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Amère Victoire

Suite directe d’Un Long Halloween, cette Amère Victoire est à savourer juste après et tient sa très bonne place de troisième livre chronologique sur Batman.

Comics Batman 05 Amere Victoire[Histoire]
Un nouveau tueur en série, inspiré de Holiday, sévit dans Gotham City. Il s’en prend à plusieurs policiers et les corps des victimes sont retrouvés avec un jeu du pendu incomplet sur eux, dessinés sur des feuilles de dossiers appartenant au procureur Harvey Dent, devenu Double-Faceu.

Du côté des familles mafieuses, l’empire Falcone est revenu à Sofia, la fille de Carmine. Celle-ci, handicapée suite à sa chute provoquée par Catwoman, est bien déterminée à perdurer le nom de son père.

Mais la mafia est en déclin dans la ville, qui tombe petit à petit aux mains des fous d’Arkham, comme L’Épouvantail, L’Empoisonneuse et le Joker.

Gordon enquête sur ce Tueur au Pendu, en devant supporter la procureur Porter, et en étant toujours en conflit avec sa femme Barbara…

Batman tente tant bien que mal de trouver l’identité du serial-killer, tout en essayant vainement de retrouver la part humaine de Double-Face et en luttant toujours contre la mafia et les autres criminels. Un nouvel assistant ne serait pas de trop pour lui…

Batman Dark Victory[Critique]
L’histoire est à lire directement après Un Long Halloween, il serait dommage de commencer par Amère Victoire, qui dévoile l’identité de Holiday dès les premières planches. Les mêmes ingrédients s’appliquent : un tueur en série, des retournements de situations, plusieurs coupables potentiels, l’ascension (et la chute) de la mafia, la galerie d’ennemis traditionnels, beaucoup de mystères, d’action, de scènes quotidiennes « humaines » (notamment pour Gordon en pleine rupture, ou encore entre Alfred et son maître), etc. Cette recette quasi-identique (qu’on retrouvera aussi dans Silence, par le même scénariste) réussi à nouveau à tenir le lecteur en haleine, la surprise en moins de découvrir l’univers croquée par Tim Sale et les personnages.

Amère Victoire (Sombre Victoire aurait été plus judicieux, Dark Victory étant le titre original, peut-être qu’Urban Comics n’a pas voulu se rapprocher de son autre titre Sombre Reflet) est aussi un œuvre complète sur Harvey Dent. En effet, la dualité entre l’homme bon et celui devenu fou agite les protagonistes. Si Gordon souhaite laisser de nouvelles chances à l’ancien procureur, pour Batman c’est, à priori, terminé : Dent et mort, Double-Face est vivant. À l’instar d’Un Long Halloween, cette histoire se targuerait parfaite de l’appellation Double Face – Année Un (à suivre dans la foulée avec Robin – Année Un, qui voyait l’homme déformé devenir l’ennemi numéro un du jeune prodige avec des conséquences importantes).

Batman Dark Victory Gordon PorterRobin qui fait donc ici sa première apparition, est source de légèreté dans un univers bien sombre. Saluons la jolie mise en abîme de l’enfance de Dick avec celle de Bruce. Le rouge-gorge n’arrive qu’au dernier tiers du récit et c’est tant mieux. Tim Sale explique dans la préface qu’il était de base réticent à utiliser Robin, trop jeune, trop coloré, dans un monde ténébreux. C’est le scénario de Loeb qui l’a immédiatement convaincu, par son approche réaliste et qui devient un véritable atout, aussi bien dans les interactions avec Bruce, Alfred et Wayne, que dans l’ensemble de l’histoire.

Batman Dark Victory RobinIl y a moins à « critiquer » sur Amère Victoire, tant on pourrait le trouver indissociable de son prédécesseur, les deux œuvres formant un tout unique et incontournable. Là aussi, l’ambiance visuelle, très sombre et la patte spécifique de Tim Sale font des merveilles. Là aussi, le scénario — effet de surprise en moins donc — va surprendre et se dévore d’une traite. Là aussi, le prix peut être un frein (35€) mais ce serait dommage.

Le recueil se termine sur deux pages de croquis/couvertures (bien maigre donc) et la très courte histoire Chevalier Servant, de décembre 2004 narrant l’éternel jeu du chat et de la souris entre Catwoman et Batman. La féline est d’ailleurs absente une bonne partie de l’ouvrage, elle se rend à Rome avec le Sphinx. On comprend pourquoi à la conclusion d’Amère Victoire, et on peut découvrir son récit dans Des Ombres dans la Nuit, plus dispensable.

Batman Dark Victory Bruce SelinaLes mêmes qualités qu’Un Long Halloween font de cette suite un comic à la hauteur, qui a le mérite de continuer de surprendre et dresser un psyché des personnages mythiques avec une maturité étonnante. À lire ou relire et à posséder, inévitablement.

[À propos]
Publiée en France chez Urban Comics le 23 mars 2012.
Titre original : Dark Victory (+ Date Knight in Solo #1)
Scénario : Jeph Loeb
Dessin & encrage : Tim Sale
Couleur : Gregory Wright
Inspiration : Archie Goodwin
Lettrage : Laurence Hingray & Christophe Semal
Traduction : Alex Nikolavitch

Titres des chapitres :
Prologue
1 – Guerre
2 – Secrets
3 – Jouets
4 – Perdu
5 – Amour
6 – Haine
7 – Aliénés
8 – Affrontement
9 – Orphelins
10 – Justice
11 – Passion
12 – Vengeance
13 – Sérénité

Première publication originale en 2002.
Publié en France chez Semic en quatre tomes, intitulé Dark Victory, en 2002-2003.
Amère Victoire a aussi été édité en Noir et Blanc dans une version agrandie et limitée pour les 75 ans du Chevalier Noir (et curieusement Un Long Halloween n’a pas bénéficié du même traitement, ce dernier est d’ailleurs sortie un an plus tard qu’Amère Victoire alors qu’il se déroule après).

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Un Long Halloween

Principale source d’inspiration (avec Année Un) pour les films Batman Begins et The Dark Knight, Un Long Halloween est généralement le deuxième ouvrage à lire quand on commence les comics Batman. Celui-ci est considéré comme la suite d’Année Un, Frank Miller ayant donné son accord pour la réutilisation de ses personnages. Les auteurs d’Un Long Halloween partiront de ce principe pour développer leur fabuleuse histoire. Retour sur un récit incontournable.

Comics Batman 04 Un Long Halloween[Histoire]
Carmine « Le Romain » Falcone
règne en maître dans Gotham City. Son réseau, son influence et son pouvoir n’impressionnent pas Bruce Wayne, qui refuse de signer des accords d’entreprise avec lui, opération visant à blanchir l’argent sale de Falcone. Seul le neveu de celui-ci avait eu le courage de tout dénoncer devant un tribunal, avant de se raviser suite à une grosse somme d’argent déboursé par son oncle.

Harvey Dent, procureur ambitieux, souhaite arrêter Falcone mais ne peut franchir la ligne de la légalité. Épaulé par le lieutenant James Gordon, ils feront appel à Batman pour s’associer ensemble et coincer Falcone.

Mais le neveu de ce dernier est assassiné le soir d’Halloween… Pire encore : chaque mois, lors d’une fête, une personne en lien avec Falcone est tuée. Le meurtrier, surnommé Holiday, est introuvable. Bientôt, ce sont les fous d’Arkham qui feront aussi parler d’eux dans Gotham City : le Joker, Poison Ivy

Le Chevalier Noir, Gordon et Dent devront faire face à toutes ces menaces, en plus de leurs problèmes dans leurs vies privées, pour ramener la paix dans la ville et mettre fin aux agissement des clans mafieux et de Holiday.

Batman Long Halloween Batman Catwoman[Critique]
Un Long Halloween se lit, et relit, d’une seule traite (et rapidement). Énormément d’informations se succèdent dans cette histoire en treize chapitres, chacune s’axant sur un ou plusieurs protagonistes. Il y a tout d’abord, et c’était rarement vu jusqu’ici, les familles mafieuses. Falcone au centre du récit (dont la joue griffée par Catwoman dans Année Un rappelle la continuité directe — le personnage a d’ailleurs été inventé par Miller), avec ses enfants et sa sœur, mais aussi Maroni, le grand rival. Les références au livre et au film Le Parrain sont légions, du propre aveu du scénariste Jeph Loeb. Cette plongée au cœur de la mafia ayant la main mise sur la ville, à travers son réseau, l’argent sale et l’intimidation, surprend dans un univers qui était jusque là plutôt réservé aux fous d’Arkham, traditionnels ennemis du Chevalier Noir.

Batman Long Halloween FalconeC’est en effet la première fois que cet angle hyper réaliste est accentué dans un comic-book sur Batman, dans la droite lignée du travail qu’avait effectué Frank Miller auparavant. Mais la galerie de vilains du Dark Knight n’est pas en reste, puisque apparaîtront successivement Le Joker (pour une de ses premières fois), Poison Ivy, Le Sphinx, L’Épouvantail, Le Chapelier Fou, Calendar Man et même Solomon Grundy. Chacun a un rôle justifié et ne sert pas uniquement le récit pour de la figuration, bien au contraire. Double-Face n’est pas en reste, puisqu’Un Long Halloween est clairement l’équivalent de l’Année Un d’Harvey Dent. On suit le procureur assoiffé de justice dans sa croisade, aux côtés de Gordon et Batman, puis on découvre par petites touches sa schizophrénie potentielle, avant d’assister littéralement à sa naissance et son nouvel alias.

Harvey Dent est donc, lui aussi, au cœur du récit, mais ne vole pas la place à l’homme chauve-souris, qui alterne son rôle de vigilant et de playboy milliardaire avec un bon équilibre (là aussi un aspect pas forcément commun aux autres comics). Autour d’eux : Gordon tente de jongler entre son travail fastidieux et sa vie privée, dont le couple fragile (à voir dans Batman : Année Un) a vu l’arrivée de James Jr.. Couple qui trouvera un certain écho dans celui d’Harvey et Gilda. La femme du procureur se trouvant dans la même position que celle de Gordon à son arrivée dans Gotham City : de nombreuses menaces sur la famille, un mari souvent absent, etc. Ce sont ces petites touches de scènes quotidiennes, totalement transposables « dans notre monde et propre vie privée » qui assurent davantage d’immersion dans l’histoire. Tous les personnages génèrent de l’empathie ou de la sympathie.

Batman Long Halloween Dent Gordon GCPDCe n’est pas terminé : le tueur en série Holiday tient lui aussi le lecteur en haleine. À la première lecture, difficile de deviner qui est le meurtrier : Dent ? La sœur de Falcone ? Sa fille ? Catwoman ? Un inconnu ? Une inconnue ? Des inconnus ? À la seconde lecture, c’est l’évidence même et c’est là tout le génie de Loeb : il a écrit un polar pouvant être dévoré plusieurs fois avec chaque fois une nouvelle vision et tellement de sujets et de personnages que ce n’est pas forcément l’identité d’Holiday qui est au premier plan. C’est l’essence même d’un grand comic (et livre, d’une manière générale) : un parfait dosage de sujets personnels, intimes, mais également de suspens, d’action et de mystères. On notera que des années plus tard, le scénariste, associé cette fois au talentueux Jim Lee, publie Batman : Silence dont le schéma narratif est un peu identique. Tous les ennemis (et les alliés) interfèrent à chaque chapitre, Batman cherche l’identité de Silence, etc.

Un Long Halloween bénéficie du style atypique de Tim Sale. L’artiste croque ses personnages avec un petit côté « carré », rappelant parfois le travail de Frank Miller. Allant même, dans certaines planches, vers une approche à la Sin City, avec des cases noires et blanches monochromatiques. La quasi-permanence d’ombres procure une ambiance visuelle à nouveau dans la veine polar. À noter qu’Un Long Halloween est le fruit du travail effectué plus ou moins en amont par le duo d’artistes dans trois épisodes « Halloween Specials » quelques mois avant (et compilés dans Des Ombres dans la Nuit, avec le récit Catwoman à Rome, qui viendra clore la mini-série entamé avec Un Long Halloween et poursuivie avec Amère Victoire).

Batman Long Halloween JokerSi l’on cherche des défauts, on pourrait s’attarder sur Poison Ivy, dont la façon d’agir tranche un peu avec le réalisme observé dans le reste du récit, et la présence de Catwoman, indispensable évidemment, mais dont les finalités sont inabouties. Elle se contente d’être spectatrice sans qu’on comprenne réellement si elle a un but derrière tout cela. Peut-être qu’on en saura plus dans Amère Victoire, la suite directe, ou celle consacrée à son personnage : Catwoman à Rome. Certaines critiques pointent du doigt l’approche trop réaliste de l’ouvrage et le manque de « méchants fous » au détriment de membres de la mafia (sic). C’est évidemment une des qualités principales de l’œuvre, qui change un peu des autres ouvrages tout d’abord, et surtout qui est un peu fausse puisque la plupart des ennemis classiques apparaissent dans Un Long Halloween.

« Un Long Halloween est plus qu’un comic-book.
C’est une tragédie épique. »
Christopher Nolan, réalisateur de la trilogie The Dark Knight.

Le prix relativement élevé de l’ouvrage (35€) se justifie par son nombre de pages (416) et quantité de bonus mais reste tout de même trop onéreux (surtout par rapport à d’autres productions de l’éditeur). Beaucoup de compléments donc : une préface de Christopher Nolan et David S. Goyer, au moment de la sortie de Batman Begins et des prémices d’écriture de The Dark Knight (dont Un Long Halloween est clairement leur inspiration première pour ces deux films), des interviews de Jeph Loeb et Tim Sale, qui permettent de comprendre la matière créatrice de l’œuvre, des résumés, anecdotes et beaucoup de croquis, ainsi que les couvertures des treize numéros originaux.

Batman Long Halloween SphinxUne enquête-fleuve au sein de la mafia, un trio emblématique d’héros, la naissance de Double Face, une bonne partie des fous d’Arkham, un serial-killer mystérieux, etc. le tout servi par une fantastique ambiance visuelle avec des coups de théâtre et retournements de situations. Résolument culte et indispensable en seconde lecture des aventures du Chevalier Noir !

[À propos]
Publiée en France chez Urban Comics le 4 janvier 2013.
Titre original : The Long Halloween
Scénario : Jeph Loeb
Dessin & encrage : Tim Sale
Couleur : Gregory Wright / Dave Stewart (pages complémentaires)
Lettrage : Laurence Hingray & Christophe Semal — Studio Myrtille
Traduction : Thomas Davier

Titres des chapitres :
1 – Crime
2 – Thanksgiving
3 – Noël
4 – Réveillon de la Saint-Sylvestre
5 – Saint-Valentin
6 – Saint-Patrick
7 – 1er Avril
8 – Fête des Mères
9 – Fête des Pères
10 – Jour de l’Indépendance
11 – Fête Romaine
12 – Fête du Travail
13 – Châtiment

Première publication originale en 1996-1997.
Publié en France en 1999 chez Semic dans quatre Batman hors-série. Réédité ensuite en intégrale version Absolute chez Panini Comics en 2009, puis deux ans après en version intégrale Deluxe (moins cher et moins épaisse que l’Absolute, qui avait énormément de bonus).

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Batman Long Halloween HolidayBatman Long Halloween Not a Toy

Killing Joke

Retour sur une œuvre culte éditée sous plusieurs titres : Souriez ! (Comics USA en 1989), Rire et Mourir (Delcourt en 2000), La blague qui tue (en Belgique en 2001, dans un recueil d’histoires sur Batman vendu avec un quotidien) puis The Killing Joke (Panini Comics en 2009), le nom original, avant d’être publié, à nouveau, sous le sobre Killing Joke chez Urban Comics en mars 2014.

batman killing joke[Histoire]
Batman se rend à l’Asile d’Arkham pour s’entretenir avec son ennemi de toujours : Le Joker. Mais ce dernier s’est une nouvelle fois échappé…

Le Clown du Crime prend ses quartiers dans un parc d’attractions abandonné. Il kidnappe le commissaire James Gordon, tire sur sa fille Barbara et convie le Dark Knight sur les lieux dans un seul but : lui prouver que n’importe qui peut sombrer dans la folie, après avoir passé une mauvaise journée…

C’est en effet ce qui est apparemment arrivé au Joker. Son passé est dévoilé petit à petit : comique raté et bientôt père de famille, l’homme pauvre n’a guère le choix que d’endosser le costume de Red Hood et se rendre complice d’un vol qui va évidemment mal tourner…

batman joker killing joke[Critique]
La première lecture de Killing Joke est toujours délicate. Un sentiment d’effroi devant toute la folie et la barbarie du Joker mais aussi un malaise devant la planche finale sont souvent perceptibles, étrangement également « une petite déception ». En effet, l’œuvre reçoit tellement de louanges qu’on pourrait s’attendre à quelque-chose de plus long (le récit tient sur quarante-six page) et plus dense peut-être, surtout à l’association du prestigieux nom d’Alan Moore. Sauf que Killing Joke fait partie de ces histoires cultes qu’il faut lire et relire, pour en savourer pleinement le talent narratif et graphique. Car la bande dessinée assure sur ces deux terrains.

Il y a tout d’abord le scénario d’Alan Moore, le talentueux britannique maître de Watchmen, V pour Vendetta ou encore From Hell. Il dresse un portrait extrêmement sombre, mais aussi terriblement humain, du Joker au fil des cases. L’éternel dualité qui l’oppose à Batman (qui n’est pas au centre de Killing Joke) est mise en avant avec pertinence : quand cessera le combat entre le justicier et le fou ? Jusqu’où le Joker devra-t-il aller pour que Batman le tue ? Sont-ils destinés à s’affronter inéluctablement ? Le Joker peut-il devenir quelqu’un de bon ? Ces interrogations sont éparpillées, subtilement ou non, jusqu’à la fin de l’ouvrage. Juste avant une « blague qui tue » et qui amuse les deux hommes, comme deux bons copains qui rigolent autour d’un verre. Cela fait froid dans le dos. Surtout en repensant au supplice et à l’humiliation subie par James Gordon et surtout par sa fille. Blessée et handicapée (et peut-être violée) suite à l’attaque du Joker, elle sera contrainte de passer la fin de sa vie en fauteuil roulant (enfin, avant le Relaunch DC Comics). Car oui, c’est de Killing Joke dont sont tirées quelques aspects « incontournables » de l’univers du Dark Knight : le passé du Joker, le sort de Barbara, le retour de Red Hood, le côté extrêmement sombre et la dualité ambiante entre Batman et son ennemi… Tout cela est donc dû à cette œuvre, preuve qu’elle affronte les épreuves du temps avec brio. Elle a influencé les histoires de l’homme chauve-souris, aussi bien en bandes dessinées qu’au cinéma, ou en jeux vidéo et séries animées, et continue de le faire de nos jours.

joker visage avant sans masque(En haut la version recolorisée, en bas la version originale. Cliquez pour agrandir.)

Les dessins de Brian Bolland ne sont pas en reste. Le découpage très symétrique de ses planches, très certainement orientées par les story-boards d’Alan Moore qui lui sont relativement chers, et les points de vue adoptés case après case confèrent au comic-book cette originalité propre. Mention spéciale pour les vues subjectives alternées. En plus d’avoir des traits relativement modernes et qui ne « vieillissent pas » (le récit datant tout de même de 1988), l’artiste réussit à emmener le lecteur dans une ambiance poisseuse et malsaine, par sa violence inouïe (que Moore regrettera par la suite) et le silence « lourd » de certaines scènes. L’édition d’Urban Comics propose la version « de luxe » sortie en 2008. En effet, à la base c’est John Higgins qui avait colorisé Killing Joke (il avait déjà effectué un superbe travail sur Watchmen, toujours avec Alan Moore à l’écrit). Toutes les planches étaient en couleur, avec un petit côté « old-school » et plus psychédélique (on aurait aimé avoir les deux versions dans l’édition tout de même) mais avec peut-être moins « d’efficacité », en terme d’intensité du rendu, que le travail qu’a effectué par la suite le propre dessinateur Brian Bolland. Ce dernier avait reconnu avoir été déçu par ces couleurs, qu’il n’avait pas pu assurer faute d’un emploi du temps chargé (par ailleurs, il est à l’origine du projet depuis le début, c’est lui qui a proposé une histoire indépendante sur le Joker avec Moore comme auteur) et il a donc effectué la recolorisation de son œuvre, pour aboutir à la version qu’il avait en tête dès le départ. Outre de remanier les tons de façon relativement plus froide, et donc de surenchérir par le côté sombre de l’histoire, il a choisi de passer en noir et blanc toutes les scènes de flash-back, exceptés quelques éléments de couleur chaude. Le ton jaune et orange deviendra ainsi rouge vif par la suite avec le masque et la cape de Red Hood, avant que tout le personnage du Joker ne prenne des couleur lors de sa véritable naissance. Superbe.

Killing Joke Barbara Gordon(À gauche la version recolorisée, à droite la version originale. Cliquez pour agrandir.)

L’édition est à peu près la même que celle de Panini Comics, sortie cinq ans plus tôt : la préface de Tim Sale (dessinateur d’Amère Victoire, Un Long Halloween…) est proposée, ainsi que la postface de Brian Bolland (dont la fin suggère une hypothèse avancé par Grant Morrison en 2013 : Batman tue le Joker dans les dernières cases de Killing Joke !) suivi d’une courte histoire : Un parfait innocent. La confession d’un homme en apparence « bien » qui souhaite utiliser son libre-arbitre pour faire quelque-chose de « mal » : tuer Batman. Quelques croquis préparatoires, en noir et blanc et en couleur, ainsi que d’autres couvertures sur le Joker signées Bolland complète cet ouvrage, à posséder obligatoirement (13€ seulement — même si cela peut paraître un poil cher par rapport au nombre de pages de la BD en elle-même, à savoir 46) pour tous les fans de Batman, ceux qui découvrent son univers ou qui souhaitent redécouvrir cette histoire culte.

batman vs joker killing jokeNB : Pour l’anecdote, l’Homme-Mystère a vu l’assassinat de la femme du Joker (avant qu’il ne soit fou) et proposera un marché à ce dernier. C’est à découvrir dans Vengeance, une des histoires qui suivait Silence. D’un moindre intérêt évidemment, mais une curiosité (désolé pour l’article de l’époque, peu fourni, cela a bien changé depuis !).

[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 7 mars 2014.

Scénario : Alan Moore
Dessin & Couleur : Brian Bolland
Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : Christophe Semal & Laurence Hingray (Studio Myrtille)

Publication originale dans The Killing Joke – The Deluxe Edition / Batman Black & White #4 en juillet 2006. Récit originale en 1988.

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Joker Killing Joke GordonJames Gordon à Batman :
– […] rattrapez-le ! Vous devez le coffrer… et faire ça dans les règles.
– Je vais essayer.
– Dans les règles, je vous dis ! Il faut lui montrer ! Lui montrer que nos valeurs prévalent !