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Batman Showcase #2 (Batman & Robin #20-22 + 26)

[Contextualisation]
Durant le run de Grant Morrison (cf. index), la série Batman & Robin (2009-2011) met en avant les aventures de Dick Grayson et Damian Wayne en Batman et Robin. Les quinze premiers chapitres sont disponibles dans la deuxième intégrale de Grant Morrison présente Batman, le seizième dans la troisième. Les dix chapitres suivants n’ont pas tous été publiés en France. Les #17-19 forment l’arc The Sum of Her Parts, écrit par Paul Cornell, et restent inédit en VF.

Les #20-22 compilent l’histoire Dark Knight vs. White Knight, Tree of Blood, disponible justement dans ce magazine Batman Showcase #2 (sorti fin avril 2012). Traduit sous le titre L’Arbre de Sang, Chevalier Noir contre Chevalier Blanc, ce récit est écrit par Peter Tomasi et dessiné par Patrick Gleason. C’est ce duo qui reprendra la série qui conservera le même titre, Batman & Robin (2011-2015), après le relaunch DC Comics et, donc, la période New 52/Renaissance, où cette nouvelle salve suivait désormais Bruce Wayne en Batman accompagné de son fils Damian en Robin (voir critiques des sept tomes depuis l’index A à Z).

Revenons aux derniers chapitres de la première série. Les #23-25 sont écrit par Judd Winick (L’énigme de Red Hood, Des ombres envahissantes…) et mettent en avant son personnage fétiche, Red Hood, dans The Streets Run Red. Cette fiction n’a pas été publié en France. Enfin, l’épisode #26, le dernier, s’intitule Earthly Delights Scenes from a Work in Progress en VO, signé David Hine, est aussi proposé dans ce Batman Showcase, traduit par Plaisirs Terrestres, Scènes d’un work in progress. (Re)découverte de ces deux histoires qui avaient eu une courte critique au tout début du lancement de ce site, celles-ci ont été supprimées afin de tout centraliser ici.

[Résumé de l’éditeur]
Batman et Robin rencontrent un nouvel adversaire qui s’en prend aux familles des plus fameux criminels d’Arkham ! Au « Dynamic Duo » de jouer les gardes du corps des proches de leurs ennemis tout en cherchant à démasquer cet assassin ! Puis, ils seront amenés à faire équipe avec Nightrunner, l’agent français de Batman Incorporated, pour affronter les pensionnaires surréalistes du Jardin Noir !

[Critique]
Dans L’Arbre de Sang, Chevalier Noir contre Chevalier Blanc, après un moment rare et agréable (tous les fils de Bruce réunis autour de lui et Alfred pour une soirée cinéma), Dick et Damian enquêtent sur un tueur étrange dont les victimes sont des membres de la famille de célèbres résidents d’Arkham (Man-Bat, Victor Zsasz, Le Chapelier Fou…). Ce nouvel ennemi, le fameux Chevalier Blanc (Lewis Bayard de son identité civile), est à mi-chemin entre une figure de science-fiction et de fantastique. Il n’a pas de corps ni de visage précis, uniquement un ensemble physique lumineux et doré (on ne comprend pas très bien s’il s’agit d’un pouvoir acquis via le Dr. Phosphore plus jeune ou non). Il transforme même ses victimes en « anges » et nourrit une sorte d’arbre gigantesque.

Si Lewis Bayard est oubliable (il n’est d’ailleurs jamais réapparu ensuite), ses actes sont tout de même graves et marquants, tuant plusieurs innocents connectés aux grands vilains habituels, ce sera malheureusement aussi sera sans réelles conséquences – cela se déroule peu avant le fameux relaunch de DC. Tout se passe un peu trop vite et la fiction se termine un peu trop rapidement. L’intérêt se situe davantage dans la dynamique entre Batman et Robin, donc Dick Grayson et Damian Wayne, formant un duo toujours aussi sympathique, entre autres grâce au caractère du rejeton de Bruce, moins tête à claque qu’à l’accoutumée.

Surtout, les dessins de Patrick Gleason sont particulièrement réussis, à l’exception, toujours des gros plans sur visage, comme toujours. L’illustrateur semble même en forme que sur la suite de la série qu’il reprendra avec Peter J. Tomasi. En somme, ce récit en trois chapitres est anecdotique mais pas déplaisant pour autant, formant une sorte d’introduction au futur run du duo d’artistes (Tomasi sera nettement plus inspiré, cf. critiques depuis l’index).

Quant à Plaisirs Terrestres, Scènes d’un work in progress, de David Hine, c’est un voyage à la fois géographique, en France, à Paris au Louvre, avec le Parkoureur (Nightrunner en VO) et onirique, bercé d’illusions et d’improbabilités. On ne comprend d’ailleurs pas grand chose, Batman, Robin et le Parkoureur tentent de rassembler les évadés du Jardin Noir, un asile psychiatrique regorgeant de psychopathes, à l’instar de celui d’Arkham. Derrière leur évasion se cache « L’homme qui rit » (Norman Rotrig) et, parmi les fous libérés, se trouvent quatre personnages singuliers : Sœur Cristal, Le Ça, Ray Man et Parle-à-ma-peau. Le trio combat donc ces ennemis en essayant de démêler les illusions de la réalité… C’est un peu dommage qu’un chapitre conclusif d’une série soit aussi peu épique.

On savoure principalement le court dépaysement graphique – Greg Tocchini et Andrei Bressan – et quelques références chauvines dans ce one-shot assez surprenant. La référence à « L’homme qui rit » semble évidente : création de Victor Hugo dans son roman éponyme qui inspirera ensuite Bill Finger, Jerry Robinson et Bob Kane pour créer le Joker. Hugo est d’ailleurs croqué, impossible aussi de ne pas songer aux œuvres de Magritte. Les amateurs de bandes dessinées françaises pourraient y voir une (très) légère allusion à l’excellent La Brigade Chimérique, monument du genre qui met en avant les premiers super-héros du pays du siècle dernier, bien avant que les États-Unis s’emparent du sujet.

Ce second numéro de Batman Showcase (le dernier donc) servait plus ou moins de transition avant le magazine Batman Saga. On apprécie les textes informatifs sur les quatre Robin ainsi que les hommages à Jerry Robinson et Sheldon Moldoff (tous deux décédés peu avant), à priori signés par Yann Graf, éditeur spécialiste de Batman chez Urban. Il s’occupe, entre autres, du travail éditorial dans les Batman Chronicles depuis. Les épisodes de ce Showcase n’ont jamais été republiés dans un ouvrage librairie par la suite par Urban mais vu leur qualité ce n’est pas très grave. On peut se tourner vers le marché de l’occasion pour retrouve ce magazine (à moins de 2 € !) qui était assez déconnecté du premier (qui proposait la fin de la série Batman Incorporated).

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 27 avril 2012.
Contient : Batman & Robin #20-22 & 26
Nombre de pages : 96

Scénario : Peter Tomasi, David Hine
Dessin : Patrick Gleason, Greg Tocchini et Andrei Bressan
Encrage : Mick Gray
Couleur : Alex Sinclair, Artur Fujita

Traduction : Alex Nikolavitch
Lettrage : Laurence Hingray et Christophe Semal

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Batman : Detective – Tome 5 : Briser le miroir

Cinquième et dernier tome de Batman : Detective, Briser le miroir propose une histoire éponyme en six chapitres (dont un prologue déconnecté) suivi d’une foule d’épisodes Detective Comics #1027 (dont un inédit non publié auparavant), numéro emblématique de la célèbre série (on explique plus loin pourquoi). Critique.

[Résumé de l’éditeur]
Un nouvel adversaire, se faisant appeler le Miroir, rode dans les rues de Gotham. Mais est-il réellement aussi mauvais que ce qu’il laisse à penser ? Ou est-il simplement le reflet de la perversion du monde qui l’entoure ? Pendant que la Bat-Family doit lutter contre la véritable armée qu’il a levée, Damian Wayne se cache dans l’ombre, planifiant son prochain mouvement dans la traque qu’il mène contre son père, le Chevalier Noir.

[Début de l’histoire]
Pas besoin de détailler davantage, se référer à la critique ci-après pour l’ensemble des histoires.

[Critique]
Encore un volume très décousu mais tout de même plus intéressant que le précédent. Le premier chapitre (Detective Comics #1028, intitulé Sang neuf dans Batman Bimestriel et Interlude ici) n’a aucun intérêt. Il montre la vengeance d’un mystérieux homme qui tue des personnes corrompues. En quelques planches, on découvre l’identité du criminel (un inconnu) et ses victimes. Les rares cases avec Batman à cheval permettent de montrer une situation un peu inédite (dessinées par Nicola Scott plus ou moins inspiré)… Difficile de comprendre pourquoi l’éditeur inclut systématique ces morceaux d’épisodes complètement anecdotiques. Même les plus complétistes devraient faire l’impasse dessus.

Heureusement, les cinq chapitres suivants (Detective Comics #1029-1033), forment un arc narratif à peu près complet. On y suit dans un premier temps l’arrivée d’un antagoniste peu connu, le Miroir. Se réclamant du peuple, il mène une vendetta contre les super-héros masqués qui engendrent trop de dégâts selon lui. Son masque réfléchissant se voulant renvoyant la violence envers ceux qui le regardent… Il y a un côté Anarky dans cet ennemi, qui était déjà apparu dans le premier volet de la série Batgirl de l’ère New 52 – créé par Gail Simone. Jonathan Mills de sa vraie identité (on ne sait pas trop s’il s’agit du « même Miroir » ici) a une vision étrange de la justice et estime que des personnes ayant échappé à la mort doivent être tués…

Mais dans Briser le miroir, ce n’est pas cet aspect là qui est mis en avant, le Miroir n’est d’ailleurs pas mentionné sous son identité civile et le scénariste Peter Tomasi (toujours à l’œuvre sur la série depuis le début) le survole plus qu’autre chose… Tout se déroule après le deuxième tome de Joker War mais on ne s’y perd pas. Le Miroir arrive carrément à rassembler la Bat-Famille dans un même lieu, à l’exception de Robin, alias Damian Wayne, qui semble détaché des activités nocturnes de son père et lui-même ne portant plus le costume du jeune justicier.

On ne sait pas trop pourquoi même s’il est sous-entendu que le décès d’Alfred (cf. douzième tome de Batman Rebirth) pourrait avoir causé cette émancipation. L’enfant est en revanche concentré sur le Dossier Noir de Batman, vaguement mentionné dans le tome précédent, afin de suivre une piste prometteuse (où l’auteur Peter Tomasi cite sans aucune subtilité Ed Brubaker et Greg Rucka pour un hommage aux artistes qui ont signé, entre autres, Gotham Central). La fiction prend un tournant à mi-chemin qu’il convient de dévoiler. Passez au septième paragraphe et ne regardez pas les dernières images de cette critique pour ne pas voir de révélations (celles sous les citoyens de Gotham qui arborent des masques de justiciers).

En effet, en marge de Miroir, le fameux Silence (Hush en VO), alias Tommy Elliot sévit dans l’ombre. Il arrive même à kidnapper sans sourciller l’ensemble des alliés du Chevalier Noir ! Le célèbre ennemi est apparu dans Silence puis dans quelques arcs à droite à gauche avec du bon (Paul Dini présente Batman – Tome 2, Batman Eternal…) et du moins bon (Hush Returns, inédit en France chez Urban Comics mais fut publié par Panini Comics en mensuel). Elliot rejoue sa sempiternelle jalousie au détriment d’une amitié d’enfance sacrifiée.

Proposer Silence est une chose plaisante (il est souvent sous-utiliser voire sous-estimer) mais cela arrive un peu tard, a un côté déjà-vu, peu original et la situation est vite réglée malheureusement… Et comme on sait qu’il s’agit du dernier tome de la série sous l’égide de Tomasi, on doute d’une réutilisation proche connectée à ce qu’on vient de voir, c’est assez dommage (comme l’entièreté des volumes de Batman : Detective de toute façon, cf. conclusion de l’ensemble plus loin).

En parallèle, on suit l’ascension du nouveau maire de Gotham, Christopher Nakano qui avait déjà un rôle assez avancé dans Joker War et se poursuivra dans Batman Infinite (qui en est la suite directe). Là aussi, on peine à s’attacher à ce protagoniste et on a l’impression d’être face à une « conclusion » de son parcours et paradoxalement son « introduction ». Heureusement, les dessins de Kenneth Rocafort puis Bilquis Evely et enfin Brad Walker confèrent au récit un voyage graphique plutôt séduisant et coloré. L’action est dynamique, les séquences s’enchaînent à un bon rythme, c’est toujours ça de pris malgré la conclusion un peu abrupte et la déception de savoir qu’il n’y aura jamais de suite sur tout ce que Tomasi avait (maladroitement) mis en place.

Passé cette aventure « sympathique mais sans plus », c’est un festival d’histoires courtes autour du Chevalier Noir qui sont offertes au lecteur. En effet, Batman est apparu dans Detective Comics #27 en 1939 (en vente le 30 mars de cette année mais daté au mois de mai 1939). Mille numéros plus tard (!), une myriade d’artistes prestigieux lui rendent hommage à travers des tranches de vie du justicier et diverses illustrations généreusement compilées en fin d’ouvrage. Tom King, Greg Rucka, Brian Michael Bendis, Marv Wolfman, James Tynion IV, Grant Morrison, Scott Snyder et quelques autres se succèdent donc pour célébrer l’évènement. Un anniversaire de près de quatre-vingt-une années plus tard (à l’époque de la publication, donc en 2020) qui s’étale sur douze épisodes inédits, d’une douzaine de pages chacun et passés en revue ci-après.

 

Notons qu’onze d’entre eux ont été publiés dans les quatre derniers numéros de Batman Bimestriel, donc du #13 au #16. Le treizième avait même bénéficié d’une couverture alternative (provenant de la série Joker War). Enfin, à l’instar des multiples épisodes de Detective Comics #1000 (bientôt compilés dans un article), ceux du #1027 sont sortis dans un recueil aux États-Unis. Étonnamment, la lecture via les Batman Bimestriel est plus agréable que celle de la version librairie car les chapitres étaient séparés par une note éditoriale et une présentation des artistes opérant dessus. Dans la compilation ressortie, tout s’enchaîne à la suite, manquant d’une certaine respiration (narrative) bienvenue.

Dans Reflux (le dernier chapitre écrit par Peter J. Tomasi et dessiné par Brad Walker, relativement actif tout au long de la série), Batman est enfermé dans une cuve et se remémore tous les ennemis qu’il a affronté au long de sa croisade, chacun lui ayant appris quelque chose dont il pourrait se servir pour s’en sortir. Si la fin est soudaine (on ne comprend pas qui a piégé le Chevalier Noir), c’est l’occasion d’admirer de jolies planches rendant hommage à une grande galerie de vilains (manque curieusement Killer Croc et Bane).

Cours magistral (Brian Michael Bendis / David Marquez) montre tous les alliés de Batman se retrouver au même endroit d’un cadavre. S’agit-il d’une épreuve ou d’une coïncidence ? Tout le monde collabore et permet au Chevalier Noir de se remémorer le talent de détective de ses protégés. Là aussi l’intérêt se situe dans les dessins montrant la Bat-Famille complice. Ces deux épisodes sont vaguement connectés avec le « suivant », c’est-à-dire le #1028 qui… ouvrait le tome (avec notamment les flics ripoux et corrompus). S’il semble logique de les placer en seconde moitié du livre pour conserver une certaine cohérence éditoriale, il manque une certaine note d’intention pour clarifier tout cela (à l’exception d’un banal renvoi « voir Detective Comics #1027 » lu au tout début).

Un bien bon anniversaire (Matt Fraction / Chip Zdarsky) met en avant le Joker et ses fameux « cadeaux d’anniversaire » envoyés religieusement chaque mois depuis la première rencontre entre le Chevalier Noir et le Prince Clown du Crime. Mais au bout d’une vingtaine d’année, arrivé à la fin du mois, Batman n’a pas reçu son cadeau et s’inquiète. Il imagine le pire et cherche son ennemi juré… qui connaît son identité réelle. C’est probablement ce qu’il faut retenir de ce segment, le Joker s’adresse à Bruce et la carte d’anniversaire est envoyée au Manoir Wayne. Cela relance le débat sur le fait que le Joker se moque de qui est Batman et le sait depuis longtemps…

Dans Bleusaille (Greg Rucka / Eduardo Risso), une nouvelle recrue du GCPD découvre la corruption au sein de la police et la dangerosité de Gotham. Mais la jeune femme ne faiblit pas et comprend que quelques collègues, Gordon et bien sûr Batman sont légion face la criminalité. Un segment qui permet d’enrichir (modestement) la célèbre série Gotham Central, déjà scénarisée par Rucka à l’époque. Histoire de fantômes (James Tynion IV / Riley Rossmo) met en avant l’improbable alliance entre Batman, Robin et… Deadman, alias Boston Brand, le justicier de l’au-delà capable de prendre possession des vivants. Un récit un peu à part qui offre une élégante connexion avec la mort des parents de Bruce.

À l’avant (Kelly Sue DeConnick / John Romita Jr.) suit cette fois Bruce Wayne, en tant qu’homme d’affaire, dans un échange tendu avec un potentiel acheteur, en pleine partie de golf. Le milliardaire travaille en réalité avec Gordon pour piéger son hôte corrompu… Probablement l’épisode le plus faible jusqu’à présent. Odyssey (Marv Wolfman / Emanuela Lupacchino) conte la destruction du navire éponyme au sein duquel le grand-père de Bruce Wayne avait caché des œuvres d’art pour échapper aux nazis. Des années plus tard, l’épave semble avoir été trouvée et une expédition plonge pour y retrouver ces trésors. Si l’ensemble se lit bien, on a l’impression de lire l’introduction à une histoire plus grande qui mériterait d’être enrichie. Dommage.

Dans Détective n°26 (Grant Morrison / Chris Burnham), on découvre « Le Spectre d’Argent », un justicier qui s’apprête à nettoyer Gotham de la criminalité. Mais un homme revêtant un costume de chauve-souris fait également ses premiers pas dans la ville et semble plus efficace que lui… Encore une fois, le récit et trop court et ferme une promesse inédite intéressante (un nouveau super-héros ou un antagoniste ?). Testament (Tom King / Walt Simonson) met en avant le Docteur Phosphorus face à Batman, interrogeant vaguement l’impact des combats sur l’équilibre mental des deux protagonistes.

Comme toujours (Scott Snyder / Ivan Reis) se met du point de vue de Gordon qui s’interroge sur les actions du Chevalier Noir et son inextricable espoir. En l’occurrence la disparition du soleil (!) et la solution pensée par Batman et ses alliés de la Justice League. L »épisode le plus coloré et « cosmique » de la sélection dont les actions des justiciers tranchent visuellement avec la noirceur de Gotham et Gordon.

Générations : fracturées (Dan Jurgens / Kevin Nowland) est le chapitre « inédit » car il n’avait été pas proposé dans les Batman Bimestriel. Dans un premier temps, il semble s’agir d’un prologue à Future State. En effet, Batman poursuit quelques ennemis dans un musée le soir d’Halloween puis est projeté dans le passé (en 1939 très exactement) et rencontre Kamandi, envoyé par Booster Gold. Un épisode un peu cryptique qui donne surtout envie de découvrir la suite (annoncé en dernière case avec la mention « à suivre »). Pourtant, en lisant l’avant-propos d’Urban Comics, c’est le dernier chapitre, Un Cadeau (voir ci-dessous) qui semble ouvrir Future State (alors – qu’à chaud – rien n’y est connecté, au contraire). Bizarre…

Un cadeau (Mariko Tamaki / Dan Mora) se déroule durant Joker War et là aussi aurait mérité d’être publié plutôt dans un volume de Joker War qu’ici tant il ne se prête pas vraiment à la célébration commune des ces numéros #1027. Difficile d’imaginer (comme l’indique l’éditeur) que cela va se poursuivre dans Future State (pas encore lu et chroniqué) alors que l’épisode précédent mentionnait des voyages dans le temps et appelait une suite…

En synthèse, les douze chapitres sont, sans surprise, inégaux mais restent une lecture plaisante, sans investissement de durée malgré une certaine frustration de ne pas avoir de suite (existante ou non). Étrangement, Urban Comics n’a pas mis en avant cet anniversaire en couverture ou, idéalement, via une sortie à part – et pourquoi pas rassembler les Detective Comics #1000 et #1027 ? Les premiers sont déjà dans Batman 80 ans, les seconds sont donc jetés ici dans le cinquième et dernier volume d’une série peu mémorable, ce qui est, une fois de plus, assez dommage – surtout vu les prestigieux noms associés à ces épisodes.

Heureusement, une tonne de couvertures alternatives clôturent l’ouvrage (appelée « pin-up de Detective Comics #1027 » !). Une trentaine dont une bonne partie signées Lee Bermejo, qu’on aurait adoré avoir en poster. Briser le miroir est une conclusion de run décevante avec des promesses non tenues, des pistes ouvertes qui ne seront jamais terminées (l’auteur Peter Tomasi a quitté la série après ces derniers chapitres). Ce cinquième volume reste néanmoins le second « meilleur » de la série (après le troisième) pour son histoire autour de Miroir assez intéressante et la célébration des Detective Comics #1027.

[Conclusion de l’ensemble de la série Batman : Detective]
Encore une série très moyenne, fortement inégale et relativement mal découpée. Peter Tomasi ne parvient pas à insuffler des émotions, des moments épiques ou tragiques… Pire : il fractionne ses tomes avec une personnalité (ou un enjeu) indépendant qu’on ne revoie jamais. Le Chevalier d’Arkham, Nora Fries, Double-Face, le Miroir, un autre ennemi emblématique et les multiples antagonistes éphémères arrivent aussitôt qu’ils repartent et c’est bien dommage. On retient surtout le troisième tome et son affrontement avec Mr Freeze et ce cinquième pour les raisons évoquées dans la critique.

Malgré tout, impossible de conseiller les cinq volumes pour cette série complètement dispensable, éventuellement les trois et cinq donc, et encore… C’est un des paradoxes des aventures du Chevalier Noir, celles qui restent en mémoire et passent habilement l’épreuve du temps sont des volumes uniques (ou enrichis d’un ou deux tomes), comme la plupart des incontournables, ou bien les séries longues, inégales mais proposant des choses singulières (Grant Morrison présente Batman, Batman de Scott Snyder, Batman Rebirth de Tom King, etc.).

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 2 avril 2021.
Contient : Detective Comics #1027-1033

Scénario : Peter Tomasi, collectif (voir article)
Dessin : Brad Walker, collectif (voir article)
Encrage : Collectif
Couleur : Collectif

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Stephan Boschat (studio MAKMA)

Acheter sur amazon.frBatman : Detective – Tome 5 : Briser le miroir (30€)




Batman : Detective – Tome 4 : Un cœur hideux

Après deux tomes très moyens (Mythologie et Médiéval) et un troisième plus réussi mais inégal (De sang-froid), Urban Comics nous propose un opus en demi-teinte : une couverture un brin mensongère (c’est Double-Face qui au cœur de l’ouvrage et non le Joker), plusieurs histoires indépendantes (dont une non publiée dans Batman Bimestriel et donc inédite jusqu’à présent) et une composition étrange… Explications et critique.

[Résumé de l’éditeur]
Alors que Mister Freeze déchainait des vagues de froid sur Gotham pour récupérer sa femme, Nora, Batman finit par réussir à le neutraliser et le remettre à sa place : l’Asile d’Arkham. Mais dans l’ombre, une nouvelle menace grandit. Harvey Dent joue à Pile ou Face avec le destin des citoyens de Gotham, et créé une secte pour mener la ville à sa perte…

[Début de l’histoire]
Pas besoin de décrire davantage, mieux vaut se tourner vers la critique ci-après pour découvrir chaque segment narratif proposé…

[Critique]
Difficile de comprendre la logique de composition de cet avant-dernier tome de la série Batman : Detective. Un cœur hideux se divise de la façon suivante : Prologue (Detective Comics Annual #2), Survivor – très proche du titre d’un arc du tome précédent – en deux chapitres (Detective Comics #1018-1019), Un cœur hideux en trois épisodes (Detective Comics #1020-1022), interrompu après seulement un épisode par un interlude (le Detective Comics Annual #3 – qui n’a strictement rien à voir avec le reste de l’histoire) et, enfin, Prélude à Joker War découpé sobrement en quatre parties (Detective Comics #1023-1026) dont la première moitié fait suite à Un cœur hideux. Quel bazar !

Il convient donc de décrire chacune de ces quatre histoires – dont la dernière se déroule quasiment sur trois axes distincts – afin de mieux cerner l’ouvrage et comprendre de quoi il en retourne. Tout est à nouveau écrit par le scénariste Peter Tomasi, à moitié coincé entre les obligations éditoriales (de Joker War) et son run qu’il tente tant bien que mal de rendre indépendant entre chaque volume, cassant à la fois un rythme déjà décousu mais permettant de ne pas « tout lire » et ne garder que le meilleur. Problème : à part l’histoire avec Freeze dans le volet précédent, il n’y a pas grand chose à sauver au global. C’est un peu pareil ici, les complétistes apprécieront les connexions à Joker War mais regretteront le passage à la caisse onéreux pour lire uniquement cela – on en reparlera.

Dans Prologue, l’auteur nous emmène en Grèce où Bruce Wayne/Batman retrouve… le Faucheur ! Le charismatique ennemi instauré dans Year Two / Année Deux semble en effet de retour. Travis Moore et Max Raynor croquent cette enquête pleine d’action avec une certaine élégance et une production relativement mainstream. Visuellement, c’est donc agréable. Scénaristiquement c’est plus délicat : l’identité de ce nouveau faucheur est connecté au précédent mais avec une création propre à la fiction donc un élément sorti de nulle part… De quoi user d’un élément retcon (continuité rétroactive – insérer un personnage ou autre dans une suite d’histoire en faisant croire qu’il était là depuis le début).

Ce n’est pas forcément gênant en soi mais ici c’est très frustrant car Prologue ne débouche sur rien d’autre que l’introduction de ce « nouvel » antagoniste. Batman ne l’arrête pas et on ne le revoie plus du tout ensuite (dans le tome) alors qu’il a été présenté en ouverture du livre. De même que Sophia Zervas, visiblement ancienne relation de Bruce Wayne, qui apparaît comme si le lecteur la connaissait de longue date (alors qu’elle a été créée pour cet épisode) puis est mise en retrait… Là aussi c’est dommage, à moins que tous deux (Sophia et le Faucheur) reviennent ultérieurement ? Seul le fameux « dossier noir » – carnet où Batman consignes ses aventures non résolues, relevant d’intrigues surnaturelles ou étranges, conçu par Grant Morrison dans sa saga – reviendra dans le tome suivant. Dans tous les cas, cet épisode n’a pas vraiment sa place ici, complètement indépendant du reste et n’apportant rien à l’opus en lui-même…

Survivor (plus justement nommé Hiver mortel dans Batman Bimestriel) est probablement le pire segment du livre voire de la série. On y suit un viking (!) puis une secte parlant islandais et adorant une sorte de Dieu démoniaque, qui se matérialisera à Gotham sous une forme de créature géante. Les dessins de Scott Godlewski ne sauvent pas la bande dessinée, assez plate et improbable. Batman affronte l’ensemble et on enchaîne sans rien retenir de ce court récit si ce n’est la solitude du milliardaire devant compenser avec l’absence d’Alfred – tué en parallèle dans l’autre série Batman, dans le douzième et dernier tome de Batman Rebirth. Là aussi, on est surpris du manque de contextualisation d’Urban Comics car dans l’histoire précédente (Prologue), Alfred était bien présent (normal, elle a été publiée avant… mais il faut le savoir !). Il est nécessaire d’attendre l’interlude quelques pages plus tard, consacrés à Alfred, pour comprendre ce qu’il s’est passé.

C’est en effet le chapitre Detective Comics Annual #3, jamais publié auparavant, qui donne la part belle au célèbre majordome. Pas de sanglots ou tristesse aisément mise en scène mais un épisode hommage pas trop mal où Bruce Wayne rencontre l’agent Marigold Sinclair, ancienne co-équipière d’Alfred. On navigue dans le passé avec un Pennyworth en action et dans le présent avec une mission s’y connectant où le Chevalier Noir en costume prend le relai. Si le chapitre ne révolutionne pas la mythologie de Batman (ou d’Alfred), il propose une parenthèse sympathique – agréablement croquée par Sumit Kumar puis une courte seconde par Eduardo Risso (Cité Brisée…), étonnamment pas crédité – et délicatement émouvante sans tomber dans le pathos. En revanche, on s’étonne de la voir proposée au beau milieu des trois chapitres d’Un cœur hideux centrés sur… Double-Face !

En effet, Tomasi reprend Harvey Dent pour une aventure en demi-teinte. On retrouve Double-Face toujours tiraillé entre sa personnalité maléfique et bienveillante, cette fois accompagné… d’une secte. L’ancien procureur semble être un gourou criminel avec plusieurs sbires à ses ordres. Au lieu d’avoir des hommes de main « classiques », Double-Face a réellement des malfrats adeptes d’une croyance « au nom de nous deux » (forcément), formant un tout unique. Un délire assez ridicule (même après les vikings chamaniques) qui n’a pas vraiment sa place dans l’aventure…

Le scénario gagne en intérêt essentiellement dans sa conclusion, quand il est connecté à un autre titre du même scénariste (Batman & Robin – Tome 5 avec la tentative de suicide de Dent) et, surtout, quand on comprend que le Joker a mis une puce dans le cerveau de Dent grâce à Strange, ouvrant l’ensemble sur les prémices de Joker War. Graphiquement, c’est Brad Walker qui officie sur Un cœur hideux, livrant de belles propositions avec, entre autres, un visage de Double-Face proprement… hideux. C’est ce qu’on retient surtout du titre : les dessins et sa fin…

Dans la première partie de Prélude à Joker War, on suit le Clown Prince du Crime ouvrir la tombe de Lincoln March, célèbre ergot de la Cour des Hiboux. En même temps, Batman poursuit son enquête sur L’Église des Deux (initiée par Double-Face) et, après avoir croisé Hugo Strange et le Chapelier Fou, il renoue avec Harvey Dent, porteur de l’armure robotique de Batman, à l’époque où c’était Gordon qui l’endossait (cf. La Relève et ce costume high-tech surnommé Chappie).

La deuxième partie – intitulé Terrible symétrie dans la version kiosque mais pas dans la version librairie – montre tout ce beau monde s’affronter (les ergots, Batman, Double-Face en armure, etc.). Le Joker observe au loin, fier d’avoir utilisé plusieurs sérums (le sien, celui de la Cour des Hiboux…) pour concevoir ce « début de chaos ». Mais le plus intéressant reste la conclusion de l’arc sur Dent qui arrive à terme après cinq épisodes donc, lui rendant une humanité intéressante. C’est à nouveau Brad Walker qui dessine ces deux épisodes, offrant une homogénéité graphique à tout l’arc sur Dent, mais très inégal côté écriture…

Vient ensuite la troisième partie de Prélude à Joker War (nommée L’attaque des entreprises Wayne dans Batman Bimestriel) où Batwoman est propulsée au cœur du récit dans « la zone de guerre » de Gotham créée par le Joker. Comment ? Pourquoi ? On ne le saura pas vraiment… Il semble y avoir une ellipse temporelle avec plusieurs éléments qui échappent au lecteur. Ce qui n’est malheureusement pas anormal car l’entièreté de la saga Joker War a été éparpillée dans plusieurs titres (magazines et librairies). Une mise à jour d’un article récapitulatif sera proposé prochainement sur ce site afin de ne pas s’y perdre… Sans surprise, le titre renvoie aussi au dernier volume de Batman Detective Comics qui avait montré la séparation de Batwoman et du Chevalier Noir.

Enfin, dans la quatrième et dernière partie de Prélude à Joker War, le Chevalier Noir affronte Killer Croc et plusieurs de ses complices : des anciens humains transformés en animaux. L’ensemble est censé se conclure dans le cinquième et dernier tome de Batman : Detective. On ne voit pas non plus trop le rapport avec Joker War (pour cause, le titre de cet épisode était simplement Monstres humains dans le magazine et n’avait pas de mention à ladite guerre du Joker). Kenneth Rocafort impose un style différent de ses prédécesseurs pour ces deux derniers chapitres. Des traits plus aérés, davantage de détails dans les décors, visages et costumes, conférant à l’ensemble un style riche et agréable, bénéficiant d’une parfaite colorisation (de Dan Brown – succédant au célèbre Brad Anderson, habitué de l’industrie pour des titres blockbusters), équilibrant suffisamment de tonalités austères et « réalistes » mais avec assez d’envolées chromatiques propres à l’ADN « comic book ». Une réussite visuelle appréciable.

Un cœur hideux est donc fortement inégal ! En lisant à la suite le tome précédent et celui-ci, on se dit qu’il aurait été plus judicieux de les diviser autrement. D’abord l’histoire de Mr Freeze/Nora dans un tome à part (le troisième par exemple), ensuite un tome un peu « fourre-tout » contenant les épisodes indépendants (et passables) de De sang-froid et du présent quatrième volet (à l’instar du sixième opus de la série Batman), enfin un tome centré sur Double-Face et ouvrant sur Joker War aurait mieux découper la narration (pourquoi pas proposer un tome zéro à cette série d’ailleurs).

Bref à ce stade, un lecteur qui ne suivrait « que » Batman : Detective doit être complètement désarçonné devant tous ces récits qui partent dans tous les sens, introduisent des personnages avant de les faire disparaître, mêlent plusieurs intrigues qui n’ont rien à voir entre elles, montrent de « vieux » récits indépendants, etc. Heureusement, il ne reste plus qu’un ultime volume pour clore ce run de Tomasi, peu intéressant jusqu’à présent… Il est assez décevant de voir le prestigieux titre Detective Comics et son millième numéro dans tout ça, c’était l’occasion en or de proposer un titre culte et mémorable, c’est tout l’inverse qui s’est produit… Lot de consolation avec les couvertures alternatives en fin d’ouvrage et notamment celles de Lee Bermejo.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 22 janvier 2021.
Contient : Detective Comics #1018-1026 + Detective Comics Annual #2-3

Scénario : Peter Tomasi (Brad Walker est mentionné dans la version librairie mais c’est une erreur)
Dessin : Brad Walker, Travis Moore, Max Raynor, Scott Godlewski, Sumit Kumar, Kenneth Rocafort (non mentionné dans la version librairie, là aussi une erreur), Eduardo Risso (idem)
Encrage : Andrew Hennessy, Scott Godlewski, Travis Moore, Max Raynor, Sumit Kumar
Couleur : Brad Anderson, David Baron, Tamra Bonvillain, Nick Filardi, Romulo Fajardo Jr.

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Stephan Boschat (Studio MAKMA)

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