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Batman Rebirth – Tome 9 : L’aile meurtrière

(Article en cours d’écriture/mise en page)

Après les évènements de l’excellent tome précédents (Noces Noires, à lire en parallèle d’À la vie, à la mort idéalement), quelle suite à (l’interminable) série de Tom King ? Réponse dans la critique. Il est évidemment conseiller de ne pas lire si vous n’êtes pas à jour.

[Histoire]
Bruce s’interroge s’il est assez fort pour continuer à être Batman… Il se rappelle aussi d’un cadeau de Superman : la kryptonite platine, procurant les mêmes pouvoirs de l’homme d’acier à l’homme chauve-souris s’il le souhaite.

Bruce Wayne somme Dick Grayson de quitter Gotham afin qu’il puisse revêtir à nouveau le costume du Chevalier Noir (Nightwing remplaçait Batman après l’échec du mariage).

Parallèlement, KGBeast est de retour à Gotham. Quant à Bane, il poursuit son plan dans l’ombre contre Batman.

[Critique]
Comme la plupart des tomes du run de Tom King, celui-ci ne fait pas exception à sa composition éclatée en plusieurs petites histoires. Ainsi les chapitres Batman Secret Files #1, Batman #54 à #60 et Batman Annual #3 (le #2 fut publié dans À la vie, à la mort) sont répartis en cinq histoires.

Vraiment fort (Batman Secrets Files #1) est un prologue de 3 pages qui n’a absolument aucun intérêt à ce stade. Peut-être qu’on verra l’utilité de ce qui a été présenté (la fameuse kryptonite spéciale) dans les tomes suivants. Ou bien si Batman l’utilise (dans les chapitres suivants), ce n’est pas précisé…

Le meilleur d’entre nous (Batman #54) dresse un parrallèle pertinent et sympathique entre le passé de Dick et Bruce — jeunes puis durant leurs premières années — et leur présent. C’est l’occasion d’apporter une certaine légèreté grâce à Dick/Nightwing.

Bêtes de sommes (Batman #55-57) est excellent : navigant entre les genre, alternant brillamment les narrations, on prend plaisir à lire les blagues de Nightwing face au taciturne Batman tout en suivant l’arrivée d’un antagoniste manchot, méthodique, implacable et efficace : KGBeast (alias La Bête). Cet ennemi a été peu vu ces dernières années dans les aventures de Batman, on se souvient surtout de lui dans les sagas Knightfall et No Man’s Land. Sa modernisation est particulièrement réussie. Toute l’histoire est d’ailleurs un florilège de références à d’ennemis loufoques de secondes zones, on croirait voir du Morrison. Anecdotiquement, on nous informe aussi l’anniversaire de la fin de « la guerre des rires et des énigmes » (cf. le tome 4, malheureusement raté), un évènement toujours évoqué depuis le début de l’ère Rebirth sans réelle pertinence in fine. Enfin, la vendetta à laquelle se livre Batman est brutale, sans faille avec une conclusion froide et précise. Clairement un trio de chapitres qui vaut le détour.

La Fête des Pères (Batman Annual #3), écrit par Tom Taylor cette fois, met en avant Alfred : ses habitudes et ses inquiétudes. Un récit doux-amer, très touchant, avec le célèbre majordome au centre de l’histoire comme on l’a rarement vu. C’est typiquement ce genre là qui manque cruellement aux (nombreuses) aventures de Batman : offrir un coup de projecteur sincère sur un personnage secondaire mais indispensable, qui plus est qui n’est pas un justicier mais, à sa manière, un véritable héros aussi. Simple et efficace, mélancolique et (presque) émouvant.

L’aile meurtrière (Batman #58-60, qui donne son titre au livre — et où l’on retrouve principalement aux dessins le fidèle Mikel Janin et son style atypique pour accompagner les textes de Tom King) reprend à la fois un des fils rouges « discrets » du début de la série, à savoir l’œuvre de Bane dans l’ombre, et également la suite de l’excellent tome précédent avec les conséquences de l’acquittement de Freeze à son procès — grâce à la plaidoirie de Wayne envers les membres citoyens du juré. Le Pingouin décide de trahir Bane et de dévoiler à l’homme chauve-souris que Bane, pourtant emprisonné à Arkham, manipule tout l’asile et la ville. Copplebot signe son arrêt de mort en donnant ces informations mais il n’a plus de raisons de vivre, car l’amour de sa vie Penny (sa compagne ? sa fille ?! on ne sait rien d’elle, elle débarque de nulle part) a été tuée et, à part la rejoindre, il ne sait plus quoi faire…

On note un petit rappel aussi au très bon comic Le Badge — insistant donc discrètement que les évènements de cet autre « gros morceau narratif » (la fin de Justice League ère New 52 puis DC Universe Rebirth et enfin Le Badge — qui amèneront à Doomsday Clock, croisant les univers de Watchmen et de DC) est toujours canon et à prendre en compte. Un aspect qui prend encore plus de sens lors de la toute dernière planche de l’ouvrage !

La première moitié du titre remet (un peu) en avant Nightwing ce qui est une bonne chose. À l’exception de Catwoman (forcément), les alliés de Batman étaient plutôt en retrait ou absents depuis le début de la série, cela permet de « respirer » un peu après toutes ces (més)aventures en solitaire. D’autant que le capital sympathie que dégage Dick est (toujours) aussi efficace. La seconde moitié reste palpitante et plus ou moins originale. L’ensemble est ponctué de combats dynamique, bien mis en scène et particulièrement violents (l’affrontement entre le Chevalier Noir et KGBeast et, surtout, le tabassage intense de Bane). La relation paternelle est évoquée via plusieurs prismes : brièvement celle de Bruce et Thomas, celle de Dick et Bruce, celle de Bruce et Alfred — et une ultime à venir qu’on ne dévoile pas ici. Des défauts d’écriture évidents sont malheureusement présents (une introduction inutile, Penny Copplebot inconnue au bataillon, le statut de Nightwing incertain, des mystères qui se doivent d’avoir une explication plausible dans la suite de la série, etc.). Mais attention, tous peuvent trouver une résolution satisfaisante dans la suite et gommeront donc ce qui est perçu, à date, comme des maladresses ou des frustrations.

Graphiquement, entre les traits précis de Tony S. Daniel (en moyenne forme tout de même), la patte de Janin et les ambiances particulière de Jorge Fornes, le livre tient la route malgré sa non homogénéité des styles (le premier chapitre de Matt Wagner est assez moyen), avec une nette préférence pour sa deuxième moitié (Janin et Fornes). Comme toujours une galerie de couvertures variantes (on ne comprend pas pourquoi Urban n’a pas choisi l’une d’elle pour illustrer ce neuvième volume plutôt que d’en sélectionner une qui ne représente pas vraiment la globalité du comic-book), croquis et autres dessins encrés ferment le livre.

Un titre qui se retrouve donc dans le haut du panier du run de King, qui avait bien débuté (tomes 1 à 3) avant de se vautrer dans un ennui et ratage complet (tomes 4 à 7 — sauf la toute fin de ce dernier) puis qui s’est superbement rattrapé (tome 8 et ce 9ème donc, même s’il n’atteint pas la maestria de son prédécesseur).

[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 17 septembre 2019.

Contient : Batman Rebirth #54-60, Batman Annual #3 et Batman Secrets Files #1

Scénario : Tom King, Tom Taylor
Dessins : Mikel Janin, Tony S. Daniel, Matt Wagner, Otto Schmidt, Mark Buckingham, Jorges Fornes
Encrage additionnel : Danny Miki, Andrew Pepoy
Couleur : Jordie Bellaire, Tomeu Morey, Otto Schmidt

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : Stephan Boschat (Studio MAKMA)

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Batman – À la vie, à la mort

Court comic-book de 80 pages environ reprenant le deuxième chapitre « annual » de la série Batman Rebirth (du même titre À la vie, à la mort) et une curiosité (Elmer un peu, beaucoup… avec le chasseur Elmer des Looney Toon à Gotham !), À la vie, à la mort est un one-shot pouvant se lire totalement indépendamment de quoi que ce soit mais qui prend une certaine dimension (plus mélancolique) en le découvrant en parrallèle des tomes 7 et surtout 8 (Noces Noires) de la série Batman Rebirth. Toute sa première moitié a été publiée en noir et blanc et offert par Urban Comics lors du Batman Day Collector en septembre 2018.

MàJ novembre 2022 : le chapitre principal (le plus réussi et important) a été réédité dans Batman/Catwoman. Il ouvre d’ailleurs ce récit complet qui « poursuit » à nouveau le travail du scénariste Tom King dessus. Entre 15 € à débourser pour À la vie, à la mort ou bien vingt de plus (soit 35 €) pour Batman/Catwoman, on conseille évidemment le second choix (cf. critique).

[Histoire]
La relation entre Catwoman et Batman, le jeu du chat et de la (chauve) souris.

Ils se tournent autour, ils se découvrent, ils s’unissent. Ils vieillissent…

[Critique]
Le chapitre À la vie, à la mort (la première partie du livre donc) est un véritable coup de cœur, d’une efficacité redoutable et d’une perfection absolue ! La simplicité du récit vise juste grâce à ses dialogues profondément humains. Difficile d’en parler plus longuement sans dévoiler sa conclusion, montrant un couple âgé, à la santé fragile et rappelant, forcément, le monde qui nous entoure. C’est en misant sur ce postulat à la fois « facile » et inédit (la fin de vie de Bruce Wayne sous un angle sans doute jamais vu) que Tom King est à son meilleur (comme souvent). Exactement comme dans Noces Noires, dont cet épisode fait doublement écho : il peut être lu en complément pour imaginer ce que l’union de Selina et Bruce aurait donnée si leur mariage s’était bien déroulé ou bien être vu comme la suite d’une histoire (publiée en 1983 et incluse dans Noces Noires) qui montrait sur une Terre parrallèle les premiers pas du couple mythique (et sa « confirmation » sur le long terme puisque Bruce Wayne en parle longuement dans la rédaction de son autobiographie).

En croquant le début de romance entre les deux êtres sous leur costume, puis leur (presque) « fin » sous leur alias civils âgés en très peu de planches, l’ensemble séduit, émeut et marque comme rarement un comic-book le fait. Bien sûr, la bande dessinée trouve une résonance plus ou moins personnelle propre à chacun (son vécu, son entourage…) mais difficile (impossible ?) de ne pas être touché par ce très beau titre.

Les styles épurés mais réalistes de Lee Weeks et de Michael Lark accentuent la proposition singulière de l’œuvre, à la fois urbaine et très poétique. Nocturne et paradoxalement lumineuse. Un petit bijou qui trouve une autre vision dans sa version en noir et blanc (malheureusement limitée et non en vente) : plus poignante et mélancolique. Rares sont les œuvres dégageant autant d’émotions, il ne faut donc pas passer à côté.

Seul regret : À la vie, à la mort n’est pas inclus dans Noces Noires. Il y aurait largement mérité sa place. En l’ajoutant avec les autres chapitres (soit à la suite de celui publié initialement en 1983, soit en le remplaçant carrément), on aurait obtenu une pépite complètement indispensable et facilement accessible ! Mais c’est compréhensible : le proposer en volume unique permet d’attirer un public néophyte qui aurait eu peur de se lancer dans une série interminable (Batman Rebirth) même si ce fameux huitième tome (Noces Noires toujours) peut complètement se lire de façon déconnecté et garder tout autant sa puissance visuelle et narrative — et, comme on vient de le souligner, aurait gagné en intensité en incluant À la vie, à la mort. Peut-être dans une future réédition ?

Elmer un peu, beaucoup… met en avant Elmer Fudd (en couple avec Silver Saint-Cloud) qui veut tuer Bugs Bunny puis Bruce Wayne. Il s’agit bien des personnages du célèbre cartoon des Looney Tunes mais sous une forme humaine et non animale, avec un prisme noir, dans une veine polar singulière et étonnante ! On y croise aussi les alias de, entre autres, Titi, Porky Pig, Taz…

Si cette curiosité est agréable à lire, sincèrement originale et amusante, elle a la lourde tâche de succéder à un chapitre beaucoup plus terre-à-terre, réussi et important. In fine anecdotique, Elmer un peu, beaucoup… trouve difficilement sa place dans cet ouvrage. C’est clairement un remplissage justifié par les artistes communs qui ont travaillé sur les deux chapitres. Pourquoi ne pas avoir proposé uniquement le premier en couleur puis en noir et blanc avec différents bonus (et/ou avec l’histoire publiée en 1983 dans Noces Noires) ? C’est dommage, cela empêche À la vie, à la mort de rejoindre la très courte liste des comics Batman indispensables mais se hisse sans trop de difficulté dans celle des coups de cœur du site.

[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 7 septembre 2018.

Contient : Batman Annual #2 + Batman/Elmer Fudd Special #1

Scénario : Tom King
Dessins : Lee Weeks, Michael Lark
Couleur : Elizabeth Breitweiser, June Chung, Lovern Kindzierski

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : Stephan Boschat (Studio MAKMA)

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Batman Rebirth – Tome 8 : Noces Noires

Le mariage entre Batman et Catwoman annoncé à la fin du troisième tome a (enfin !) lieu dans ce huitième volume. Il contient, entre autres, le 50ème chapitre de la série Batman (ère Rebirth) centré justement sur l’union du couple.

[Histoire]
Selina vole sa robe de mariée et le couple compte se dire oui sur un toit de Gotham. La féline se rappelle aussi ses rencontres passées avec le Chevalier Noir.

Plus tard, Bruce Wayne est convoqué pour être juré citoyen dans un procès contre… M. Freeze !

[Critique]
Voilà un tome atypique : deux chapitres sur le mariage (#44, Voleuse de mon cœur et #50, Le mariage de Batman & Catwoman — ce dernier extrêmement long et dessiné par une incroyable galerie d’artistes qu’on détaille plus loin), un d’avril 1983 (The Brave and the Bold #197) — résonnant avec les évènements du comic-book et de l’aparté one-shot À la vie, à la mort — puis trois formant la mini-histoire La chambre froide ramenant M. Freeze au (presque) premier plan. Un contenu particulier pour une histoire particulière.

Voleuse de mon cœur montre Catwoman voler sa future robe de mariée (à 28.000$ tout de même) tout en se remémorant ses différentes rencontres avec Batman au cour des dernières années (des décennies pour le lecteur donc, puisqu’on voit les différents costumes de la féline des plus grandes périodes de publications).

On retrouve Joelle Jones pour les dessins correspondants au récit principal et Mikel Janin pour remodeler quelques scènes d’antan à sa sauce, sans trahir le matériel originel puisqu’il s’inspire de scènes ayant réellement été publiées (le lecteur pourra même les comparer grâce aux bonus situés en fin de livre).

Un chapitre à la fois moderne et nostalgique, d’une réussite évidente et qu’il est en effet plus judicieux de publier  dans ce recueil et non plus tôt comme ce fut le cas aux États-Unis.

Le mariage a enfin lieu dans le second chapitre du tome. Pour l’occasion, le nombre de planches est plus conséquent et certaines d’entre elles sont des dessins de Batman & Catwoman en pleine page, illustrées et colorisées par de grands noms de l’industrie : Jason Fabok, Frank Miller, Lee Bermejo, Neal Adams, Tony S. Daniel, Paul Pope, Tim Sale, Andy Kubert, David Finch, Jim Lee, Greg Capullo, etc. parmi les plus connus (cf. huit planches en fin d’article). Ce sont eux les « vrais » invités du mariage !

Au-delà de cette majestueuse galerie qui donne évidemment un cachet unique au chapitre (et au livre), le scénario n’est pas en reste : les déclarations d’amour entre Selina et Bruce font mouche, les réflexions aussi, celles qui découleront sur la conclusion plus ou moins anticipée (qui sera dévoilée dans le paragraphe suivant) sont pertinentes et, somme toute finalement, assez « logiques ».

Cinq tomes après la demande en mariage, ce dernier a donc enfin lieu ! En comité extrêmement réduit — un témoin chacun, Alfred est celui de Bruce, l’occasion d’une petite saynète muette et touchante — sur un toit de la ville, lieu de rencontre habituelle du couple. Sans réelle surprise, Selina/Catwoman fait marche arrière… Attention à la déception violente pour certains lecteurs. Elle comprend qu’en rendant heureuse son futur mari, cela trahirait ce qu’il est vraiment et pourrait peut-être même le couper de son essence vitale, son « carburant » (c’est-à-dire les tourments, la solitude…), qui l’anime en tant que justicier. Écrit ainsi, cela sonne peut-être un peu ridicule mais c’est nettement mieux développé au fil des pages et fait grandement sens.

Clairement, la fin du tome précédent et le début de celui-ci sont extrêmement bons et resteront fortement ancrés dans la mythologie de Batman. L’ultime case vient (enfin aussi) reconnecter l’histoire avec les différentes directions scénaristiques entamées depuis le premier tome et plus ou moins abandonnées ; plaisant et surprenant ! À l’issue de ce chapitre se situe un aparté textuel du dessinateur Mikel Janin en guise de bonus et de transition.

L’Autobiographie de Bruce Wayne prolonge étrangement cette fin de romance. Ce titre de 1983, issu de la série The Brave and the Bold, est écrit par Alan Brennert et dessiné par Joe Staton et George Freeman. Des noms sans doute peu connus aujourd’hui mais dont le travail de l’époque apporte une résonance évidente avec le « mariage » que nous venons de découvrir. Se plaçant dans un futur lointain où Bruce écrit son autobiographie, celui-ci se rappelle un combat compliqué face à l’Épouvantail qui fait disparaître (en illusion) les êtres chers de Batman. Seule Catwoman peut l’aider à retrouver la « réalité », cette dernière étant amnésique et ayant oublié ses années de criminelle…

« Il m’est venu le sentiment que le temps me manque :
à mon âge, les adieux et les dernières fois se font plus fréquents.
Aussi je ressens le besoin d’offrir à la postérité le portrait des compagnons remarquables dont la vie m’a fait don. […] À présent je dois parler de celle qui a littéralement bouleversé mon existence. D’abord adversaire puis alliée… elle est devenue ma femme.
»

Si ce one-shot s’avère sympathique, avec un petit côté vintage agréable (beaucoup de texte, cases colorées avec un fond parfois uni…), on ne comprend pas pourquoi il s’intercale après l’échec du mariage entre Bruce et Selina. Un placement en début de tome aurait été plus judicieux tant il casse une certaine immersion présente. Néanmoins, il s’agit là d’un matériel inédit en France, agréable à découvrir.

Retour au « présent » avec La Chambre Froide. Bruce Wayne est désigné juré du procès de Victor Fries, alias M. Freeze. Dick le remplace sous la cape de Batman en attendant. Freeze est accusé d’avoir tué trois femmes pour des expériences. La police de Gotham l’a arrêté grâce au Chevalier Noir mais ce dernier n’avait pas habilité à effectuer des autopsies par exemple. La majorité des jurés votent pour la culpabilité de Freeze, seul Bruce Wayne s’y oppose, jugeant qu’on ne doit pas prendre Batman pour un bon samaritain voire un Dieu. Par une épatante démonstration, le milliardaire évoque un nouvel angle de jugement, un prisme critique où il se juge lui-même indirectement, aussi bien sur son identité réelle que secrète. Tout bonnement excellent.

Encore une fois, ce sont ici les textes, dialogues et réflexions, qui brillent par leur pertinence et tranchent avec les habituelles aventures de Batman. Tom King est à son meilleur durant tout ce volume, qui rejoint aisément les « coups de cœur » du site. Accompagné par Lee Weeks pour la partie graphique (au lieu des traditionnels Mikel Janin et/ou Joelle Jones, qui se sont occupés des deux premiers chapitres du livre), ce dernier apporte un réalisme proche de certaines BD franco-belges (on pense, par exemple, aux traits de William Wance) tout en gardant un aspect « comic-book », plus fantaisiste, par petites touches.

Un sans-faute tant sur le fond que sur la forme. Le récit place le civil et citoyen Bruce Wayne en protagoniste — un aspect encore trop rare dans les productions du genre —, sous un angle singulier (juré dans un procès !), tout en dressant une salutaire prise de conscience à propos de son alter ego et, in fine, en poursuivant sa tristesse et colère post-échec marital. Brillant et prenant.

Une flopée de bonus très très conséquente clôt l’ouvrage : le script du 44ème chapitre entre-coupées des dessins auxquels font référence de nombreuses cases (qui reprennent peu ou prou le même angle en l’ayant modernisé bien sûr), le design de la robe de mariée, des esquisses de couvertures et, surtout, une grande galerie de couvertures alternatives qui est un pur régal pour les yeux !

Ce huitième tome est l’un des meilleurs du run de King (avec le second) ; il peut lui aussi se lire comme un volume unique d’ailleurs et fera date dans la mythologie de Batman. Seule ombre au tableau : les interminables histoires qui l’ont précédées. À l’exception de quelques-unes, on imagine sans trop de difficultés une restriction en trois ou quatre tomes pour aboutir à ce résultat, plus condensé, plus qualitatif, mieux équilibré. En attendant, Noces noires, devient (presque) un must-have.

[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 17 mai 2019.

Contient : Batman Rebirth #44 + #50 à #53 + The Brave & The Bold #197 (équipe artistique mentionnée plus haut).
Précédemment publié partiellement dans le magazine Batman Rebirth #24 (mai 2019).

Scénario : Tom King
Dessins : Mikel Janin, Lee Weeks et collectif
Encrage additionnel : Andrew Henessy, Mick Gray, José Marzan Jr.
Couleur : Jordie Bellaire, Tamra Bonvillain, John Kalisz, Jessica Kholine, June Chung, Otto Schmidt

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : Stephan Boschat (Studio MAKMA)

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Quelques planches pleine page d’artistes de renom (cliquez pour agrandir)