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Batman : Joker War – Tome 3

Après deux excellents tomes (surtout le premier, le second baissant très légèrement en qualité), Joker War perd un petit peu de sa superbe dans son troisième volume. Explications et critique.

[Résumé de l’éditeur]
Le Joker est parvenu un temps à ses fins en prenant le contrôle de la ville et en ruinant Bruce Wayne ! Laissé exsangue à l’issue de leur combat, Batman doit désormais rebâtir sa vie et retrouver la confiance de ses alliés comme des citoyens de Gotham. Car de nouveaux ennemis, comme Punchline et le Ghost Maker ne vont pas lui laisser le temps de reprendre son souffle !

[Histoire]
Batman doit changer ses méthodes de travail, à commencer par un nouveau lieu : une résidence en plein centre de Gotham à la place de son traditionnel manoir. Suite aux chutes de l’Empire Wayne, Lucius Fox peut couvrir Bruce Wayne mais moins investir d’argent dans les équipements du Chevalier Noir.

Selina donne une année à son conjoint afin de régler les problèmes de sa ville ; à l’issue de ce temps, ils décideront de la façon de gérer leur vie de couple, c’est-à-dire en quittant Gotham ou en continuant leur double-vie respective.

Dans les rues, quelques zonards sous l’emprise de la toxine du Joker — appelés les Souriards — rôdent. Clownhunter a poursuivi sa vendetta et cherche à nuire à Harley Quinn quand un ancien adversaire de Batman surgit dans la métropole : Ghost-Maker. Ce dernier connaît parfaitement Bruce Wayne et sa double identité depuis des années !

Ghost-Maker et Batman semblent avoir passé un marché, Ghost-Maker ne devait jamais se rendre à Gotham. Oracle (Barbara Gordon) ne trouve rien sur ce mystérieux antagoniste…

[Critique]
Composé de sept chapitres (Batman #101-105, Punchline #1 et Batman Annual #5), cette troisième salve de Joker War est dans l’ensemble convaincante mais en deçà de ses prédécesseures. Les cinq chapitres de la série Batman (un épisode nommé Fini de rire ! puis quatre regroupés sous le titre Histoire de fantômes) forment une étrange narration étant à la fois une conclusion (aux deux tomes d’avant donc), un moment « de transition » (l’impression de stagner entre deux grandes histoires, une passée et une à venir) et… une introduction (la fin est ouverte et relance un peu la saga avec un nouvel allié notamment).

Parmi les trois personnages créés par James Tynion IV depuis le début de Joker War, on déplore l’absence de Punchline (elle sera au centre du récit dans le chapitre d’après qui lui est entièrement consacrée), on apprécie le cheminement de Clownhunter (il n’a pas suivi les directives de Batman, a continué de se venger mais refusera de mener à terme son objectif en écoutant… Harley Quinn — puis il disparaît, inaugurant un futur ambigu, on le souhaite en tout cas… — le dernier épisode du livre lui sera aussi dédié) et l’on est mitigé quant au traitement du fameux Ghost-Maker.

Littéralement sorti de nulle part, c’est un homme que connaît Bruce depuis son apprentissage exilé de Gotham. Ne jamais avoir été mentionné auparavant est toujours un peu risqué (on se souvient de Tommy Elliott dans Silence, davantage ami d’enfance que partenaire d’entraînement durant plusieurs années et donc plus plausible à une incursion de la mythologie du Chevalier Noir). Ici, on a du mal à « croire » que cet énigmatique antagoniste existe depuis des lustres… Techniquement irréprochable, au look futuriste soigné (étrange mélange d’Iron Fist et Moon Knight — donc plutôt chez la concurrence que DC), Ghost-Maker n’est finalement qu’un autre énième ennemi aux ambitions radicales proches d’un Ra’s al Ghul notamment (pas forcément incohérent vu le passif commun entre Bruce Wayne et Ghost-Maker). En gros : on tue les « criminels », pas de place aux sentiments et à l’émotion.

Un peu faible et trop stéréotypé comme caractéristiques, c’est dommage (pour pas dire incompréhensible) de la part d’un talentueux scénariste comme James Tynion IV de se vautrer dans ce genre de facilité d’écriture (que ce soit pour les origines de Ghost-Maker ou celles de Punchline justement — cf. tome 2). Attention à la révélation à venir si vous n’avez pas lu le comic (passez au paragraphe suivant si jamais) : en quelques cases lors de la conclusion de l’aventure, Ghost-Maker décide de rejoindre la croisade de Bruce/Batman et de devenir un de ses alliés ! Pourquoi pas dans le fond (et c’est vrai qu’on a hâte de revoir cet anti-héros — surtout s’il rencontre Red Hood avec qui il partage de nombreux points communs), mais c’est assez mal amené et trop abrupte comme décision.

Le développement de Ghost-Maker laissait un peu à désirer, ce retournement de situation plus ou moins improbable déçoit pas mal, même s’il amène à une situation (un petit peu) excitante quant à l’avenir des justiciers dans Gotham. S’il ne faut retenir que le bon de l’entièreté de ces cinq chapitres, on apprécie le rythme, toujours aussi efficace, les dialogues travaillés du premier épisode surtout (entre Fox et Batman puis entre Catwoman et son mari), une bonne partie des dessins (on y reviendra car une myriade d’artistes opère tour à tour) et un ensemble qui reste correct à défaut d’être réellement marquant (comme le furent davantage les deux premiers volets — après tout il n’y a plus de guerre ni de Joker dans ce qui faisait l’intérêt principale de cette… Joker War).

Le chapitre sur Punchline (Sur le devant de la scène) reprend ce qui avait été vu fin du tome précédent avec la vidéo virale d’Alexis/Punchline clamant son innocence. On retrouve la version civile de cette nouvelle compagne du Joker le temps d’un flash-back puis on la découvre davantage via l’écoute de ses témoignages par… Cullen Row ! Personnage très secondaire apparu dans La Cour puis La nuit des Hiboux (créé par Scott Snyder donc). Le jeune homme est fasciné par Punchline, ce qui inquiète sa sœur, Harper Row, alias Bluebird puis Siala. C’est une agréable surprise, on avait surtout vu cette récente alliée du Chevalier Noir dans la saga Batman Eternal.

A la veille de son procès, difficile de savoir si Alexis/Punchline a été manipulée par le Joker ou si elle était consciente de la gravité de ses actes et donc complice. Leslie Thompkins (proche d’Harper Row) est consultée à titre professionnelle pour analyser la psychologie de l’accusée. Une foule de fans de Punchline clame sa libération et s’organise devant le tribunal où se tient son jugement. L’ensemble se tient bien, reste agréable à lire et n’a qu’un (gros) défaut : il n’y a pas de fin concrète ! C’est même indiqué : « Fin… et commencement. » On a clairement lu une introduction qui a étoffé un personnage intéressant (mieux que dans le tome 2) mais, hélas, se termine trop vite (on ignore le résultat du jugement, ce que font faire Harper et son frère, etc.), c’est très frustrant !

Enfin, l’ultime épisode qui clôt l’ouvrage, Il reste un espoir à Crime Alley (Batman Annual #5) s’attarde sur Bao, alias Clownhunter. La mort de ses parents causée par le Joker est enfin révélée tout en poursuivant son évolution globale puisque l’adolescent se rend chez Leslie Thompkins suite aux recommandations de Batman. En plus d’étoffer un protagoniste plutôt intéressant, le véritable tour de force de ce segment est son approche graphique, signée James Stokoe (aussi bien aux pinceaux qu’aux couleurs). Son style tranche avec les productions comics habituelles, mixant un improbable mélange entre Geof Darrow (The Shaolin Cowboy), Juan Jose Ryp (la trilogie Black Summer – No Hero – Supergod et aperçu dans le tome 7 de Batman & Robin), Franck Quitely (L’Autre Terre) et même un peu de Paul Pope (Batman – Année 100). En résulte un aspect à la frontière du surréalisme et de l’horrifique, un régal (qui ne plaira pas à tout le monde) !

Côté dessins justement, sur ce tome 3, Jorge Jimenez est malheureusement absent, remplacé par quelques valeurs sûres, comme Guillem March (#101, #103, #104) et Carlo Pagulayan par exemple (#102, #103, #105) puis par une armée d’artistes opérant parfois sur les mêmes épisodes : Carlos d’Anda (#102), Alvaro Martinez (#105), Christian Duce (#105), Ryan Benjamin (#104), Bengal, (#104) Mirka Andolfo (Punchline #1) et enfin James Stokoe (Batman Annual #05) ! En conservant Tomeu Morey à la colorisation le temps du premier épisode on retrouve un peu l’univers visuel instauré initialement mais Jimenez manque cruellement à l’ensemble (il reviendra dans le quatrième tome — qui sortira dans un délai plus long, le chapitre #106 étant prévu en mars 2021 après une pause liée à l’évènement Future State). David Baron s’occupe des couleurs d’autres chapitres (#102, #103, #104, #105), secondé par Romulo Fajardo Jr. et James Stokoe pour la suite et fin. Parmi les couvertures alternatives proposées en fin d’ouvrage, on retient celles de Francesco Mattina, superbes à tous points de vue.

En synthèse, ce troisième volet de Joker War 3 se lit très bien mais pêche pas un scénario plus convenu, un manque d’audace et une non-homogénéité graphique globale (qui reste qualitative tout de même — cf. les images illustrant cette critique). Les deux derniers chapitres, nettement plus longs, relèvent le niveau des précédents qui ne sont pas désagréables en soi mais loin d’atteindre les moments épiques des deux premiers tomes, que ce soit à l’écriture ou aux pinceaux. Sorte d’épilogue poussif avec l’insertion maladroite d’un antagoniste (à deux doigts d’une continuité rétroactive), on attend malgré tout ma suite avec impatience, surtout que les premières images sont alléchantes. Rendez-vous probablement fin 2021 pour la découvrir.

[A propos]
Publié chez Urban Comics l 16 avril 2021
Contenu : Batman #101-105, Batman Annual #5, Punchline Special #1

Scénario : James Tynion IV (+ Sam Johns)
Dessins : collectif (cf. article)
Encrage additionnel : Danny Miki
Couleur : collectif (cf. article)

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : MAKMA (Sarah Grassart et Stephan Boschat)

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Batman : Joker War – Tome 2

Après un excellent premier tome proposant une sorte de nouveau départ pour le Chevalier Noir, que vaut ce deuxième volume de Joker War ?

[Résumé de l’éditeur]
Après avoir affronté le Designer, Batman réalise que son ennemi de toujours, le Joker, tirait en réalité les ficelles des événements récents. Le Clown prince du crime a, de son côté, trouvé une nouvelle compagne, Punchline, qui ne tarde pas à s’opposer à son ancienne conquête, Harley Quinn ! La ville de Gotham sombre dans le chaos tandis que la vie de Bruce Wayne, privé de sa fortune, se trouve à jamais bouleversée !

[Histoire]
Après avoir torturé Lucius Fox, Punchline sait où Batman se rend dans une de ses caves secrètes. Le Chevalier Noir y remarque une nouvelle armure scintillante (il pense que c’est Fox qui l’a construite, ce dernier croyait que c’était Batman). Obligé de fuir, le justicier découvre sa ville à feu et à sang… le Joker a acheté tous les gangs, l’anarchie règne en maître, c’est une catastrophe.

Un nouveau justicier tâche de tuer tous les criminels : Clownhunter.

Dans le civil, rien ne va plus pour Bruce Wayne et sa fortune : les actions de Wayne Enterprises chutent…

Le Joker a aussi récupéré une bobine du film Zorro, le long-métrage qu’a vu Bruce enfant avec ses parents avant que ces derniers se fassent tuer en sortant de la séance. Le Joker souhaite le projeter dans le cinéma de l’époque à des morts-vivants (!) mais aussi et surtout à tous les habitants de Gotham à qui il propose de l’argent en échange.

En parallèle, le Clown Prince du Crime élabore une nouvelle toxine qui rend fou.

[Critique]
Légèrement en dessous du premier tome (passé la surprise forcément), cette incursion dans la guerre du Joker reste quand même particulièrement réjouissante à bien des égards ! Avant même d’aborder la narration et le récit en tant que tel, un constat évident à mentionner d’entrée de jeu : les planches assurées par les dessins de Jorge Jiminez et la colorisation de Tomeu Morey sont somptueuses ! Elles reflètent la majorité de l’ouvrage, c’est à dire les six épisodes #95 à #100. Le comic-book bénéficie également d’une courte introduction sur Punchline et d’un chapitre composé de mini-histoires centrées sur des personnages secondaires durant le conflit qui oppose l’homme chauve-souris au Clown (Joker War Zone #1 en VO).

Le trait fin, précis et élégant de Jiminez épouse à merveille son découpage dynamique, aéré (donc lisible) que ce soit dans l’action ou l’intimisme. Quant aux couleurs de Morey, les quelques exemples d’illustrations de cet article devraient convaincre les plus réfractaires. L’artiste magnifie les registres qui se succèdent : l’horreur, la guerre, le polar, la folie, le merveilleux… en choisissant habilement sa palette chromatique, mention spéciale aux tonalités chaudes prononcées pour les guérillas urbaines — prédominant le livre — et les clartés pourpres et scintillantes de la forêt d’Ivy (en exclusivité sur ce site sans les bulles de textes afin d’admirer correctement le travail commun du binôme, diablement efficace).

Ce deuxième segment de Joker War s’ouvre sur un interlude consacré à Punchline (The Joker 80th Anniversary 100-page Super Spectacular #1). C’était clairement ce qu’il manquait au volume précédent (erreur réparée donc), probablement car ces origines sur la nouvelle compagne du Joker furent publiés à peu près en même temps (en France) dans la chouette compilation Joker 80 ans. On les découvre donc enfin si on ne l’avait pas acheté (un recueil qui contient de multiples récits autour du célèbre Clown pour ses 80 printemps d’existence, incluant lesdites 100 pages « spectaculaires »). James Tynion IV a bien sûr rédigé ces premiers pas (il a créé le personnage) accompagné de Mikel Janin aux pinceaux, artiste qui avait fait la part belle à la série Batman Rebirth. Comment bien conclure une blague ? (le titre de cet épisode particulier) n’est malheureusement pas exceptionnel, pour pas dire franchement décevant.

La jeune étudiante Alexis dans le civil est simplement « une fan » du Joker. L’ironie est que face à ce dernier elle clame : « T’as demandé que je te prouve que j’étais sérieuse avant de me recruter pour ton grand projet. Tu voulais être sûr que je n’étais pas une autre groupie zarb’. La voilà, ta preuve. » Une groupie bizarre… C’est pourtant ce que Punchline semble être du peu qu’on la voit. Le personnage n’est pas bien fouillé, en quelques lignes l’on connaît ses motivations (pas envie d’être gentille — sic, avoir son propre monde — sic (bis), etc.). Des « origines » relativement pauvres et banales. « Ce monde que vous avez bâti est une blague et j’en suis la punchline » clame-t-elle… Heureusement, passé cette introduction peu brillante (qui ne représente que 10 pages sur 228 de BD environ, soit moins de 5% de l’ensemble) , tout le reste est beaucoup plus palpitant !

On retrouve donc le Chevalier Noir presque seul face au Joker et ses sbires. Même si on ne comprend pas tout des transactions financières qui ont causé la chute de l’empire Wayne (pour l’instant assez relégué en second plan), on prend plaisir à le voir en mauvaise posture. Entre l’anarchie provoquée par le Clown (qui n’est pas sans rappelé l’excellent film Joker de 2019), le difficile et douloureux deuil d’Alfred (nettement plus évoqué ici que dans le tome précédent), l’arrivée d’un nouveau protagoniste plutôt réussi (le fameux Clownhunter — qui sera davantage exploré dans le troisième volume), le retour de la Bat-Family… il y a de quoi se réjouir ! L’équilibre entre tous ces éléments est bien dosé, on regrette juste le traitement de Punchline, assez décevant (à l’instar de ses origines donc) et le manque de surprises (on n’aurait pas été contre un retournement de situation, une traîtrise par une tête connue par exemple, de l’imprévu dans l’évolution de certaines phases narratives…). Mais ça fonctionne, c’est le principal. Le Diable se cache dans les détails tout au long de l’œuvre : les allusions morbides à Alfred, la barbe de trois jours de Bruce sous son masque de Batman… Le texte et les dessins se rendent la pareille et se servent mutuellement. Les fans de Nightwing apprécieront aussi son retour en grâce.

Arrivé à la moitié du tome on enchaîne plein de courts chapitres se déroulant durant le siège de Gotham par le Joker et ses hommes de main. Chaque épisode (écrit et dessiné par différents artistes) se concentre sur un ou plusieurs alliés du Chevalier Noir, ou certains de ses antagonistes. Ainsi on découvre ce qu’il est advenu de Bane depuis la fin de Batman Rebirth et on peut voir également le fils de Lucius Fox ainsi que Spoiler et Orphan. Comme souvent dans ce genre d’entreprise, l’ensemble est inégal (aussi bien narrativement que graphiquement) mais il y a peu à redire : là aussi on est sur un pan de lecture assez rapide et court, on ferme donc aisément les yeux sur les quelques passages un peu moins palpitants. Le centième chapitre (le dernier du comic-book) offre une conclusion épique malgré quelques légers loupés. Il laisse un statu quo intéressant (dont un Joker… borgne !). On apprécie aussi la relation amicale entre Batman et Harley, rappelant celle, plus ambigüe, de Curse of the White Knight.

Comme toujours, le recueil se termine par une grande galerie de couvertures et si on a tendance à saluer le travail d’Urban Comics au global (prix, qualité d’édition, notes éditoriales…) on est parfois surpris par quelques erreurs de traduction (dont des flagrantes relayées ici et par exemple — avec une certaine ampleur début décembre 2020 qu’on peut déplorer sur la forme (à la limite du lynchage public comme trop souvent)). Dans le présent tome, c’est le célèbre « Home Sweet Home » qui a été littéralement traduit « Foyer, doux foyer », étonnant de proposer ceci en 2021 (personne ne dit ça en français, autant conserver le terme anglais). Rien de grave au demeurant, c’est du détail anecdotique…

En synthèse, malgré quelques défauts d’écriture ici ou là (caractérisation de personnages, prévisibilité de certaines choses…) Joker War – Tome 2 vaut complètement le détour. Assurément pour sa partie graphique et globalement pour son traitement narratif. Dans la droite lignée du premier, on ne peut que conseiller de le lire, aussi bien par les fans de longue date que les nouveaux venus.

Rendez-vous le 16 avril prochain pour le troisième tome qui contiendra les épisodes Batman #101 à #105, Batman Annual #5 et Punchline #1, soit sept chapitres au total. On y découvrira le mystérieux Ghost-Maker et probablement qui a conçu la nouvelle armure spéciale de Batman (qu’il n’a pas encore endossée, à moins que ce soit pour Justice League – Endless Winter, prévu en rayon au même moment ?). Pour avoir parcouru en VO ce troisième opus, on va perdre un peu en maestria graphique et en intérêt (MàJ 2021 : mais ça reste encore globalement bon — cf. critique en ligne).

Dans tous les cas, la « mini-histoire » auto-contenue dans les deux premiers tomes est (largement) suffisante pour avoir un récit de qualité avec un début, un milieu et une fin. On conseille donc les deux premiers volets de Joker War quoiqu’il arrive (sans obligation d’acheter la suite) !

[A propos]
Publié le 26 février 2021 chez Urban Comics.
Contenu : Batman #95-100, Joker War Zone #1, Joker 100 pages Spectacular également publié dans Batman Bimestriel #13 et 14 fin 2021 puis début 2022 (un an plus tard que la version librairie donc…).

Scénario : James Tynion IV (+ collectif additionnel)
Dessin : Jorge Jimenez, Guillem March, Mikel Janin (+ collectif additionnel)
Encrage additionnel : Danny Miki
Couleur : Tomeu Morey, Jordie Bellaire, Fco Plascencia (+ collectif additionnel)

Traduction : Jérôme Wicky (et Xavier Hanart)
Lettrage : MAKMA (Sarah Grassart et Stephan Boschat)

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Batman – Year Two / Année Deux

Proposé comme 6ème volume de la collection DC Confidential *, Batman – Year Two / Année Deux succède au célèbre Année Un de Frank Miller. Il contient trois histoires, toutes écrites par Mike W. Barr. La principale et la plus longue, Année Deux, est dessinée par Alan Davis puis Todd McFarlane. Elle contient quatre chapitres de Detective Comics (#575-578) publiés à partir de juin 1987 (Année Un de Miller occupait la série Batman #404 à #407, de février à juin 1987, Année Deux enchaînait donc « parfaitement » en guise de suite). Ce récit avait été publié par Semic en France en 2003 sous le titre Year Two – L’héritage du Faucheur. Cercle vicieux (dessiné à nouveau par Alan Davis), la suite directe, avait aussi été en vente chez Semic mais « avant », en février 1999 (!) sous le titre La boucle est bouclée ! — parfois appelée Année Trois. Enfin,  La vengeance du Faucheur (dessiné par Jerry Bingham) date de 2011 et est inédit dans notre pays. Critique d’une œuvre méconnue qui mérite pourtant le détour !

* La collection DC Confidential se propose de mettre en lumière les étapes décisives dans la des plus grands super-héros, tout en révélant l’autre Histoire de DC, celle qui s’est déroulée en marge des grandes sagas connues de tous. Réalisés par les auteurs les plus talentueux et représentatifs de leur époque, ces récits complets — et inédits dans leur grande majorité — représentent autant de lectures indispensables pour qui souhaite approfondir sa connaissance de l’Univers DC. Chaque album sera pas ailleurs augmenté d’épisodes complémentaires qui couvriront un peu les recoins les moins exposés de l’éditeur.
Texte apposé sur la couverture par Urban Comics (Voir en fin d’article la liste des titres proposés.)

[Résumé de l’éditeur]
À présent que le Romain et sa famille mafieuse ont vu leur règne s’achever suite à l’alliance de Batman et de James Gordon, la ville de Gotham peut à nouveau entrevoir un avenir radieux. Mais le retour d’un justicier du passé, le Faucheur, va mettre en péril l’amitié entre le jeune Chevalier Noir et le commissaire nouvellement nommé. Poussé à bout, Batman va même devoir s’allier avec l’homme qui a changé à jamais le cours de sa vie, et la deuxième année de Batman pourrait bien s’avérer être sa dernière.

[Histoire — Année Deux]
Gotham City s’habitue à la présence du nouveau justicier masqué, Batman, allié du fraîchement promu commissaire Gordon. Les médias le comparent à un ancien « vigile costumé » appelé le Faucheur, qui sévissait dans la ville il y a vingt ans avant de disparaître soudainement.

C’est précisément au même moment que le Faucheur revient combattre les criminels. Comme son surnom l’indique, il « fauche des vies » : il coupe, tue, décapite les malfrats, les racketteurs, les prostituées…

Pour le combattre, Batman décide de l’affronter avec une arme à feu : le pistolet qui a ôté la vie de ses parents !

[Critique]
Année Deux
se lit extrêmement bien, nul besoin d’avoir tous les détails d’Année Un en tête (au contraire, cela apporte une certaine « nostalgie » de (re)découvrir les premiers pas de Bruce/Batman). Les quatre chapitres (Craignez le Faucheur, Pacte avec le Diable, Mortels Alliés, Et poussière…) s’enchaînent sans temps mort, passant parfois un peu trop vite sur des éléments, comme la romance entre Bruce Wayne et une nouvelle venue Rachel (le milliardaire la rencontre, tombe amoureux, sort avec, la demande en mariage, etc.). Cette idylle est probablement le seul défaut du récit qui a par ailleurs extrêmement bien passé la postérité (à l’inverse de Le Culte par exemple, qui a plutôt mal vieilli dans sa narration (mais pas ses dessins) et dont on retrouve justement ici une certaine similarité graphique).

On (re)voit avec plaisir quelques audaces de l’époque (sous l’égide de l’éditeur Dennis O’Neil, une bénédiction). Mike W. Barr ose toucher au sacré : Batman avec un flingue ! Batman allié à Joe Chill ! De quoi être sacrément remué pour un lecteur de longue date. Même si le fameux pistolet n’est, in fine, peut-être pas aussi bien exploité que cela, c’était complètement inédit pour une publication de ce genre. On l’apprend dans la passionnante préface de l’auteur : il avait écrit son histoire bien avant celle de Miller. Année Deux, un temps appelé Batman 1980, devait même être publié en parallèle d’Année Un. Barr a conservé 75% de son jet initial et adapté le reste pour coller à l’univers instauré par Miller.

Le scénariste met aussi en avant Leslie Thompkins, figure maternelle bien présente tout au long de la fiction pour soutenir ou recadrer le playboy. L’homme d’affaires se trouve également au premier plan (il apparaît presque autant que sous son costume de justicier), amusant la galerie, jouant avec son alias civil comme jamais. C’est quelque chose qui s’est beaucoup perdu au fil du temps, c’est donc très appréciable de retrouver cela, contrastant en plus avec la noirceur du Faucheur et des séquences très violentes et sanglantes.

Il n’y a aucun mystère quant à l’identité de ce dernier, il est présenté sous sa véritable identité puis, quelques cases plus loin, en train d’admirer son costume avant de l’enfiler. On sait donc de qui il s’agit avant même qu’il apparaisse en Faucheur. Cela permet de se concentrer sur ses motivations et non sur l’identité de ce « vigilante ». Ce n’est pas plus mal car il n’y a guère d’intérêt à dévoiler des antagonistes masqués en fin de récit lorsqu’ils sont de parfaits inconnus, jamais vu auparavant dans d’autres comics.

Le Faucheur tue, décapite et coupe sans sourciller (aussi bien des agresseurs/racketteurs/criminels que des prostituées !) et utilise des armes à feu sans problème. Une approche extrêmiste à l’opposé évidemment de la croisade de l’homme chauve-souris. Et si l’armure du Faucheur peut sembler un peu désuète et connoter radicalement avec le style très urbain et plausible de l’ensemble, ce n’est pas pire que celle d’un Azrael…

La bande dessinée, hyper accessible, prolonge sans problème la veine polar initiée dans Année Un. Que ce soit dans l’ambiance plutôt noire ou du côté des dessins particulièrement soignés et réalistes (on est parfois proche d’un thriller franco-belge). Alan Davis assure le premier chapitre avant que le légendaire Todd McFarlane (Spawn) apporte sa touche flamboyante quand il croque le Chevalier Noir en action, avec le déploiement gothique et presque irréel de la cape du justicier. Sublime !

[Histoire — Cercle Vicieux]
Tandis que Batman vient de recruter Robin (Dick Grayson), le Faucheur est de retour à Gotham ! Qui a revêtu l’armure du terrible vigilante ? Pourquoi noue-t-il une haine si féroce envers le Chevalier Noir ?

L’occasion pour Bruce de retrouver Leslie et, surtout, Rachel, la fille de l’ancien Faucheur.

[Critique]
Là aussi on connaît directement l’identité du « nouveau » Faucheur, à savoir le fils de Joe Chill ! Cette suite s’insère parfaitement et propose une intrigue ficelée assez prenante. L’expression « la boucle est bouclée » prend tout son sens à la fin.

Quelques nouveautés priment comme Batman qui maquille son visage même sous son masque de justicier (!) si jamais il lui arrivait malheur. Et ce sera évidemment le cas, lors d’une scène inoubliable où le Chevalier Noir risque de finir pendu ou tombé dans de l’acide, vacillé par son propre traumatisme d’enfant. Heureusement que Dick/Robin apporte une certaine légèreté à l’ensemble et permet de suivre ses premiers pas (en parallèle du très bon Robin – Année Un).

[Histoire — La vengeance du Faucheur]
Quelques années après les évènements précédents, un autre Faucheur est (encore) de retour ! Batman est désormais allié à Jason Todd comme second Robin. Tous deux enquêtent.

[Critique]
Cette fois, c’est l’inverse, l’identité du Faucheur n’est révélée qu’à la fin et le lecteur est invité à suivre les indices afin de voir s’il a découvert, comme Batman, qui se cache derrière le crâne argenté du terrible ennemi (ou s’il n’y arrive pas, comme Robin).

Sans aucun doute le récit le plus faible de l’ouvrage : aussi bien scénaristiquement parlant (des choses prévisibles, d’autres pas du tout alors qu’elles sont censées l’être, peu importe elles ne sont guère intéressantes) que graphiquement (Jerry Bingham et son encrage trop épais, son manque de clarté global et ses quelques visages trop communs pour se démarquer du reste).

Néanmoins, on a ainsi l’intégralité du travail de Mike W. Barr sur cet antagoniste particulier qui a étrangement moins marqué la galerie d’ennemis de seconde (voire troisième) zone qui apparaît de temps à autre dans la mythologie Batman : Cluemaster, Killer Moth, Anarky, Zeus, KGBeast, l’Électrocuteur, Ratcatcher… Le Faucheur est revenu brièvement dans Arkham War mais n’a jamais récupéré son « aura » d’antan. Curieusement, il n’était pas présent non plus dans l’excellente saga de jeux vidéo Batman – Arkham ni dans la série d’animation de 1992. La faute, peut-être, à un design qui semble avoir servi d’inspiration aussi bien à Azraël (Jean-Paul Valley), cinq ans après l’apparition du Faucheur, ou à celui du célèbre Fantôme Masqué du parfait long-métrage animé du même titre. Tous deux s’étant davantage inscrit dans la culture populaire en complément des fans assidus de Batman.

[Conclusion & Critique de l’ensemble]
Faut-il acheter et lire Année Deux ? Absolument. Atteint-on la certaine « maestria » d’Année Un ? Non. Est-ce un problème ? Pas du tout. Au contraire et comme déjà évoqué, Année Deux franchit plutôt bien l’épreuve du temps, restant toujours aussi efficace dans sa narration que son découpage dynamique au rythme imbattable (trop rapide parfois). Violent, sanglant, sans concession, on (re)découvre un pan mythique et quasiment indispensable pour tous les passionnés. On le (re)précise si jamais : il ne s’agit pas d’une suite directe d’Année Un mais d’une histoire qui s’y déroule peu de temps après.

La très belle édition d’Urban Comics et son prix dérisoire pour son contenu (environ 200 pages pour 17,50€) en font un incontournable pour ceux qui s’intéressent aux premières années du Chevalier Noir, rejoignant habilement trois titres cultes (Année Un, Un Long Halloween, Amère Victoire) et se greffant éventuellement à deux comics plus confidentiels (Un homme à terre et Robin : Année Un). Il rejoint ainsi les « coups de cœur » du site et s’intercale efficacement dans la liste des comics « par où commencer ? » (même s’il est moins dispensable que les autres pré-cités, bien entendu).

 

Que ce soit pour Cercle Vicieux (arborant son titre anglais Full Circle, traduit par La boucle est bouclée !) en 1999 (en hors-série de leur catalogue alloué à Batman) ou Année Deux (titré L’héritage du Faucheur) en 2003 (en souscription d’abonnement pour plusieurs comics de super-héros, tous éditeurs US confondus), Semic avait choisi la même illustration de couverture. C’est aussi celle qu’arbore l’édition 2021 d’Urban Comics présentée dans cet article.

Un mot sur cette collection DC Confidential expliquée en début d’article. Elle propose en effet de très bons récits atypiques (la chronique du premier tome est prévu prochainement) qu’on recommande amplement. Ci-dessous la liste des volumes concernés (la collection se concentre uniquement sur des titres des années 1980 aux 2000).

1. Batman – Huntress : Cry for Blood / Dette de Sang [2000]
2. Green Lantern : Emerald Twilight / Crépuscule [1994]
3. Green Arrow : The Longbow Hunters / Les Prédateurs [1987]
4. JSA : The Golden Age / L’Âge d’or [1993]
5. Legion of Super-Heroes : The Great Darkness Saga / La Saga des Ténèbres [1982]
6. Batman : Year Two / Année Deux [1987]

[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 29 janvier 2021.
Précédemment publié chez Semic en février 1999 et en mars 2003.

Scénario : Mike W. Barr
Dessin : Alan Davis, Todd Mc Farlane, Jerry Gingham
Encrage : Paul Neary, Alfredo Alcala, Mark Farmer, Todd Mc Farlane, Jerry Gingham
Couleur : Steve Oliff, Gloria Vasquez, Tom Ziuko, Carlos Badilla

Traduction : Nicole Duclos et Xavier Hanart
Lettrage : Moscow ★ Eye

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