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Dark Knight III (intégrale)

Après une publication en quatre volumes pour coller au plus près de la sortie aux États-Unis (2016-2017), Urban Comics a, sans surprise, proposé l’intégrale de Dark Knight III en janvier 2019. Ce troisième volet du fameux « Dark Knight Universe de Frank Miller » n’avait pas vraiment convaincu en lecture initiale (donc au rythme des sorties étalées sur deux ans).

Les quatre volumes ont déjà été chroniqués sur le site (cf. Tome 1, Tome 2, Tome 3 et Tome 4) mais que vaut une lecture complète « à la suite » de Dark Knight III ? L’œuvre en sort-elle plus aboutie, plus passionnante ? On se prête au jeu à l’occasion de la sortie de The Dark Knight Returns – The Golden Child (qui est une mini-suite de DKIII).

[Résumé de l’éditeur]
Après avoir remporté une victoire décisive contre le tandem formé par Luthor et Brainiac, Batman disparaît, et Gotham est à nouveau en proie au crime et à la désolation. Mais peu après, la rumeur circule : le Chevalier Noir serait de retour… Au même moment, Lara, la fille de Superman, appelle le scientifique Ray Palmer au secours de la ville-bouteille de Kandor.

[Critique]
On ne va pas trop s’étendre longuement sur cette « nouvelle » critique puisqu’elle existe déjà sous forme de quatre articles, chacun détaillé sur deux chapitres de l’histoire principale et ses deux « appendices », cf. Tome 1, Tome 2, Tome 3 et Tome 4 — une chronique plus longue pour ce dernier volume, qu’on conseille en priorité s’il ne fallait en (re)lire qu’une.

En effet, pour cette intégrale, Urban a repris les épisodes dans l’ordre chronologique proposant ainsi les neuf chapitres de Dark Knight III, chacun entrecoupé d’appendices (des back-ups centrés sur un personnage en particulier), mettant en avant respectivement Atom, Wonder Woman, Green Lantern, Batgirl (et brièvement Aquaman) et Lara puis le trio féminin Batgirl/Lara/Wonder Woman (intitulé World’s Finest), Green Lantern/Hawkman/Hawkgirl (Strange Adventures), Yindel/Bruno (Detective Comics) et Batman/Batwoman & Clark/Lara (Action Comics). L’ensemble s’étale sur 360 pages environ, complémenté d’une petite cinquantaine de pages bonus (résumé, sketchbooks, crayonnées, biographies… — pour les nombreuses couvertures alternatives en couleur il faut se tourner vers ce sublime recueil limité à 2000 exemplaires). Soit un gros pavé de plus de 400 pages.

Andy Kubert dessine le récit principal et Frank Miller s’occupe des appendices (avec Eduardo Risso pour le deuxième). Cela avait longuement été décortiqué : Kubert essaie de rapprocher son style avec celui de Miller à l’époque, en résulte des planches hybrides mal équilibrées mais, heureusement, bien découpées et avec quelques scènes d’anthologie. L’artiste aurait gagné à conserver sa propre patte même si on la perçoit de temps en temps mais on le sent contraint et limité dans ses croquis.

Quant à Miller, ce n’est plus un secret depuis une éternité : il a perdu de sa superbe quand il est aux pinceaux. Des brouillons affreux, plein de couleurs vives plus ou moins justifiées, des figures presque tremblotantes sans décors ou à l’arrière fond uni d’une pauvreté affligeante. Heureusement, au fil de ces chapitres complémentaires, Miller retrouve un peu son talent.

Côté scénario, la lecture « à la suite » est évidemment plus digeste et cohérente. On le rappelle : il est quand même nécessaire d’avoir lu The Dark Knight Returns (évidemment) mais aussi idéalement sa suite décriée (et très inférieure) The Dark Knight Strikes Again. Une des réussites majeures de l’œuvre est son rythme : pas le temps de s’ennuyer, tout se lit très bien et rapidement (l’ensemble est moins dense et plus accessible que TDKR, ce qui n’est pas plus mal).

Seuls les appendices cassent un peu l’immersion du récit principal, corrélées -comme on vient de le voir- à leur pauvreté graphique qui tranche radicalement avec les traits de Kubert. Mais… les dessins de Miller offrent paradoxalement une certaine nostalgie bienvenue pour les fans de l’artiste. Miller, justement, co-écrit avec Brian Azzarello l’ensemble du livre sans réellement savoir « qui fait quoi » : d’un côté on retrouve bien la patte du scénariste et ses thèmes de prédilection, d’un autre côté ils ne sont pas trop difficiles à singer (en bien ou en mauvais) ; délicat donc de trancher si Miller a apporté un vrai surplus à l’écriture ou s’il officiait plutôt comme simple conseiller par exemple. Mais peu importe.

L’équivalent du premier tome (très moyen en lecture indépendante) devient ici une longue introduction semi-efficace qui s’émancipe rapidement (forcément) pour se prolonger dans un récit doublement palpitant jusqu’à la moitié du livre : les menaces sont concrètes, violentes, brutales… et Andy Kubert proposent de jolies planches avec une certaine démesure quant à ses héros déchus, mi-déifiés, mi-sacrifiés (équivalent du second tome donc).

Un affrontement gigantesque, très sanglant, habilement mené par le binôme Superman/Batman et quelques alliés poursuivent le titre (troisième tome), livrant de chouettes scènes d’action, toujours entrecoupées d’appendices gênants, même si Miller s’améliore au fil des épisodes et cela, jusqu’à la fin. Enfin, un autre combat titanesque clôt l’histoire suivie d’une élégante conclusion, plus légère après un cynisme et une violence quasiment perpétuelle (quatrième tome).

Outre les défauts graphiques évoqués (le « style » brouillon et pauvre de Miller sur les appendices, le déséquilibre de Kubert, hésitant entre ses propres traits — précis, fins, détaillés — et ceux de son aîné pour une certaine homogénéité entre les trois volumes), Dark Knight III pêche aussi par le non approfondissement de certains de ses personnages (les ennemis Quar et Baal en tête, complémentés par leur manichéisme primaire, Yindel et quelques figures iconiques de DC comme Flash, Green Lantern et d’autres justiciers relégués à une figuration de luxe – comme en son temps TDKSA qui se focalisait sur des super-héros DC et non Batman en particulier). La menace (kryptonienne) sort un peu de nulle part et fait office de facilité scénaristique.

On retient surtout la belle amitié entre l’homme d’acier et l’homme chauve-souris, plus efficace que jamais, l’exploration d’un univers « culte » modernisé subtilement (mais pas assez), la mise en avant de (nouvelles) héroïnes féminines comme Carrie/Batgirl et Lara (personnage clé de l’œuvre) mais aussi de Wonder Woman, au début et à la fin notamment. Une plongée dans Gotham certes, mais aussi dans l’univers DC au sens large, avec l’accent mis sur la fameuse Trinité et leurs héritières.

Mélange des genres agréable, on oscille entre l’aventure haute en couleur et le récit noir über brutal, l’urbanisme nocturne et la jungle diurne, la science-fiction (un peu) et le fantastique (un peu aussi), l’aventure épique et le drame plus ou moins tragique… Ça passe bien. Le plaisir aussi de constater la cohérence de toutes les intrigues et protagonistes qui se rejoignent ingénieusement (il est fort probable que « tout » était prévu dans la tête des auteurs depuis le début). La conclusion est réussie (c’est rare, il faut le souligner) et ferme efficacement la boucle côté Batman (malgré un statu quo intéressant qu’on aimerait découvrir) tout en la rouvrant aussi bien pour lui que pour Superman. In fine, on a donc l’impression d’esquisser (encore) une nouvelle mythologie du Chevalier Noir qui ne demande qu’à être explorée (à nouveau) tant tout passe trop vite et forme (presque) une introduction gigantesque pour « le monde de demain ».

On conseille donc Dark Knight III, qui gagne en qualité au fil des chapitres et, si on ferme les yeux sur ses problèmes évidents, propose un produit mi-mainstream, mi-indépendant, qui devrait ravir les moins exigeants. Ceux qui s’attendent à un coup de poing cérébral (comme TDKR en son temps) seront déçus, ceux qui cherchaient une narration dense et politique devraient plutôt se tourner vers White Knight. Si ce ne sont pas vos envies premières alors DKIII se lit aisément et avec plaisir.

[A propos]
Publié chez Urban Comics le 25 janvier 2019.

Scénario : Frank Miller et Brian Azzarello
Dessins : Andy Kubert et Brian Azzarello
Encrage : Klaus Janson
Couleur : Brad Anderson et Alex Sinclair

Lettrage : Stephan Boschat — Studio Makma
Traduction : Jérôme Wicky

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Dark Knight III – Tome 04

Dark Knight III (en quatre tome) est le troisième volet du « Dark Knight Universe de Frank Miller », débuté en 1986 avec The Dark Knight Returns et poursuivi avec The Dark Knight Strikes Again.
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MàJ : suite à la publication en format intégrale de Dark Knight III en 2020, l’entièreté de la série a bénéficié d’une critique mise à jour sous un prisme de lecture « à la suite ». C’est à découvrir sur cet article.

 

batman-dark-knight-iii-tome-4  Dark Knight III - Tome 4

(La couverture de gauche est bien la couverture « définitive » choisie pour l’impression.
Celle de droite, dévoilée sur les sites de vente sur Internet, est soit la version alternative pour l’enseigne Cultura
— ce qui serait étrange car les trois précédentes étaient en couleur et non en noir et blanc —,
soit une première version de maquette qui a tout simplement été annulée.
)

Afin de mieux « savourer » la conclusion de Dark Knight III, il est évidemment conseillé de relire les trois premiers tomes juste avant. Toutefois, pour ceux n’ayant pas le temps de se replonger dedans, le résumé de l’éditeur  en introduction d’ouvrage est très bien écrit et récapitule brillamment tous les éléments passés.

DK3 Sup save Bat

[Histoire]
Durant la grande bataille face aux kryptoniens à Gotham, Batman a trouvé la mort. Superman emmène la dépouille de Bruce Wayne dans un puits de Lazare pour le ramener à la vie.

De son côté, Quar et son fils Baal (défiguré par Batgirl/Carrie Kelley) veulent se venger en tuant le fils de Superman, Jonathan, qu’il a eu avec Wonder Woman.

L’autre enfant du même couple, Lara, qui s’était rangée du côté des kryptoniens, va devoir choisir « son camp ».

DK3 Quar

[Critique]
Dernière salve de Dark Knight III, composé de trois chapitres (7 à 9), ce tome conclut efficacement, épiquement et même talentueusement ces « nouvelles aventures de Batman ». Les guillemets sont de mises car, comme c’était déjà le cas pour The Dark Knight Strikes Again (la première suite clairement ratée de The Dark Knight Returns), l’histoire concerne plutôt les membres de la Justice League (la Trinité surtout) que Batman en lui-même. L’omniprésence de Superman et Lara (sa fille), ainsi que les nombreux personnages secondaires (Wonder Woman, Atom, Flash, Green Lantern…) permettent de mettre en avant davantage « l’univers » consolidé de Frank Miller que son super-héros Gothamien (ou sa relève via Carrie Kelley). Est-ce problématique ? Non, c’est assez cohérent avec ce qu’institue Miller depuis son œuvre originelle d’il y a plus de trente ans.

Qu’il y a-t-il de bon et de moins bon dans ce quatrième tome alors ? Dans les mauvais points, il y a évidemment la « mort » de Bruce Wayne. Si le format de publication (par chapitre aux États-Unis et par volume en France) a permis de laisser planer le doute quelques temps (Batman est-il vraiment décédé ?), on est peu surpris de voir sa résurrection dès l’ouverture du livre. Une renaissance qui s’accompagne par un bain de jouvence, permettant aux scénaristes de « boucler la boucle » en concluant sur un nouveau départ un peu facile (Batman et Batwoman — qui était Batgirl et avant Robin — forment un duo « jeune » et prêt à en découdre), un peu « happy end » mais clairement nécessaire dans cette saga relativement cynique, noire et violente. La curieuse impression de lecture rapide passe « mieux » en (re)lisant toute la série en une fois, même si s’attarder sur plus d’éléments (la commissaire Yindel, Aquaman…) aurait été intéressant. Le grand méchant de DK3 était à la fois puissant et… ridicule. Ridicule par ses motivations, l’éternel mantra de vengeance et de règne dictatorial pour montrer sa puissance et sa force à un peuple (les Terriens). Toutefois, ce questionnement sur le divin revient régulièrement tout au long des neuf chapitres (et ses « appendices », voir ci-après) et cela pousse à la réflexion interne. Une bonne chose donc.

DK3 Batgirl Batman Superman

Les « appendices » (nom plus juste donné aux back-ups) sont cette fois centrés sur Hawkman et Hawkgirl mais surtout Green Lantern (pour la seconde fois) et le commissaire Yindel (face à des faux Joker et à Bruno, une femme nazie — sic) ; le dernier constitue surtout un bel épilogue. À l’inverse des précédents appendices, ceux de cet ouvrage sont graphiquement plus réussis, Miller retrouvant peu à peu de sa superbe. Le reste de l’ouvrage s’émancipe (à nouveau) de son style puisque Kubert est plus proche de sa patte personnelle que celle de son illustre maître. Une évolution flagrante lorsqu’on (re)lit tout d’une traite.

Scénaristiquement parlant (Azzarello travaillant avec Miller, sans qu’on sache clairement sous quelle forme), l’accent est mis sur Lara, avec brio, et Wonder Woman apparaît « enfin » comme elle se doit. Il n’y a pas grand chose à « reprocher » à cette conclusion, elle apparaît comme évidente, bien qu’un peu facile comme on le soulignait plus haut. Pas expéditive, plutôt épique, pas forcément surprenante mais pas non plus totalement prévisible, bref l’ensemble de ce Dark Knight III est — finalement — une bonne série de comics. « Finalement » car le début était relativement moyen (faute à une publication segmentée en de trop nombreux tomes, voir « l’analyse éditoriale » dans le dernier paragraphe de cet article).

DK3 Wonder Woman

► Conclusion générale

Presque deux ans après la publication du premier tome de Dark Knight III, les lecteurs français peuvent enfin découvrir sa conclusion en cette fin d’année 2017. Un achèvement qu’on ne peut que conseiller de découvrir après relecture des trois premiers livres. Mis bout à bout, en lecture continue, l’ensemble s’avère parfaitement cohérent et gagne à la fois en une certaine maturité et sagesse (dans son épilogue) mais aussi dans ses planches (principales comme appendices), plus soignées et travaillées qu’au début. MàJ 2019 : il est évidemment conseillé de se procurer désormais la version intégrale, moins onéreuse et plus digeste.

Malgré la canonicité évidente de ce troisième volet, sa modernité et son style graphique un chouilla différent, le rendent presque « indépendant » de The Dark Knight Returns. Une qualité puisque cela permet de séduire de nouveaux lecteurs, peu connaisseur des comics sur le Chevalier Noir. La patte Millerienne est toujours présente mais à « petite dose » concernant, par exemple, les encarts médiatiques ou les avis populistes (avec parfois l’abus de langage qui va avec — ce désagréable parlé SMS).

Trump Dark Knight

The Master Race (le titre original) est-il meilleur que Returns ? Assurément non mais il est largement supérieur à Strikes Again et à pléthore de comics « mainstream » qui sont souvent divertissants et agréables à lire mais qui ne cherchent pas forcément à avoir une petite patte « intello » qu’on retrouve ici, parfois maladroitement, parfois habilement. Rien d’extraordinaire bien sûr, et même « déjà vu » mais l’œil de Miller sur le monde actuel et son interrogation sur divers sujets (le divin, la force de police, etc.) est toujours plaisant, moins puissant qu’en 1986 par contre… C’est d’ailleurs un point dommageable : vu l’actuel état des lieux de notre société, ses avancées technologiques et sa situation géo-politique, ce DK3 paraît presque trop détaché d’enjeux importants (les fakes news par exemple). Mais il faut saluer les citations de… Donald Trump (voir illustration ci-dessus) ! Déjà croqué avant son élection dans les précédents tomes, une de ses apparitions ici prend (encore) un nouveau sens pour établir un parallèle glaçant avec notre propre monde.

La chute puis la renaissance, éternel cycle commun de l’industrie, est ici réussi. Fermant efficacement ce qui a été instauré il y a plus de trente ans et laissant des ouvertures possibles (mais pas nécessaires) pour une autre suite ou une exploration du DKU (Dark Knight Universe de Miller).

DK3 Batwoman

Côté éditorial — cela avait déjà été évoqué — Urban Comics a choisi de publier en quatre segments l’intégralité de DKIII. Soit un total de 57€ (chaque tome coûte 14€ sauf le dernier à 15€). L’ensemble est évidemment beaucoup trop cher par rapport à la quantité de chapitres (neuf et neuf back-ups/appendices). Mais quel choix possible pour l’éditeur français ? Attendre la fin pour publier l’intégrale ? C’était tentant mais « risquer » (de se mettre à dos quelques lecteurs, d’autres se tournant vers la VO). Publier en kiosque avant la librairie ? Bonne idée mais DKIII est l’un des rares comics sur Batman pouvant se vendre au public non-connaisseur du Chevalier Noir ou même des comics (sur la base de suite de The Dark Knight Returns et du nom de Miller). Ne reste plus qu’une solution : la division de volumes en librairie.

Urban a toujours maintenue que la version intégrale n’était pas prévue. Vu le nombre conséquent de couvertures alternatives non proposées en bonus et pour le côté pratique, il est presque évident que l’éditeur changera d’avis (c’est même sans doute acté depuis le début) et proposera l’intégrale dans quelques années (à l’instar de Top 10, Geoff Johns présente Green Lantern, Scalped, 100 Bullets, DMZ…). MàJ 2019 : c’est bien le cas, pour 35€ et les couvertures sont dans un recueil sublime mais limité (29€). L’idéal aurait été de publier deux tomes et non quatre. Pour ne pas prendre trop de retard sur la VO, proposer un rapport qualité-prix « équilibré » et pourquoi pas l’intégrale en même temps que le tome deux pour satisfaire tout le monde. Tout ceci n’est évidemment pas bien grave mais 57€ pour l’équivalent d’une publication intégrale à 28 voire 35€ maximum (edit : bingo !),  ça fait quand même un écart non négligeable pour les moins aisés. Ce quatrième tome est le plus riche des quatre en bonus, grâce à ses nombreuses planches encrées en noir et blanc en supplément et des couvertures couleur.

DKIII Batman Dead Batgirl

[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 1 décembre 2017.
Titre original : The Dark Knight III – The Master Race #7-9 & Dark Knight Universe Presents : Strange Adventures #1 / Detective Comics #1 / Action Comics #1
Scénario : Frank Miller et Brian Azzarello
Dessin : Andy Kubert et Frank Miller (DKUP)
Encrage : Klaus Janson
Couleur : Brad Anderson et Alex Sinclair
Lettrage : Stephan Boschat — Studio Makma
Traduction : Jérôme Wicky
Première publication originale en 2016-2017.

DK3 Wonder Sup

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Dark Knight III – Tome 01

DK3 Cover Final

Dark Knight III – Tome 01

Dark Knight III (en quatre tome) est le troisième volet du « Dark Knight Universe de Frank Miller », débuté en 1986 avec The Dark Knight Returns et poursuivi avec The Dark Knight Strikes Again.
Page récapitulative

MàJ : suite à la publication en format intégrale de Dark Knight III en 2020, l’entièreté de la série a bénéficié d’une critique mise à jour sous un prisme de lecture « à la suite ». C’est à découvrir sur cet article.

DK3 tome 1 4 mars

[Histoire]
Six ans après la mort supposée de Batman/Bruce Wayne (son identité avait été révélée au monde entier), les choses n’évoluent guère à Gotham City. C’est justement un « nouveau » Batman (à moins que ce ne soit l’ancien, ou son acolyte Carrie Kelley qui fut respectivement Robin puis Catgirl) revient poursuivre sa croisade de justice, trois années après sa dernière apparition publique.

De son côté, le premier enfant de Superman et Wonder Woman, Lara, se recueille devant son père, figé dans la glace avant de secourir la petite cité de Kandor (qui tient dans une petite cloche en verre). Cette ville provient de Krypton, la planète d’origine de l’Homme d’Acier, et a été miniaturisée peu avant l’explosion de l’astre (par un être qui allait par la suite devenir un ennemi de Superman). À l’intérieur se trouvent donc les derniers kryptoniens en vie. Pour venir en aide à ce peuple, Lara rejoint Atom, alias Ray Palmer, scientifique émérite et spécialiste des nanotechnologies.

DK3 Batman

[Critique]
Très attendue depuis son annonce, cette suite d’un futur hypothétique de Batman, imaginé il y a plus de trente ans par Frank Miller laisse dubitatif dans un premier temps. Il est bien difficile de juger ce début d’œuvre qui met en place des éléments (personnages anciens et nouveaux, lieux, menaces…) et en annoncent d’autres. C’est plutôt faible et se laissera très certainement mieux lire « à la suite » une fois les autres tomes publiés.

Quelques précisions s’imposent : il est recommandé d’avoir lu évidemment The Dark Knight Returns mais aussi The Dark Knight Strikes Again avant ce DKIII. Cela peut paraître logique, mais la suite ayant été tant décriée, elle aurait pu être mise de côté sans avoir pris en compte certains de ses éléments. En effet, la romance très prononcée dans TDKSA entre Superman et Wonder Woman trouve un écho important ici, puisque leur fille Lara est très présente, en instance de devenir un personnage principal à part entière (avec Carrie Kelley) et une autre progéniture est apparue ; le statu quo de la fin de TDKSA apporte un nouvel enjeu (en plus de celui de Batman/Bruce Wayne), ainsi Superman est littéralement figé dans de la glace, s’impose-t-il une punition suite à son rôle, « misérable », quelques années plus tôt ?

« Pourquoi as-tu laissé les fourmis te faire tomber du ciel ? »
Lara, fille de Superman et Wonder Woman, à son père, figé dans la glace

Atom, qui était également très présent dans TDKSA, joue ici une pièce maîtresse dans l’intrigue, élément déclencheur « d’un futur évènement important ». Enfin, la nécessité d’avoir un « vrai » président en chair et en os (par contrôle ADN régulier) est un rappel à TDKSA, dans lequel Jimmy Olsen découvrait que leur leader politique n’était qu’une simple image hologramme. Il n’est évidemment pas impossible de comprendre DK3 sans passer par la case lecture obligatoire de TDKSA, mais mine de rien, un « saut » entre TDKR et ce DK3 n’est peut-être pas idéal.

DK3 Lara

Chose primordiale, aussi bien sur la forme que le fond, le « Dark Knight Universe de Miller » est méthodiquement conservé. On retrouve la narration plus ou moins « journalistique » : ces informations commentées en direct par des médias, augmentées ici par des échanges très simplistes via smartphones avec photos et langages SMS en supplément (un peu lourd de commencer par ça cela dit). Ainsi, DK3 se modernise gentiment tout en restant proche de ses deux prédécesseurs. Brian Azzarello écrit l’histoire, supervisé (ou conseillé) par Miller lui-même. Une fois encore, difficile de distinguer les travaux des deux tant on reconnaît la patte de l’auteur initial (sans pour autant lui trouver une folle originalité), qui ne serait probablement pas atteinte par Azzarello seul.

Cette fidélité s’accompagne également du point de vue graphique, puisque Andy Kubert s’efforce de dessiner en ressemblance avec les traits de son aîné. C’est globalement réussi (Klaus Johnson rempile pour l’encrage) mais pas sur toutes les cases. De la même façon, la colorisation ne rend pas hommage aux volumes précédents. Beaucoup plus convenue et « classique », exceptée à de rares moments, souvent en pleine page et parfois même à la limite de l’hommage à Sin City, elle ne permet pas à DKIII d’avoir le style bien hors-norme qui définissait TDKR (et TDKSA).

DK3 Carrie

Cette identité graphique propre à l’œuvre de Miller se retrouve éphémèrement dans le mini-comic consacré à Atom qui clôt le premier chapitre, comme un « back-up » (un est prévu à la fin de chaque chapitre, se déroulant dans le Dark Knight Universe – ils seront renommés « appendice » pour la version intégrale). Pour cause : celui-ci est dessiné par Frank Miller lui-même. L’artiste a perdu de sa superbe, indéniablement. Il y a quand même un certain plaisir à le « revoir » à l’œuvre mais cela reste mi-gênant, mi-nostalgique. Le deuxième chapitre sera, lui, suivi de quelques planches sur la Reine des Amazones et sa fille. Dessinée par Eduardo Risso (Cité Brisée…) en très petite forme (certaines cases ressemblent à des brouillons, la pauvreté des décors, des finitions et de la colorisation piquent les yeux, mais serait-ce… volontaire ? Pour se rapprocher du « style » millerien en fin de carrière ?). Cette courte bande dessinée est très moyenne à tous point de vue ; on insiste juste sur l’importance de Lara et son caractère.

« Comment avons-nous pu laisser faire ça ?
Comment nos distractions ont-elles pu supplanter le principal ?
Quand nous sommes-nous arrêtés de penser ? »
Commissaire Yindel, peu avant l’arrestation de Batman

L’initiative de retrouver l’univers, à la fois visuel et cynique, de TDKR (et TDKSA dans une moindre mesure) est tout à fait louable, l’ensemble est relativement fidèle, bien que moins politisé et violent (pour l’instant tout du moins), un brin énervé (pas encore assez non plus, mais ce n’est pas plus mal) mais le rendu final reste encore nébuleux sur son histoire ; ce n’est donc pas forcément passionnant, pas non plus inintéressant. Certains y dresseront des métaphores entre les personnages disparus, les Dieux au-dessus des hommes, les mythes qui s’effondrent, les légendes qui se meurent avec évidemment les artistes qui officient sur le titre (la chute de Miller, voire sa fin, la passation de l’œuvre puis la relève).

DK3 Atom

On attend donc la véritable suite, où l’on retrouvera logiquement Bruce Wayne et Superman, en suivant l’évolution du duo féminin Carrie et Lara, tout en contemplant la nouvelle menace de Kandor, la fameuse « race maîtresse » du titre de la version originale (The Master Race). Plus introductif qu’autre chose, ce court premier tome (à peine 100 pages de lecture, aucun bonus alors qu’il y a eu pléthore de couvertures inédites et signées par de prestigieux artistes !) n’en dévoile pas assez pour être addictif, mais suffisamment pour espérer une suite à la hauteur ; attention, pas le droit à l’erreur.

Même si ce Dark Knight III raisonne comme une grosse opération commerciale et que ce début n’est pas spécialement alléchant, la curiosité titille l’envie de connaître la suite et enfin « la fin » de ce fameux futur noir du Caped Crusader. Nul doute que si les prochains chapitres s’avèrent convaincants, une publication en deux volumes, voire un seul, aurait été plus appréciable d’un point de vue qualitatif et économique. Hélas, le choix discutable de publication d’Urban Comics sur ce titre ne permettra pas cette opportunité. Attention donc à ne pas se retrouver avec trop d’invendus des tomes suivantes.

DK3 Wonder Woman Lara

[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 4 mars 2016.
Titre original : The Dark Knight III – The Master Race & Dark Knight Universe Presents : The Atom / Wonder Woman
Scénario : Frank Miller et Brian Azzarello
Dessin : Andy Kubert, Frank Miller (DKUP : Atom #1) et Eduardo Risso (DKUP : WW #1)
Encrage : Eduardo Risso et Klaus Janson
Couleur : Brad Anderson, Alex Sinclair et Trish Mulvihill
Lettrage : Stephan Boschat — Studio Makma
Traduction : Jérôme Wicky
Première publication originale en novembre et décembre 2015.

Dark Knight III - The Master Race

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