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Justice League (JLA) – Ascension

Au début des années 2000 l’éditeur Soleil a publié quelques récits de la licence DC Comics (et de Wildstorm, entre autres). De novembre 2000 à novembre 2001, trois tomes individuels de la Justice League ont ainsi vu le jour. Intitulé JLA (pour Justice League of America), chaque volume pouvait se lire indépendamment de tout le reste : Terre-2, Ascension et Seule contre tous. Le premier, Terre-2, est ressorti chez Urban Comics sous le titre L’Autre Terre. Le second est chroniqué dans cet article (couverture ci-dessous à gauche) et le dernier le sera à l’occasion, car c’est clairement un récit orienté sur Wonder Woman et un chouilla Batman.

Mise à jour (novembre 2017) : Urban Comics a publié Ascension en kiosque dans le deuxième hors-série « récit complet » du magazine Justice League, sorti le 10 novembre 2017 (couverture ci-dessous à droite). L’intégralité de l’histoire y est proposée et deux chapitres, également scénarisés par Bryan Hitch, la complète. Il s’agit de la huitième et neuvième partie (la conclusion) de La Puissance et la Gloire, correspondant aux chapitres #9 et #10 de la série Justice League of America, débutée dans le deuxième numéro du magazine Justice League Univers (avril 2016) et dont le précédent chapitre (le #8) avait été publié dans le dixième numéro en novembre 2016. Il aura donc fallu un an pour connaître la suite et fin de ce arc. La mini-critique de ces deux chapitres est à découvrir tout en bas de cet article.

Mise à jour (février 2019) : Urban Comics a ajouté Ascension dans le sixième et dernier volume de la série Justice League of America rééditée ces derniers mois. Le run de Morrison et Waid est ainsi complet et plus accessible via cette sage en sept tome (elle contient un #0). Un peu compliqué à suivre mais désormais tout est terminé !

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[Histoire]
La Ligue de Justice d’Amérique est composée de Superman, Batman, Wonder Woman, J’onn J’onnz (le Limier Martien), Aquaman, Flash (Wally West, neveu de Barry Allen), Green Lantern (Kyle Rayner, quatrième incarnation terrienne à porter l’anneau ), Atom (le scientifique de la taille d’un atome), Steel (un justicier, John Henry, portant une armure remplie de technologie et maniant un terrible marteau, c’est « un peu » l’équivalent du Cyborg actuel) et Plastic Man (un individu, Eel O’brian, au corps élastique pouvant prendre toute forme et doté d’un fort sens de l’humour *).

Batman est à Gotham City pour enquêter sur un meurtre dont le coupable est tout désigné comme étant le Pingouin. Les autres super-héros, dans la Tour de Guet sur la lune, assistent à une scène sans précédent : un gigantesque « vaisseau spatial » (au premier abord) vole, ou plutôt kidnappe, littéralement la Terre en perforant son axe de rotation avec une immense « pique » ! Pire encore, il semblerait que cet engin s’approprie toutes les planètes alentours.

La Ligue découvre qu’il s’agit là de l’œuvre de la toute première création universelle, celle qui existait avant les atomes. Une race extra-terrestre pour qui un humain est l’équivalent d’une bactérie. Celle-ci n’avait jamais eu conscience de « la mort » et a envoyé des agents dormants sur chaque planète existante pour appréhender l’idée de la fin. Le but était de comprendre, par exemple, la création des religions, de la foi ou la spiritualité.

Les super-héros se dispersent pour rassurer la population Terrienne, affronter ce nouvel ennemi et les autres « habitants » des planètes et sauver l’ensemble de celles-ci d’une annihilation. Le Chevalier Noir reste sur la Terre et prend la tête des Titans et de la Young Justice pour coordonner toutes les équipes.

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* Il n’est pas sans rappeler Luffy, du manga One Piece.

[Critique]
Ascension est sans aucun doute un récit à la fois très simpliste (dans son traitement) et très complexe (dans son analyse et ses détails). Beaucoup de dialogues nécessitent une seconde lecture. De nombreuses références à la physique quantique, mais également à une certaine approche de la spiritualité, parsèment l’ouvrage. Les interlocuteurs différents sont évidemment les membres de la Justice League, sans qu’aucun ne soit mis de côté ou davantage mis en avant. L’équilibre est très bien conservé.

 — Pour la première fois, ces êtres anciens ont été brutalement confrontés à leur mortalité et à leur inévitable non-existence… Leur race est pétrifiée par la peur de l’inconnu.
— Oui… Et dans une telle situation, le réconfort n’est pas facile à trouver. Ont-ils une spiritualité vers laquelle se tourner ? Certains doivent bien croire en la vie Après la mort… ?
— Voilà où se trouve leur originalité Flash. C’est le but des machines… De tout cela. S’ils veulent accéder au paradis… ils devront d’abord le bâtir.

Mark Waid, qui avait déjà signé l’excellent Kingdom Come (et d’autres récits sur la Justice League, dont leur Year One), continue de s’interroger, élégamment, sur les mythes des super-héros. Cette fable cosmique et métaphysique est passionnante, et son faible nombre de pages (soixante-douze) n’est absolument pas un défaut. Chaque lecteur peut interpréter à sa manière la volonté des aliens. Leur but est-il de se construite un paradis ? De prendre exemple sur toutes les planètes pour concevoir le meilleur chemin de « l’après-vie » possible ? Ou seulement de découvrir le plus usité pour le suivre aussi ? Cette quête existentielle, au lieu d’entraîner un affrontement manichéen prévisible, prend un tournant empathique quand la Justice League décide non plus d’affronter, mais d’aider cet étrange « ennemi ».

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L’ensemble aurait mérité des cheminements philosophiques un chouilla plus poussés. Même si Mark Waid ne survole pas son sujet, il aurait pu aller encore plus loin, quitte à dérouter davantage ses lecteurs. Ascension n’est pas non plus sans rappeler Matrix, dont le premier film était sorti à peine deux ans plus tôt. Une certaine idée de la création des machines, à l’origine de notre monde, se nourrissant d’humains, etc.

« Écoutez-moi ! Il n’y a aucune honte à être reliés à nous ! Il s’agit peut-être de votre seule chance ! Nous pensions que l’obstacle à votre transcendance était votre manque de foi… et nous avions tort ! Ce n’est pas ça du tout ! Vous niez la réalité ! Vous êtes plus proches des autres formes de vie que vous ne voulez l’admettre. Mais c’est cette fierté, cet isolationnisme… qui vous a fait perdre tout sens de la spiritualité ! La distance que vous créez entre vous et nous est la même qui vous séparer du divin ! Quand vous êtes isolés… vous êtes seuls ! […] Ne nous niez pas l’honneur de sauver les âmes les plus anciennes de l’univers. Œuvrez avec nous. »

Bryan Hitch (The Authority et plus récemment America’s Got Powers) dessine intégralement l’ouvrage. Son style, fin et précis, est magnifié lors des pleines pages de séquences spatiales. L’infiniment grand et petit sont très justement mis en scène grâce à ses planches, c’est un régal. La colorisation de Laura Depuy propose des jeux d’ombres de toute beauté et, surtout, des ambiances chaudes ou glaciales grâce au rendu parfois quasi-monochrone, ou en tout cas dans la même palette de couleur. Toute la partie graphique est un sans-faute. Seuls les (nombreux) sourires des membres de la Justice League laissent parfois pantois, un côté « boy scout » et trop « gentille équipe ». Cet aspect enlève toute proportion dramatique possible, alors qu’on est à deux doigts de la fin du monde. Heureusement, les scènes épiques ne manquent pas pour autant. D’autant plus que le format de l’éditeur de l’époque, Soleil, est plus proche du franco-belge, donc agrandi.

Une bande dessinée qui mériterait une nouvelle publication chez Urban Comics, avec pourquoi pas des commentaires de scientifiques et de philosophes en guise de compléments. Le titre pourrait d’ailleurs être plus « poétique ». Heaven’s Ladder en version originale, donnerait quelque chose comme « L’échelle du Paradis », ou « L’Ascension vers un Paradis » ? C’est en tout cas un des coups de cœur du site, conseillé pour les fins connaisseurs ou les nouveaux lecteurs. On trouve Ascension assez facilement en occasion sur Internet ou dans des enseignes à un prix plus que correct (entre cinq et quinze euros en général).

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Mise à jour (novembre 2017) : Dans la nouvelle réédition d’Urban, les chapitres #9 et #10 de la série Justice League of America, publiés aux États-Unis fin 2016/début 2017, complètent le magazine. Le chapitre #9 a été écrit et dessiné par Bryan Hitch (Alex Sinclair à la colorisation), le #10 a son intrigue créé par Bryan Hitch également, les dialogues sont signés Tony Bedard et les dessins sont de Tom Derenick (Jeremiah Skipper aux couleurs). Ces deux chapitres sont la fin de l’arc La Puissance et la Gloire (très précisément il s’agit de la huitième partie et de la conclusion). Les précédents ont été publiés dans le magazine Justice League Univers, du numéro 2 au 10 (soit d’avril à novembre 2016). Un an plus tard, la « suite et fin » est donc enfin disponible (principalement à cause du retard de Hitch dans la livraison de ses planches).

[Histoire]
Rappel (via la note éditoriale d’Urban) : les membres de la Justice League luttent contre les fidèles de Rao (un ennemi kryptonien quasi divin) après avoir compris que ce dernier se servait de l’énergie vitale des populations afin de conserver sa longévité. Tandis que certains membres sont perdus dans le temps, Superman semble ne pas avoir survécu à sa dernière confrontation avec ce dieu solaire…

Dans le passé lointain, Green Lantern, déchu de ses pouvoirs et fait prisonnier par « le Rao du futur » sur Krypton. Le Rao de l’époque constate amèrement l’héritage que laissera son « moi » futur. Sur Terre, Wonder Woman tente de ramener Superman à la vie…

[Critique]
Clairement, sans connaître les précédents chapitres (le cas de l’auteur de ces lignes) il est difficile de tout comprendre. La portée métabolique et le questionnement du divin effleurent brièvement le récit (peut-être la poursuite de ce qui était proposé en amont) sans être révolutionnaire. Graphiquement, les dessins de Hitch sont hyper soignés et classes, ceux de Derenick fades au possible. La conclusion n’est pas des masses épiques et a même un arrière-goût de déjà vu si on a lu l’intégrale de Dark Knight III. Totalement dispensable donc, en lecture indépendante en tout cas, peut-être qu’en conclusion du run ça passe mieux mais vu cette fin c’est très moyen.

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(Image issue d’Ascension)

[A propos]
Publié en France chez Soleil en mai/juin 2001. Puis en novembre 2017 chez Urban Comics.
Titre original : Heaven’s Ladder.
Publication originale en octobre 2000.

Scénario : Mark Waid
Dessin : Bryan Hitch
Encrage : Paul Neary
Couleurs : Laura Depuy
Traduction : Ange / Thierry Fraysse
Lettrage : Gris Mouse / Stephan Boschat (Studio Makma)

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Ci-dessous l’intégralité du dessin de couverture, dont le recto est la partie de droite (cf. la première illustration en haut de cet article), le verso celle de gauche.

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Dark Knight III – Tome 02

Dark Knight III (en quatre tomes) est le troisième volet du « Dark Knight Universe de Frank Miller », débuté en 1986 avec The Dark Knight Returns et poursuivi avec The Dark Knight Strikes Again.
Page récapitulative | Critique de Dark Knight III – Tome 01

MàJ : suite à la publication en format intégrale de Dark Knight III en 2020, l’entièreté de la série a bénéficié d’une critique mise à jour sous un prisme de lecture « à la suite ». C’est à découvrir sur cet article.

Dark Knight III Tome 2

[Histoire]
Les kryptoniens de Kantor ont retrouvé leur taille humaine grâce à Atom, qui fut rétréci à l’infini par Quar, leur terrible leader despotique. Celui-ci s’en prend désormais aux Terriens et exige leur soumission. Ses « enfants » l’adulent et sont même kamikazes pour le bien commun de Quar et leur peuple.

De son côté, Carrie Kelley, après son évasion lors de son extraction vers la prison Blackgate, retrouve Bruce Wayne. Suite aux menaces de Quar, le binôme décide d’aller « réveiller » Superman (dans sa forteresse de glace), seule force restante pouvant les aider.

Lara, la fille de Wonder Woman et l’Homme d’Acier, n’est pas spécialement enclin à défendre les Terriens, elle se sent plus proche des… kryptoniens.

Dark Knight III Superman

[Critique]
Après un premier tome mitigé, l’histoire est cette fois bien lancée et davantage prenante. On ne peut pas vraiment blâmer les auteurs (pour une fois), mais plutôt (et là aussi c’est rare) l’éditeur. En effet, si Dark Knight III avait été publié en France en deux tomes seulement (deux fois quatre chapitres), l’on aurait eu une première salve nettement plus efficace que le volume précédent, plutôt faible et introductif. Mais peu importe.

Dark Knight III Quar

Ici donc, la menace Kantorienne (la fameuse Master Race du titre originel, la « race maîtresse ») est enfin concrète. Le retour de Superman est l’un des points forts de l’ouvrage ; même si sa défaite face à sa fille peut laisser dubitatif. On s’étonnera de la non participation au conflit de Wonder Woman (tout du moins pour cette première bataille).

Du reste, l’accent est cette fois mis en avant sur Batman, plus remonté que jamais mais conscient d’être devenu « un boulet » (de son propre aveu) dans sa croisade. Mais le Chevalier Noir ne perd pas de sa superbe pour autant, bien au contraire, les planches finales du premier chapitre sont, à ce titre, excellentes et rappellent les meilleures heures du Caped Crusader sous la houlette de Frank Miller.

Dark Knight III Bruce Wayne Carrie Kelly

Frank Miller, toujours scénariste/consultant/conseiller (on ne sait pas vraiment, même si, à nouveau, son « univers » est toujours très présent, narrativement bien sûr mais aussi graphiquement) officie comme dessinateur des deux backs-up. Ces mini-chapitres sont consacrés à un héros spécifique, se situant légèrement en marge de l’histoire principale tout en y restant ancrés (logiquement pour préparer la suite, quand tout va conjecturer).

Après Atom et Wonder Woman/Lara dans le tome précédent, ce sont Green Lantern puis Batgirl — nouvelle « identité » de Carrie Kelley (et brièvement Aquaman) qui y ont droit cette fois. Deux courts récits peu exceptionnels, aussi bien sur la forme que le fond, surtout celui sur le Justicier d’Émeraude, irrespectueux du personnage. Il est agréable de retrouver Miller aux dessins sauf que l’artiste est toujours sur sa lancée type The Dark Knight Strikes Again, autrement dit : très brouillon et assez hideux.

Dark Knight III Green Lantern Miller

Dark Knight III Batgirl

Sur les deux chapitres principaux, qui forment donc le cœur du livre, le dessinateur Andy Kubert s’émancipe peu à peu de son illustre modèle (tout en lui restant vaguement fidèle, mais d’une façon moins prononcée, ce qui n’est pas plus mal) et livre de très belles versions et découpages, notamment sur les retours de Superman et Batman (le « Go to Hell / Va au diable » est puissant et survient brillamment, cela aurait pu conclure le chapitre d’ailleurs).

Dark Knight III Lara

Au scénario, on retrouve les sujets favoris de Miller : fondamentalisme religieux (le gourou kryptonien a plusieurs femmes, ses fidèles sont des kamikazes), anti-conservatisme (Trump apparaît brièvement, au même titre que Obama et Hollande à priori), critique aussi (de façon primaire certes), du langage SMS des « jeunes », de Twitter et YouTube (donc des réseaux sociaux)… Difficile de dissocier désormais l’artiste de l’homme, aussi bien à travers ses œuvres (si on les connaît) que ses déclarations « hors bande dessinée ».

Quand bien même, l’ensemble se lit « bien », à défaut d’être réellement surprenant ou original. Une suite plus efficace donc, qui retrouve (en moins subtil) ce qui faisait le sel de la première œuvre d’il y a trente ans (à la demande/pression de l’éditeur ?). La sensation de remake déguisé se fait sentir, mais ça fonctionne tout de même, en tout cas pour l’instant et, surtout, si on enlève les backs-up plutôt ratés. On aimerait bien savoir dans quelle mesure Miller épaule Brian Azzarello, à moins que ce ne soit l’inverse ? Tant rien ne semble réellement de la patte du second cette fois.

          Dark Knight III Yindel Batman

[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 2 septembre 2016.
Titre original : The Dark Knight III – The Master Race & Dark Knight Universe Presents : Green Lantern / Batgirl
Scénario : Frank Miller et Brian Azzarello
Dessin : Andy Kubert, Frank Miller (DKUP : Green Lantern #1 (« Finitions ») et Batgirl #1) et John Romita Jr. (« Découpage » sur DKUP : Green Lantern #1)
Encrage additionnel : Klaus Janson
Couleur : Brad Anderson et Alex Sinclair (DKUP : Green Lantern #1 et Batgirl #1)
Lettrage : Stephan Boschat — Studio Makma
Traduction : Jérôme Wicky
Première publication originale en novembre et décembre 2015.

Dark Knight III Wonder Woman

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Dark Knight III Go to Hell

 

 

 

Joker Anthologie

Tout comme Batman, son plus célèbre ennemi a le droit à son recueil anthologique. Nettement plus intéressant et passionnant que celui du Chevalier Noir (qui, malgré son côté incontournable faisait fi, justement, de ses antagonistes emblématiques), cet ouvrage est essentiel pour comprendre et juger l’évolution du Joker. L’histoire L’Homme qui rit vaut à elle-seule l’achat de cette pépite.
Certaines images d’illustrations ont été mises bout à bout afin de garder une présentation homogène mais ne sont pas forcément « à la suite » dans le livre.
Pour en savoir (encore) plus sur le Joker, une étude de cas de huit pages, rédigée par l’auteur de ce site, est à découvrir dans un magazine. Plus d’informations sur cet article.

— Les plus grands méfaits du Clown Prince du Crime en 20 récits —

Joker Anthologie

PREMIÈRE PARTIE : DUEL D’ÉGOS

Batman contre le Joker & Le Retour du Joker — Batman #1 (1940)
Un nouveau criminel sévit dans Gotham City : le Joker. Il annonce à la radio la mort de certaines personnalités, pour une heure précise. Chacune se réalise. Batman et Robin enquêtent…

Batman contre le Joker

La première apparition du célèbre Clown du Crime ! À l’époque, l’éditeur et les auteurs cherchaient une nouvelle figure menaçante —qui devait mourir à la fin, comme la plupart des ennemis à ce moment là— et la création du Joker est à attribuer conjointement aux trois artistes (Finger, Kane et Robinson). L’emblématique fou furieux est alors caractérisé par son « look » (qui ne changera guère durant les 75 ans suivants) et sa cruauté (il tue sans remords). Dans un premier temps, il cherche juste à voler des bijoux (donc de l’argent), un but assez classique et sans réel envergure ; il n’y avait pas la dualité et le côté miroir déformé de Batman qui sied aujourd’hui à ravir au binôme iconique. Chacune de ses ruses est expliquée, il faut reconnaître une certaine originalité dans la plupart d’entre elles.
[Scénario : Bill Finger / Dessin : Bob Kane & Jerry Robinson]

La Doublure du Joker — Detective Comics #85 (1944)
Un homme se fait passer pour le Joker et signe ses méfaits sous son alias. Le vrai Joker, fou de rage, entreprend alors de « prouver son innocence » et sauvera même la vie de Batman lorsque celui-ci et Robin traqueront les deux Clowns dans une imprimerie !

La Doublure du Joker

Une histoire qui bénéficie à nouveau d’une certaine ingéniosité. La thématique de « l’innocence » du Joker sera par ailleurs reprise dans l’excellent L’Avocat du Diable des années plus tard ; dans lequel Batman enquête pour prouver la non-culpabilité de son pire ennemi ! (C’était d’ailleurs un comic-book suggéré au YouTubeur Lex Tutor pour sa vidéo de vulgarisation de Droit à laquelle j’ai participé en tant que conseiller.)
[Scénario : Bill Finger / Dessin : Dick Sprang]

Plagié par le Joker —Batman #37 (1946)
Afin de gagner davantage d’argent, le Joker propose ses services d’aide et de conseils à d’autres criminels. Il pousse même le vice en créant un « Joker Signal » et d’autres véhicules et gadgets copiés sur ceux de Batman pour parfaire ses interventions en urgence. Batman et Robin tentent évidemment de l’arrêter.

Plagie par le joker

Encore une fois, l’on prime sur l’originalité d’un petit scénario qui se lit encore très bien. La Joker est nommé « le Saltimbanque Sardonique du Crime », une appellation qui ne perdurera guère en revanche. L’ensemble est plaisant, avec cet éternel petit côté « old-school » des dessins.
[Scénario : non crédité / Dessin : Jerry Robinson]

L’Homme au Masque Rouge — Detective Comics #168 (1951)
Batman donne des cours à des étudiants (!), il leur explique les bases pour enquêter. Afin de les tester, il leur propose de découvrir l’identité de Red Hood, un ancien ennemi mystérieux disparu depuis plusieurs années. Celui-ci fera d’ailleurs sa réapparition sur le campus !

L'homme au masque rouge

Bill Finger apporte ici des origines au Joker (qui n’en avait jamais eu !) en expliquant la tombée dans la cuve d’acide, le costume, le masque, etc. Une idée qui sera reprise des années après dans Killing Joke (1989) et modernisé en 2014 par Scott Snyder dans Batman #0 puis L’An Zéro). À travers le fameux heaume rouge, brillant et lisse, le mythe de l’Homme au Masque de Fer n’est pas loin…
[Scénario : Bill Finger / Dessin : Lew Sayre Schwartz / Encrage : George Roussos]

La Ceinture à Gadgets du Joker — Batman #73 (1952)
Le Clown du Crime réalise qu’il échoue face à Batman à cause des nombreux gadgets de celui-ci. Le Joker décide alors de créer sa propre ceinture…

La ceinture à gadgets du joker

En pleine période de comics « censurés » (à cause du Comics Code Authority), les aventures de Batman et Robin se veulent plus légères et « amusantes ». C’est le cas ici, loin d’être inoubliable, cela montre surtout le reflet d’une époque révolue. Cette période contraindra une disparition du Joker (au lieu de le changer en un ennemi fade et aseptisé).
[Scénario : David Vern Reed / Dessin : Dick Sprang / Encrage : Charles Paris]

Les Exploits Burlesques du Joker — Detective Comics #341 (1965)
Le « virulent virtuose de la névrose, le sublime sadique sardonique, le maladrin aux mille mascarades, le féroce forcené facétieux » (le Joker donc) devient producteur de films comiques dans lequel il opère divers braquages en se faisant passer pour des comédiens muets ou burlesques. Certains de ses complices portent même les costumes de Batman et Robin ! Les deux vrais justiciers vont évidemment se mettre en travers de sa route.

exploits burlesques du joker

Dernier chapitre de l’époque révolue, dans laquelle les histoires étaient devenues bon enfant (à l’inverse des débuts où les morts sévissaient constamment) avec en petite évolution, un aspect graphique beaucoup plus réaliste (un choix du moment).
[Scénario : John Broome / Dessin : Carmine Infantino / Encrage : Joe Giella]

DEUXIÈME PARTIE : GUERRE DES NERFS

Les Cinq Vengeances du Joker — Batman #251 (1973)
Un cadavre est retrouvé, assassiné par le Joker. Batman rend visite à d’anciens complices du Clown, mais chacun d’entre eux meurt des mains du Joker… Le Chevalier Noir se retrouve même enfermé dans un bassin d’eau avec… un requin.

cinq vengeances du joker

Retour à un Joker « violent » qui n’hésite pas à tuer (comme à sa création). Le tandem O’Neil/Adams aspire de toute façon à un Batman résolument plus sombre et adulte, aussi bien dans son récit que dans son graphisme (un constat déjà présent dans l’Anthologie Batman, par les mêmes auteurs).
[Scénario : Dennis O’Neil / Dessin : Neal Adams / Encrage : Dick Giordano]

Le Poisson qui Rit — Detective Comics #475 (1978)
Des milliers de poissons arborent le sourire fatidique du Joker… Le Clown du Crime ordonne de recevoir une part sur les poissons vendus, puisqu’il est à l’origine de leur transformation. Il annonce en direct à la télévision de futurs morts s’il n’obtient pas son dû. Batman est sur ses traces mais il est perturbé par autre chose : il s’interroge sur sa relation avec Silver St. Cloud.

le poisson qui rit

Si le résumé prête à sourire (!), il n’en est rien, l’ensemble est très « sérieux » et l’amorce vers un Joker anarchiste et fou est définitivement entamé. Le machiavélique ira même à refuser de connaître l’identité réelle du Chevalier Noir, clamant qu’il n’y aurait plus aucun enjeu sinon. Cela « ôterait tout le sel, tout le piquant du duel avec le parfait adversaire […] le Joker a besoin de Batman ! […] Il mérite Batman […] Il serait indigne de moi que qui ce soit d’autre détruise Batman ! ». Place donc aux prémices de la dualité extrême entre les deux êtres, du miroir diabolique, de la représentation radicale de deux mêmes faces (idée qui sera prolongée notamment dans Killing Joke, et dans une moindre mesure dans Secrets).
Léger problème tout de même sur ce chapitre : même s’il fonctionne bien, il nécessite la connaissance d’histoires produites en amont et s’arrête sur une fin d’épisode et non définitive. Logique : c’est le même soucis rencontré sur le chapitre précédent de la même histoire (Detective Comics #474 donc) qui était publié dans Batman Anthologie ! C’est en effet le début des sagas à multiples épisodes qui se suivent. Heureusement pour les lecteurs (et comme annoncé dans l’introduction éditoriale), tout le run va être compilé dans un ouvrage. Celui-ci est publié depuis octobre 2014 (soit sept mois après la sortie de Joker Anthologie), il s’agit de Dark Detective. À noter également : ce chapitre ainsi que le précédent ont inspiré un épisode du dessin animé de la série de Bruce Timm.
[Scénario : Steve Englehart / Dessin : Marshall Rogers / Encrage : Terry Austin]

Odieux Anniversaire, Joker —Batman #321 (1980)
Le Joker se rend au commissariat de Gotham et kidnappe Gordon. Il propose ensuite une fête où plusieurs personnes sont ligotés, dont Robin. Batman va essayer de sauver tout le monde.

odieux anniversaire joker

Un chapitre qui peut paraître anecdotique mais qui livre une fois de plus le côté fou du Joker, notamment quand il tue un de ses hommes de main. À nouveau, cette histoire a été adapté dans le dessin animé de 1992.
[Scénario : Len Wein / Dessin : Walter Simonson / Encrage : Dick Giordano]

À mourir de rire — Batman #353 (1982)
Le Joker vole les explosifs destinés à détruire un immeuble ainsi que l’ordinateur qui le contrôle. Il parvient à kidnapper et attacher Batman à une falaise qu’il compte faire sauter et remodeler à son image.

a mourir de rire

Comme les précédents chapitres, celui-ci s’intercale clairement dans « un arc plus grand », en témoignent les personnages de Rupert Thorne, Vicki Vale, etc. Gordon était déchu de ses fonctions, cela rappelle un peu le début de Batman Eternal, d’autant plus que Jason Bard est mentionné et Batman plus ou moins déclaré hors-la-loi. Mais ça se lit bien, sans être très folichon non plus.
[Scénario : Gardner Fox / Dessin : Mike Sekowsky / Encrage : Bernard Sachs]

Mort de Rire — Detective Comics #570 (1987)
Le Joker inflige des tortures mentales à Catwoman qui faisait partie (à l’époque) du trio emblématique avec Batman et Robin (Jason Todd, second du nom). Le tandem cherche à la délivrer.

Mort de rire joker

Si le Clown du Crime est désormais redevenu « violent et fou » depuis quelques temps, il y a les prémices d’un Batman très cynique, qui prend même plaisir dans la violence et le chantage. A ses côtés, le nouveau venu Jason Todd/Robin, très jeune, qui enchaîne les jeux de mots pourris (il sera tué par le Joker moins de deux ans plus tard). Si les dessins prônent un côté plus réaliste et adulte, en adéquation avec les thèmes plus sociaux (SDF, drogues…), l’ensemble est paradoxalement très coloré et flashy, sans doute pour correspondre aux délires du Joker.
[Scénario : Mike W. Barr / Dessin : Alan Davis / Encrage : Paul Neary]

Le Choc des Symboles— Detective Comics #341 (1990)
Batman assomme un voleur qui était chez une voyante. Celle-ci lui propose ses services en échange. Le Dark Knight tire la carte d’un joker et se remémore une intrusion de sa Némésis dans un musée trois ans auparavant, où il était un simple visiteur en tant que Bruce Wayne.

le choc des symboles joker

À nouveau, on sent la veine plus réaliste et « marquante » du chapitre (Robin ayant été tué quelques mois avant) ; on assiste également à une narration non-stop de Batman, ses pensées sont clairement dévoilées au lecteur. Une habitude qui perdurera encore longtemps mais qui à l’époque était assez original. Rien d’extraordinaire dans cette histoire non plus.
[Scénario : Alan Grant / Dessin : Norm Breyfogle / Encrage : Steve Mitchell]

TROISIÈME PARTIE : RONDE MACABRE

Rires dans la Nuit — The Batman Adventures Annual #1 (1994)
Le Joker déambule dans Gotham, tuant des citoyens au hasard et arpentant les ruelles en faisant exploser sa folie notoire.

Rires dans la nuit

Les dessins calqués sur le dessin animé de l’époque, alors en pleine effervescence (par le même scénariste Paul Dini — qui a créé Harley Queen, faisant une brève apparition ici) permettent de connoter l’aspect graphique « simpliste et enfantin » avec des évènements violents et « dérangeants ». Clairement une réussite, au même titre que Mad Love.
[Scénario : Paul Dini / Dessin : John Byrne / Encrage : Rick Burchett]

Folle Trajectoire — Robin #85 (2001)
À l’asile d’Arkham, le Joker explique à ses docteurs son obsession pour Robin et comment il a compris qu’il y en avait plusieurs, dont celui qu’il a tué.

Folle trajectoire joker

À nouveau un style cartoony qui contraste avec les histoires violentes dont se rappelle le Clown, changeant au passage constamment ses propres souvenirs personnels (idée reprise dans Killing Joke et appliqué au cinéma dans The Dark Knight). La véritable folie du Joker se matérialise précisément dans les dernières planches. Un excellent court chapitre totalement concentré sur le Joker en guise de personnage principal.
[Scénario : Chuck Dixon / Dessin : Pete Woods / Encrage : Jesse Delperdang]

L’Homme qui Rit — Batman : The Man Who Laughs (2005)
Un mystérieux « bouffon » apparaît à la télévision et annonce les futures morts à venir de certaines personnes : toutes faisant partie de l’élite de Gotham. C’est la première fois que le Joker (son surnom donné par la presse) apparaît à Gotham, trois mois après la chute de Red Hood dans une cuve d’acide causée par Batman.

Joker l'homme qui rit

Sans aucun doute l’un des meilleurs récits de l’anthologie, si ce n’est LE meilleur. Calqué sur Année Un, à qui il rend hommage, en reprenant le même système de narration croisée entre Gordon (alors simple capitaine de police) et Batman (qui n’est encore qu’une rumeur urbaine). Le titre, quant à lui, s’inspire évidemment du film éponyme, lui-même adaptation d’un roman du Victor Hugo. C’est la photo de l’acteur interprétant un saltimbanque défiguré qui donnera la matière première à Bill Finger pour la conception du personnage (dont la paternité s’attribue également à Bob Kane et Jerry Robinson). Au scénario, l’on retrouve Greg Rucka (Gotham Central) et Doug Menhke aux dessins (L’énigme du Red Hood). Seule la colorisation sera le point noir de ce long chapitre. Soixante-trois pages le compose (plus que Killing Joke (!) et l’équivalent de deux tiers de Année Un). Entre les monologues alternés, le côté glauque de l’œuvre, les parties énigmatiques et clairement la réapparition moderne de l’excentrique et manipulateur Joker, on pourrait presque regretter une non publication en librairie de L’Homme qui Rit ! La dernière case, avec le Bat-Signal conclut à merveille cette histoire, qu’on pourrait légitimement appelée  » Joker : Année Un ».
[Scénario : Ed Brubaker / Dessin : Doug Mahnke]

Les Origines du Joker — Coutdown #31 (2007)
Le Joker narre ses (différentes) origines très succinctement (en deux pages !).

origine du joker

Brian Bolland évoque en deux pages les sources originelles récurrentes du Clown du Crime : le comique raté, le mafieux Napier (surtout évoqué dans le film de Tim Burton) et bien entendu Red Hood. Rien d’exceptionnel donc, si ce n’est un court rappel.
MàJ : Toutefois, cette mini-histoire sonne curieusement comme prémonitoire lorsque l’on découvre « un secret » entourant le Joker dans la fin des NEW52 et le Relaunch Rebirth…
[Scénario : Mark Waid / Dessin : Brian Bolland]

L’Heure des Singeries — Batman #23.1 (2013)
Le Joker adopte un bébé singe et l’élève comme son propre fils, tout en se rappelant son enfance, assez similaire où il se faisait battre par sa tante.

heures des singeries

Seuls les flash-backs (sont-ils « vrais » ?) sont intéressants et bien dessinés (avec un style un peu « indépendant ») mais l’ensemble sonne « faux », on a du mal à trouver cette histoire très crédible. Dommage, les auteurs avaient carte blanche pour ce one-shot consacré au Joker, qui intervenait dans le cadre du Vilain’s Month, où douze autres ennemis du Dark Knight avaient leur propre chapitre.
[Scénario : Andy Kubert / Dessin : Andy Clarke]

Conclusion & remarques

Faut-il acheter Joker Anthologie ? Indéniablement oui ! Surprise : le recueil s’avère beaucoup plus passionnant que celui sur Batman, qui était déjà très bon. Outre les nombreuses histoires proposées, la majorité de grande qualité (mais aussi de constats d’époques successives), le travail éditorial d’Urban Comics fourmille de détails et de notes louables.

On découvre un Joker tueur sans pitié, puis un bouffon tourné vers les farces et attrapes, et enfin un psychopathe véritable entité vouée à Batman, pendant maléfique du Chevalier Noir. Ces inspirations évolutives, témoins nécessaires de la portée du Joker au cinéma, dans des dessins animés ou des jeux vidéo, promettent d’agréables moments de lecture (et comprendre son essor populaire).

Avec du recul, et depuis un récent évènement chez DC Comics, l’on comprend d’ailleurs aisément (grâce à une parfaite coïncidence) la probable identité derrière le Clown du Crime. À nouveau, se référer à cet article pour mieux saisir ces trouvailles et enjeux (au risque de révélations attentions).

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(Novembre 1942 : une des rares couvertures mettant en scène le Joker, et une des rares le montrant avec des armes à feu.
Toute la portée menaçante, dangereuse et la puissance symbolique du personnage en somme.)

  Joker anthologie conclusion

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