Catwoman à Rome

Catwoman à Rome se déroule pendant Amère Victoire et est inclus dans la compilation des travaux de Jeph Loeb et Tim Sale Des ombres dans la nuit. Attention donc à ne pas acheter en doublon ! Le titre est ressorti en récit complet le 14 janvier 2022 à l’occasion du film The Batman. Il avait déjà été publié en 2006 chez Panini Comics. La critique ci-après est celle déjà présente sur le site pour Des ombres dans la nuit.

BATMAN-OMBRES-DANS-LA-NUIT

[Résumé de l’éditeur]
Depuis qu’il est devenu le vigilant de Gotham City, le jeune Bruce Wayne a eu l’occasion de croiser de nombreux adversaires, mais depuis quelque temps, les mafieux ont cédé la place à un nouveau genre de criminel. À la suite de la Chauve-souris, ce sont des Épouvantails, Pingouins, Chapeliers déments, Chattes et sinistres Clowns qui, chaque nuit, prennent d’assaut la cité de Gotham. Autant de raisons qui obligeront un Chevalier Noir encore en formation à se forger un code d’honneur sans failles.

[Contexte — cf. Un Long Halloween et Amère Victoire pour plus de détails — attention aux révélations si vous ne les avez pas lus]
Dans Un Long Halloween, le tueur Holiday sévissait les jours de fête. Il fut identifié et emprisonné. Cette affaire eut plusieurs dénouements tragiques : le procureur Harvey Dent devint le terrible Double-Face, Carmine Falcone (le parrain intouchable de Gotham City) fut tué par Dent, sa fille Sofia se retrouva paralysée suite à une chute et un combat contre Catwoman.

Dans Amère Victoire, Selina Kyle se rend aux funérailles de Carmine Falcone. Parallèlement, son idylle avec Bruce Wayne vacille : ce dernier est froid et distant. Catwoman propose à Sofia Falcone de retrouver le corps de son père, mystérieusement disparu, contre un million de dollars. Son enquête la pousse à demander de l’aide au Sphinx, tétanisé de peur. La féline est ensuite assommée et sauvée in extremis par Batman. La relation ambigüe entre les deux prend fin et Selina/Catwoman disparaît ensuite (chapitre 5).

Elle réapparaît en fin de récit (chapitre 13 — qui aurait dû être inclus dans Des ombres dans la nuit selon le site de l’éditeur mais qui ne l’est finalement pas) où Batman, qui la suspecte d’être « la tueuse au pendu », l’interroge pour savoir pourquoi elle est proche de Sofia et où elle était passée depuis trois mois (elle quitte Gotham pour l’Italie peu après la Saint Valentin et revient en mai pour la Fête du Travail). Plus tard, on comprend qu’elle était en Italie pour enquêter sur ses origines : elle est persuadée d’être la fille de Carmine Falcone, donc la demi-sœur de Sofia et culpabilise d’avoir causé le handicap et la défiguration de celle-ci. C’est ce voyage de plusieurs semaines, où elle fut accompagné du Sphinx, qui est narré dans Catwoman à Rome.

[Histoire]
Selina Kyle envole pour Rome, accompagné du Sphinx qui — elle en est persuadée — pourra l’aider à résoudre le mystère de sa vie et ses origines. Pourtant, à peine arrivés, des signes rappelant la galerie d’ennemis de Gotham City surgissent…

[Critique]
Voilà un voyage en Italie doublement rafraîchissant. Graphiquement d’une part, grâce à ses teintes plus chaudes car ici la colorisation est assuré par Dave Stewart et non Gregory Wright (à l’œuvre sur Nuits d’Halloween et le diptyque culte). On y retrouve moins le style « à plat » conférant une ambiance sombre. La légèreté de l’ensemble est assurée par l’écriture d’autre part, avec quelques situations absurdes amusantes et des dialogues épicés agréables (le caractère de Selina lui forge une vraie personnalité intéressante).

L’objectif de Selina Kyle se devine aisément si l’on a lu Amère Victoire avant, il est donc conseillé de lire Catwoman à Rome entre Un Long Halloween et sa suite. Cela permet de mieux comprendre sa position en retrait le long de l’histoire d’Amère Victoire. Toutefois, même si l’ensemble est sympathique, on est loin d’atteindre la maestria des autres travaux du binôme artistique.

Quelques défauts sont en effet à mettre en avant : le scénario est un peu confus, le duo original (Catwoman et le Sphinx) a du mal à prendre, l’ennemie Cheetah dénote un peu par sa « fantaisie » dans un univers jusque là assez réaliste et tout va très vite (le récit s’étale sur six chapitres, chacun correspondant à une journée). Le traitement de la femme fatale est plutôt juste, même s’il y a un peu trop de poses sexistes/dénudées gratuites (accompagnées d’un humour redondant assez plombant, voire carrément beauf, sur les formes de la belle)…

L’absence du Chevalier Noir est nullement problématique, d’autant qu’il apparaît plusieurs fois sous formes de fantasme, tant l’obsession envers Batman par Catwoman est très présente. Curieusement, on comprend que Selina Kyle a beau sortir avec Bruce Wayne, elle ne réalise pas qu’il est le Dark Knight, qu’elle croise pourtant souvent sous son alias félin (surtout quand on lit les deux volumes annexes).

Néanmoins Catwoman à Rome est un spin-off intéressant (mais pas indispensable) à Un Long Halloween et surtout Amère Victoire, pour illuminer une zone d’ombre durant ce dernier. Dans un premier temps, on s’agaçait de devoir débourser 35€ pour le lire, avec trois autres histoires one-shot sur la Fête des Morts, un prix peut-être un peu trop élevé… Une édition « à part » semblait plus judicieuse et c’est ce qu’a fait Urban Comics en proposant désormais ce titre pour 16€ le 14 janvier 2022.

[À propos]
Publié le chez Urban Comics  le 14 janvier 2022.
Précédemment publié chez Panini Comics.

Scénario : Jeph Loeb
Dessin : Tim Sale
Couleurs : Gregory Wright et Dave Stewart
Traduction : Alex Nikolavitch Racunica / Ed Tourriol / Makma

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Batman – Ego

Œuvre souvent acclamée (voire considérée comme culte – pas vraiment à raison comme on le verra dans la critique), écrite et dessinée par Darwyn Cooke, Batman Ego bénéficie enfin d’une réédition (en vente le 14 janvier 2022). Le titre était sorti en 2001 chez Semic puis en 2008 chez Panini Comics accompagné du récit avec lequel il forme (plus ou moins) un diptyque : Catwoman – Le gros coup de Selina. Ce dernier avait déjà été publié par Semic en 2003, sous le nom Catwoman – Le Grand Braquage. Urban Comics le ressort également le 14 janvier sous le titre Catwoman – Le Dernier Braquage, accompagné de quelques chapitres inédits et d’autres déjà inclus dans le premier tome de Ed Brubaker présente Catwoman.

Cette critique est basée uniquement sur le récit Batman Ego de l’édition 2001 de Semic et sera actualisée début 2022 quand celle d’Urban Comics sera disponible (qui contient quatre histoires courtes de Cooke sur le Chevalier Noir en bonus : Crime Convention, Déjà Vu, The Monument et There Be Monsters).


Les couvertures respectives d’Urban Comics (2022), Panini Comics (2008) et Semic (2001).

[Résumé de l’éditeur]
Au lendemain de la dernière vague de crimes du Joker, Batman se lance à la poursuite d’un de ses sous-fifres, Buster Snibbs, dans l’espoir d’obtenir des informations sur la position de son plus fidèle ennemi. Blessé, et épuisé tant physiquement que mentalement, le Chevalier Noir sauve néanmoins in extremis le vaurien qui, paniqué à l’idée-même des représailles de son patron, met fin ses jours. Un traumatisme qui poussera Bruce Wayne dans ses derniers retranchements, aux frontières de la folie pure.

[Histoire]
Trois ans après ses premiers pas, Batman continue inlassablement de combattre le crime dans Gotham, lucide sur sa situation (il peine à changer la ville), il s’habitue tristement aux méfaits des malfrats. Le dernier en date est un massacre dans un bal de charité orchestré par le Joker. Bilan : 27 morts, le Clown du Crime arrêté et un chauffeur, Buster Snibbs, en fuite avec 400.000 dollars.

Alors que le Chevalier Noir est sur le point de stopper Snibbs, ce dernier tente de se suicider, sauvé de justesse par le justicier. Mais le calme est de courte durée, Buster Snibbs reconnaît avoir tué sa femme et sa fille, de peur que le Joker s’en prenne à elles, puis se tire une balle dans la tête, sous le regard impuissant de Batman

Traumatisé par cet évènement, Bruce entame « une plongée psychotique au cœur des ténèbres », jonglant entre son passé et son présent, où un double machiavélique, alter ego chauve-souris géante, le martèle de ses échecs et d’une morale douteuse. Le milliardaire tente de se relever…

[Critique]
Relativement court (environ soixante-dix pages), Ego est précédé d’une jolie réputation mais est-elle méritée ? Oui et non… On reviendra sur la patte graphique de Cooke, inimitable et appréciable, après s’être attardé sur le scénario. Si le titre démarre fort avec ce suicide imprévisible et sa mise en scène sanglante, la suite enchaîne certes de belles séquences psychédéliques mais un peu vaines et, surtout, avec un gros sentiment de « déjà-vu ». Bien sûr, il faut contextualiser l’année de parution de l’œuvre, l’an 2000, période où l’on a déjà évoqué la psyché de Bruce/Batman à plusieurs reprises (Killing Joke, Arkham Asylum…), flirtant avec une éventuelle schizophrénie, comme Double-Face (habilement mis en avant lors d’un passage) et son éventuel nihilisme. Relire que le Caped Crusader est responsable de la création du Joker, que le seul moyen d’en finir est de le tuer et ainsi de suite n’est guère novateur… Néanmoins, la conclusion plutôt poétique laisse une note plus enjouée au global.

L’intérêt se situe donc au niveau des planches, Darwyn Cooke imposant parfois un gaufrier neuf cases (Killing Joke à nouveau mais aussi Watchmen bien sûr et plus récemment Doomsday Clock), signant les dessins et la colorisation (en plus du scénario – son premier pour DC Comics à l’époque, bien avant son chef-d’œuvre The New Frontier (pas encore chroniqué) ou l’excellent Before Watchmen – Minutemen). On se plaît à voir son style très doux, quasiment cartoon et presque pour enfants, proche de la ligne claire européenne parfois et l’esthétique pulp’s/glamour des 50’s,  tranchant avec la brutalité des séquences d’action ou de l’emprise cauchemardesque de la créature issue de la folie de Bruce/Batman. Un alter ego impressionnant quand il est croqué en pleine page (le format Black Label devrait rendre honneur au talent de Cooke dessinateur). À ce niveau, Batman – Ego n’a pas pris une ride et « vieillit bien ».

Le problème est qu’il survole son enjeu dramatique en l’expédiant en quelques dizaines de pages seulement alors qu’il y avait énormément à dire, à faire… Néanmoins ce classicisme introspectif reste dans l’ADN de l’homme chauve-souris, pour le petit prix (16€), on aurait tort de se priver de (re)découvrir ce titre particulier. Une lecture frustrante donc malgré un voyage chromatique sympathique, on la conseillerait plutôt pour les nouveaux venus, s’intercalant aisément dans les premières années du justicier (les alliés sont absents ou figurants le temps d’une case, Alfred n’est pas là non plus).

Ce conflit intérieur semble être l’une des inspirations de Matt Reeves pour le film The Batman (prévu pour mars 2022, justifiant ainsi la nouvelle publication du comic en France) [1]. « Je voulais entrer dans la tête du personnage et m’intéresser à sa psychologie. […] Une des plongées les plus profondes se trouve dans le Batman – Ego de Darwyn Cooke, expliquait-il en août dernier. Il se confronte à la bête qu’est Batman et c’est ce genre de dualité que je recherche. Il y a beaucoup de matière avec ce qu’il essaie de faire en faisant face à sa part d’ombre et son niveau de connaissance de soi. On est capable de comprendre ses motivations, mais Batman est brisé et pourquoi il fait ce qu’il fait et les raisons qui le poussent à penser que c’est juste ont une sorte d’ancrage héroïque. Et il y a également tellement de choses qui sont motivées par des aspects de sa personnalité qu’il ne connaît pas encore… c’est ce genre de choses qui sont très connectées à la vision de Darwyn Cooke pour Ego. » On attendra bien sûr la sortie du long-métrage pour voir si les œuvres se font écho…

[1] Sept titres semblent avoir servis de matrice pour le long-métrage de Matt Reeves, cf. la seconde newsletter de François Hercouët. Sans surprise, le classique triptyque des origines (Année Un, Un Long Halloween et Amère Victoire) mais aussi le titre sur Catwoman qui y est connecté (Catwoman à Rome), le très récent Imposter (co-écrit par le scénariste du film, Mattson Tomlin) et bien sûr cet Ego et Catwoman – Le Dernier Braquage. On note d’ailleurs qu’Urban Comics a choisi de le publier le même jour (14 janvier 2022), formant deux jolies couvertures côte à côte et se démarquant de la précédente édition (Panini Comics) qui avait rassemblé les deux récits en un seul volume.

[À propos]
Publié par Urban Comics le 14 janvier 2022. Précédemment publié chez Panini Comics (2008) et Semic (2001).

Scénario, dessin et couleur : Darwyn Cooke
Traduction : Alex Nikolavitch (à confirmer)
Lettrage : (à venir)

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Batman – Ego (16€)
Catwoman – Le Dernier Braquage (23€)

La newsletter de François Hercouët, directeur éditorial d’Urban Comics & autres news

Plusieurs actualités en cette fin d’année autour d’Urban Comics, entre autres via son directeur éditorial François Hercouët.

Premièrement, avec le podcast First Print – probablement déjà connu pour les lecteurs habituels du « comic game FR » –, François est revenu dans un épisode d’octobre 2021 sur les projets d’Urban en 2022. Côté Batman on retient notamment qu’il n’y aura pas de réimpressions des tomes de la saga Knightfall et No Man’s Land… Un coup dur pour les fans mais qui s’explique aisément par une réalité du marché : ce n’est pas viable économiquement de réimprimer plusieurs milliers d’exemplaires (pour un coût rentable, il faut imprimer un certain nombre minimum de volumes) si on en vend à peine quelques dizaines chaque mois. « Heureusement » il existe trois alternatives mais qui restent frustrantes. On peut acheter en format numérique chaque tome sans problème ou bien se tourner vers le marché de l’occasion (une solution proposée par François), mais à quel prix décent ? Enfin, et cela permet d’aborder un autre sujet : il y aura une réimpression à terme dans la nouvelle collection DC Chronicles !

Le logo d’Urban Comics pour les 10 ans de l’éditeur et
la couverture du premier tome de Batman Infinite (janvier 2022), « suite » de Joker War.

Cette gamme sera initiée dès févier 2022 avec la série Batman Chronicles et notamment son premier volume : 1987 – Tome 01 (prévu le 18 février). Une collection ambitieuse qui a pour objectif de TOUT publier autour du Chevalier Noir, année par année. Forcément, la première choisie est celle du renouveau « moderne » avec les chapitres #402 à #414 de la série Batman notamment, qui inclut le célèbre Année Un (#404-407). Pour l’occasion, la charte graphique d’Urban sera entièrement revue, hâte de découvrir cela ! De facto, la multitude de chapitres des différentes séries sur le Caped Crusade, étalée sur des années de publications, va suivre – intégrant en toute logique les sagas précitées quand Batman Chronicles atteindra 1993 pour Knightfall par exemple.

Deuxièmement, François Hercouët écrit désormais une newsletter via Substack ! Pas de périodicité particulière (minimum une par mois mais davantage dans les débuts a priori) ; à l’heure de l’écriture de ces lignes, il y en a eu une première mise en ligne fin octobre puis une seconde début novembre 2021. L’occasion de découvrir quelques couvertures en avant-première et d’autres informations liées à Batman (sortie imminente du film de Matt Reeves oblige). Ainsi, les classiques incontournables Un Long Halloween et sa suite Amère Victoire vont ressortir en format Black Label (probablement en mars 2022) – ce qui ne manquera pas de faire râler quelques lecteurs ou non passionnés de Batman. On y apprend aussi les sources d’inspiration assumées pour le long-métrage.

Sept titres semblent donc avoir servis de matrice pour le long-métrage de Matt Reeves. Sans surprise, le classique triptyque des origines (Année Un, Un Long Halloween et Amère Victoire) mais aussi le titre sur Catwoman qui y est connecté (Catwoman à Rome), le très récent et excellent Imposter (co-écrit par un des scénaristes du film, Mattson Tomlin, et dont on trouve en effet des similitudes par rapport aux premières images du film dévoilées) ainsi que Batman – Ego et Catwoman – Le Dernier Braquage.

Ces newsletters sont un canal d’informations et d’échanges à ne pas manquer ! Entre transparence et exclusivités, de quoi s’offrir une pause bienvenue entre des lectures de comics : découvrir les métiers de l’édition dans l’ombre, les décisions éditoriales, etc. N’hésitez pas à vous y abonner !

Les couvertures des nouveaux récits sur Batman à venir début 2022 et de certaines rééditions.

Bonnes fêtes de fin d’année à tous, comme toujours le site évolue dans l’ombre avec des mises des index, des relectures et corrections à droite à gauche et des critiques dès que j’ai un peu de temps 🙂