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Batman – The Dark Prince Charming 2/2

Après un premier tome plutôt original et haletant, que vaut ce deuxième et dernier volume de cette histoire inédite, imaginée par Enrico Marini et proposée dans un format de BD européenne ?

[Histoire]
Toujours à la recherche d’Alina, prétendue fille de Bruce Wayne, ce dernier rencontre le Joker qui lui confie la mission d’acheter un collier à 50 millions de dollars lors d’une vente aux enchères. Ainsi, le Clown du Crime pourra l’offrir à Harley Quinn et s’engage à libérer l’enfant en échange.

[Critique]
Nouvelle salve aussi réjouissante que la première : on ne tient pas tout à fait un chef-d’œuvre mais on s’en rapproche grâce à une histoire prenante, simple (ce n’est pas un défaut), joliment dessinée, bâtissant d’une certaine façon une nouvelle mythologie autour de Batman (on y reviendra plus tard) et mémorable (principalement grâce à son twist).

Le récit poursuit ce qui était mis en place dans le volume précédent avec un côté « classique et convenu » mais à nouveau efficace : un Batman de plus en plus violent, un Joker décidément terrifiant mais aussi amusant, une Catwoman fidèle à elle-même, bref on avance en terrain connu, dans un monde codifié et pas trop bousculé mais, on insiste, fortement plaisant grâce à la patte graphique de Marini. On retrouve le charme coloré (à l’aquarelle), aux tons pastel avec les prédominances cérémoniales de teintes sépias et bleutées avec, une fois de plus, un découpage particulièrement dynamique et fluide lors des scènes d’action, formant un ensemble très cinématographique. Les plans urbains (sur les toits, dans les rues, sur les ponts…) sont toujours aussi sublimes. Manque parfois un petit peu de finesse dans les visages lorsqu’ils ne sont pas en gros plans.

Peu à redire si ce n’est que Marini aurait pu être parfois un peu plus « original » plutôt que de proposer une intrigue de premier plan in fine trop convenue et traditionnelle chez Batman (voler des bijoux pour Harley Quinn, Catwoman attirée par les mêmes attributs de joaillerie, des courses-poursuites, etc.). On peut déplorer un traitement des personnages féminins très clichés également voire sexistes.  Toutefois, l’artiste fonde délicatement un nouvel univers Gothamien (attention aux révélations, allez au paragraphe suivant si vous comptez lire et découvrir par vous-même ce second tome). En effet, le scénariste et dessinateur italien n’hésite pas à suggérer une fille biologique du Joker (!) adoptée légalement par Bruce Wayne (!!) — et peut-être même le Joker au courant du secret de Bruce… Une situation totalement inédite qui mériterait d’être explorée plus longuement tant elle peut drainer de nouveaux chapitres peut-être plus fascinants. Pourquoi pas étalés sur des évènements futurs, avec des ellipses temporelles de plusieurs années, et relatés par d’autres grands noms européens de la bande dessinée, toujours dans ce même format ?

Batman – The Dark Prince Charming est une petite rareté (dans le monde du neuvième art) à savourer par et pour de multiples publics différents. Elle rejoint la sélection « coups de cœur » du site. Fera-t-elle date au sein de la mythologie de Batman ? C’est possible, l’ensemble n’est peut-être pas assez « puissant » (en terme de complexité d’écriture) pour marquer férocement les esprits mais les deux tomes (espérons une édition compilant les deux avec des bonus) offrent un divertissement plaisant, agréable et plutôt original. On aurait tort de s’en priver.

[À propos]

Publié en France chez Dargaud le 15 juin 2018

Scénario & dessins : Enrico Marini

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : Eric Montésinos

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Batman – The Dark Prince Charming 1/2

L’éditeur Dargaud a proposé le 3 novembre 2017 deux bandes dessinées atypiques sur Batman, une au format franco-belge et une au format japonais (manga). Au lieu de les sortir avec son label de comics Urban Comics (qui publie tous les Batman depuis 2012), elle a préféré viser un plus large public de deux façon. Ainsi, l’éditeur a mis en vente, sous son nom commun « Dargaud« , le premier tome (sur deux) — chroniqué ici — de Batman – The Dark Prince Charming de l’italien Enrico Marini, afin de fidéliser un public plutôt orienté vers la BD européenne. Un autre volume, Batman & the Justice League, est sorti sous forme de bande dessinée japonaise sous le label de mangas de Dargaud : Kana (plus précisément dans la filiale un peu plus « adule » Dark Kana).
Dargaud, Dark Kana et Urban Comics appartiennent au même groupe et ont donc fourni un travail commun de qualité (la typo en couverture du manga et du Marini est strictement la même que celles des ouvrages d’Urban Comics), le tout sous la supervision de DC Comics. Audacieux pour certains, mercantile pour d’autres (trouver un nouveau public, coïncidence avec la sortie du film Justice League, etc.), cette stratégie permet tout de même d’inviter un nouveau lectorat voire de le fédérer. Dans tous les cas c’est positif !
Retour sur le premier tome de la BD de Marini, qui a bénéficié d’une incroyable couverture médiatique.

Batman Marini  Batman Marini Collector

(La couverture de la version classique à gauche, de la version collector limitée à droite.)

[Histoire]
Le Chevalier Noir manque de peu une nouvelle occasion d’arrêter le Joker après un vol de bijoux destinés à Harley Quinn.

Peu après, une jeune femme soutient que Bruce Wayne est le père de sa fille biologique, Alina, âgée d’une petite dizaine d’année. Le milliardaire ayant refusé de payer une pension onéreuse et cette (soi-disant) ex petite-amie a prévenu les médias…

Le Clown du Crime décide alors de kidnapper Alina, 8 ans, et la maintient en vie dans un endroit secret. Batman prend cette affaire très à cœur et, avec l’aide de Gordon, se met farouchement en tête de retrouver l’enfant, quitte à être plus violent que d’habitude.

[Critique]
Une agréable surprise ! Tel est le sentiment après la lecture de cette bande dessinée au format franco-belge (donc moins paginée mais plus grande et plus large). Avec le déferlement médiatique et la grande opération marketing en place au moment de la mise en vente (fin 2017), on pouvait légitimement craindre « trop de bruit pour pas grand chose » alors que le résultat fourmille de bonnes idées. L’histoire demeure simpliste dans un premier temps : un vol de bijoux, le Joker et Harley en roue libre (et relativement drôles et cruels), Batman en réflexion personnelle sur son statut… Du classique certes, mais qui fonctionne bien grâce au découpage particulièrement dynamique de Marini, qui parvient à rendre plus vrai que nature une course-poursuite étonnante, qui n’est pas sans rappeler le film The Dark Knight. Il faut souligner ce rythme et cette vision très « cinématographique » (comme l’annonce Jim Lee en début d’ouvrage) que manie avec brio Marini.

Passé cette (longue) introduction simple mais efficace donc, le récit gagne en maturité lorsque l’idée d’une paternité nouvelle autour de Bruce Wayne survient — les fans connaissent déjà son passif avec Damian Wayne, progéniture issue d’une idylle avec Talia As Ghul dont l’univers de Marini ne semble pas s’encombrer. C’est d’ailleurs une des forces du récit qui capitalise sur un nombre minimum de têtes connues : Bruce Wayne/Batman, Alfred, Gordon, Selina Kyle/Catwoman (avec qui le milliardaire semble en couple et chacun connaît le secret de l’autre), le Joker et Harley Quinn. Killer Croc, Bullock et Montoya sont croisés. Pas de Robin, Nightwing ou autre allié super-héroïque et pas de grande galerie de vilains étoffée. Une bonne chose puisque The Dark Prince Charming peut clairement prétendre à rester dans la postérité des comics, ou plutôt bandes dessinées, cultes sous réserve que son second tome arrive à conclure brillamment son histoire (et avant une hypothétique ressortie en intégrale dans plusieurs années, qui proposerait donc un one-shot non négligeable — les dernières décennies ont prouvé que les récits sur le Chevalier Noir laissant une trace dans la mythologie de Batman sont souvent des volumes uniques).

Quid des graphismes ? Avec une prédominance de tons pastels (exécutés à l’aquarelle visiblement) tirant majoritairement vers le sépia (orange sombre) ainsi que le violet et le bleu (foncé) avec une touche de vert prononcé, l’ensemble se veut à la fois soigné et précis, tout en maintenant cette couche de couleur presque enfantine. Un étrange mélange audacieux et original, qui permet d’apprécier les traits de Marini, artiste qui ne « redéfinit » jamais réellement les silhouettes mythiques de l’univers de Batman (à l’exception honorable, peut-être, du couple criminel composé du Joker et de Harley). Ce n’est pas un défaut, bien au contraire, puisque ça permet d’ajouter une touche intemporelle là où sa touche personnelle provient principalement de sa mise en couleur, qu’on évoquait plus haut et qui donne une belle identité graphique à ce livre. L’avantage des hautes planches permet d’apprécier des décors plus flamboyants et vertigineux, plus cinématographique aussi (comme déjà précisé). Les plans de Gotham et l’aspect très urbain sont particulièrement réussis. Reste ce résultat peut-être un poil frustrant d’un encrage peu accentué, sans doute par habitude en comparaison des productions américaines.

Enrico Marini est un Italien connu pour ses œuvres Le Scorpion et Les Aigles de Rome. Sous l’égide de Jim Lee et Jim Chadwick de DC Comics, il a eu carte blanche pour proposer sa version de l’homme chauve-souris. En résulte donc cet ouvrage hybride, mi comic-book, mi bande dessinée européenne plus convenue. Pour autant, The Dark Prince Charming est (déjà) une valeur sûre justement grâce à son approche graphique originale, colorée et léchée et son scénario pour l’instant haletant. Deux versions ont été publiées pour l’occasion, une classique contenant un petit cahier graphique à la fin, et une limitée arborant une couverture différente et un autre cahier graphique, nettement plus fourni (proposant crayonnés, brouillons en noir et blanc et d’autres en couleurs) mais ne reprenant pas l’intégralité de l’autre version plus commune (étonnamment). Les complétistes devront (sans doute) attendre une version ultime rassemblant tous ces bonus et, idéalement, incluant le second tome.

[À propos]

Publié en France chez Dargaud le 3 novembre 2017 (le 1er décembre 2017 pour l’édition limitée)

Scénario & dessins : Enrico Marini

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : Eric Montésinos

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Gotham : l’insoluble équation qualitative

MàJ janvier 2019 – Une autre analyse de la série a été publié sur cet article. Il est à lire avant celui-ci (qui n’avait jamais vraiment été terminé) et qui vient le complémenter de façon très efficace.

Derrière ce titre un peu « pompeux » se cache une analyse de la série Gotham via ses quatre premières saison (l’article sera actualisé une fois la cinquième diffusée et chroniquée). Pour rappel, le show bénéficie déjà de plusieurs critiques par arcs de saisons sur cette page.

Un constat revient à chaque fois qu’on évoque Gotham : le déséquilibre flagrant entre le casting, l’écriture, le côté technique, la narration, etc. Dans l’idée de synthétiser au mieux tout cela, et surtout comprendre le succès relatif (ou l’échec en demi-teinte) de la série, deux tableaux comparatifs ont été conçus.

Le premier revient sur le côté « technique » de Gotham, c’est à dire ses qualités intrinsèques qu’on peut analyser de façon objective. Le résultat est sans appel : la série lorgne constamment entre le bof/moyen/pas mal, elle n’excelle jamais vers le très bien ou le nullissime. Mais… comme on peut le constater, certains aspects se retrouvent dans plusieurs catégories. En effet, bien difficile de trancher d’une façon définitive sur la petite centaine d’épisodes vus, tant la qualité entre eux oscille constamment. Qui plus est, trois éléments ont besoin d’être développés. Explications ci-dessous après le tableau.

 

TRÈS BIEN PAS MAL MOYEN / BOF NUL
Photographie soignée Rythme des épisodes Musique Casting (3)
Mise en scène Scénario (1)
Scénario (1) Respect des comics / de la mythologie Batman (2)
Respect des comics / de la mythologie Batman (2) Crédibilité (incohérences)
Costumes & maquillages Casting (3)
Casting (3) Trop de plans d’intérieur
Effets spéciaux Effets spéciaux

 

 

Sans surprise, un des éléments forts du show est sa photographie soignée, qui n’a pas à rougir d’une production cinématographique ou d’un show de HBO par exemple (Game of Thrones, Deadwood…). Il y a un travail esthétique notable pour montre la ville de Gotham et ses intérieurs. Aussi bien les décors que la lumière sont étudiées pour proposer un rendu alléchant et original, mi-rétro, mi-moderne. Le rythme des épisodes est lui aussi correct (à l’exception de la première saison, qui était encore très bancale sur ce point) puisqu’on s’ennuie rarement et qu’il n’y a pas de temps mort entre les scènes (attention, ça ne veut pas dire que ce qu’on voit est « bon » ou « intéressant » mais il faut reconnaître un rythme maintenu qui reste efficace). La mise en scène de Gotham est extrêmement classique voire convenue au possible. Il subsiste quelques plans originaux de temps en temps, de jolies compositions ou quelques effets de réalisation un brin novateur mais c’est très rare. Est-ce problématique ? Pas forcément, le travail est là et c’est suffisant pour regarder la série. Bien sûr, on (un amateur de productions « cinématographiques », ou un serievore) aimerait du « mieux » sur cet aspect, mais il n’est clairement pas primordial. Le budget ne permet sans doute pas une telle possibilité et le public visé de la chaîne n’y est peut-être pas réceptif (qui plus est — et ce fut là aussi le gros problème de la première saison surtout — la série ne savait pas à qui s’adressait entre le grand public familial ou les spectateurs plus adolescents et adultes enclins à un côté sombre et violent). Pour rester sur les bons aspects du show, évoquons les costumes et maquillages particulièrement réussis au global — disons que ça évolue de mieux en mieux, par exemple le look du dernier Épouvantail en saison 4 ou les meurtres d’Ivy par les plantes sont vraiment sublimes (on repassera sur Fish Mooney ou d’autres personnages secondaires…). D’une manière plus ou similaire les effets spéciaux sont soit réussis soit ratés. Les effets spéciaux englobent aussi bien les effets visuels (retouches numériques en post-production) que des effets « techniques » artisanaux (des explosions) ou bien de la création pure et dure par ordinateur. On commence à entrer dans ce qui varie en terme de qualité (avec un penchant positif global, principalement sur les dernières saisons). Certains sont clairement mal faits puisqu’on distincte qu’il s’agit d’une image numérique par exemple. C’est assez rare mais c’est dommage.

Attardons-nous sur trois aspects qui rentrent dans plusieurs catégories.
(1) Scénario : difficile d’avoir une homogénéité qualitative quand l’écriture de certains personnages n’a rien à voir avec d’autres. Par exemple, l’évolution de Jerome (le « proto Joker ») est globalement réussie et cohérente, idem avec le personnage du Chapelier Fou. Hélas pour d’autres, aussi bien ennemis que policiers, on ne peut en dire autant (James Gordon et Bruce Wayne restent en dessous d’une certaine qualité exigée et ne parlons même pas de Barbara). Jamais le scénario n’atteint des sommets d’écriture, ou bien à de rares petites touches mais avec toujours un ou deux petits éléments qui gâchent un peu le tout (le premier plan imaginé par le Pingouin, qui manipule tout le monde, est excellent mais la présence de Fish Mooney fait retomber le plaisir). Il serait mentir de dire que l’histoire ne flirte jamais avec du très très bon mais ça ne dure jamais bien longtemps ou, comme on vient de le voir, une ou plusieurs choses amenuisent tout ça. C’est pour cela, qu’en moyenne, le scénario est plutôt pas mal ou moyen, ce qui s’explique aussi par le traitement des personnages et donc le second tableau plus bas.
(2) Respect des comics / de la mythologie Batman : voilà l’aspect le plus « subjectif » possible parmi tous les éléments évoqués. En effet, seul un connaisseur de l’univers de Batman peut trouver respectueux le traitement des personnages et de l’univers. Bien évidemment, même dans les comics, les représentations de Batman convergent au grès des auteurs et des époques. Ce qui frappe dans Gotham est multiple à cet égard. Le plus « choquant » est que la série propose beaucoup trop en amont de la chronologie dite « classique » les émancipations des ennemis emblématiques de Batman et l’évolution de Bruce Wayne en jeune justicier. Quasiment toute la galerie de vilains existe une dizaine d’année avant les apparitions du Chevalier Noir. Cette précocité trouve son explication à divers degrés : volonté des scénaristes d’avancer en terrain connu pour séduire les fans (tout en proposant de nouvelles têtes conçues spécifiquement pour le show, mais souvent ratées), fan-service pur et simple (aucun développement construit et sur le long terme, mais de vagues apparitions de tel ou tel élément) ou « nouvelle version du mythe de Batman ». C’est ce dernier point qu’il faut prendre en compte pour mieux apprécier Gotham. Quasiment imaginer un elseworld, sorte de refonte des classiques, films et comics, jeux vidéo et séries d’animation, pour « accepter » les défauts (du respect des comics / de la mythologie Batman) de cette adaptation. Si l’on se convainc de cela, alors cette idée de montrer très tôt la montée en puissance de Bruce Wayne et de tous ses ennemis peut mieux passer. Cela n’empêche pas les errements improbables de certains protagonistes, parfois pour le meilleur (Alfred), parfois pour le pire (Poison Ivy). Au-delà du traitement des personnages — qui rejoignent donc à nouveau la catégorie scénario et le second tableau — il faut reconnaître à la série l’envie d’être au plus proche de certains comics récents. Ainsi le visage retiré du Joker (issu de Le Deuil de la Famille) est une réussite dans Gotham (et, comble de l’ironie, mieux justifiée que dans les livres !). S’il est plaisant de découvrir sur écran La Cour des Hiboux (des récits éponymes), on peine à la creuser et véritablement dévoiler le pouvoir de cette société secrète. À nouveau, on vacille entre du bon et du moyen, le déséquilibre reste flagrant et constant.
(3) Casting : Une ultime fois, on rejoint une problématique liée à la fois à l’écriture des personnages (scénario) mais aussi au charisme et à l’interprétation des acteurs (casting). Il faut se référer au second tableau pour les détails et on observe, encore, ce cruel déséquilibre mais avec deux tendances nettes qui se dégagent : du très bien et du nul, on est moins consensuel ou dans le « moyen/bof ». Malheureusement, cela ne contribue toujours pas à une homogénéité qualitative de Gotham sur plusieurs points.

Pour terminer, trois derniers points critique pas terrible. La musique est totalement oubliable, aucune partition originale qui reste en tête, c’est fort dommage, surtout pour une série de ce calibre. Le générique se réduisant à moins de cinq secondes, impossible d’être marqué par la ou les quelques musiques qui bercent le show. On note un léger mieux en saison 4 mais ce n’est pas suffisant. Le travail sur le son et les effets sonores est en revanche très correct. La crédibilité (incohérences) est un terme vaste et parfois flou. La crédibilité revient à la plausibilité de ce qui est montré à l’écran en fonction de l’univers dans lequel régissent les personnages et le registre propre à la série. De plus, la crédibilité englobe aussi les actions et réactions des personnages. De ces deux facettes peuvent naître des incohérences. C’est évidemment le cas pour Gotham. Pour le premier cas, il faut bien comprendre que la série n’embrasse pas une voie urbaine, policière et « réaliste » mais flirte avec la science-fiction (expériences, avancées technologiques…) et le fantastique (résurrections, potions magiques…). Ce triple registre est toujours un peu casse gueule et permet d’utiliser de nombreux ressorts scénaristiques un peu facile, comme les protagonistes qui ne meurent pas vraiment ou des improbables créatures. Par conséquent, le show perd indéniablement en qualité, ne sachant quelle direction prendre (une tendance ressentie dans certains comics mais qui est moins problématique sur papier que sur écran). De la même manière, des évolutions de protagonistes sont incohérents, comme celles du Dr. Lee Thompkins (qui est « gentille » puis « méchante » puis à nouveau « gentille » puis alliée avec des « méchants » et ainsi de suite, sans parler de son histoire d’amour avec James Gordon et ses réactions peu logiques — c’est d’autant plus dommage que le personnage était une valeur sûre de Gotham à ses débuts). Enfin, de manière un peu plus anecdotique, on note « trop de plans d’intérieur », c’est à dire qu’on étouffe un peu en voyant les mêmes pièces (le QG du Pingouin, les bureaux du GCPD, la cuisine et la bibliothèque du Manoir Wayne, etc.). Il manque des « vues d’ensemble » plus longue, plus originales (on nous ressort les mêmes vues aériennes ou lointaines) pour vraiment sentir LA différence avec une métropole quelconque ; Gotham mériterait d’être arpentée et fouillée davantage et autrement. Ce manque d’exploration visuelle n’est pas le point critique le plus dommageable mais ajouté à tous les autres, ça cumule pas mal…

Pour toutes ces raisons, globalement « objectives » (à l’exception notable du respect des comics / de la mythologie de Batman — et encore), la série en elle-même peine à être reconnue comme une réussite mais aussi comme un ratage complet. Car il y a toujours quelque chose à sauver tout comme il y a toujours quelque chose à supprimer. Très pénible car après les balbutiements de la première saison, Gotham avait gagné en maturité et semblait avoir tiré certaines leçons des retours critiques. Et c’est encore plus frustrant de constater que la galerie de personnages comporte quelques pépites (voir ci-après).

Au-delà des qualités intrinsèques de la série (cf. le premier tableau), les personnages forment évidemment un des intérêts les plus importants de Gotham. Ils nourrissent l’histoire mais sont, surtout, l’adaptation sur écran de ce que les fans des comics connaissent. Ce qui donne donc un autre prisme d’analyse.

Ce second tableau revient donc sur les personnages (compilant aussi bien les jeux d’acteurs que leur écriture et évolutions). Une fois encore, on constate que le travail est éparpillé un peu partout, ce qui peine à synthétiser un avis tranché. Le problème d’un protagoniste peut être multiple. Son interprète peut être bon mais si l’écriture n’est pas terrible, alors le personnage ne passionne pas. À l’inverse, un rôle bien écrit peut être loupé à l’écran si l’acteur ou l’actrice derrière joue mal ou n’est pas charismatique. Tous ces éléments ont donc été recensés pour dresser le classement suivant (qui reste évidemment subjectif). Un code couleur est également ajouté pour délimiter la catégorie des personnages, sommairement répartis en « gentils », antagonistes/ennemis, autres.

Bien sûr, ce tableau reflète une sorte de moyenne des quatre saisons actuelles de Gotham. Dans une première version non publiée, les colonnes « Moyen » et « Bof » étaient regroupés en une seule catégorie (comme pour le premier tableau) ; dans le cas des personnages, il y a un réel besoin d’affiner davantage ce classement, d’où l’extension en deux colonnes. Attention, un protagoniste pourrait tout à fait être dans plusieurs catégories en fonction de chaque saison ou bien de son évolution d’un camp vers un autre mais le résultat se veut une moyenne si on évalue tout sur le long terme, car on penche quand même davantage d’un côté que d’un autre (sauf par exemple pour Ivy Pepper qui est clairement constituée de trois prestations distinctes). Quelques personnages très secondaires comme Valerie Vale, Tommy Elliot ou Mario Calvi ne sont pas inclus, ainsi que des ennemis de seconde zone (L’Électrocuteur, Flamingo…).

TRÈS BIEN PAS MAL MOYEN
BOF NUL
Oswald Cobblebot / Le Pingouin
(Robin Lord Taylor)
Harvey Bullock
(Donald Logue)
James Gordon
(Ben McKenzie)
Harvey Dent
(Nicholas D’Agosto)
Bruce Wayne
(David Mazouz)
Edward Nygma / The Riddler | L’Homme-Mystère
(Cory Michael Smith)
Theo Galavan / Azrael
(James Frain)
Selina Kyle
(Camren Bicondova)
Butch / Solomon Grundy
(Drew Powell)
Barbara Kean
(Erin Richards)
Alfred Pennyworth
(Sean Pertwee)
Bridgit Pike / Firefly
(Michelle Veintimilla / Camila Perez)
Sal Maroni
(David Zayas)
Victor Zsasz
(Anthony Carrigan)
Tabitha Galavan
(Jessica Lucas)
Lucius Fox
(Chris Chalk)
Carmine Falcone
(John Doman)
Leslie Thompkins
(Morena Baccarin)
Hugo Strange
(B.D. Wong)
Fish Mooney
(Jada Pinkett Smith)
Jerome / Jeremiah Valenska / le « proto Joker »
(Cameron Monaghan)
Ivy Pepper V3 [saison 04]
(Peyton List)
Jonathan Crane / L’Épouvantail V1 [saison 01]
(Charlie Tahan)
Ivy Pepper V2 [saison 03]
(Maggie Geha)
Renee Montoya
(Victoria Cartagena)
Sofia Falcone
(Crystal Reed)
Victor Fries / Mister Freeze
(Nathan Darrow)
Crispus Allen
(Andrew Stewart-Jones)
Jervis Tetch / Le Chapelier Fou
(Benedict Samuel)
Ra’s al Ghul
(Alexander Siddig)
Ivy Pepper V1 [saison 01]
(Clare Foley)
Nathaniel Barnes / L’Éxécuteur
(Michael Chiklis)
Silver St. Cloud
(Natalie Alyn Lind )
Sujet 514A [clone de Bruce Wayne]
(David Mazouz)
Lazlo Valentin / Professeur Pyg
(Michael Cerveris)
La Cour des Hiboux
Jonathan Crane / L’Épouvantail V2 [saison 04]
(Charlie Tahan / David W. Thompson)
Basil Karlo / Gueule d’Argile
(Brian McManamon)

À nouveau, le déséquilibre flagrant montre que Gotham sait tirer vers le haut comme le bas. Pour plus de détails, il faut se référer aux critiques par arcs narratifs de chaque saison (qui étayent davantage tout ce qui est écrit sur cette page avec plus d’exemples concrets).

Impossible de ne pas évoquer les deux personnages principaux quand on parle de Gotham : James Gordon (Ben McKenzie) et Bruce Wayne (David Mazouz). Les deux ne brillent pas par leur charisme tout d’abord, McKenzie et son air de chien triste, Mazouz et son côté gamin insolent, qui plus est leurs évolutions ne sont pas exceptionnels voire stagnent au fil des épisodes. Le premier reste flic « imperturbable » mais avec quelques bons moments : quand il est à la limite de la corruption ou quand il n’est plus flic et davantage en roue libre. Le second ne joue pas très bien et ne peut s’empêcher d’être déjà Batman bien avant l’heure… Quelle solution pour cela ? Aucune à part changer d’acteur (au moins Mazouz) ce qui n’est jamais arrivé et n’arrivera (sans doute) pas pour la dernière saison… Pourtant, dès les premières diffusions et les échos critiques négatifs envers le jeune Bruce Wayne, la chaîne aurait pu (sous réserve que ce soit possible d’un point de vue contractuel bien sûr) tenter de prendre un autre enfant acteur. On salue toutefois les rôles d’Alfred Pennyworth (Sean Pertwee) – plutôt inspiré par Batman Terre Un -, Lucius Fox (Chris Chalk), Harvey Bullock (Donald Logue) et Nathaniel Barnes (Michael Chiklis). Fox apporte un certain magnétisme parmi les alliés et Bullock est relativement proche de l’image globale des comics. Barnes fut l’une des rares nouveautés du côté des « gentils » à apporter un vrai « plus ». Campé par une valeur sûre (la série The Shield) avec une métamorphose à la fois cohérente mais malheureusement un peu risible (en Exécuteur). De la même manière, l’excellente et charismatique (et jolie) Morena Baccarin interprète une Leslie Thompkins inédite (on l’a toujours « lu » lorsqu’elle est âgée) dans un premier temps. Avant de suivre un chemin peu logique et même de devenir une ennemie de seconde zone… La quatrième saison semble lui redonner quelques lettres de noblesse mais seule sa fin de parcours en ultime saison décidera de l’intérêt général du personnage. De manière anecdotique, toujours chez les « alliés », citons le mauvais traitement d’Allen et Montoya, vite relayés à de la figuration (avant de disparaître définitivement) là où ces deux policiers apportent un réel enjeu plus humaniste dans certaines bandes dessinées (Gotham Central et No Man’s Land par exemple). Quant à Harvey Dent, mal choisi dès le départ (Nicholas D’Agosto n’est guère convaincant voire risible), son parcours est très mal écrit et, lui aussi, disparaît complètement au bout de plusieurs épisodes, dommage… Enfin, chez les plus jeunes, Camren Bicondova jouait une Selina Kyle plutôt intéressante en début du show avant de devenir une caricature grossière de son propre rôle et, elle également, d’être relayée en arrière-plan. Sa relation avec Bruce Wayne fascine peu même si cette romance était légitime.

C’est donc surtout dans la galerie de vilains qu’il faut piocher le meilleur de Gotham (mais aussi le pire). Il y a tout d’abord l’insupportable trio féminin composé de Barbara Kean (Erin Richards), Fish Mooney (Jada Pinkett Smith) et Tabitha Galavan (Jessica Lucas). On a à la fois un problème d’écriture mais aussi de casting. Les trois femmes jouent globalement mal et leurs rôles sont malheureusement insupportables. On ne sait pas trop si Barbara Kean était censée être « la » Barbara Gordon mais sa trajectoire est surréaliste (elle devient la reine du crime, la protégée de Ghul puis de la Ligue des Ombres, etc.). Jamais Barbara n’effraie spectateur ou la prend au sérieux. Idem avec Fish Mooney, créée spécialement pour le show, impossible de la trouver crédible malgré de beaux moments mais trop rares pour être marquants. Quant à Tabitha, si son arrivée fut bénéfique à la série (en saison 2), son histoire d’amour improbable avec Butch et sa piètre évolution. Il est incompréhensible que les showrunners tardent à les tuer tant les trois sont décriées et conspuées sur la Toile. Butch, justement, in fine Solomon Grundy (Drew Powell) a quelques belles envolées mais reste, en moyenne, peu intéressant et, lui aussi, plutôt ridicule. Même son de cloche pour Hugo Strange, pourtant interprété par B.D. Wong, ce n’est pas forcément son écriture qui fait tâche mais ses mimiques et son côté low-cost, bizarre… Victor Zsasz (Anthony Carrigan) a un problème inverse : son comédien est plutôt bon et particulièrement charismatique mais le criminel suit une voie totalement improbable, surtout par rapport à sa version comics. Gueule d’Argile (Brian McManamon) est complètement sous-exploité alors qu’il apportait une certaine originalité et de multiples possibilités d’histoires, là aussi c’est dommage. Victor Fries (Nathan Darrow) était un peu soigné au départ (reprenant sa tragique romance) avant de devenir un antagoniste de seconde zone. L’inverse pour Ra’s Al Ghul (Alexander Siddig), dans un premier temps plutôt pitoyable pour le grand immortel avant de (re)venir sous forme spectrale et zombiesque terrifiante (mais de façon trop éphémère). Quant à l’Épouvantail, sa première mouture était passage mais la seconde (en quatrième saison) est particulièrement réussie et effrayante, bien qu’un peu trop en retrait.

ARTICLE EN COURS D’ÉCRITURE, SUITE PROCHAINEMENT…

Fin de saison 3, un classement par préférence d’arcs de saison avait été dressé puis mis à jour avec la quatrième saison, le revoici avec les liens vers les critiques.

1. Saison 03 – Seconde partie : Épisodes 15 à 22 (Heroes Rise)
2. Saison 02 – Première partie : Épisodes 01 à 11 (Rise of the Villains)
3. Saison 04 – Deuxième partie : Épisode 12 à 22
4. Saison 03 – Première partie : Épisodes 01 à 14 (Mad City)
5. Saison 04 – Première partie : Épisodes 01 à 11
6. Saison 02 – Seconde partie : Épisodes 12 à 22 (Wrath of the Villains)
7. Saison 01 – Seconde partie : Épisodes 11 à 22
8. Saison 01 – Première partie : Épisodes 01 à 11