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The Batman’s Grave

[Résumé de l’éditeur]
Quand Batman découvre le lien caché entre l’assassinat d’un ancien inspecteur de la criminelle et celui d’un avocat véreux, c’est le début pour lui d’une traque sans relâche qui le mène vers un nouvel ennemi : Scorn. Ce dernier monte une armée de tueurs implacable à même de vaincre le Chevalier Noir, qui se trouve de son côté de plus en plus isolé. Bruce Wayne a peut-être enfin atteint sa limite.

[Histoire]
Dans un futur proche, Alfred nettoie religieusement les tombes de Thomas et Martha Wayne mais aussi celle de… Bruce Wayne.

Dans le présent, Batman découvre dans un appartement un cadavre fortement décomposé. La victime semblait être obsédée par le Chevalier Noir : le mur est tapissé de coupures de presse sur les exploits du justicier de ces cinq derniers années.

Batman retrouve sans trop de difficulté l’assassin, inconnu au bataillon, puis le livre à Gordon.

Pendant ce temps, au Manoir Wayne, Alfred a de plus en plus de mal à supporter la croisade et les convictions de son maître. Le majordome noie son spleen dans l’alcool régulièrement, sans que cela inquiète Bruce davantage.

Un second meurtre donne du fil à retordre à Batman, qui peine à comprendre les connexions entre les affaires et qui se cache derrière.

Vous vouliez installer des ordinateurs qui observent et écoutent les gens chez eux.
[…]
Évidemment.

[Critique]
Un peu plus de 300 pages, douze chapitres, un excellent rythme (le récit s’étale sur quelques jours à peine), de beaux dessins… voilà une lecture plutôt plaisante, parfois originale (on y reviendra), parfois convenue (idem). Au global, The Batman’s Grave est une aventure solitaire du justicier de bonne facture mais rien de révolutionnaire ici. Derrière le faussement prestigieux Black Label et le nom de Warren Ellis (cf. double paragraphe sur l’auteur en fin d’article), se cachent un titre un peu plus irrévérencieux que d’habitude par son sarcasme (Alfred un poil en roue libre) et ses planches (un brin sanglantes mais rarement choquantes) mais hélas sans grande envergure non plus. Explications.

Le plus gros point faible de l’histoire est son antagoniste ; ou plutôt les ennemis au sens large. Sans en dévoiler trop, le « méchant » (Scorn, manquant cruellement de charisme) et ses sbires sont une création pour le comic-book. Par conséquent, le pari est très risqué : introduire un nouveau personnage au sein de la prestigieuse galerie de vilains dans l’univers de Batman est toujours délicat et ce(s) protagoniste(s) résiste(nt) rarement au temps, à défaut de survivre à la fameuse « postérité ». On pense par exemple à Silence (Hush), brillamment introduit et exploité dans la bande dessinée culte du même titre mais qui, des années après, n’arrive plus à revenir avec les honneurs – Scorn n’est d’ailleurs pas sans rappeler Tommy Elliot par certains aspects.

Plus récemment (en France), on a pu redécouvrir le Faucheur, là aussi dans un titre plutôt bon (Année Deux) mais qui peine à s’inscrire dans la mythologie du Chevalier Noir, aussi bien dans d’autres comics que des supports différents. Bref, c’est aussi le cas pour Scorn, rapidement oublié, énième adversaire plus ou moins « miroir » de Batman, auquel s’ajoutent ses soldats, proches du look de Zsasz. On aurait pu remplacer tout ce monde par Double-Face, Bane et Jonathan Crane, tous trois correspondants à des ennemis croisés ici. C’est ce qui aurait pu permettre à The Batman’s Grave de s’ancrer davantage dans le monde du Chevalier Noir et, peut-être, devenir incontournable – s’il avait été couplé à une meilleure écriture de son antagoniste bien sûr.

Il y a pourtant de belles choses qui peuplent la narration et offrent des moments appréciables et de temps en temps singuliers. On pense en premier lieu à la relation très forte entre Alfred et Bruce. Tour à tour complices ou en profonds désaccords, les deux hommes servent le meilleur de The Batman’s Grave. On suit leurs échanges dans le quotidien à de nombreuses reprises avec une redoutable efficacité. A l’exception de Gordon, le célèbre majordome est d’ailleurs le seul allié de Bruce/Batman tout au long de la fiction (pas de Bat-Family ici donc, retour « à l’ancienne » avec le moins de personnages, ennemis ou alliés, familiers au possible).

On découvre un Alfred plus sarcastique que d’habitude. « Qu’est-ce que vous faîtes ici, d’ailleurs ? Vous travaillez toute la journée dans le manoir et vous passez vos nuits dans la cave. Comment est-ce possible ? » s’interroge Bruce. « En règle générale, je tiens le coup en me bourrant d’excellente cocaïne, monsieur. » répond son majordome avec son légendaire flegme britannique. Plus loin, quand son maître lui demande ce qu’il fait [quand Bruce Wayne n’est pas là], Alfred sourit et rétorque « vous n’avez jamais entendu parler du motard nu de Gotham ? ». Entre deux excursions nocturnes, Alfred propose aussi la série « Batman : The Office » puisque la majorité de ses enquêtes se déroulent, in fine, « devant des écrans comme des employés en open-space ». Outre ses petites répliques, l’homme de main n’hésite pas à utiliser la violence et adopter un comportement aussi radical et étonnant que celui de Batman de temps à autre.

Les fans de jeux vidéo apprécieront probablement l’aspect « enquête » mettant Batman à la place de la victime, recréant le décor virtuel de la scène de meurtre autour de lui, un peu comme dans Arkham Origins notamment (même si cela génère un côté confus de temps à autre). Comme évoqué, James Gordon est le second et unique allié du justicier tout le long de l’aventure. En résulte, là aussi, de beaux moments : quelques échanges bien imagés et une incroyable séquence de survie à l’asile d’Arkham. Les scènes d’action sont particulièrement bien découpées, très dynamiques, lisibles et fluides.

Le dessinateur Bryan Hitch prend son temps, gourmand en utilisation de cases ou pleine page pour croquer ses combats et sauvetages, dans un mutisme certain bienvenu et nécessaire. C’est là l’autre point fort du livre : les traits de Hitch (Justice League – Ascension, Justice League Rebirth…) servent à merveille les plans iconiques de la ville (principalement nocturnes) et, comme déjà dit, les affrontements. Bien aidé par la colorisation du fidèle Alex Sinclair, le dessinateur confère une fragilité physique très plausible à son héros, couplé à son évolution et son écriture de Warren Ellis – en très petite forme au demeurant, on ne reconnaît pas des masses « sa patte » et on était légitimement en droit d’attendre une narration plus qualitative. C’est du Ellis assez paresseux mais ça se lit bien et vite.

Alors, pétard mouillé ou non ? Difficile de trancher… si les dessins vous séduisent et sans être trop exigeant (le fameux prisme du divertissement honorable « sympa sans plus »), alors The Batman’s Grave devrait vous ravir. Si vous attendez un titre plus novateur dans sa forme ou son fond, surtout pour du Black Label, aucun doute que vous serez déçu… Complètement dispensable donc ; à découvrir principalement pour les planches de Hitch et à acheter en connaissance de cause des affaires sur Ellis (voir paragraphe ci-après l’image).

La fameuse tombe (Grave en VO) ouvre et ferme le livre de façon abrupte, sans forcément être mise davantage en avant. Un petit côté étrange donc (mensonger ?), de même que la couverture choisie par Urban Comics, certes assez élégante, mystérieuse et alléchante mais qui n’est pas très représentative de la BD et différente de celle du chapitre qui la propose à la base (contenant un gantelet de Batman autour d’une flaque de sang). Comme souvent chez Urban, des couvertures alternatives concluent le livre (avec deux biographies).

Ces trente dernières années, Warren Ellis a écrit divers épisodes de super-héros, aussi bien chez DC Comics/Vertigo (Batman, Justice League, Hellblazer/John Constantine…) que chez Marvel (Iron Man, Daredevil, Thor, X-Men, Ultimates…) mais ses travaux les plus marquants sont chez Wildstorm avec ses excellentes séries The Authority / Stormwatch (déjà avec Bryan Hytch) et Planetary par exemple. On lui doit également le chouette triptyque Black Summer, No Hero, Supergod (disponible en un seul volume en France). Son chef-d’œuvre est sans conteste Transmetropolitan (publié de 1997 à 2002 et toujours aussi puissant de nos jours) où l’auteur ne s’est fixé aucune limite dans sa critique de la société, son style d’écriture trash et ses scènes explicites. Pour les curieux, une partie de sa bibliographie (en anglais) est disponible ici. On note aussi son écriture sur des séries d’animations japonaises adaptant Marvel (!) : Iron Man, X-Men, Blade et Wolverine (disponibles en coffret DVD chez nous, on conseille surtout celle des X-Men, résultat hybride assez captivant entre les comics et les mangas).

Warren Ellis est plus discret depuis 2020 car il a été accusé par plusieurs dizaines de femmes d’avoir un comportement « toxique » et d’abuser de son influence pour coucher avec des personnes plus jeunes que lui (mais toujours majeures – rien de répréhensible aux yeux de la loi stricto sensu mais moralement très limite). Ces accusations n’ont pas entaché la fin de son travail sur The Batman’s Grave au moment de sa publication (elles sont survenues en juin 2020, peu avant la mise en vente du huitième chapitre, sur les douze prévus). L’histoire a été bien récapitulée sur comicsblog.fr avec les faits puis la réponse de l’intéressé (à chacun en son âme et conscience donc d’acheter, lire ou soutenir Warren Ellis désormais). C’est probablement à cause de cela qu’Urban Comics a peu communiqué sur la sortie de la bande dessinée, favorisant un certain mutisme plutôt qu’une publicité mi-prestigieuse (« L’auteur de Transmetropolitan sur du Batman ! ») mi-polémique, forcément.

[A propos]
Publié en France le 7 mai 2021 cher Urban Comics

Scénario : Warren Ellis
Dessin, encrage et couvertures : Bryan Hitch
Couleur : Alex Sinclair

Traduction : Laurent Queyssi
Lettrage : Moscow Eye

Acheter sur amazon.fr : The Batman’s Grave (29€)

DCEASED – Hope at World’s End

Après l’excellent DCEASED, récit original et prenant, on pouvait découvrir une petite extension de cet univers en lisant Unkillables, un segment se déroulant durant les évènements de DCEASED. Rebelote avec Hope at World’s End, nouvelle mini-série prenant également place pendant l’histoire principale de DCEASED. De quoi se préparer à la suite, DCEASED 2, en vente en septembre prochain en France (cf. index).

[Résumé de l’éditeur]
L’équation anti-vie a infecté plus d’un milliard de personnes sur Terre. De chaque côté de l’échiquier, héros comme vilains, nombreux sont ceux qui lui ont succombé. Immédiatement après la destruction de Metropolis, Superman et Wonder Woman mènent un effort pour endiguer la vague d’infection, préserver et protéger les survivants et essayer d’entrevoir la lumière au bout du tunnel. À l’heure la plus sombre de la Terre, l’humanité fait face à son plus grand défi, ne pas perdre espoir, quand tout semble déjà perdu.

[Histoire]
Au moment où le virus techno-organique a été lâché, circulant sur tous les écrans connectés du monde entier (voir DCEASED), Jimmy Olsen a réussi à lui échapper et comprendre ce qui se tramait. Il tente d’immortaliser les évènements avec son appareil photo, afin de rendre hommage aux héros d’aujourd’hui qui pourraient bien disparaître demain…

Black Adam opte pour une solution radicale dans son pays, le Khandak. Afin de sauver sa population, il décime tous les infectés (ce que n’osent pas faire les autres super-héros) et déconnecte l’intégralité des écrans rapidement. Tristement, la région devient la plus sécuritaire. Superman, Wonder Woman et le Limier Martien veulent s’allier avec Black Adam pour protéger les rescapés.

De son côté, Wally West parcourt sa ville le plus vite possible afin de casser un maximum d’écran pour limiter les dégâts. Aerie et Wink, deux jeunes (et récents) super-héros se réfugient à Jotunheim, immense forteresse du Kurak. Enfin, Damian Wayne doit reprendre le costume de Batman afin d’honorer le symbole de son père…

[Critique]
Si Unkillables était un complément sympathique mais dispensable, Hope at World’s End est davantage important voire essentiel pour (mieux) savourer DCEASED (ce dernier est à lire obligatoirement avant). C’est peut-être même la pièce de puzzle absente au premier album, qui allait beaucoup trop vite et enchaînait les séquences intéressantes mais sans s’attarder sur certains protagonistes.

Ici, on prend le temps de mettre en avant des personnages secondaires (Jimmy Olsen entre autres) ou des super-héros moins connus, comme le trio juvénile composé de Batman/Damian Wayne, Superboy/Jon Kent (fils de Clark et Lois) et Wonder Girl/Cassandra « Cassie » Sandsmark. Ces enfants apportent une légèreté et un humour bienvenus dans la fresque épique et tragique qu’est DCEASED. Un numéro d’équilibriste complexe mais réussi, au sein duquel les délicieuses remarques de Talia al Ghul font mouche, nourrissant le récit d’une dimension drôle et décalée et… parfois touchante.

Les chapitres se suivent avec un excellent rythme (un des points forts de l’entièreté de la saga même si, comme déjà dit, elle devrait parfois lever un peu le pied), permettant de multiplier les points de vue, avec quelques clés de compréhension à des scènes « déjà connues » de DCEASED. Son même scénariste Tom Taylor (déjà architecte d’une autre saga culte : Injustice) s’offre le luxe d’étoffer la continuité de façon rétroactive en plaçant deux nouveaux personnages, Aerie et Wink qui ne manqueront pas de diviser les lecteurs pour diverses raisons [1] — qu’il a lui-même créé dans son excellente série en deux tomes Suicide Squad Rénégats.

Aerie et Wink souffrent justement d’une certaine introduction, débarquant de nulle part comme si l’on était familier du duo, par ailleurs particulièrement attachant. Si l’on sait à l’avance comment se termine la série (elle s’achève avant le sixième chapitre de DCEASED), elle parvient quand même à surprendre, que ce soit dans la narration (évolutions, retournements de situation…) ou bien dans sa proposition singulière de temps à autre (un focus le temps de plusieurs planches sur… des animaux, héroïques ou non !).

Pour résumer la chronologie de DCEASED, Urban propose une fresque très sommaire à la fin du livre ; avec pour le premier DCEASED trois points : « Départ de l’épidémie » puis « Mort de Superman » et enfin « L’humanité s’enfuit vers Terre 2 ». Entre les deux premiers points se déroulent UnkillablesPoison Ivy et les vilains créent un refuge à Gotham ») et Hope at World’s End La Justice League organise aussi la résistance ! ») puis cela converge vers DCEASED 2, attendu pour septembre 2021. Notons juste que la couverture de Hope… proposant Swamp Thing en mort-vivant ne reflète pas du tout le comic-book car la créature du marais n’y apparaît pas. Ce magnifique dessin de Francesco Mattina fait partie d’une galerie de portraits pour des couvertures alternatives issue des quatre titres gravitant autour de DCEASED, incluant sa suite, Dead Planet (simplement renommé DCEASED 2 chez nous). Urban Comics les utilise d’ailleurs pour ses versions françaises des séries.

Dans cette troisième aventure de cet univers alternatif, on (re)ferme les yeux sur l’improbabilité du fameux virus, équation de « l’anti-vie », qui transforme tout le monde en zombie. Inutile de s’attarder sur cette bizarrerie rocambolesque, si l’on replonge dans DCEASED, c’est qu’on a accepté cet état de fait. Hope at World’s End apparaît alors comme un enrichissement quasiment indispensable au premier comic-book ! Les dessins et l’encrage sont assurés par une myriade d’artistes : Marco Failla et Renato Guedes (les deux principaux — leurs noms apparaissent d’ailleurs sur la couverture) mais aussi Dustin Nguyen, Camine Di Giandomenico, Karl Mostert, Daniele Di Nicuolo et Jon Sommariva. Les couleurs sont le travail d’une seule personne : Rex Lokus, permettant à minima une homogénéité sur l’aspect chromatique. La série alterne divers styles, sans qu’aucun ne soit réellement déplaisant, l’ensemble forme une production somme toute assez « mainstream », avec son lot d’action, violence et beauté graphique de temps à autre, le tout vivement coloré. Bref, les fans DCEASED vous pouvez vous ruer sur Hope at World’s End !

[1] Aerie est non-binaire, c’est quelqu’un qui ne se retrouve pas dans la « norme binaire » de la société, c’est-à-dire qui ne se sent ni homme ni femme mais soit entre les deux, soit aucun des deux (cf. définition sur Wikipédia). Pour les qualifier en France, le pronom « iel » a été crée (contraction de il et elle donc — correspondant à l’équivalent they en anglais). Urban Comics a décidé de l’utiliser dans la bande dessinée (et ce dès la description des personnages en ouverture du livre) ainsi que l’écriture inclusive pour les participes passés et adjectifs (« Tu es épuisée »).

Une approche éditoriale à saluer mais qui risque d’être clivante chez le lectorat entre les conservateurs de la langue Française ou d’une manière générale et les progressistes (ou se qualifiant comme tel). Le plus ironique étant que le traducteur de DCEASED – Hope at World’s End est le même que celui qui s’était permis un encart « humoristique » sur l’écriture inclusive (avec une traduction factuellement incorrecte, dénaturant les propos du personnage (Batgirl) et des auteurs derrière) à propos d’un autre titre, déclenchant une polémique disproportionnée et sans réponse de l’intéressé ou de l’éditeur…

[A propos]
Publié chez Urban Comics le 9 avril 2021.
Contient DCEASED : Hope at world’s end #1-15

Scénario : Tom Taylor
Dessin et encrage : Collectif (voir article)
Couleur : Rex Lokus

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : Cromatik Ltée, Île Maurice

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Justice League – Endless Winter

Nouvelle aventure de la Justice League dans un récit complet, Endless Winter a quelques qualités mais autant voire davantage de défauts. Impression mitigée…

[Résumé de l’éditeur]
Il y a un millier d’années, un dieu nordique répondant au nom de Frost King a menacé le monde et ses habitants. À l’époque, une équipe de héros composée de Black Adam, la Créature du Marais, Hippolyte et Viking Prince s‘était rassemblée pour s’opposer à cette ancienne divinité capable de contrôler des écosystèmes entiers. Le combat s’était alors soldée par une victoire… mais à quel prix ? Aujourd’hui, le géant de glace est de retour de son exil, et un blizzard mortel l’accompagne…

[Histoire]
Pas besoin d’autre résumé, celui d’Urban Comics est tout à fait suffisant. Précisons évidemment que la Justice League moderne doit affronter Frost King désormais.

[Critique]
Winter is coming ! (Ok, tout le monde fera probablement la même vanne pourrie — désolé.)

Composé de neuf chapitres alternant les points de vue de certains héros, Endless Winter est une aventure « sympathique mais sans plus » des héros de DC Comics. Accessible et globalement jolie, la bande dessinée a un côté blockbuster mainstream avec des qualités évidentes (le rythme, les personnages, les dessins…) et de cruels défauts (histoire convenue, nouvel ennemi peu soigné, survol de certains protagonistes, conclusion rapide…). Dans un genre plus ou moins similaire, on conseillerait plutôt Justice League vs. Suicide Squad, se prenant moins au sérieux et, de facto, plus décomplexé et fun que cet Hiver sans fin (nom donné au récit en français). Explications.

« Il se fait appeler Frost King. Il est sorti d’un glacier du cercle arctique.
Pour être honnête, nous ignorons ce qu’il est si ce n’est qu’il a absorbé l’énergie de cristaux kryptoniens après la destruction de la Forteresse de solitude.
Nous ignorons encore beaucoup de choses. Mais il y en a une dont on est sûrs. Nos forces sont mobilisées. La Ligue de Justice intervient aux quatre coins du monde. On essaie de gérer les conséquences du blizzard déchaîné sur la Terre entière par Frost King.
Et on est débordés.
»

Le comic-book est composé des épisodes suivants (dans l’ordre) : Justice League : Endless Winter #1, The Flash #767, Superman : Endless Winter Special #1, Aquaman #66, Justice League #58, Teen Titans : Endless Winter Special #1, Justice League Dark #29, Black Adam : Endless Winter Special #1 et enfin Justice League : Endless Winter Special #2. Ainsi, les évènements relatés dans la mini-série en deux chapitres qui ouvre et ferme l’ouvrage et lui donne son titre, se répercutent dans trois autres épisodes créés spécialement pour l’occasion et dans trois séries classiques (Aquaman, Justice League et Justice League Dark). Tout cela durant l’ère Rebirth évidemment, avec plusieurs allusions en introduction : Aquaman et Mera ont un enfant, le monde entier connaît l’identité de Superman, etc. Des renvois vers différents livres sont mentionnés (Clark Kent : Superman, Wonder Woman – Déesse de la Guerre…). Pas de quoi être perdu pour un lecteur débutant toutefois, c’est même une porte d’entrée sympathique si on ne connaît rien de la Ligue tant l’ensemble est quasiment indépendant. Mais attention : rien de révolutionnaire ici…

Le déroulé narratif est en effet assez convenu quant à la résolution de l’intrigue (grossièrement un combat commun contre un nouvel ennemi) et plutôt plaisant quant à son rythme (étalé sur 220 pages environ). On navigue entre flash-backs au Xème siècle et le présent à peu près partout dans le monde entier devenu glacé, en alternant les points de vue des super-héros, avec une certaine mise en avant de Superman, Aquaman et Flash (forcément, ils ont droit à leur propre chapitre). Black Adam et Wonder Woman ne sont pas en reste, d’autres apparaissent brièvement sans réel intérêt (les Teen Titans et éventuellement une partie de la Justice League Dark).

Quant à Batman, il est malheureusement presque absent tout le long ! Il faut dire que sans pouvoirs, l’homme chauve-souris est (quasiment) inutile. On s’étonne d’ailleurs de l’absence de Mister Freeze, antagoniste qui aurait eu sa place légitime dans cette histoire. Idem pour Shazam, aussi bien pour sa puissance bien utile ici que la présence de son antagoniste de longue date (Black Adam). Idéalement, chaque membre de la ligue aurait du avoir droit à son propre chapitre lié à cette petite saga afin d’étoffer et nuancer cette survie.

En somme, le récit imaginé par Andy Lanning (Les Gardiens de la Galaxie chez Marvel et, surtout, la saga Annihilation — fortement conseillée !) et Ron Marz (Green Lantern) manque d’enjeux dramatiques (on sait d’avant que la situation sera renversée un moment ou un autre), d’originalité évidente et loupe ses quelques belles idées, faute d’avoir le temps de les travailler en profondeur : Black Adam qui accueille au Kahndaq des citoyens d’autres pays avec la promesse de les protéger car la Justice League n’y arrive pas, Batman affaiblit et sans costume efficace dans un froid aussi prononcé, les conflits sous-marin d’Aquaman et Mera, la complication de la vie privée et héroïque pour chaque membre, etc.

Heureusement, l’armée de dessinateurs qui officient sur tous ces épisodes livrent quelques chouettes planches, bourrées d’action et de couleurs vives, avec un peu de moments épiques (cf. illustrations de cette critique). La liste est longue : Howard Porter, Marco Santucci, Clayton Henry, Phil Hester, Ande Parks, Xermanico, Miguel Mendonça, Amancay Nahuelpan, Brandon Peterson, Carmine Di Giandomenico et Jesus Merino ! Idem côté coloristes avec Alex Sinclair, Arif Prianto, Hi-fi, Marcelo Maiolo, Ivan Pascencia, June Chung et Mike Atiyeh. Forcément avec autant de monde, adieu l’homogénéité graphique mais ça ne pose pas de gros problèmes ici. Comme toujours chez Urban, quelques galeries de couvertures alternatives sont à découvrir en bonus.

Justice League – Endless Winter n’apporte donc pas grand chose à la mythologie DC Comics, l’histoire ne restera pas dans les annales du célèbre éditeur (on est loin d’un récit complet bousculant statu quo et autres séries, comme les diverses « crisis » ou d’un évènement cross-over fun à relire de temps en temps). Si vous êtes peu exigeant sur l’écriture, que vous voulez juste lire une histoire simple et profiter des dessins, alors cette petite aventure peut vous convenir, pour les autres on la déconseille.

[A propos]
Publié chez Urban Comics le 9 avril 2021.
Contient : Justice League : Endless Winter #1, The Flash #767, Superman : Endless Winter Special #1, Aquaman #66, Justice League #58, Teen Titans : Endless Winter Special #1, Justice League Dark #29, Black Adam : Endless Winter Special #1 et Justice League : Endless Winter Special #2

Scénario : Andy Lanning et Ron Marz
Dessins : Collectif (voir article)
Encrage : idem + Cam Smith
Couleur : Collectif (voir article)

Traduction : Mathieu Auverdin
Lettrage : Eric Montesinos

Acheter sur amazon.fr : Justice League – Endless Winter (23,00€)