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Gotham – Sans peur et cent reproches

Cet article a été écrit en juin 2018 et publié dans le magazine Séries Saga #13 peu après. Il s’attarde uniquement sur les quatre premières saison de la série et s’inspire partiellement d’une ébauche d’analyse mise en ligne sur ce site qui en est devenu le complément efficace. Rappel : tous les épisodes et critiques du show sont regroupés sur cette page.

Gotham est un vrai paradoxe : une série sur la ville de Batman et sur ses ennemis mais sans la présence du Chevalier Noir, un casting totalement inégal, une qualité (d’écriture et de réalisation) oscillant constamment entre le médiocre et le bon, des audiences en baisse alors que le show s’améliore… Décryptage.

En mai 2018, les fans de Gotham ont retenu leur souffle. La quatrième saison venait de se terminer et il était possible que ce soit la dernière car la série ne serait pas forcément renouvelée. Mais il y aura finalement davantage que 88 épisodes : elle a décroché de justesse une ultime saison, raccourcie de moitié (12 épisodes au lieu des 22 habituels, portant le total à 100). Cette cinquième salve, diffusée depuis début 2019, a la lourde tâche de conclure efficacement la fiction, surtout si Gotham veut passer la difficile épreuve de la postérité.

La série avait rassemblé plus de 8 millions de téléspectateurs lors de la diffusion du pilote, à l’automne 2014 sur la chaîne Fox, avant de tomber à un peu plus de 2 millions en mai 2018 lors du dernier épisode de la quatrième saison (No man’s land). Emmenée par Bruno Heller, créateur et showrunner de l’excellente mini-série Rome (2005) et de la célèbre mais plus moyenne The Mentalist (2008-2015), Gotham a en effet immédiatement divisé son public. Les épisodes initiaux empilaient maladresses et défauts. Et malheureusement, la série (qui a pris pour point de départ l’assassinat des parents de Bruce Wayne) a continué sur la même voie tortueuse, sans trouver le réel équilibre « parfait », entre action, drame et policier (et même fantastique) aux yeux des fans — toujours exigeants — de l’indémodable Batman, qui fête ses 80 en 2019. Reste tout de même des éléments fascinants. Et d’incontestables réussites. On récapitule.

Une galerie de vilains quasiment complète

Axer son récit sur des enquêtes de James Gordon à Gotham City, tout en montrant l’évolution d’un jeune Bruce Wayne endeuillé et la « naissance » de plusieurs ennemis emblématiques de Batman ? Sur le papier, le projet était ambitieux et audacieux. Très séduisant, aussi, forcément, pour les passionnés de la mythologie du Chevalier Noir. Mais à l’écran, le rendu est vite bancal car les scénaristes s’entêtent à vouloir tout montrer très vite au lieu de « prendre leur temps ». On suit donc l’ascension de James Gordon, campé par un Ben McKenzie peu charismatique, au sein du GCPD (la police de la ville, pas mal corrompue). Il est épaulé par son acolyte Harvey Bullock, bourru mais sympathique (Donald Logue, impeccable), l’une des bonnes idées de la série. Les forces de l’ordre ont beaucoup de travail entre les criminels de seconde zone et les fous qui « s’émancipent » dans la ville.

En parallèle, le futur milliardaire Bruce Wayne devient donc orphelin (le meurtre de ses parents ouvre la série) et débute un entraînement pour rendre la justice et combattre le crime et la pègre à sa manière. Bruce est joué par David Mazouz qui est « LA » principale erreur de Gotham tant l’enfant (puis adolescent) est agaçant et ne brille pas particulièrement par son jeu d’acteur. Ce double problème de casting (Ben McKenzie et David Mazouz) ne se résout malheureusement pas avec le temps mais on reconnaîtra volontiers quelques beaux moments à McKenzie. Les deux personnages principaux de la série souffrent à la fois d’une écriture maladroite (l’évolution de Bruce est parfois risible) et d’une performance d’acteur plutôt limitée. Dommage…

Certains personnages « gentils » sont plus réussis et charismatiques, comme Alfred Pennyworth (Sean Pertwee), autoritaire, violent mais protecteur, et Lucius Fox (Chris Chalk), figure paternaliste complémentaire, déjà portée sur les inventions. Mais il faut se tourner vers les criminels de Gotham pour apprécier de bonnes idées de casting (mais pas toujours, comme nous allons le voir). On se rend compte, d’abord, que Gotham s’éloigne de la chronologie plus ou moins officielle de Batman (celle des comics et des films) puisqu’une dizaine d’années avant que le justicier masqué ne signe ses premiers faits d’armes, quasiment tous ses ennemis sont déjà présents dans la ville ! La plupart sont même déjà adultes et « à l’œuvre » (en tant que méchants donc). Un aspect inédit qu’il faut se forcer à accepter pour apprécier pleinement Gotham (quitte à considérer la fiction comme un elseworld). Le show réussit donc l’exploit, en 88 épisodes (4 saisons de 22 épisodes), de présenter pêle-mêle le Pingouin, l’Homme-Mystère (le Sphinx), Le Chapelier Fou, L’Épouvantail, Hugo Strange, Victor Zsasz, Poison Ivy, Gueule d’Argile, la Cour des Hiboux, Mister Freeze, le Professeur Pyg, Ra’s Al Ghul, Carmine et Sofia Falcone, Salvatore Maroni, Firefly et deux versions du Joker (on y reviendra plus tard), ainsi que d’autres antagonistes très secondaires ou créés pour cette adaptation télé. Ne manquent donc que Killer Croc, le Ventriloque, Bane et Man-Bat, sachant que ces trois derniers seront (normalement) dans la cinquième et ultime saison (même si Man-Bat et Killer Croc ont déjà été brièvement aperçus en caméo ou rôle tertiaire).

Des réussites exemplaires…

Parmi cette galerie de criminels, certains excellent. Le  traitement des personnages est plus ou moins fidèles à leurs versions de papier et quand il propose une lecture totalement inédite, celle-ci se révèle parfois très réussie. C’est le cas d’Oswald Cobblebot, alias le Pingouin (excellent Robin Lord Taylor), qui débute comme homme de main avant de gravir les échelons de la pègre et se faire un nom, avec une cruauté « sans faille », une dimension théâtrale mais aussi un côté très torturé. On lui prête même un penchant amoureux pour… Edward Nygma ! Une situation sans précédent mais bien écrite. Oswald ne ressemble d’ailleurs pas à l’image collective nourrie par les comics, le film Batman, le Défi (de Tim Burton) et la série d’animation de 1992 puisqu’il est maigre et doté d’une coiffure atypique. Bien loin du « petit obèse » qu’on imagine.

Le personnage du Sphinx (The Riddler en VO), alias Edward Nygma, est également soigné. Il gagne en maturité et en charisme au fil des épisodes. Il est d’ailleurs collègue de Gordon au GCPD dans un premier temps ! Cet Homme-Mystère (parfait Cory Michael Smith) apporte une réelle plus-value au show puisque ses dernières apparitions à l’écran (Frank Gorshin dans la série Batman des années 1960 puis Jim Carrey dans le film Batman Forever de 1995, signé Joel Schumacher) étaient plutôt « comiques » et oubliables. Autres franches réussites : Jarvis Tetch, a.k.a. le Chapelier Fou (Benedict Samuel, aperçu dans The Walking Dead), qui rend « crédible » un ennemi plutôt discret habituellement dans les comics, jeux vidéo et films consacrés au Caped Crusader, et pourtant passionnant, le Professeur Pyg, alias Lazlo Valentin (Michael Cerveris), véritable boucher effrayant qui donne du fil à retordre aux héros durant plusieurs épisodes (de la quatrième saison), Sofia Falcone (Crystal Reed), rusée et ambitieuse, plus intéressante que son père (Carmine Falcone, joué par John Doman) et, enfin, la deuxième mouture de l’Épouvantail, Jonathan Crane de son vrai nom. Deux acteurs se succèdent dans ce rôle (Charlie Tahan puis David W. Thompson) et on retient surtout la version « définitive » de cet ennemi se nourrissant des peurs de ses victimes, celle costumée et effroyable (donc en quatrième saison principalement).

Impossible de ne pas parler du « proto Joker », de Jerome et Jeremiah Valenska, quand on analyse Gotham (et, surtout, quand on évoque ses atouts). Qui sont Jerome et Jeremiah Valenska ? Deux frères jumeaux qui seront tour à tour deux incarnations différentes du « Joker ». Mais attention, il ne s’agit pas de la version définitive du Joker : pour l’instant il s’agit du « proto Joker », surnom dont les fans ont affublé ce personnage en gestation. Les deux frangins sont magnifiquement campés par Cameron Monaghan, qui mystifie l’éternel Clown du Crime et s’avère être la véritable révélation de la série. On l’avait principalement vu dans la sixième saison de Malcom et, surtout, dans le rôle de Ian Gallagher dans la version américaine de la série Shameless (depuis 2011).

Dans un premier temps, Jerome est présenté comme une personne normale avant de dévoiler sa folie destructive et d’être enfermé à Arkham. De plus en plus déjanté et meurtrier, il est tué puis ressuscité (et mutilé) avant de mourir « à nouveau » et de transmettre son héritage par l’intermédiaire de son frère Jeremiah. Ce dernier, nettement plus sérieux et studieux mais tout aussi effrayant, poursuit la « mise en place » de l’anarchie dans Gotham. Une vision totalement inédite du Joker, rappelant aussi bien Jack Nicholson (dans le Batman de Tim Burton) que Heath Ledger (dans The Dark Knight de Christopher Nolan). Si Monaghan semble s’inspirer des deux, il apporte à son personnage une originalité rarement atteinte jusqu’ici et il a déjà rejoint les meilleures performances du Clown du Crime. Les téléspectateurs  les plus exigeants regretteront peut-être les pirouettes scénaristiques un peu trop faciles (la résurrection puis le frère jumeau qui débarque de nulle part). Les fans intransigeants, eux, déploreront peut-être une approche finalement trop semblable au Joker des autres médiums (comics, films…). Une amitié entre lui et Bruce Wayne, à la manière de ce qu’avait proposé le jeu Batman : The Telltale Series, aurait été davantage surprenante et singulière.

…et des loupés épiques

Malheureusement Gotham souffre de la présence d’une autre galerie d’ennemis complètement ratés. Il y a tout d’abord l’insupportable trio féminin composé de Barbara Kean (Erin Richards), Fish Mooney (Jada Pinkett Smith) et Tabitha Galavan (Jessica Lucas). On a ici à la fois un problème d’écriture et de casting. Les trois femmes jouent globalement mal et leurs rôles sont ridicules. On ne sait pas trop si Barbara Kean était censée être « LA » Barbara Gordon (elle est en couple avec James Gordon dans les premiers épisodes) mais sa trajectoire est surréaliste (elle devient la reine du crime, la protégée de Ra’s Al Ghul puis se retrouve à la tête de la Ligue des Ombres, etc.). Jamais le spectateur n’est effrayé par Barbara ou n’arrive à la prendre au sérieux. Idem avec Fish Mooney, créée spécialement pour le show : impossible de la trouver crédible malgré de beaux moments, trop rares pour être véritablement marquants. Quant à Tabitha, si son arrivée (en saison 2) a été bénéfique à la série, son histoire d’amour improbable avec Butch (cf. paragraphe suivant) et sa piètre évolution l’ont rapidement rendue inintéressante. Il est incompréhensible que les showrunners tardent à les tuer tant les trois sont décriées et conspuées sur la Toile (Mooney est enfin morte mais vu que la résurrection est monnaie courante dans  la fiction, on ne sait jamais). Selina Kyle (Camren Bicondova), future Catwoman, empiète sur les plates-bandes des trois mais son parcours reste un chouïa plus palpitant que celui de ses aînées (même s’il est aussi assez ennuyant quand il est corrélé à celui de Bruce — et c’est souvent le cas).

Butch Gilzean — in fine Solomon Grundy (Drew Powell) — a quelques belles envolées mais se montre le plus souvent peu passionnant et, lui aussi, plutôt ridicule. Même son de cloche pour Hugo Strange, pourtant interprété par B.D. Wong (Oz, Mr. Robot…). Ce n’est pas forcément l’écriture du personnage qui fait tâche mais ses mimiques et son côté « low-cost » bizarre… Victor Zsasz (Anthony Carrigan) a un problème inverse : le comédien est plutôt bon et particulièrement charismatique mais le criminel suit une voie totalement improbable, surtout par rapport à sa version comics. Gueule d’Argile (Brian McManamon) est complètement sous-exploité alors qu’il apportait une certaine originalité et de multiples possibilités d’histoires. Là aussi, c’est dommage. Victor Fries (Nathan Darrow) était un peu soigné au départ (la trame reprenant l’histoire de sa romance tragique) avant de devenir un antagoniste de seconde zone. C’est l’inverse aussi pour Ra’s Al Ghul (Alexander Siddig) : dans un premier temps plutôt pitoyable, le grand immortel revient, dans un second temps, sous forme spectrale et zombiesque terrifiante. Mais, hélas, de façon trop éphémère.

L’insoluble équation qualitative (1)

On l’a vu, le profond déséquilibre du casting (et encore, on n’a pas parlé de tout le monde ! — Azrael, Poison Ivy… (1)), que ce soit dans l’écriture et l’évolution des personnages ou le jeu des acteurs et actrices, a pour effet de priver Gotham d’un intérêt plus prononcé. On constate malheureusement la même chose pour tous les aspects techniques du show. Certains sont réussis, d’autres complètement ratés. On applaudit, par exemple, la photographie plutôt soignée de chaque épisode, ainsi que le rythme (on ne s’ennuie pas). On apprécie aussi les costumes, les maquillages et les effets spéciaux (mais pas tous). On doit aussi saluer un « certain respect » de la mythologie de Batman (voir encadré sur les comics en bas de cet article). Celle-ci est parfois bousculée intelligemment. Ou désacralisée risiblement… Le résultat, c’est qu’on a du mal, une fois de plus, à apprécier pleinement Gotham devant un scénario tantôt malin, tantôt affligeant. De même, les incohérences sont nombreuses et la crédibilité de l’ensemble est bien mise à mal. Enfin, une musique peu mémorable et divers petits défauts (trop de plans d’intérieurs de Gotham, etc.) plombent une série qui possédait pourtant un potentiel énorme.

Ne sachant jamais quel spectateur viser, la Fox a d’abord tenté le « grand public familial » en imposant une enquête par épisode. La production a revu sa copie pour améliorer le show et proposer des arcs narratifs s’étalant sur plusieurs épisodes, tout en ciblant un public plus « adulte » grâce à une veine plus sombre, voire franchement gore. Les errements sont peut-être aussi imputables à la Warner Bros qui a imposé des restrictions discutables à la Fox, comme le dévoilait l’acteur Cameron Monaghan sur son compte Twitter en mai 2018. L’utilisation du nom du Joker est ainsi prohibé dans Gotham ! Idem pour les cheveux verts iconiques du Clown du Crime ! Un comble pour une série sur Batman… Il se murmure d’ailleurs aussi que le nom « Batman » ne doit pas être utilisé (seul « Dark Knight » est affiché en promotion et, pour l’instant en tout cas, jamais prononcé dans le show). Le but serait de préserver ces prestigieuses appellations pour le cinéma, afin de ne pas embrouiller les spectateurs (les croit-on si stupides que cela ?). Du côté du grand écran, entre le Joker de Jared Leto (Suicide Squad) et celui de Joaquin Phœnix (dans le film de Todd Phillips, actuellement en post-production), on ne sera a priori pas perdus, donc les craintes paraissent quelque peu infondées.  Si l’on comprend la volonté de ne pas céder à la tentation d’un univers partagé entre petit et grand écrans (ArrowVerse, Gotham, DCEU, « Titans »…), cette suppression de termes officiaux au sein de la série la dessert plus qu’autre chose.

La dernière chance

Il reste une ultime occasion de se rattraper pour Bruno Heller (qui travaille en parrallèle sur une fiction centrée sur… la jeunesse d’Alfred ! — voir dernier encadré en bas de cette page) et ses scénaristes dans la cinquième et dernière saison. Pour cela, il faut gommer les défauts de la série évoqués plus haut, oser tuer tous les personnages inutiles, voire pathétiques, et proposer une ellipse temporelle de plusieurs années pour changer l’acteur principal qui joue Bruce Wayne (David Mazouz) et qui devrait, en toute logique, devenir l’homme chauve-souris en fin de show. Le jeune comédien pourrait intervenir dans les premiers épisodes avant de laisser place à une version plus adulte de lui, par exemple. Si cette saison 5 réussit le tour de force de balayer les (nombreux) problèmes qu’on a listés pour offrir une œuvre aboutie (donc « une forte proposition de série »), avec une vraie patte artistique et une écriture plus pointue, alors Gotham pourra se targuer d’avoir rejoint la courte liste des séries de super-héros incontournables (Daredevil trône sans peine tout en haut actuellement). On n’est pas très optimistes quand même et on craint que ce programme finira au cimetière des séries à fort potentiel exploitées maladroitement. Un objet vaguement divertissant et vite oublié. Début de réponse en janvier 2019.

(1) – Titre originel de cette analyse publiée sur ce site après la vision des quatre saisons dans laquelle sont effectivement listés TOUS les personnages sous forme de tableau. Ce présent article se veut la « suite et fin » qui le complémente aisément.

LES INSPIRATIONS COMICS

Gotham puise dans quelques séries de bandes dessinées de Batman pour alimenter ses épisodes. Impossible de ne pas penser à Gotham Central, une excellente histoire se concentrant sur le quotidien du GCPD (l’homme chauve-souris est relativement en retrait puisque le but est de s’attarder sur les policiers). Scénarisée principalement par Greg Rucka et Ed Brubaker, cette série est disponible en quatre tomes chez l’éditeur Urban Comics. Elle a obtenu un grand succès critique et de nombreuses récompenses, indispensable pour les fans ! On pense également à quelques histoires moins connues du « grand public », comme Batman – Terre Un (Earth One en version originale). Une version alternative de la mythologie de Batman dans laquelle Alfred est proche de la vision de Gotham : svelte, bagarreur, radical, autoritaire, etc. Batman – Terre Un compte actuellement deux tomes, tous deux en vente en France. Le troisième devrait sortir aux États-Unis en 2019 (sans doute la même année chez nous).

 

Enfin, la fin de la saison 4 (et surtout la 5 désormais) évoque l’immense arc narratif No Man’s Land. Cette très bonne saga s’éparpille sur six tomes ainsi qu’un autre introductif, Cataclysme, et se poursuit plus ou moins dans New Gotham (en trois volumes). On y retrouve principalement Greg Rucka à l’écriture des scénarios, ainsi qu’Ed Brubaker, comme pour Gotham Central, et Jeph Loeb. Soit trois valeurs sûres dans le milieu. Tous ces volumes sont disponibles en France, toujours chez Urban Comics. La  cinquième saison de Gotham s’inspire d’ailleurs davantage de No Man’s Land avec une ville coupée de tous les accès extérieurs, à l’instar du film The Dark Knight Rises (son réalisateur, Christopher Nolan, avait déjà pioché dans cette saga culte).

L’histoire L’An Zéro, qui correspond aux tomes 4 et 5 de la série Batman (qui en compte neuf au total), devrait elle aussi au cœur de la cinquième saison (même si son premier épisode éponyme n’a finalement pas du tout pioché dedans). D’une manière générale, le show de Bruno Heller se sert surtout des personnages de la mythologie du Chevalier Noir, très connus ou plus confidentiels, et non dans des arcs narratifs de bandes dessinées spécifiques. Comme le personnage de Sofia Falcone (brillamment jouée par l’actrice Crystal Reed), principalement puisée dans l’excellent Batman – Amère Victoire, suite du tout aussi indispensable Batman – Un Long Halloween, dans lequel elle apparaissait brièvement. À noter également que le visage du premier « proto Joker », lorsqu’il est mutilé et « enlevé », correspond à la version papier aperçue dans le troisième volume de la série de comics Batman (celle en neuf tomes). De même, l’un des looks du second « proto Joker » (en fin de saison 4, avec son chapeau notamment) est très semblable à celui du livre Killing Joke, autre comic-book incontournable.

UNE SÉRIE SUR… LA JEUNESSE D’ALFRED !

En mai 2018, Bruno Heller, tête pensante de Gotham, a dévoilé son nouveau projet : une série sur le passé du célèbre majordome des Wayne, Alfred Pennyworth ! Un autre préquel de l’univers de Batman qui s’intitulera tout simplement Pennyworth. Il comportera 10 épisodes et sera diffusé sur la chaine américaine Epix. Le show explorera les origines d’Alfred dans le Londres des années 1960. Avant d’être majordome, Alfred était soldat, ancien des forces spéciales des Forces armées britanniques, le SAS (Special Air Service). Il est ensuite devenu gérant d’une entreprise de sécurité, ouverte avec Thomas Wayne, le père de Bruce. Ce sont ces deux éléments qui seront mis en avant dans Pennyworth. On sait aussi, à travers les comics, qu’Alfred fut comédien et espion (et il a eu plusieurs histoires d’amour) mais on ignore si cela sera reprit dans la série qui, problème de droits entre les chaînes oblige, ne se déroulera pas officiellement dans le même univers que Gotham (diffusée par la Fox). On ne verra donc pas l’acteur Sean Pertwee reprendre son rôle, plutôt marquant et réussi au demeurant.

Gotham – S05E01 : Year Zero

Page récapitulative de la série Gotham.

Afin de coller à l’actualité du début d’année 2019 et en complément d’un long article sur la série Gotham publié en magazine en été 2018 (et fortement inspiré de l’analyse sur le site), voici la critique du premier épisode de la cinquième et dernière saison du show — sous-titrée Legend of the Dark Knight. Les suivants seront peut-être aussi chroniqués « un par un » et feront l’objet quoiqu’il arrive (et à l’instar de tous les autres), d’un papier global revenant sur l’entièreté de la saison (et, forcément, de l’analyse générale de toute la série).

No man’s land, 391ème jour. Plus d’un an après les évènements de la fin de la saison précédente (l’anarchie totale provoquée en partie par Jeremiah « le Joker » Valeska), Gotham City vit en no man’s land. Les connexions avec le monde extérieur n’existent plus, les ponts ont été détruits, la métropole est livrée à elle-même. Jim Gordon, Harvey Bullock, Le Pingouin et l’Homme-Mystère se préparent chacun dans leur coin en s’armant… pour mieux s’allier face à un groupe de mercenaires (ceux de Bane ?) !

Flash-back : 87ème jour. Quelques explications bienvenues (de quoi satisfaire les nouveaux spectateurs — s’il y en a ! — et un rappel pour les connaisseurs) grâce à un dialogue entre Gordon et visiblement une personne du gouvernement. Le policier explique que la ville est aux mains des criminels. Chacun régnant sur sa zone : le Pingouin, Barbara « et les sirènes », l’Épouvantail, Victor Fries, Firefly, Zsasz (lu sur une carte mais pas mentionné oralement)… Seul Jeremiah Valeska est introuvable. Reste évidemment des civils démunis, aidés par le GCPD  (incluant Lucius Fox et Harvey Bullock, en plus de Jim Gordon bien sûr) mais les vivres et les munitions manquent cruellement… Sans compter la difficulté de tenir un semblant d’ordre dans une communauté épuisée et énervée. De son côté, Selina Kyle doit être opérée de sa colonne vertébrale pour recouvrer l’usage de son corps (une variation de ce qui est arrivée à Barbara Gordon dans les comics ?). Edward Nygma semble toujours autant schizophrène (et si c’était lui la version télévisuelle de Double-Face ?). Quant à Bruce Wayne, il est déterminé à aider la ville à sa façon…

Sans dévoiler trop d’autres éléments de l’histoire — chaque protagoniste avance petit à petit avec plus ou moins d’intérêt et de situations classiques par rapport à leur caractère — on apprécie ce retour de Gotham, plus mature, plus inédit aussi. Bien sûr on s’étonne de certaines incohérences (beaucoup de citoyens ont l’air toujours aussi propre et bien habillé au bout de trois mois de cette situation par exemple) mais l’ensemble n’est franchement pas déplaisant, au contraire.

Côté technique, on retrouve ce qui fait les forces et faiblesses de Gotham. La photographie est particulièrement soignée — encore plus dans cet épisode qui joue énormément sur la lumière et les ombres —, les costumes et les décors réalistes sont un régal, l’ensemble a (enfin) une patte résolument violente et sombre. L’épisode pêche par ses classiques défauts à commencer par le casting. Pas l’ensemble de celui-ci, évidemment, mais toujours les têtes habituelles : David Mazouz en Bruce Wayne et Erin Richards en Barbara Kean. Le premier est devenu grand adolescent très très sérieux mais manquant toujours autant cruellement de charisme. Toutefois, le jeune acteur, pas forcément mauvais au demeurant, apporte une touche moins irritante à son personnage vu le contexte — il va bientôt faire ses premiers pas en tant que justicier.  La seconde (Barbara) souffre toujours d’une écriture maladroite qui s’ajuste mal au reste du show. Un problème récurrent depuis le première saison. Toutefois, les scénaristes ont enfin osé tuer un autre personnage peu fascinant (voire carrément inutile) ! Mais, on le sait, dans Gotham une mort n’est pas forcément définitive…

Il faut se tourner vers la galerie de vilains, à commencer par l’Épouvantail et le Pingouin, pour être davantage conquis par cet épisode qui inaugure (quand même) de belles choses et laisse planer l’espoir d’une conclusion satisfaisante de la série. Le maître du cauchemar et l’excentrique mafioso livrent les meilleures séquences de l’épisode. À titre anecdotique, on peut  supposer qu’un homme de main du Pingouin deviendra Le Ventriloque (il est prévu dans cette saison, au même titre que Bane et Man-Bat notamment). Selina et Alfred sont de passage pour des scènes peu marquantes et Gordon est au cœur de ce retour : pour l’instant, le « héros » c’est lui : roc et faillible mais déterminer lui aussi.

Les inspirations comics sont évidemment à piocher dans l’immense (et très réussie) saga No Man’s Land dont la série reprend exactement la même trame narrative (et qu’avait aussi abordé Christopher Nolan dans The Dark Knight Rises). Étrangement, le titre de l’épisode (Year Zero) n’a finalement pas grand chose à voir avec le livre éponyme (L’An Zéro — lui aussi réussi et modernisant les origines du Chevalier Noir).

Côté audience, cet épisode a rassemblé près de 2,6 millions de spectateurs, un score plutôt honorable (correspondant à la moyenne de la saison 4), loin des anciennes saisons mais cela ne jouera pas sur une éventuelle annulation puisque cette saison 5 sera la dernière (sauf si Netflix ou autre souhaite la racheter mais peu de chance que cela arrive). La fin de l’épisode laisse présager le retour de Jeremiah et la bande-annonce de l’épisode suivant annonce même le Chevalier Noir d’un plan furtif. De quoi imaginer une prémonition ou, sans doute, un flash-forward puisque l’introduction de cette nouvelle saison en était déjà un.

 

 

Les Cahiers de la BD – Hors-Série #1 : Batman | Pourquoi il revient toujours ?

 

Les Cahiers de la BD ont publié leur premier hors-série fin novembre 2018 sur le Chevalier Noir, intitulé « Batman – Pourquoi il revient toujours ?« . L’ouvrage est doté d’une couverture « dure » format bande dessinée franco-belge. Il n’a pas encore été lu donc il ne sera pas chroniqué dans l’immédiat mais c’est l’occasion de détailler son sommaire, ses rédacteurs et écrire la liste de dix comics jugés incontournables sur Batman proposé à la fin du hors-série. Trois extraits de comics sont également au programme. Cet hors-série d’environ 145 pages coûte 14,90€.

La rédaction de ce numéro est composée de neuf hommes : Pierre-Alexis Delahe, Aurélien Lemant, Nicolas Tellop, Xavier Fournier, Xavier Mauméjean, Dick Tomasovic, Jean-Paul Jennequin, Clément Pelissier et Vincent Bernière. La plupart de ces noms sont sans doute inconnus pour les lecteurs, à l’exception de Xavier Fournier, rédacteur en chef du magazine Comic Box (sa version papier n’existe plus mais le site est toujours actualisé) et intervenant régulier dans les médias pour aborder les comics. La dernière page détaille leurs parcours : ce sont des auteurs, traducteurs, éditeurs, professeurs, etc. bref chacun apporte une certaine spécialisation.

– SOMMAIRE DÉTAILLÉ –

Le sommaire se divise en trois parties, chacune attribuée à une couleur (bleue, violette, orange).

V I S  !

LA GENÈSE DE BATMAN | Un homme pas tout à fait comme les autres
Batman est né en 1939 sous la plume d’un énigmatique dandy, Bob Kane, dans la lignée super-héroïque de Superman. Mais en quoi était-il vraiment différent des autres ?

DÉTECTIVE PUBLIC N°1 | Quand Batman mène l’enquête
Batman, un super-héros ? Pas du tout, l’homme chauve-souris n’a en fait aucun super-pouvoir. Du reste, c’est un détective privé, qui reprend les astuces inventées avant lui par Poe ou Conan Doyle.

BD | LES ORIGINES DE BATMAN (par Bill Finger et Bob Kane)
Retour aux sources avec ce récit paru en 1948 dans le n°47 de Batman. Où l’on découvre pour la premièr fois le nom du meurtrier de ses parents : Joe Chill.

BIENVENUE À GOTHAM | Guide touristique à l’usage du visiteur de la ville-ténèbres
Rarement une ville imaginaire n’aura autant marqué les esprits que Gotham City. En voici une géographie bien précise fondée sur tous les récits de Batman depuis ses origines. Suivez le guide.

LA DYNASTIE WAYNE | Généalogie de l’homme derrière le masque
On connaît Bruce Wayne , un orphelin de père et de mère dont l’histoire familiale est constitutive de son personnage. Mais au fait, qui sont les Wayne ? Généalogie plus ou moins cryptique.

M E U R S  !

LA FACE CACHÉE DE BATMAN | Un certaine romantisme noir
Dénué de pouvoirs, Batman n’est peut-être pas un super-héros, mais c’est un héros tragique.

COMPLÈTEMENT SCHIZO ! | Psychopathologie d’un super-héros
Batman est-il un cas clinique ? Né en plein essor de la psychanalyse aux États-Uni, le personnage cumule les traumas.

MORRISON HOTEL | Il a collé Batman à l’asile !
Interview de Grant Morrison, l’homme qui a collé Batman à l’asile.

BD | NEZ CASSÉ (par Paul Pope)
Une histoire courte dans laquelle l’art de la narration confine à un uppercut.

LA CONSTRUCTION D’UNE FAKE NEWS | Batman & Robin homos ?
Les rumeurs les plus folles courent autour de Batman et Robin. Scandale !

PSYCHOLOGIE DE BAZAE | Batman est-il coupable d’avoir séduit l’innocent ?
Dans les années 1950, la croisade anti-comics du psychiatre Fredric Wertham a bien failli tuer Batman.

VU À LA TÉLÉ | Un superhéros cathodique
Pendant les années 1960, Batman a reconquis une immense popularité grâce à la série télévisée qui lui a été consacrée.

BATMAN REVU (ET CORRIGÉ) PAR L’ART CONTEMPORAIN | Porfolio
Comment les artistes contemporains se sont employés à déconstruire l’image de Batman, Catwoman et Robin.

R E S S U S C I T E  !

BATMAN TROMPE-LA-MORT ? | Les multiples résurrections d’un super-héros
Batman a échappé à 1.000 trépas et parfois il lui est même arrivé de succomber — pour mieux renaître à chaque fois. Retour sur l’histoire de l’homme dont la Mort ne veut pas.

COVER & REBIRTH | 1939-2019, 80 ans qu’il passe son temps à renaître !
Faite de remaniements et de réinventions, l’évolution du Batman est complexe. Quelques jalons pour aider à se faire une idée de sa chronologie accidentée.

COMMENT FAIT-ON BATMAN EN FRANCE ? | Question à Yann Graf, éditeur chez Urban Comics
Batman n’a pas toujours eu dans notre pays la visibilité qu’il méritait. Maintenant que son destin éditorial est entre les mains d’Urban Comics, il lui est permis de ressusciter vigoureusement dans les rayonnages des libraires.

HÉROS ET VILAINS | Biographies imaginaires (et sélectives) de l’univers Batman
Batman n’est pas le seul personnage de son univers à avoir connu une existence tourmentée faire de naissance , de disparition et de renaissance. Petite galerie de portraits faite de six de ses amis et autant de ses ennemis.

BD | CHEVALIER SERVANT (par Darwyn Cooke et Tim Sale)
Course-poursuite spectaculaire et sexy entre Batman et Catwoman. Lequel des feux finira par tomber dans les bras de l’autre.

10 ALBUMS INCONTOURNABLES | De « The Dark Knight Returns » à « Batman Metal »
Sélection évidemment non exhaustive de dix titres qu’il faut néanmoins avoir lus avant d’espérer obtenir son diplôme en batmanologie.

 

10 ALBUMS INCONTOURNABLES

Se prêter à l’exercice d’une sélection de comics sur Batman jugés indispensables est délicat ! C’est ce qui est expliqué en amont de la liste ci-dessous, dont une bonne partie est également considérée sur ce site comme incontournables ou dans les « coups de cœur« .

1. Le baroud d’honneur | The Dark Knight Returns
2. Les origines revisitées | Année Un
3. L’amour à mort | Mad Love
4. Le joyau noir | Un Long Halloween
5. Girl power | Batgirl – Année Un
6. Le blockbuster | Silence
7. Hard boiled | Cité brisée et autres histoires…
8. L’envers du décor | Gotham Central
9. Anti-Batman | Dark Night – Une histoire vraie
10. Heavy Metal | Batman Metal

On peut s’étonner de la place de Mad Love si haut dans le classement ainsi que Batgirl – Année Un et l’absence de quelques pépites comme L’Asile d’Arkham ou le récent White Knight mais, comme on le disait, c’est toujours difficile de dresser ce genre de liste !

(À noter que le mot « super-héros » est toujours écrit « superhéros ». Une orthographe peu usitée pour ce terme…)