Jack ne prend plus ses pilules de guérison. C’est peut-être pour cela que le vrai Double-Face est très en retrait (même si d’autres ennemis emblématiques le sont tout autant, comme le Pingouin, l’Homme-Mystère, Killer Croc, etc.).

Avec un rythme endiablé et sans temps mort, l’histoire de White Knight ne surprend pas forcément dans ses grandes lignes mais reste redoutablement efficace (parfois même émouvante sans tomber dans le pathos). On  y croise les figures connues de Gotham, comme Leslie Thompkins, Harvey Bullock… des allusions au passé des Wayne (et une curieuse alliance) rappellent les bons moments de la première saison du jeu vidéo de Telltale Game, etc. La dualité entre Batman et le Joker est évidemment au cœur du récit (avec cette rengaine du Je t’aime moi non plus… et de la création de l’un et de l’autre, du miroir amour-haine et ainsi de suite — déjà très bien traitée dans Killing Joke et Arkham Asylum par exemple). Le nihilisme de Batman est bien exploité, perdant ses repères sans le montrer — seule la voix de Batgirl le rappelle à l’ordre, tous les autres sont pessimistes et fatalistes sur le sujet, y compris Nightwing et Gordon, doutant petit à petit du combat de Batman. Le point d’orgue se situe lors de la mort d’Alfred, qui était « la boussole morale de Bruce », comme l’évoque délicatement Batgirl. Par cet incessant rappel au questionnement infini de justice alliée à la moralité et la légalité (un ensemble toujours aussi « complexe » mais abordé frontalement en continue durant tout le récit), White Knight se veut plus profond qu’une relecture de Batman contre le Joker, ici plus humain que jamais. Il interroge, il met en garde, il divertit…

À ce titre, il apparaît comme une étrange continuité du travail de Miller sur son Dark Knight Returns (par les mêmes questionnements thématiques, les violences radicales et les débats journalistiques qui parsèment la narration) mêlé au travail de Geoff Johns sur Batman : Terre-Un, qui est clairement un « nouvel univers » du Chevalier Noir. White Knight semble emprunter les meilleurs éléments de ces deux excellents titres pour accoucher d’un écrin graphique quasi-parfait.

Car en plus d’écrire, Sean Murphy dessine. On lui doit déjà l’excellent one-shot Punk Rock Jesus (fortement conseillé) et la série en deux tomes Tokyo Ghost. À l’instar de celle-ci, l’artiste est accompagné ici de Matt Hollingsworth aux couleurs et, toujours comme pour Tokyo Ghost, une version des crayonnés encrés en noir et blanc de sa bande dessinée fut également en vente. Si la version couleur de Batman – White Knight est sublime par ses palettes sombres pour un résultat « réaliste » et sinistre, la version noire et blanche apporte une ambiance polar (voire hard boiled) très efficace. Aucun bonus n’est inclus dedans en revanche et, paradoxalement, elle coûte plus cher (29€ au lieu de 22,50€). Difficile d’en conseiller une en particulier, les deux sont excellentes à leur manière !

Il faut compter 200 pages environ pour les huit chapitres et ajouter une petite trentaine de bonus (galerie de couvertures, recherches…). Un temps appelé, « Joker : White Knight of Gotham », le livre regorge de citations brillantes, nées de la plume de Murphy, à l’aise aussi bien à l’écriture qu’aux dessins. L’artiste a réussi là où Enrico Marini avait peut-être échoué dans son The Dark Prince Charming. Ce dernier s’était fendu d’une histoire simpliste (ce n’est pas un défaut) mais efficace ; ici Murphy n’hésite pas à complexifier son récit et à proposer de solides rôles féminins (ce qui manquait cruellement dans The Dark Prince Charming). Le traitement narratif sur les personnages et leurs évolutions sont un des atouts de Batman – White Knight. Étrangement, ces deux œuvres (celle de Marini et de Murphy) paraissent complémentaires malgré leurs différences (graphiques et qualitatives) évidentes.

Si White Knight est hors-continuité, on se plaît à imaginer un nouvel univers gravitant autour de celui-ci. La fin sonnant comme un nouveau départ, il n’est pas forcément impensable que l’auteur (ou d’autres) souhaitent s’approprier cette base de données — très riche — pour accoucher de nouvelles pépites similaires. MàJ novembre 2018 : Une suite est déjà prévue pour 2019 ! Sean Murphy travaille en effet sur « The Curse of White Knight » qui mettra en avant Azraël notamment, toujours autour de Batman et du Joker. Freeze aura également droit à un chapitre spécial.

« Je suis un sociopathe manipulateur, qui arrive à peine à se contenir.
Deux cachets de moins et je redeviens ton pire cauchemar. »
[Jack Napier, ex-Joker, à Harleen Quinzeel]

Instantanément culte, Batman – White Knight ne rejoint pas les « coups de cœur » du site mais… les « comics incontournables » sur le Chevalier Noir ! Une très courte liste (c’est le huitième titre dedans) qui propose une porte d’entrée mais aussi des récits qui passent aisément la postérité. Nul doute que ce sera le cas ici.

[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 26 octobre 2018. Aux États-Unis d’octobre 2017 à mai 2018.

Scénario et dessin : Sean Murphy
Couleurs : Matt Hollingsworth
Traduction : Benjamin Rivière (Studio Makma)
Lettrage : Stephan Boschat (Studio Makma)

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Quelques couvertures classiques ou « variant » de Batman – White Knight.

 

À lire également en complément : la critique de Neault — qui a beaucoup aimé aussi — sur le site UMAC (pour lequel je contribue de temps en temps).