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Batman – La Dernière Sentinelle

La mini-série en six chapitres Batman : The Detective arrive en France dans un récit complet curieusement renommé Batman – La Dernière Sentinelle. Scénarisé par le talentueux Tom Taylor (Injustice, DCEASED, Nightwing Infinite, Suicide Squad – Rénégats, Superman – Son of Kal-El…) et dessiné par l’incontournable Andy Kubert (Dark Knight III, Le fils de Batman, Grant Morrison présente Batman, Flashpoint…), ce titre vaut-il le détour ? Critique

[Résumé de l’éditeur]
Après une vie passée à combattre le crime, Bruce Wayne n’est plus le même homme, ses nombreuses cicatrices en sont le douloureux rappel. Malgré la perte de ses amis les plus chers, son serment est toujours marqué au fer rouge dans son esprit. Mais aujourd’hui, le manoir est vide, et Batman est plus seul que jamais. Qu’est-ce qui peut encore retenir le Chevalier Noir à Gotham ? D’autant qu’à l’autre bout du monde, un avion vient de se crasher, des centaines d’innocents à son bord. En Angleterre, une mystérieuse organisation qui opère sous le nom d’Equilibrium réclame en effet toute son attention. Peut-être est-il temps pour la chauve-souris de quitter la Batcave… pour toujours ?

[Début de l’histoire]
Dans un futur proche, dans un avion survolant l’Angleterre, une femme agissant pour Equilibrium organise le crash de l’appareil afin de… « préserver l’équilibre ». La justicière Chevalier, elle aussi à bord de l’engin, essaie d’arrêter l’attentat, en vain…

Bruce Wayne décide de quitter Gotham définitivement et d’aller investiguer cette scène de crime qui « porte son nom » – puisque les adeptes d’Equilibrium revêtissent des costumes de Batman. Bruce y retrouve le binôme du Chevalier, le nouvel Écuyer, une jeune femme qui va assister au combat entre Batman et… un fantôme.

À l’hôpital où Chevalier guérit de ses blessures, un assaut d’Equilibrium contraint Bruce Wayne a passé à l’offensive et comprend que les victimes de la mystérieuse organisation sont des personnes que Batman avait sauvées dans le passé.

En se rendant à Paris pour poursuivre son enquête, Bruce Wayne tombe sur le chasseur de primes Henri Ducard, son ancien mentor qui l’a entraîné à se perfectionner et devenir le justicier de Gotham. Mais Ducard utilise des méthodes radicales que n’approuve pas Batman…

[Critique]
Entre les prestigieux noms de l’équipe artistique et le pitch plutôt alléchant, les attentes étaient plutôt élevées et le résultat est… mitigé. Sur le fond, l’histoire n’est pas exceptionnelle malgré la carte blanche possible avec ce séduisant « futur hypothétique ». Bruce Wayne quitte donc Gotham pour un petit tour en Europe, dont un passage à Paris et Lyon notamment. La capitale est malheureusement dépeinte avec les clichés habituelles : le Louvre, la Tour Eiffel, les croissants, pas trop de monde dans les rues… Forcément, il n’y a que « nous », les lecteurs Français voire parisiens qui peuvent s’agacer de ce genre de détails. Ce n’est clairement pas le plus grave ni le plus important mais tout c’est un peu dommage.

Tom Taylor, habitué des récits se déroulant dans des univers parallèles, dystopiques ou utopiques (DCEASED et Injustice précédemment citées) pioche dans la saga de Grant Morrison et renoue, entre autres, avec Le Chevalier (Beryl Hutchinson) et L’Écuyer (Amina Eluko), deux femmes alliées (Hutchsinon était la première Écuyer) présentées dans Le club des Héros (La Ligue Internationale des Batmen) – créé à l’époque en 1955 par Edmond Hamilton et Sheldon Moldoff – mais surtout remis au goût du jour par Grant Morrison dans les années 2000 dans son run et dans Batman Inc.. Le lecteur n’est pas perdu s’il ne connaissait pas ces personnages (complètement interchangeables au demeurant) puisqu’on peut les considérer comme des membres de la Bat-Famille avec ou sans relation avec Batman Inc.

Deux autres protagonistes sortent du lot. Henri Ducard, l’ancien mentor de Bruce Wayne. Il a droit à de nombreux flash-back quand il a rencontré et entraîné le futur Chevalier Noir puis lorsqu’il rejoint l’intrigue générale du présent (qui se déroule donc dans le futur). Face à eux, la mystérieuse Equilibrium, qui régie une équipe du même nom composée de mercenaires revêtant des costumes blancs de… Batman ! Le pourquoi du comment (de reprendre l’emblème de l’homme chauve-souris) ne sera pas très bien expliqué mais les motivations de la femme antagoniste sont en revanche relativement simplistes (voire stupides) et sa conclusion très abrupte et trop facile.

En synthèse, le scénario n’est guère passionnant (passons les détails sur un combat contre un fantôme (!) au début) ni très original. Seul l’univers européen et lointain du Chevalier Noir apporte quelques éléments inédits. On pense à la Bat-Cave mobile par exemple, dirigée par Oracle. Si toute la fiction laisse d’ailleurs penser que Bruce/Batman est isolé (à l’exception de ses co-équipières sur place), on est surpris de constater que Nightwing et Oracle sont toujours en activité et l’aident à distance (le temps d’une case). Il manque donc un segment plus construit sur ce qu’il s’est déroulé durant les décennies où le milliardaire s’est reclus.

Qu’il soit âgé ou non, son alter ego justicier est toujours aussi puissant (il dégomme une milice armée sans sourciller – sic) et ne faillit pas beaucoup. On pense bien sûr à l’œuvre de Frank Miller, The Dark Knight Returns, tant par le postulat de départ similaire (un Batman âgé) que la carrure de ce Bruce qui a de la bouteille mais reste un roc un brin aigri. Ajoutons des alliées féminines plus jeunes et il n’y a qu’un pas pour y voir un hommage à Carrie Kelley. Cela semble assumé et était peut-être même plus poussé dans un premier temps, comme le laissait suggérer le titre initial de cette aventure.

Le comic book fut en effet un temps appelé Batman : The Dark Knight avant d’être renommé Batman : The Detective. La notion The Dark Knight provoquait une double ambiguïté entre le film de Christopher Nolan du même nom mais, surtout, une confusion avec la saga de Miller et son cultissime The Dark Knight Returns et sa seconde suite sobrement intitulée en France Dark Knight III, dessiné par Andy Kubert également (en plus d’être colorisé par le même artiste, Brad Anderson, décidément !). Vu l’histoire de La Dernière Sentinelle, on pouvait légitimement croire avec cette ancienne appellation à une poursuite de l’univers instauré par Miller, qui se serait déroulée quelques années avant mais ce n’est donc pas le cas.

Graphiquement, Andy Kubert est plutôt inspiré. Il livre des planches aux cases sanglantes et aux découpages efficaces mais pas tout le long, lorsque des détails, visages ou les Batmen complexifient la lecture (de l’action en particulier). L’illustrateur se fait plaisir avec des poses iconiques et de belles propositions léchées et épiques. Kubert appose à son Chevalier Noir un look très similaire (pour ne pas dire identique) à celui de Damian qu’il avait déjà créé dans les débuts du run de Morrison, donc dans Bethléem puis repris dans le récit complet Le fils de Batman – tout en rappelant aussi le Chevalier Noir dépeint par Mike Mignola dans Gotham by Gaslight voire celui du Knightmare du film Batman v Superman, avec un long manteau en guise de cape et des lunettes de protection ou d’aviation.

La colorisation est effectuée par Brad Anderson, habitué aux grosses productions de l’industrie (Justice League, Justice League Rebirth…), à différentes séries sur Batman (Detective Comics, Terre-Un…) ou quelques récits cultes (Trois Jokers, Doomsday Clock – et son préquel Le Badge) mais aussi… Dark Knight III (et Le fils de Batman) ! Difficile de nier l’homogénéité graphique entre DKIII et La Dernière Sentinelle et donc de ne pas y voir une connexion autant visuelle que narrative. Par ailleurs, les nombreux jeux de lumière, silhouettes dans l’ombre et autres faisceaux chromatiques artificiels ou naturels sont très élégants et réussis. Clairement, la forme l’emporte sans trop de difficultés sur le fond pour cette aventure inédite. Mais c’est loin d’être suffisant pour conseiller de passer à l’achat…

Batman : La Dernière Sentinelle est donc loin d’être incontournable, une aventure vite lue et (probablement) vite oubliée. Tout était si prometteur et s’avère assez plat – décevant en fonction des attentes. Heureusement, le voyage graphique est assez « divertissant ». Les compositions soignées offrent une vision agréable (cf. les images illustrant cette critique), un brin inédite, qui permet d’oublier l’écriture qui survole ses protagonistes à l’exception d’un Bruce Wayne/Batman inchangé, in fine, malgré son âge et son éloignement de Gotham. Si les morceaux de bravoure sont présents, il manque une dimension épique ou tragique qui aurait apporter une consistance narrative bien plus palpitante malgré le dépaysement proposé.

Si cet univers gentiment futuriste se développe avec d’autres récits annexes, narrés différemment et sur ses multiples figures iconiques possibles, avec une trame plus palpitante, un parti-pris assumé (et non cette nage entre deux eaux, singeant ou rendant hommage, au choix, à Miller et Morrison – trop de similitudes ici pour être réellement original), alors peut-être qu’on aura des comics plus intéressants et qu’on reliera La Dernière Sentinelle avec un nouveau regard. Mais dans l’immédiat, c’est trop moyen pour valoir le détour… On conseille davantage le récit complet Batman – Europa si l’on souhaite voir l’homme chauve-souris en Europe !

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 2 septembre 2022.
Contient : Batman : The Detective #1-6

Scénario : Tom Taylor
Dessin : Andy Kubert
Encrage : Andy Kubert (chapitre 1), Sandra Hope
Couleur : Brad Anderson

Traduction : Xavier Hanard
Lettrage : Makma (Gaël Legard)

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Robin & Batman

Robin & Batman est un one-shot sur les débuts de Dick Grayson. Accessible, bien écrit et bien dessiné, on le conseille grandement ! Critique.

[Résumé de l’éditeur]
À la mort de ses parents, Dick Grayson a été recueilli par le milliardaire Bruce Wayne, ignorant la double-identité de son bienfaiteur. À force d’exercices et d’entraînements intensifs, le garçon gagnera sa place et prendra part à la croisade du Chevalier Noir. Mais leur relation n’a pas toujours été simple. Dick reste avant tout un jeune orphelin, un être brisé, victime d’un mal-être profond et perclus de doutes. Au cœur d’une ville sinistrée par la criminalité, l’adolescent devra traverser bien des obstacles avant de devenir le tout premier Robin.

[Début de l’histoire]
Tandis que Dick accompagne Batman dans ses premières missions (sans revêtir dans l’immédiat son costume de Robin), le jeune garçon se montre impulsif et irresponsable. Le Chevalier Noir le stoppe alors dans son début de croisade, le considérant immature.

Vexé, Grayson a du mal à accepter et poursuit tout de même son périple sans se préoccuper de Batman. Il suit d’ailleurs ce dernier dans les égouts de Gotham, au risque de croiser Killer Croc

[Critique]
Voici une œuvre touchante, très accessible, un récit complet et court (trois chapitres d’une quarantaine de pages) qui complémente efficacement Robin – Année Un. Les fans de Dick Grayson seront donc aux anges mais les férus de Batman ne sont pas oubliés pour autant. Dans Robin & Batman (qu’est-ce que ça fait bizarre de le lire/dire dans cet ordre !), on suit évidemment le jeune Dick dans ses premiers pas de justicier, sous l’ombre grandissante de son nouveau tuteur à la sévérité implacable.

C’est là l’un des points forts du titre, au-delà du taciturne Batman (Bruce apparaît moins), c’est avant tout Alfred qui officie comme figure paternelle bienveillante, n’hésite pas à se rendre à l’école de Dick – la Gotham Academy –, à le tirer vers le haut et tenter de le protéger, en vain, face à son maître, quitte à insulter ce dernier ! Cette filiation entre les trois hommes procure une certaine émotion, vers la conclusion du récit notamment. L’aventure, bien que rapide, est assez marquante, découpée grosso modo en trois actes, comme les trois épisodes qui la composent.

Le premier reste assez classique pour exposer ses enjeux et croquer ses protagonistes : Dick est un brin arrogant et impulsif, rappelant ses futurs « frères » Jason et bien sûr Damian. C’est dans son discours subjectif que l’ADN de Grayson ressort : sa soif de vie, son côté lumineux, sa rencontre avec Superman et les Titans en devenir. Ce qui est le cadre du second chapitre, extrêmement coloré (on y reviendra) durant lequel Dick fait connaissance avec la Ligue de Justice et leurs jeunes équipiers, avec qui il sympathise aisément puis partent en missions secrètes.

Cette parenthèse solaire cache pourtant un second enjeu lors des douze ans du garçon, qui reste au service de Batman avant tout ; difficile d’en dire davantage sans divulgâcher. En filigrane, Killer Croc cherche à retrouver Robin dont il connaît le costume, ayant été dans le même cirque mais comme une bête de foire. Une idée originale permettant de mettre en avant un antagoniste souvent très secondaire – on aurait aimé une exploration plus « empathique » envers lui mais ce n’est pas bien grave. C’est (aussi) autour de Croc que graviteront d’autres enjeux narratifs. De quoi mettre à l’épreuve la confiance dans le récent dynamique duo et consolider leur relation.

Pas grand chose à reprocher au scénario, jonglant habilement entre quelques surprises non prévisibles et des dialogues très efficaces dans le trio relationnel que forment Dick, Bruce et Alfred. L’auteur Jeff Lemire est capable chez Batman et la Justice League de bonnes choses (Justice League – Tome 5 : La Guerre des Ligues) comme de moins bonnes (Joker – Killer Smile). On conseille  surtout ses aventures de Green Arrow dans l’excellent run de la période New 52 (disponible en deux tomes intégrales) et, chez Marvel, on le retrouvait sur Wolverine dans la très bonne série Old Man Logan période post Secret Wars. Des titres qu’on recommande donc, en complément de Gideon Falls, création indépendante (disponible chez Urban Comics). Bref, pour Robin & Batman, Lemire livre ici un excellent travail.

Côté dessin et colorisation, on retrouve le style atypique de Danny Nguyen. Déjà connu pour son sympathique Little Gotham puis Les Contes de Gotham notamment mais aussi Le cœur de Silence puis Streets of Gotham (troisième volet de la série Paul Dini présente Batman). Il signe aussi avec Jeff Lemire la passionnante série Descender et sa suite Ascender. Son approche « douce », épurée et parfois distillée, à peine encrée, couplée à une colorisation aquarelle tantôt volontairement inachevée (au détriment des fonds de cases et décors), tantôt fortement détaillée offre une patte visuelle alléchante, presque comme un conte pour enfants. Ce décalage graphique inscrit Robin & Batman dans la liste des coups de cœur du site ! On apprécie également de nombreuses et belles cases « iconiques », cf. quelques exemples illustrant cette critique, et l’habituelle galerie de couvertures alternatives qui ferme l’ouvrage.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 10 juin 2022.
Contient : Robin & Batman #1-3

Scénario : Jeff Lemire
Dessin & couleur : Dustin Nguyen
Traduction : Benjamin Rivière
Lettrage : Moscow Eye

Acheter sur amazon.fr : Robin & Batman (16€)


 

Un Deuil dans la Famille (+ Les Morts et les Vivants)

Récit emblématique de la mythologie du Chevalier Noir publié de 1988 à 1989, Un Deuil dans la Famille est considéré comme culte à bien des égards mais pas forcément de « la bonne manière ». Si le titre, écrit par Jim Starlin et superbement dessiné par Jim Aparo, s’inscrit évidemment comme un pan incontournable dans l’histoire de Batman, de(s) Robin, de Jason Todd et du Joker, il a rapidement « mal vieilli », principalement à cause de son contexte géopolitique (à tel point que son adaptation vidéo le supprime carrément) et tout simplement car il n’est pas de très grande qualité, in fine. Un Deuil dans la Famille, reste néanmoins à lire pour les fans de Batman et témoigne aussi d’un évènement éditorial inédit pour l’époque (les lecteurs ont voté pour le destin funeste de Jason Todd). Critique, contextualisation et explications.

À noter que le comic contient également les premiers pas de Tim Drake dans Les Morts et les Vivants, signés par d’autres pointures : Marv Wolfman (scénario), George Pérez (scénario et dessin), Jim Aparo à nouveau ainsi que Tom Grummett (dessin). C’est cet autre segment, important également dans l’histoire du Chevalier Noir, qui permet à l’ouvrage de faire partie des coups de cœur et justifie l’achat.

À gauche, la réédition 2017 avec la célèbre image iconique tirée de la tragédie de Batman et Robin.
À droite, la première édition d’Urban Comics (avril 2013) qui reprenait la couverture du troisième chapitre (Batman #428), dessinée par Mike Mignola.

[Résumé de l’éditeur]
Jason Todd, le deuxième Robin, retrouve la trace de sa mère, disparue depuis des années. Mais, au tournant, l’attend également le Joker, le pire ennemi de Batman… Le Chevalier Noir va connaître l’une des heures les plus tragiques de sa carrière. Un Batman peut-il poursuivre sa lutte sans un Robin à ses côtés ?

[Début de l’histoire – Un Deuil dans la Famille]
Suite au comportement impulsif de Jason Todd lorsqu’il endosse le costume de Robin, son père adoptif Bruce Wayne le suspend de ses fonctions de co-équipier. Batman opèrera seul le temps que le jeune homme gère mieux ses émotions.

Fou de rage, Jason déambule dans Gotham et repasse devant l’appartement de ses parents, tous deux décédés. Une voisine lui confie alors une boîte contenant quelques effets personnels des Todd. L’adolescent découvre que sa mère était en fait la compagne de son père et non sa « vraie mère biologique » ! Jason Todd enquête et identifie trois femmes susceptibles d’être sa mère biologique : une est en Israël, l’autre au Liban et la dernière en Éthiopie.

De son côté, le Joker a réussi à détourner un missile nucléaire et souhaite se lancer dans… la politique internationale ! Il compte vendre son arme à « des terroristes arabes ». Pour cela, il va au Liban.

Quant à Bruce/Batman, il est tiraillé entre retrouver son pupille qui a disparu et suivre le Clown Prince du Crime détenteur d’une arme atomique. Il choisit d’aller au Liban poursuivre sa némésis, sans se douter qu’il s’agit d’une des destinations où Jason Todd va également se rendre…

[Critique]
Il est presque sûr que chaque lecteur découvrant Un Deuil dans la Famille sait pertinemment qu’il va y lire la mort de Jason Todd, le second Robin. Entre le nom de l’œuvre, sa couverture, la préface de Jim Starlin qui en parle ouvertement et la connaissance de ce triste sort dans la culture « Batmanienne » voire populaire, difficile de partir sur une base vierge. Seuls les lecteurs de l’époque, fin 1988, on réellement vécu cette tragédie « en direct ».

Aujourd’hui, il est donc acté dès le départ que Todd va être tué par le Joker, qu’il n’y a pas d’autre issue possible (malgré son retour des années plus tard en Red Hood – on en reparlera). Aborder le comic book pose donc un problème de narration : on connaît déjà la destination, il faut donc espérer que le voyage soit réussi, soigné et « agréable ». Ce n’est malheureusement pas vraiment le cas…

Le récit se divise en quatre parties (les quatre épisodes de Batman #426 à #429), étalées en six chapitres distincts, couvrant environ 135 pages. La première partie pose les enjeux de l’histoire efficacement et rapidement ; elle élimine ensuite une menace (le Joker et son missile nucléaire) et une des trois femmes potentiellement mère biologique de Todd. La seconde partie poursuit l’enquête autour de l’identité de la mère de Todd et contient la mise à mort « très graphique » de ce Robin (on y reviendra)… La troisième partie est la douloureuse découverte du cadavre par Batman (le chapitre #428, probablement le plus réussi du livre et tristement célèbre). Enfin, la quatrième partie correspond à l’affrontement final entre le Joker, ambassadeur iranien à l’ONU, bénéficiant d’une immunité diplomatique !

L’arc se déroule peu après Killing Joke auquel le titre fait référence plusieurs fois et poursuit, ainsi, l’enchaînement de titres noirs et violents autour du Chevalier Noir publiés à la fin des années 1980, certains s’inscrivant dans sa chronologie, d’autres restant en marge : The Dark Knight Returns (1986), Année Un (1987), Killing Joke donc (1988) et juste avant Arkham Asylum (1989). À noter que les couvertures sont signées Mike Mignola, dessinateur du moyen Gotham by Gaslight dans la même période (1989) puis scénariste du très sympathique La malédiction qui s’abattit sur Gotham (2000).

Le gros souci d’Un Deuil dans la Famille se situe dès son postulat de départ : l’incursion d’une aventure de Batman (qui va, en plus, s’inscrire comme l’une des plus violentes, traumatisantes et importantes dans sa mythologie) dans un cadre géopolitique « réel » de notre propre monde, à savoir le terrorisme islamiste, le peuple chiite et autres conflits complexes au Moyen-Orient. La BD évoque carrément la prise d’otage dans l’ambassade des États-Unis à Téhéran (brillamment mise en scène et vulgarisée dans le film Argo – dont on conseille la version longue) et une alliance entre le Joker et le dictateur Khomeini ! (C’est comme si, une douzaine d’années plus tard, peu après les attentats du 11 septembre, Batman se serait rendu au Pakistan avec Tim Drake. Double Face se serait allié avec Oussama Ben Laden et aurait tué cet autre Robin par exemple.) Était-ce l’idéal de mélanger cet aspect « réel et violent » avec la mort d’un personnage « fictif et populaire » ? Était-ce vraiment nécessaire ? Ce parti pris scénaristique volontaire apporte donc un lot de bizarreries qui tranche radicalement avec ce qu’on connaissait de l’homme chauve-souris jusqu’à présent. C’est clairement casse-gueule, au mieux maladroit, au pire provocateur. Pour plusieurs raisons évidentes.

Tout d’abord, la fiction s’inscrit automatiquement « à un instant T » et, de facto, sera difficilement intemporel. Elle passera moyennement l’épreuve du temps, faute à ce renvoi d’actualité très précis dans laquelle on l’identifie. Ensuite, mêler de véritables crimes et situations tragiques au sein d’une œuvre puisant – normalement – dans l’imaginaire (sans pour autant ne pas être plausible ou réaliste bien sûr), lui enlève toutes ses fonctions « escapistes » visant à ouvrir une parenthèse fictive pour ses héros de papier. Enfin, et c’est un certain paradoxe, le risque de complètement casser « la suspension volontaire de l’incrédibilité » est très élevé. Impossible de mettre de côté les maladresses ou défauts d’une œuvre qui permettent de se plonger dedans en acceptant ces écarts pour une saine lecture ou compréhension. Mélanger un univers fantasmé avec des éléments particuliers du notre est un pari risqué. Comme dit : ici ça ne « prend pas ». Batman n’avait jamais affronté des « vrais » terroristes et le Joker ne s’était jamais immiscé au Moyen-Orient pour flirter avec eux. Le nommer ambassadeur « de la République Islamique d’Iran » est une idée plutôt naze (assez choquante au demeurant mais pas interdite donc pourquoi pas – autant lui accorder une immunité diplomatique (car cet élément est intéressant en revanche) mais venant d’un autre pays, imaginaire). Cela aurait pu fonctionner mais il aurait fallu un filtre nettement plus « réaliste » que ce qui est proposé ici (le loufoque et excentrique Joker à l’ONU, carrément ?! Allons bon…). On dirait presque une blague de mauvais goût… du Joker ?

C’est bien dommage car certaines choses fonctionnent très bien au demeurant, l’idée d’une mère biologique de Jason, un certain retournement de situation peu prévisible, la mise à mort du jeune pupille, l’audace (et le choc) d’acter le décès dans la mythologie du Chevalier Noir, la relation Bruce/Jason pour laquelle l’empathie du lecteur est mise à rude épreuve (impossible de ne pas avoir envie de gifler Jason puis l’instant d’après de le réconforter, impossible aussi de ne pas apprécier les moments d’accalmie entre les deux, voire leur complicité).

Malheureusement, ces bons éléments souffrent d’un rythme en demi-teinte où chaque chapitre ne peut s’empêcher de démarrer par un récapitulatif des précédents… Plombant d’entrée de jeu l’histoire au demeurant haletante mais parfois pénible à suivre. Les pensées subjectives ou narratives répétant ou expliquant l’action – comme beaucoup de titres de l’époque – accentuent également cette certaine « lourdeur ». Et bien sûr, tout ce qui était évoqué en amont vient aussi gâcher cette immersion (le contexte géo-politique, les lieux, etc.). Pire : dans ce qui se doit d’être austère, quelques éléments risibles (le BatPlane et autres dialogues moyennement convaincants) mettent à mal un récit déjà bien « pesant ». Il ne faut/fallait pas s’attendre à une mort programmée et organisée par le Joker, dans le but de rendre fou le Chevalier Noir, non, il s’agit « sommairement » d’une succession de combat dans le cadre qu’on connaît avec un Clown devenu un étrange terroriste… Au-delà de la qualité intrinsèque du titre, force est de constater que la déception est de mise, même si on avait peu d’attente quant à l’exécution de Robin. Faute aussi (en France tout du moins) à une faible propositions de matériel édité gravitant autour de l’époque Jason Todd en Robin ; difficile d’être extrêmement attaché à ce protagoniste – que beaucoup liront/découvriront pour la première fois ici – même si les quatre chapitres arrivent à bien cerner sa personnalité, remaniée depuis quelques temps en coulisse et causant son impopularité croissante (voir explications plus bas).

En piochant dans les quelques bonnes idées distillées, il y avait de quoi rendre l’œuvre davantage « indispensable ». Elle l’est d’une certaine manière bien sûr, on parle tout de même de la mort de Robin/Jason Todd (cela reste un moment charnière dans la mythologie de Batman, aux longues conséquences) mais manque le coche pour être à la fois incontournable ET un bon comic book. Reste tout de même les superbes planches de Jim Aparo, très en forme, instaurant de belles compositions, aux visages expressifs, aux scènes d’anthologie comme presque l’entièreté de l’épisode #428 avec l’homme chauve-souris déambulant dans les décombres de l’explosion tout en se remémorant ses souvenirs avec Jason puis la découverte du cadavre, dans une pleine planche inoubliable (cf. bas de cette page). Un chapitre qui fait partie des meilleurs de toute l’histoire du Chevalier Noir, sans aucun doute, l’un des plus marquants.

L’illustrateur signe de belles séquences qui ont nourri la postérité (on retient aussi davantage la mort hors-champ de Jason avec le pied-de-biche du Joker que ce dernier en tunique iranienne ou le duo dynamique frappant des terroristes). Seule la colorisation, très propre et « fonctionnelle » au demeurant – assurée par Adrienne Roy – est un peu trop « vive » et dénote avec la dramaturgie mise en scène.

La mort de Jason Todd n’est pas « complètement » issue de l’esprit du scénariste Jim Starlin et du responsable éditorial de l’époque Dennis O’Neil – adepte de remanier les figures iconiques de DC « aux bouleversements sociaux de l’époque ». En effet, ce sont les lecteurs eux-mêmes qui ont eu la possibilité de voter pour sceller le sort de Robin, ils sont complices de ce meurtre ! O’Neil revient longuement sur cet évènement inédit dans une passionnante préface rédigée en avril 1990. Il évoque le parcours éditorial de Robin, d’abord avec le personnage du flamboyant Dick Grayson. Arrivé dans Detective Comics #38, en 1940, un an à peine après la création de Batman, le jeune prodige évolue aux côtés de son mentor jusqu’en 1983 avant de s’émanciper et devenir Nightwing. Il est remplacé dans la foulée (Detective Comics #524) par Jason Todd, imaginé par Gerry Conway et Don Newton. Tous deux « ne cherchaient pas à innover [mais] à combler un vide », d’où la biographie assez proche de Grayson… « Leur ordre de mission était simple : trouvez-nous un nouveau Robin, et sans faire de vagues » précise Dennis O’Neil.

Trois ans plus tard, en 1986, l’auteur Max Allan Collins veut améliorer Jason Todd et propose de faire de lui un gosse des rues avec des parents criminels, une opposition à Batman en somme. Malheureusement, ça ne prend pas. De moins en moins populaire, le nouveau Robin – initialement simple décalque du précédent – devenu trop impulsif voire antipathique, n’était plus vraiment « accepté » dès l’instant où il commençait à avoir sa propre personnalité (!). Au lieu de le retirer des comics, il est décidé de possiblement le tuer. C’est là qu’intervient l’expérience « le coup de téléphone ». Simple, efficace. Comme Todd était peu apprécié, le staff éditorial de DC Comics (incluant O’Neil) opte pour une mécanique inédite : le public va décider si Robin va vivre ou mourir. « Nous placions Jason dans une explosion, et donnions deux numéros de téléphone aux lecteurs [en quatrième de couverture de Batman #427]. S’ils appelaient le premier, ils votaient pour la survie de Jason. S’ils appelaient le deuxième, Robin ne s’en sortait pas vivant. » Apparemment, 5.343 personnes ont voté contre et 5.271 pour, soit plus de 10.600 lecteurs qui se sont prêtés au jeu durant 36 heures (du à 20h), récoltant seulement 72 voix d’écart entre les deux choix ! La réception de ce procédé fut clivante, ce système interactif était jugé intéressant et audacieux par certains, cynique et dégueulasse pour d’autres (incluant Frank Miller !) voire… truqué (sans compter les critiques à propos du numéro de téléphone qui était surtaxé – 0,50$ l’appel) ! La légende raconte qu’O’Neil a lui-même appelé pour sauver Jason. Deux versions du chapitre #428 furent établies au cas où. Une des planches – dans laquelle Batman annonce que Robin est vivant – fut même dévoilée/recyclée bien plus tard, en 2006 dans Batman Annual #25, en évoquant le retour de Todd par un échange des lignes temporelles (illustration visible dans l’édition d’Urban Comics).

Une mort dans les comics est rarement « définitive ». Todd n’y fit pas exception mais pour le meilleur cette fois. Il réapparait en 2003, près de quinze ans après sa disparation, dans l’excellent Batman – Silence (Hush). Même s’il s’agit de Gueule d’Argile qui a pris son apparence, le doute plane… On ignore aussi si, à ce moment précis, le retour « définitif » est prévu ou si c’était simplement un clin d’œil à un « vieux » protagoniste un peu oublié. Néanmoins, cette apparition a des allures de prophétie car dans L’Énigme de Red Hood, grande saga publiée dès fin 2004 (entamée dans #Batman 635) et qui s’étalera tout au long de l’année 2005, on scelle pour toujours le retour de Todd, qui officie en costume et sous un heaume écarlate et se fait appelé Red Hood – nom emprunté au premier costume de l’homme qui l’a tué : le Joker.

En 2010, le segment Red Hood : The Lost Days (Jours Perdus, inclut dans L’Énigme de Red Hood) lève le voile sur la résurrection de Jason. Le jeune homme devient un antagoniste, tantôt mercenaire indépendant, tantôt allié à la Batfamille mais aux méthodes radicales. Il a sa propre série, Red Hood and the Outlaws notamment (disponible en deux tomes chez nous) et occupe une place de choix dans le superbe jeu vidéo Arkham Knight (sous le masque du Chevalier d’Arkham) – rôle repris dans la bande dessinée éponyme mais malheureusement annulée après un tome par Urban Comics. Red Hood/Jason Todd apparaît dans divers titres et ses échanges avec Damian Wayne sont souvent jubilatoires – tous deux étant nettement plus radicaux que leurs aînés ! Citons également l’adaptation vidéo d’Un Deuil dans la Famille où l’on peut retrouver le personnage dans un film interactif où plusieurs cheminements narratifs sont possibles, reprenant des extraits d’une autre adaptation : Batman et Red Hood : sous le masque rouge. Une expérience originale qui permet de renouer un peu avec le système de vote mis en place des années plus tôt.

Retour au comic book. Malgré tous les défauts évoqués, Un Deuil dans la Famille est important dans la mythologie de Batman. Il est donc primordial de le connaître, de le lire… mais à quel prix ? Heureusement, un autre récit complète celui-ci, justifiant finalement l’achat (23€) et le nombre de pages (un peu moins de 300 au total) : Les Morts et les Vivants. C’est dans cette histoire qu’apparaît Tim Drake pour la première fois car le staff DC Comics (y compris O’Neil) comprend que Batman sans Robin ne fonctionne pas. Mais pas question de réitérer les erreurs commises avec Todd, il faut soigner l’arrivée de ce nouveau Robin.

« Comment créer Robin 3 sans générer l’hostilité qui avait pourri la vie de Jason ? » interroge le responsable éditorial (toujours dans la préface). Grâce à Dick Grayson. Si Todd était l’usurpateur alors il fallait lier Tim à Dick, « que Robin 3 recevait l’approbation de son prédécesseur ». Pour cela, Marv Wolfman était l’auteur providentiel : depuis dix ans il travaillait sur Dick et avait co-créé New Teen Titans avec George Pérez. Ainsi, Tim Drake fait ses premiers pas dans une saga publiée dès 1989, aussi bien dans The New Titans (#60-61) que la série classique Batman (#440-442), onze numéros après la mort de Todd, soit moins d’un an plus tard. Critique ci-après.

[Début de l’histoire – Les Morts et les Vivants]
Après la mort de Jason Todd, Bruce Wayne sombre de plus en plus… Brisé et anéanti, il enchaîne les envolées nocturnes sous son masque de Batman, plus violent que jamais. Alfred tende de le soigner et essaie de raisonner son maître, en vain.

En parallèle, le milliardaire se fâche avec Dick Grayson. Ce dernier disparaît quelques temps de ses fonctions au sein des Titans. Grayson s’est simplement éclipsé au cirque Haly, implanté en ville et en bien mauvais état.

Dans l’ombre, un mystérieux jeune homme suit discrètement Bruce, Batman, Dick et Nightwing. Il a bien compris la double identité de chacun et, depuis le meurtre de Todd, souhaite que Dick redevienne Robin afin que Batman redevienne plus stable.

En parallèle, Double-Face est de retour à Gotham City, bien décidé à tuer le Chevalier Noir…

[Critique]
Comment « remplacer » Robin sans doublonner avec Dick Grayson et Jason Todd ? En créant un nouveau personnage proche des deux autres tout en étant différent… C’est le pari réussi de Marv Wolfman qui préfère d’entrée de jeu concevoir un Robin qui ne cherche pas à voler la vedette à Batman mais « simplement et banalement » à l’épauler, à le canaliser. Quand il créé Tim Drake (Tim pour… Tim Burton, qui préparait alors sur son film !), le scénariste Wolfman (habitué à travailler sur les Titans et surtout sur Dick – qui signe une introduction rédigée en 2011) ne lui appose pas de traumatismes : ses parents sont en vie (tout du moins pour l’instant…), sa famille et ses amis n’ont pas de problèmes en particulier. En cela, Drake n’a rien d’un écorché (comme Todd) ni de revanche à prendre ou de deuil à surmonter (comme Grayson).

Le jeune adolescent bénéficie immédiatement d’un capital sympathie élevé : c’est un excellent détective, il voue une admiration sans faille au duo de justiciers qu’il a vu évoluer, etc. Seule ombre au tableau : il s’agit encore d’un garçon aux cheveux bruns. Quitte à concevoir un « Robin 3 », pourquoi ne pas le démarquer physiquement ? Pour que les ennemis de Batman ne comprennent pas qu’il s’agit d’un autre acolyte ? On chipote mais c’est un petit peu dommage.

Côté histoire, co-écrite avec George Pérez (qui dessine aussi, on y reviendra), on navigue cette fois entre deux périples : l’un suivant Dick puis Tim, l’autre Batman et Double-Face. Quand tout le monde se rencontre et converge vers les premiers pas de Drake en Robin, c’est… réjouissant ! Assister à cet instant mythique et particulièrement réussi rehausse le niveau qualitatif de l’ensemble de l’ouvrage. Car si Un Deuil dans la Famille souffrait de nombreux défauts, Les Morts et les Vivants, lui, en a peu : le rythme est très bien dosé, la narration haletante, l’intrigue assez surprenante, les personnages sont attachants, on retrouve la « charmante » Gotham et d’autres éléments inhérents à l’ADN de Batman. La sempiternelle interrogation « d’utiliser » un enfant ou un adolescent dans la croisade du justicier trouve une certaine réponse mais continue de hanter l’homme chauve-souris – qui restera terriblement marqué et affecté par la perte de Todd, dont il s’estime responsable.

Les cinq épisodes se dévorent et les quelques incursions côté Titans (la bande dessinée jongle entre deux séries, The New Titans et Batman) sont très accessibles et ne gênent en rien la lecture si on n’est pas familier de cet (autre) univers. Seul le costume de l’époque de Nightwing a mal vieilli, le reste est toujours passionnant. Double-Face est plutôt soigné même si, là aussi, cela fait un peu redite par rapport à Grayson qui affrontait Dent à ses débuts (cf. Robin – Année Un). On apprécie également la présence soutenue d’Alfred, qui vient même prêter main forte au combat !

Côté dessins, on retrouve Jim Aparo pour les trois chapitres de Batman, rien à redire, l’artiste découpe avec maestria ses scènes d’action et offre de belles expressions sur les visages de ses personnages avec une fluidité et lisibilité exemplaires. Seules quelques cases sont assez pauvres en décors (déjà dans le titre précédent) mais c’est compensé par la vivacité de séquences moins contemplatives. George Pérez et Tom Grummett travaillent en binôme sur les deux épisodes de The New Titans (deux et demi si on inclut quelques pages d’un prologue issues de la même série mais croquées par Aparo). Les artistes parviennent à conserver une homogénéité graphique très appréciable, aussi bien au niveau des traits que de l’atmosphère visuelle globale. Ils sont grandement aidés par la colorisation d’Adrienne Roy (qui officiait déjà sur le titre précédent avec Aparo). En ultime bonus : un court chapitre dessiné par Lee Weeks et écrit par James Robins, À marquer d’une pierre blanche (Legends of the Dark Knight #100) qui montre Todd enfiler son costume de Robin pour la première fois puis sa mort… La sublime image de fin (l’avant-dernière de cette critique sur fond blanc) reste dans les mémoires.

En synthèse, le livre Un Deuil dans la Famille EST indispensable dans la chronologie de Batman pour ces deux évènements majeurs (la mort de Jason Todd et l’arrivée de Tim Drake – qui sera le premier Robin a bénéficié d’une série à son propre nom de justicier, avant de devenir Red Robin, cédant sa place à Damian Wayne) MAIS ne peut pas être considéré comme un incontournable à posséder impérativement du fait de la qualité moyenne de sa première histoire. C’est tout le paradoxe de la fiction : elle demeure importante et aura plusieurs conséquences sur l’évolution du Chevalier Noir mais elle n’est pas un chef-d’œuvre… Classons là tout de même dans les coups de cœur du site, principalement pour Les Morts et les Vivants et son statut particulier de son autre titre dans la culture « Batmanienne » !

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 26 avril 2013 puis réédité le 31 juillet 2017.
Précédemment publié chez Semic en 2003.

Scénario : Jim Starlin, Marv Wolfman, Georges Pérez
Dessin : Jim Aparo, Geroge Pérez, Tom Grummett
Encrage : Mike DeCarlo, Bob McLeod, Romeo Tanghal
Couleur : Adrienne Roy, Lovern Kindzierski

Traduction : Alex Nikolavitch
Lettrage : Stephan Boschat – Studio Makma

Contient Batman #426-429 (Un Deuil dans la Famille) puis Batman #440-442, The New Titans #55 et #60-61 (Les Morts et les Vivants), Legends of the Dark Knight #100

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