Archives de catégorie : Critique

Batman Saga Hors-Série #05 / Villains Month

Batman Vilains MonthComme expliqué dans cet article récapitulatif, seize ennemis de Batman ont eu droit à un chapitre spécial, la plupart se situant entre la fin de La Guerre des Ligues (Trinity War) et juste après le premier chapitre de Forever Evil (dans lequel Le Syndicat du Crime libère tous les détenus des prisonniers et asiles, et Ultraman déplace la lune devant le soleil, plongeant le monde dans l’obscurité permanente). À ce moment là Batman a disparu et ses ennemis sont en liberté et déambulent dans Gotham, où règnent l’anarchie, le chaos et la peur.

Rapide retour sur le cinquième hors-série de Batman Saga qui proposait six histoires, ainsi que plusieurs autres, publiées dans d’autres magazines ou uniquement disponibles en version originale (voir plus bas).

Batman Saga HS5 Double FaceBatman & Robin #23.1 : Double-Face dans : un conte à deux visages
L’Épouvantail propose à Double-Face d’intégrer La Société Secrète des Super-Vilains. Ce dernier accepte seulement s’il règle à sa façon, donc avec sa pièce, les sentences et meurtres prochains. Il retourne au tribunal et tue la plupart de ceux qui se dressent sur son passage.
► Au top niveau dessin mais histoire un peu étrange, il n’y a pas de réel but ou de motivations compréhensibles. Néanmoins cela permet de montrer toute la folie de Double-Face.
■ Scénario : Peter J. Tomasi / Dessin : Guillem March / Couleur : Tomey Morey

Batman Saga HS5 Killer CrocBatman & Robin #23.4 : Killer Croc dans : du sang dans l’eau
Une équipe de police parcourt les égouts de Gotham City. Killer Croc leur a demandé de venir, on découvre par ailleurs plusieurs pans de son passé. L’homme-reptile est également à la tête d’un vaste réseau sous-terrain.
► Un des rares récits à pointer l’aspect humain de Killer Croc, à travers sa jeunesse, son évolution et son rôle actuel. Au top graphiquement et très agréable à lire. Belle découverte !
■ Scénario : Tim Seeley / Dessin : Francis Portela / Couleur : Tomey Morey

Batman Saga HS5 Poison Ivy

Detective Comics #23.1 : Poison Ivy dans : le royaume vert
La femme fatale arpente les rues de Gotham City, emplie de chaos, tout en défendant des victimes d’hommes violents, ce qui lui rappelle son enfance avec son père. On découvre également son premier entretien avec Bruce Wayne.
► Les flash-backs sont magnifiques, à la limite du conte pour enfant au niveau des dessins ! Le reste est plutôt convenu et déjà-vu mais se lit bien.
■ Scénario : Derek Fridolfs / Dessin : Javier Pina / Couleur : John Kalisz

Batman Saga HS5 Man BatDetective Comics #23.4 : Man-Bat dans : descente
Kirk Langstrom découvre que sa femme Francine utilise son sérum qui le transforme en chauve-souris géante. Il va tenter de la stopper, quitte à lui-même sombrer à nouveau dans la folie…
► Une histoire qui s’inscrit dans la suite de Batman Incorporated (Talia al Ghul avait conçu son armée de Man-Bat) et de Detective Comics (Batman Saga #23 et #24 avec Le Pingouin et Francine). La descente aux enfers d’un homme. Peut-être moins accrocheur si on ne connaît pas les autres récits.
■ Scénario : Frank Tieri / Dessin : Scot Eaton / Couleur : Jeromy Cox

Batman Saga HS5 Gueule d'ArgileBatman : Dark Knight #23.1 : Gueule d’Argile dans : qu’est-ce qu’elle a ma gueule ?
Gueule d’Argile sait que son caractère impulsif est un gros défaut. Mais il ne peut s’empêcher de tuer ceux qui le vexent. Il va alors tenter de faire des efforts pour intégrer Le Syndicat du Crime en prenant une initiative.
► Montré comme une grosse brute, Gueule d’Argile ne brille pas particulièrement par son charisme ou son intelligence. Le récit n’a ici d’intérêt que pour sa brève connexion avec Le Syndicat du Crime, et donc les prémices de Forever Evil.
■ Scénario : John Layman / Dessin : Cliff Richards / Couleur : Matt Yackey

Batman Saga HS5 SphinxBatman #23.2 : Le Sphinx dans : solitaire
Edward Nygma infiltre les Entreprises Wayne, profitant du chaos régnant dans la ville, afin d’assouvir une vieille vengeance de l’époque où il était enfermé à l’Asile d’Arkham.
Joli écho à L’An Zéro, cette courte histoire a des planches très soignées. Comme d’habitude, les devinettes sont présentes et Le Sphinx est bel et bien un ennemi à ne pas prendre à la légère, même s’il ne faut pas chercher une complexité ici.
■ Scénario : Ray Fawkes (Histoire avec Scott Snyder) / Dessin : Jeremy Haun / Couleur : John Raush

Un magazine plutôt inégal donc, côtoyant du très bon (Killer Croc) et du moins bon (Gueule d’Argile). On ne sait pas pourquoi Batman a disparu et on sent bien que ces courtes histoires sont intercalées entre d’autres pans narratifs beaucoup plus importants. Il est donc conseillé de tout lire (La Guerre des Ligues puis Forever Evil) pour mieux apprécier ce hors-saga. Par ailleurs, selon les coups de cœur pour les ennemis du Dark Knight les avis peuvent varier.

– BONUS 1 –

• À lire dans Justice League Saga #08

Batman DeadshotJustice League of America #7.1 : Deadshot dans : Tu pointes et tu tires
Deadshot est contacté pour une mission : tuer quelqu’un à Gotham City. Parallèlement il se rappelle son enfance dans la même ville. La mort de sa famille et ses débuts en tant que tueur à gages.
Cet antagoniste du Dark Knight (à découvrir aussi dans La Cible de Deadshot) n’a de rapport avec lui que la ville (Gotham)/ Ce chapitre est à suivre directement avec celui d’Harley Quinn. Les dessins de la période passé sont largement mieux que ceux du présent et l’histoire retrace de nouvelles origines pour cet ennemi emblématique.
■ Scénario : Matt Kindt / Dessin : Sami Basri & Carmen Carnero / Couleur : Matt Milla & Jeromy Cox

Batman Harley QuinnDetective Comics #23.2 : Harley Quinn dans : Harley Couine
Au-dessus de Gotham, Harley prépare une opération secrète. Elle se rémémore son enfance puis ses premiers pas dans l’étude de la psychiatrie. Son arrivée à Arkham et sa lente descente vers la folie, tout en ayant conscience de garder une part de rationalité en elle.
Brèves origines de l’assistante démoniaque du Joker. Extrêmement plaisant à lire ! L’oscillement entre raison et folie est bien mis en avant, ainsi que la « conception » de son look. Le titre original était Harley lives (vit), moins drôle peut-être mais plus élégant que celui retenu, surtout avec le texte de la planche finale jouant l’ambigüité entre une arme et le sexe (Tire-moi !).
■ Scénario : Matt Kindt / Dessin : Neil Googe / Couleur : Will Quintana

Ces deux histoires servent d’introduction à la série Suicide Squad, dont le chapitre #24 commence dans Justice League Saga #09. Une équipe dirigée par Amanda Waller (qui dirige également La Ligue de Justice d’Amérique) et composée notamment de Deadshot et Harley Quinn, deux ennemis du Chevalier Noir. La suite de la série montrera leur point de vue pendant Forever Evil.

• À lire dans Forever Evil #01

Batman epouvantailDetective Comics #23.3 : L’Épouvantail dans : La Cité de la Peur
L’Épouvantail arpente les quartiers de Gotham City, ceux-ci sont plongés dans le noir et le chaos, Batman ayant déserté à priori la ville. La ville a été divisée en plusieurs territoires géré par un ancien interné d’Arkham, une idée du nouveau maire : Le Pingouin. Ainsi, le professeur Crane va croiser tour à tout mister Freeze, Le Sphinx (ayant pris résidence dans la bibliothèque, comme vu dans son propre récit), Poison Ivy (idem avec son nouveau territoire), Killer Croc, etc. Il propose à chacun d’eux de rejoindre La Société Secrète des Super-Vilains et prévient que le pénitencier de Blackgate a désormais ses portes ouvertes aussi et que Bane pourrait être un problème…
Sans aucun doute le meilleur chapitre de toute cette thématique. Répondant pertinemment aux autres par des échos subtiles (à Double-Face ou Le Pingouin) ou directement par les rencontres. L’atmosphère est glauque et le rendu graphique extrêmement bien soignée.
■ Scénario : Peter J. Tomasi / Dessin : Szymon Kudranski / Couleur : John Kalish
Batman BaneBatman #23.4 : Bane dans : Sombre Destin
À Santa Prisca, Bane tue plusieurs personnes avant d’entreprendre un voyage pour Gotham City. Ses contacts alliés ont libéré deux mille prisonniers de Blackgate et il déverse son venin à ses propres soldats. Il sait que les habitants n’ont plus de protecteurs et que la ville est désormais aux mains des fous d’Arkham. Ceux qu’il devra donc… combattre !
Les références à Knightfall sont nombreuses, le dessinateur de l’époque, Graham Nolan, rempile d’ailleurs pour l’occasion, ce qui est dommage, rien d’extra-ordinaire dans les dessins. Le récit est en revanche très alléchant sur ce qui se prépare.
■ Scénario : Peter J. Tomasi / Dessin : Graham Nolan / Couleur : John Kalish

Ces deux histoires servent d’introduction à la série Arkham War, ils ne sont pas du tout indépendants, à l’inverse des autres qui l’étaient plus ou moins. On comprend donc qu’il va y avoir d’un côté les prisonniers de Blackgate, avec Bane à leur tête, face aux anciens fous de l’Asile d’Arkham, qui règnent désormais sur Gotham City et dont l’Épouvantail est un peu l’apôtre de ses ex-compagnons de cellule. Un projet et une idée très… excitants !

• À lire dans Joker Anthologie

Batman JokerBatman #23.1 : Le Joker dans : l’Heure des Singeries
Le Joker capture un bébé gorille dans un zoo et va l’élever avec l’éducation qu’il aurait aimé avoir reçu. Lui qui n’a connu que la torture de sa tante…
Aucun rapport avec La Guerre des Ligues ou Forever Evil pour cette histoire consacré au Joker. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle est publiée dans son recueil anthologique. Les planches du passé du Joker (qui peuvent tout à fait être crédibles en tant que « biographie ») sont sublimes. Celles du présent un peu moins. Mais surtout, cette étrange histoire de relation avec le singe est trop étrange pour qu’on y croit… Il y avait matière à renouer avec une facette d’humanité du Joker à travers un animal par contre, dommage.
■ Scénario : Andy Kubert / Dessin : Andy Clarke

– BONUS 2 –

Les publications de six chapitres (consacrés au Pingouin, à la Cour des Hiboux, à Ra’s al Ghul & La Ligue des Assassins, au Ventriloque, à Mister Freeze et à La Fille du Joker) ne seront à priori pas disponibles en France. Voici un bref résumé pour chacun d’entre eux.

Mise à jour 03.10.14 : le chapitre sur Mister Freeze sera publié dans le magazine Forever Evil #6, qui sortira le 14 novembre !

• Le Pingouin tue trois escrocs dans son Iceberg Casino et renoue ainsi avec ses anciennes habitudes. Il décide de reprendre le pouvoir sur Gotham City.
• La Cour des Hiboux jongle entre des récits passés dans Gotham avec l’emprise des Hiboux sur la ville et au présent, pendant Forever Evil, avec un père et sa fille, tous deux membres de la Cour qui se cachent. Cette histoire trouvera son dénouement dans la série Talon, inédite en France.
• Ra’s Al Ghul reçoit la visite d’un jeune homme lui proposant d’intégrer La Société Secrète des Super-Vilains. L’immortel refuse et commence un duel sur fond de sa vie, ses origines et bien sûr les quelques évènements survenus dans Batman Incorporated. Cette histoire continue dans la série Red Hood & the Outlaws, inédite en France sauf quelques épisodes publiés dans Batman Saga parfois.
• Le Ventriloque, ou plutôt Shauna la ventriloque et Ferdie son étrange pantin propose un spectacle à Gotham, dans un des rares lieux avec de l’électricité. Confus et très étrange, ce chapitre se poursuit dans la série Batgirl, disponible dans Batman Saga tous les mois.
• Mister Freeze profite du chaos régnant à Gotham pour régler de vieux comptes avec un ancien docteur d’Arkham. Son passé et ses motivations sont également évoqués, faisant écho au récit Batman : Annual #1 – Premières Neiges, publié dans Batman Saga #10.
• La Fille de Joker ne l’est pas vraiment, elle a juste récupéré son fameux masque de visage (voir Le Deuil de la Famille) et l’a endossé. Ancienne adolescente aux goûts morbides, elle sombre davantage dans la folie avec ce visage. Elle trouve refuge dans une grotte et va essayer de se l’approprier car de nombreux habitants sont descendus y vivre vu le chaos dans Gotham. Malheureusement il y a une hiérarchie machiste qui y règne. Cette « Fille du Joker » reviendra dans le chapitre #24 de la série Catwoman.

– CONCLUSION –

Seize histoires inégales, se déroulant plus ou moins à Gotham City pendant que Batman n’y est pas et que l’anarchie est le maître mot. Il aurait été bien d’avoir un chapitre d’introduction (#0) pour expliquer cet état des lieux et faire croiser plus intelligemment certains personnages. On comprend en filigrane que Le Pingouin est devenu le maire et a divisé la ville en zones attribuées à chaque ancien aliéné d’Arkham. À moins que ce soit plus explicite dans la série Forever Evil, il est dommage de ne pas avoir montré cela (dans un hypothétique chapitre d’introduction justement). Chaque chapitre permet toutefois de retracer un peu les origines de son personnage, notamment pour les moins connus.

Ces pièces d’un grand puzzle issu de Gotham City, et d’une manière plus étendue de l’univers DC Comics, s’emboîtent plus ou moins efficacement. Le côté trop indépendant de chacune des histoires est à la fois leur force et leur atout mais vu l’ampleur de l’opération il aurait peut-être été plus intéressant de concevoir un fil narratif axé davantage sur la ville et son contrôle par zone. Ce qui a été admirablement bien fait dans L’Épouvantail et un peu dans d’autres histoires mais l’ensemble est toutefois un peu bancal. Saluons l’initiative, plutôt inédite et risquée, et continuons surtout la lecture vers Forever Evil et, pour les fans de Batman surtout : Arkham War !

Killing Joke

Retour sur une œuvre culte éditée sous plusieurs titres : Souriez ! (Comics USA en 1989), Rire et Mourir (Delcourt en 2000), La blague qui tue (en Belgique en 2001, dans un recueil d’histoires sur Batman vendu avec un quotidien) puis The Killing Joke (Panini Comics en 2009), le nom original, avant d’être publié, à nouveau, sous le sobre Killing Joke chez Urban Comics en mars 2014.

batman killing joke[Histoire]
Batman se rend à l’Asile d’Arkham pour s’entretenir avec son ennemi de toujours : Le Joker. Mais ce dernier s’est une nouvelle fois échappé…

Le Clown du Crime prend ses quartiers dans un parc d’attractions abandonné. Il kidnappe le commissaire James Gordon, tire sur sa fille Barbara et convie le Dark Knight sur les lieux dans un seul but : lui prouver que n’importe qui peut sombrer dans la folie, après avoir passé une mauvaise journée…

C’est en effet ce qui est apparemment arrivé au Joker. Son passé est dévoilé petit à petit : comique raté et bientôt père de famille, l’homme pauvre n’a guère le choix que d’endosser le costume de Red Hood et se rendre complice d’un vol qui va évidemment mal tourner…

batman joker killing joke[Critique]
La première lecture de Killing Joke est toujours délicate. Un sentiment d’effroi devant toute la folie et la barbarie du Joker mais aussi un malaise devant la planche finale sont souvent perceptibles, étrangement également « une petite déception ». En effet, l’œuvre reçoit tellement de louanges qu’on pourrait s’attendre à quelque-chose de plus long (le récit tient sur quarante-six page) et plus dense peut-être, surtout à l’association du prestigieux nom d’Alan Moore. Sauf que Killing Joke fait partie de ces histoires cultes qu’il faut lire et relire, pour en savourer pleinement le talent narratif et graphique. Car la bande dessinée assure sur ces deux terrains.

Il y a tout d’abord le scénario d’Alan Moore, le talentueux britannique maître de Watchmen, V pour Vendetta ou encore From Hell. Il dresse un portrait extrêmement sombre, mais aussi terriblement humain, du Joker au fil des cases. L’éternel dualité qui l’oppose à Batman (qui n’est pas au centre de Killing Joke) est mise en avant avec pertinence : quand cessera le combat entre le justicier et le fou ? Jusqu’où le Joker devra-t-il aller pour que Batman le tue ? Sont-ils destinés à s’affronter inéluctablement ? Le Joker peut-il devenir quelqu’un de bon ? Ces interrogations sont éparpillées, subtilement ou non, jusqu’à la fin de l’ouvrage. Juste avant une « blague qui tue » et qui amuse les deux hommes, comme deux bons copains qui rigolent autour d’un verre. Cela fait froid dans le dos. Surtout en repensant au supplice et à l’humiliation subie par James Gordon et surtout par sa fille. Blessée et handicapée (et peut-être violée) suite à l’attaque du Joker, elle sera contrainte de passer la fin de sa vie en fauteuil roulant (enfin, avant le Relaunch DC Comics). Car oui, c’est de Killing Joke dont sont tirées quelques aspects « incontournables » de l’univers du Dark Knight : le passé du Joker, le sort de Barbara, le retour de Red Hood, le côté extrêmement sombre et la dualité ambiante entre Batman et son ennemi… Tout cela est donc dû à cette œuvre, preuve qu’elle affronte les épreuves du temps avec brio. Elle a influencé les histoires de l’homme chauve-souris, aussi bien en bandes dessinées qu’au cinéma, ou en jeux vidéo et séries animées, et continue de le faire de nos jours.

joker visage avant sans masque(En haut la version recolorisée, en bas la version originale. Cliquez pour agrandir.)

Les dessins de Brian Bolland ne sont pas en reste. Le découpage très symétrique de ses planches, très certainement orientées par les story-boards d’Alan Moore qui lui sont relativement chers, et les points de vue adoptés case après case confèrent au comic-book cette originalité propre. Mention spéciale pour les vues subjectives alternées. En plus d’avoir des traits relativement modernes et qui ne « vieillissent pas » (le récit datant tout de même de 1988), l’artiste réussit à emmener le lecteur dans une ambiance poisseuse et malsaine, par sa violence inouïe (que Moore regrettera par la suite) et le silence « lourd » de certaines scènes. L’édition d’Urban Comics propose la version « de luxe » sortie en 2008. En effet, à la base c’est John Higgins qui avait colorisé Killing Joke (il avait déjà effectué un superbe travail sur Watchmen, toujours avec Alan Moore à l’écrit). Toutes les planches étaient en couleur, avec un petit côté « old-school » et plus psychédélique (on aurait aimé avoir les deux versions dans l’édition tout de même) mais avec peut-être moins « d’efficacité », en terme d’intensité du rendu, que le travail qu’a effectué par la suite le propre dessinateur Brian Bolland. Ce dernier avait reconnu avoir été déçu par ces couleurs, qu’il n’avait pas pu assurer faute d’un emploi du temps chargé (par ailleurs, il est à l’origine du projet depuis le début, c’est lui qui a proposé une histoire indépendante sur le Joker avec Moore comme auteur) et il a donc effectué la recolorisation de son œuvre, pour aboutir à la version qu’il avait en tête dès le départ. Outre de remanier les tons de façon relativement plus froide, et donc de surenchérir par le côté sombre de l’histoire, il a choisi de passer en noir et blanc toutes les scènes de flash-back, exceptés quelques éléments de couleur chaude. Le ton jaune et orange deviendra ainsi rouge vif par la suite avec le masque et la cape de Red Hood, avant que tout le personnage du Joker ne prenne des couleur lors de sa véritable naissance. Superbe.

Killing Joke Barbara Gordon(À gauche la version recolorisée, à droite la version originale. Cliquez pour agrandir.)

L’édition est à peu près la même que celle de Panini Comics, sortie cinq ans plus tôt : la préface de Tim Sale (dessinateur d’Amère Victoire, Un Long Halloween…) est proposée, ainsi que la postface de Brian Bolland (dont la fin suggère une hypothèse avancé par Grant Morrison en 2013 : Batman tue le Joker dans les dernières cases de Killing Joke !) suivi d’une courte histoire : Un parfait innocent. La confession d’un homme en apparence « bien » qui souhaite utiliser son libre-arbitre pour faire quelque-chose de « mal » : tuer Batman. Quelques croquis préparatoires, en noir et blanc et en couleur, ainsi que d’autres couvertures sur le Joker signées Bolland complète cet ouvrage, à posséder obligatoirement (13€ seulement — même si cela peut paraître un poil cher par rapport au nombre de pages de la BD en elle-même, à savoir 46) pour tous les fans de Batman, ceux qui découvrent son univers ou qui souhaitent redécouvrir cette histoire culte.

batman vs joker killing jokeNB : Pour l’anecdote, l’Homme-Mystère a vu l’assassinat de la femme du Joker (avant qu’il ne soit fou) et proposera un marché à ce dernier. C’est à découvrir dans Vengeance, une des histoires qui suivait Silence. D’un moindre intérêt évidemment, mais une curiosité (désolé pour l’article de l’époque, peu fourni, cela a bien changé depuis !).

[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 7 mars 2014.

Scénario : Alan Moore
Dessin & Couleur : Brian Bolland
Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : Christophe Semal & Laurence Hingray (Studio Myrtille)

Publication originale dans The Killing Joke – The Deluxe Edition / Batman Black & White #4 en juillet 2006. Récit originale en 1988.

► Acheter Killing Joke sur amazon.fr

Joker Killing Joke GordonJames Gordon à Batman :
– […] rattrapez-le ! Vous devez le coffrer… et faire ça dans les règles.
– Je vais essayer.
– Dans les règles, je vous dis ! Il faut lui montrer ! Lui montrer que nos valeurs prévalent !

Nightwing – Tome 04 : Sweet Home Chicago

Après les terribles évènements survenus dans Hécatombe, ce nouveau tome composé de six chapitres livre une histoire complète, plus ou moins indépendante et entièrement scénarisé par Kyle Higgins, et sans aucune doute l’un des meilleurs volumes de la série.

Nightwing 4 Home Sweet Chicago[Histoire]
Dick se rend à Chicago, où se cache apparemment Tony Zucco, l’homme qui a tué ses parents. Chicago est une ville où les justiciers ne sont pas très appréciés, tous ont d’ailleurs été tués il y a des années. L’ancien coéquipier de Batman emménage dans un appartement avec deux colocataires, dont Michael, un jeune photo-journaliste.

Avant de poursuivre plus en détails ses investigations sur Zucco, Nightwing doit affronter le Prankster, un homme masqué dont les victimes sont responsables, volontairement mais indirectement, de la mort de plusieurs personnes. Paradoxalement, Nightwing se voit obligé de lui demander son aide pour identifier l’origine d’un mail qui pourrait localiser Zucco…

Nightwing Tome 04[Critique — contient quelques révélations]
Voilà un excellent ouvrage à tout point de vue qui mérite clairement le détour. Tout d’abord ce Nightwing a un côté très « indépendant » puisque Gotham City n’apparaît pas, ni certains protagonistes classiques de l’univers de Batman. De quoi redonner un élan de fraîcheur pour la série. C’est ce qui est également fait grâce à de nombreux nouveaux personnages qui, logiquement, devraient continuer d’apparaître dans la série et d’évoluer. Notamment Michael, le colocataire, mais aussi le maire Wallace, le fameux Prankster et surtout le détective Morgan. Des individus secondaires, pourront aussi être de la partie. Bref il y a un côté nouveau départ plutôt plaisant.

Le cadre de la nouvelle ville ne change concrètement pas grand chose en terme d’utilisation graphique des lieux mais ce n’est pas problématique. Un des points forts du récit se situe dans son scénario et l’évolution intelligente de celui-ci. Kyle Higgins fournit un très bon travail. En effet, l’ennemi peut sembler quelconque au début avant de se révéler plus tard totalement fou et encore plus dangereux. De même pour Zucco, son évolution, peut-être convenue mais en même temps très logique par rapport à ce que l’on nous montre, détonne par rapport aux autres comics. Il y a une grande maturité dans ce récit, pas forcément surprenante ou originale certes, mais extrêmement plaisante. L’histoire amorce en subtilité d’autres éléments qui serviront pour la suite à priori. Ce côté maîtrisé est lui aussi pertinent. Par ailleurs, les dialogues entre Dick et ses interlocuteurs ne manquent pas d’humour et c’est ce côté amuseur, taquin (proche de Spider-Man, avec qui il partage le même goût pour les acrobaties) qui fait mouche !

Nightwing PranksterLes dessins des chapitres sont assurés par Brett Booth pour les trois premiers (#19-#21) puis par Will Conrad (#22-#24). La colorisation est effectuée par Andrew Dalhouse (Pete Pantazis pour le #24). Globalement l’ensemble reste très homogène et convaincant en terme de cohérence visuelle (la série Nightwing souffre de ce soucis : plusieurs dessinateurs interviennent dessus à tour de rôle pour de courtes périodes). Les deux artistes de ce tome offrent un très beau rendu, les planches sont belles, pleines de détails et avec parfois un découpage original et dynamique. C’est là encore un autre atout de Sweet Home Chicago : le rythme s’enchaîne graphiquement et scénaristiquement avec brio, pas de temps mort, pas de longueurs, une parfaite maîtrise de l’équilibre idéale pour une bande dessinée de ce genre. Seul regret : certains visages et corps peints par Dalhouse avec son petit côté trois dimensions.

Cela faisait longtemps qu’un comic de l’univers de Batman n’avait pas remporté l’adhésion à tout point de vue : histoire captivante, intelligente, retournements de situations, surprises, dessins sublimes, nouveaux personnages, etc. C’est donc une lecture fortement conseillée voire indispensable ! Pour les plus amateurs, ce tome ne nécessite pas forcément la lecture des précédents (même si c’est mieux évidemment) ce qui lui vaut un autre avantage. À noter : le prochain volume sera le dernier de la série, celle-ci redémarrant sous le titre Grayson juste après. L’ouvrage propose quelques couvertures originales en noir et blanc.

Nightwing Sweet Home Chicago[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 22 août 2014.

Scénario : Kyle Higgins
Dessin : Brett Booth (#19-#21) et Will Conrad (#22-#24)
Couleur : Andrew Dalhouse (#19-#23), Rod Reis et Peter Pantazis (#24)
Encrage : Norm Rapmund (#19-#21) Carlos M. Mangual (#22-#24)
Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Christophe Semal & Laurence Hingray (Studio Myrtille)

Publication originale dans Nightwing Vol. 4: Second City (The New 52) en juillet 2014.

Nightwing Spidey► Acheter Nightwing sur amazon.fr
• Tome 04 : Sweet Home Chicago
• Tome 03 : Hécatombe
• Tome 02 : La République de Demain
• Tome 01 : Pièges et Trapèzes