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All Star Batman – Tome 1 : Mon pire ennemi

Courte série (15 chapitres rassemblés en 3 tomes), All Star Batman est écrit par l’inépuisable Scott Snyder après sa fameuse série Batman et en marge de ses autres projets (Batman Metal, Last Knight on Earth…). Ouvrant l’ère Rebirth en même temps que Batman Rebirth (scénarisée par Tom King) et Batman Detective Comics (de James Tynion IV), que vaut cet All Star Batman ? Découverte et critique.

[Résumé de l’éditeur]
Batman est chargé de transporter Double-Face hors de Gotham City mais le criminel a plus d’un atout dans sa manche. En mettant un prix sur la tête du justicier, il lance à leurs trousses tous les assassins et chasseurs de primes du pays, sans compter les citoyens ordinaires ! Menottés l’un à l’autre, Batman et Double-Face n’ont plus qu’un objectif : survivre à ce « road trip » en enfer !

[Critique]
Inutile de détailler davantage l’histoire, Urban Comics résume efficacement ce récit au rythme effréné. Comme souvent avec le scénariste Scott Snyder, le concept initial est alléchant : une course contre la montre où le justicier est en fuite accompagné de l’un de ses ennemis emblématiques, face à des vilains très secondaires mais aussi face à la population locale, alléchée par une somme d’argent en échange de l’arrestation de Batman ! La fiction ne désemplit pas au cours de ces cinq chapitres qui se lisent rapidement.

Problème : les « méchants » croisés ne font que de la figuration, à l’exception de KGBeast (renommé ici KGBête – un antagoniste puissant croisé dans la saga Knightfall et plus récemment dans Batman Rebirth) et du trio « Les blancs et les noirs », c’est-à-dire Le Pingouin, Black Mask et Le Grand Blanc. Tous les autres, des plus connus (Killer Croc…) aux moins connus (Black Spider, Crotale…), en passant par quelques têtes parfois familières comme Killer Moth (cf. Batgirl – Année Un) ou les fameux ergots de la Cour des Hiboux, se contentent d’apparaître quelques cases le temps d’un combat expéditif et pour la majorité uniquement le temps des deux premiers épisodes.

Passé ce constat, il reste tout de même une aventure plutôt originale, ici Batman fait équipe avec Duke Thomas, un allié apparu dans L’An Zéro puis Mascarade notamment, adolescent au cœur du mouvement des « We are Robin » (dans une saga assez moyenne), il s’émancipe enfin ici en étant un co-équipier de choix, se démarquant des éternels Robin pour être « quelqu’un d’autre ». En somme, un duo héroïque peu vu auparavant qui traverse le pays avec un Double-Face plutôt empathique. Au passage, Duke Thomas bénéficie d’une histoire parallèle en back-up, où il affronte Zsasz (dessinée par Declan Shalvey).

Au Manoir Wayne, Gordon est à deux doigts de découvrir l’entrée la Batcave, forçant un Alfred réticent à contacter secrètement son maître (et à surprendre indirectement son lectorat d’une manière inédite). En synthèse, tout va vite (mais c’est cool), naviguant entre passé rapproché (à base de « Deux heures plus tôt », « Trois jours auparavant », ce genre de choses…) et présent, de manière assez fluide, loin de Gotham City (la suggestion imposée sur la série) pour un découpage très cinématographique (voire digne d’un jeu vidéo).

Tout ce « road trip » est dessinée par le célèbre John Romita Jr. (fils de Romita Sr. bien entendu), un artiste clivant par son style aux traits souvent anguleux (il avait déjà signé Dark Knight – The Last Crusade). Ses visages sont rarement réussis, conférant parfois à la caricature, au niveau des lèvres notamment, et aux corps disproportionnées, à la limite du grotesque. Dans Mon pire ennemi, le dessinateur s’en sort pourtant assez bien : la plupart des personnages avancent masqués ou à visage volontairement déformé, la patte Romita Jr. passe mieux que dans d’autres œuvres (on pense à l’excellent run de Straczinsky sur Spider-Man par exemple). Le look qu’il propose pour Double-Face est plutôt original aussi. Surtout : les planches sont colorisées par Dean White qui arrive à proposer des palettes chromatiques allant de pair avec l’histoire, comprendre : violentes, sales, épousant le propos à deux cent à l’heure.

Il faut dire que Scott Snyder se lâche et ne fait pas dans la dentelle, alternant excès de langage (familiarité, vulgarité, insultes…) et démonstration de force pour appuyer son propos. Dès qu’il sort de l’action, le titre est un peu trop verbeux et on lui préfère sa balade sanglante et atypique (même si l’on a jamais réellement peur pour les héros). L’auteur expliquant en préface s’être inspiré d’un voyage avec son fils quand il a eu besoin de se ressourcer après avoir terminé ses derniers chapitres sur Batman.

Initialement le label All-Star permettait à des artistes renommés de ne pas s’encombrer de la continuité et d’avoir une approche radicalement différente de la mythologie classique du héros concerné. On pense par exemple au décrié All Star Batman – Le jeune prodige de Frank Miller, généreusement fourni en violence, singularité et « hyper sexy » – même si ça fonctionne plutôt dans le genre – on attend toujours une réédition française et la suite et fin, dessinée par Jim Lee. Scott Snyder, lui, assume poursuivre son travail dans son univers du Chevalier Noir, offrant donc une suite en marge de son propre run et des autres séries de l’ère Rebirth.

Il ne faut donc pas chercher dans ce premier tome d’All Star Batman une complexité intellectuelle mais un « petit » délire où Snyder se lâche (si à l’époque il paraissait déjà en roue libre, ce n’est rien à côté de ce qu’il a proposait par la suite, dans la saga Metal et dans Last Knight on Earth notamment !), se faisant plaisir et emmenant ses fans avec lui. C’est là tout le problème : cette aventure (la première sur trois, les suivantes étant peu reliées à priori et dessinées par d’autres artistes) se lit une fois puis s’oublie. Le plaisir est (plus ou moins) là mais vaut-il 18€ ? Difficile à dire, on conseillerait plutôt un emprunt en médiathèque, un achat en occasion ou une lecture via les magazines Batman Rebirth de l’époque pour amorcer les frais. L’ouvrage se termine, comme toujours chez Urban, par une riche galerie de couvertures alternatives, avec de superbes illustrations de grands noms comme Jock, Lee Bermejo et Jae Lee notamment.

[À propos]
Publié par Urban Comics le 15 septembre 2017. Précédemment publié dans Batman Rebirth #3 à #7 (août à décembre 2017).

Contient All-Star Batman #1-5

Scénario : Scott Snyder
Dessin : John Romita Jr., Declan Shalvey
Encrage : Danny Miki, Declan Shalvey, Tom Palmer, Sandra Hope, Richard Friend
Couleur : Dean White, Jordie Bellaire

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : Stephan Boschat (studio MAKMA)

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Dark Knight : The Last Crusade

Frank Miller continue d’enrichir son « Dark Knight Universe » en proposant un récit se situant avant The Dark Knight Returns : quand Batman opère encore dans Gotham avec son acolyte, le second Robin (Jason Todd).

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[Histoire]
Le Joker est de retour à Arkham, « pour la vingt millième fois » selon lui (sous-entendant qu’il va à nouveau s’en échapper). Les médias saluent la nouvelle et remercient Batman et Robin pour cette arrestation, tout en s’inquiétant du choix moral douteux de l’adulte Batman qui a enrôlé l’enfant-adolescent Robin dans sa quête. Cette « mise en danger d’un mineur », cet adieu à la jeunesse et à l’innocence, interroge certains journalistes.

De son côté, Bruce Wayne accuse l’âge et les combats passés, le quadragénaire se sait vieillissant et moins aguerri qu’à une époque. S’il apprécie la force de Jason Todd, il le trouve trop confiant voire arrogant et même trop violent. Le milliardaire noue une idylle avec Selina Kyle, ancienne escort-girl, qui fut tantôt alliée puis ennemie sous son alias de Catwoman avec celle de la chauve-souris.

Un de ses amis philanthrope est retrouvé mort… D’autres crimes, plus ou moins liés, convergent vers Poison Ivy. En enquêtant, le dynamique duo tombe également sur Killer Croc.

Dark Knight Jason Todd

[Critique]
Loin de la brutalité deThe Dark Knight Returns (et nettement plus réussie que les débuts Dark Knight III), cette étonnante relecture Millerienne d’une étape mythique dans la chronologie de Batman (la mort de Jason Todd par le Joker) séduit autant qu’elle agace. On retrouve la belle part aux médias pour commenter aussi bien l’actualité de Gotham que les agissement des justiciers. Pas de doute : la « patte » Miller est bien là en terme d’écriture. Les craintes de Wayne envers Todd sont justifiées et très bien équilibrées. Le premier « gros » combat (Batman face à Killer Croc) est brillamment mis en scène et, surtout, très bien écrit. On ressent le fort intérieur du Chevalier Noir, complètement dépassé par son physique qui ne suit plus… À ce titre, l’ouvrage sonne presque comme un « Année Vingt », juste avant la retraite « forcée » du Caped Crusader et son retour, des années plus tard, dans The Dark Knight Returns.

« Cet apprentissage ne devrait pas se solder par une raclée assénée par une pseudo-figure autoritaire qui n’a pourtant aucun droit de lever la main qui quiconque à Gotham… Surtout pas sur nos enfants. Parce que l’autorité sans le droit, ça n’est ni l’autorité ni le droit. »
L’Association des Mères Opposées à Batman

Pour le scénario, Frank Miller fait à nouveau équipe avec Azzarello — avec qui il co-écrit Dark Knight III, le duo s’est d’ailleurs offert une « pause » durant DK3 pour élaborer ce one-shot — et retrouve John Romita Jr., avec qui il avait collaboré, à l’aube des années 1990, sur Daredevil – Man Without Fear (L’Homme sans peur — narrant les origines du justicier avocat aveugle) en tant que scénariste (et Romita aux dessins donc). Graphiquement, c’est à l’opposé de ce que proposait l’auteur lui-même lorsqu’il officiait aux pinceaux, et c’est également très éloigné des traits d’Andy Kubert (qui rapproche son style à celui de Miller dans Dark Knight III pour garder une certaine homogénéité entre les œuvres). Romita livre une succession de cases élégantes, à la frontière entre le récit indépendant (rappelant curieusement C’est un oiseau de Teddy Kristiansen) et l’œuvre minimaliste voire intimiste. La colorisation aux tons pastel de Peter Steigerwald ajoute une douceur paradoxale avec la violence omniprésente, parfois montrée, parfois suggérée et ses effusions de sang. Du grand art.

Dark Knight Joker

Mais l’ouvrage est tellement court (64 pages !) que toutes les planches sont ensuite proposées en noir et blanc, sans encrage ni texte. Un alléchant bonus, complété par une galerie de couvertures agréables, qui dévoile le travail titanesque des artistes. Cela comble tout de même difficilement cette faible longueur du récit. Si la fin très soudaine laisse un goût amer, elle s’inscrit dans une parfaite logique de l’ensemble de l’œuvre de Miller. Pour rappel, il est dévoilé dans le très décrié (à juste raison) The Dark Knight Strikes Again, que le Joker de cet univers n’est autre que… Richard Dick Grayson. Un choix audacieux, énervant et agaçant mais qui aurait pu retrouver ici un second souffle avec une introspection différente. Cela permettrait peut-être d’apprécier sous un autre prisme cette première suite à The Dark Knight Returns. Mais il n’en ai nul fait mention ici… Si bien que cette conclusion sonne comme un ersatz alternatif plus ou moins réussi de Un Deuil dans la Famille.

Il manque clairement une (autre) histoire qui ferait la jonction « parfaite » entre The Last Crusade et The Dark Knight Returns ; ce passage où Batman s’émancipe définitivement de sa cape et où le Joker sombre dans un mutisme dépressif dans une cellule d’Arkham. Le faible équilibre restant du Batman vieillissant devenant le roc enragé et brutal de The Dark Knight Returns se dessine donc dans notre esprit, sans grande difficulté car on peut se l’imaginer aisément, bien sûr, mais en résulte une petite amertume (à l’instar de la première lecture de Killing Joke, pourtant très réussi et prouvant qu’une histoire courte se suffit pour devenir culte et n’empêche pas sa réussite, bien au contraire) ; un développement sur un autre élément aurait peut-être compenser cela.

Bruce Wayne à Selina Kyle
– Je ne veux pas m’arrêter.
– Tu es accro.
– Non, j’ai sincèrement foi en ce que je pratique.
– Tu veux dire, le déni ?
– Qui sait ? Mais la foi… Ça ne suffit plus. Mon corps me fait un mal de chien.

Le one-shot est plaisant, s’inscrit parfaitement dans l’univers Millerien mais n’est malheureusement pas aussi indispensable que son œuvre mère… À découvrir tout de même pour les amoureux de The Dark Knight Returns et, c’est à souligner, pour son faible prix (14€) même si celui peut paraître excessif par rapport à la longueur du récit. À terme, The Last Crusade (avec sa couverture un poil trompeuse) pourrait devenir le remplaçant idéal de Un Deuil dans la Famille ; en substance, la fin de l’histoire est la même, mais celle de Miller est nettement plus réussie.

Dark Knight Poison Ivy Robin

[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 27 janvier 2017.
Titre original : The Dark Knight Returns : The Last Crusade #1
Scénario : Frank Miller et Brian Azzarello
Dessin : John Romita Jr
Encrage et couleur : Peter Steigerwald
Lettrage : Stephan Boschat — Studio Makma
Traduction : Jérôme Wicky

Dark Knight Last Crusade

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Joker Last Crusade

Le point sur « Dark Knight III – The Master Race » de Frank Miller

► Mise à jour février 2016 : une page récapitulative est en ligne !

Le 25 novembre prochain, le premier chapitre de The Dark Knight III – The Master Race sera publié aux États-Unis. Il s’agit du début de la troisième (et dernière) histoire se déroulant dans le futur hypothétique instauré par Frank Miller après l’incontournable The Dark Knight Returs et sa suite directe, moins appréciée, The Dark Knight Strikes Again.

DKIII - The Race MasterThe Master Race est toujours écrit par Frank Miller (Année Un et les TDK donc) mais il sera assisté de Brian Azzarello (La Cité Brisée, Joker). Cette fois-ci, le comic est dessiné par Andy Kubert (Grant Morrison présente Batman) et encré par Klaus Janson (qui avait opéré sur le premier opus et avait dessiné certains chapitre du deuxième volet de Knightfall : Le Défi). L’histoire devrait narrer l’ultime combat entre Batman et Superman, devenu dictateur.

À priori, The Dark Knight III sera composé de huit chapitres, d’un one-shot prequel de 48 pages dessiné par John Romita Jr. (qui sera publié après le troisième chapitre — peut-être qu’il remplacera carrément le quatrième, l’information est encore floue), d’une histoire centrée sur Atom et de plusieurs courtes histoires de 8 pages se déroulant dans ce qui est désormais appelé de Dark Knight Universe (DKU), dont les auteurs seraient de « grands noms » de l’industrie.

Anniversaire oblige (on fêtera les trente ans de TDKR en 2016) et évènement de taille dans le monde des comics (il y a un avant et un après TDKR, qui a révolutionné le genre en imposant sa patte sombre et certaines nouveautés graphiques), de nombreuses variant covers (couvertures alternatives pour les versions collector aux États-Unis) ont été dévoilées (déjà 26 sur 35 de prévues au total !). Elles sont à découvrir sur l’album photo public de la page Facebook. Ci-dessous, quelques planches du premier chapitre (cliquez pour agrandir).

DKIII - The Race Master 01 DKIII - The Race Master 03 DKIII - The Race Master 04

Un premier tome sera publié en France le 4 mars 2016 comprenant les deux premiers chapitres et quelques bonus, pour 14€. Un prix qui peut paraître bas en apparence, mais si l’on extrapole qu’Urban Comics éditera un volume tous les deux chapitres, cela fera donc quatre comics à 14€ pour couvrir toute l’histoire, soit un total de 56€. Aucune idée si un intégrale est prévu une fois The Master Race terminé, la question a été posée sur la page Facebook de l’éditeur.

À noter que le jour même, une nouvelle édition de The Dark Knight Strikes Again sera en vente pour 22,50€ (la même que la précédente sans le DVD et le Blu-Ray de la seconde partie de l’adaptation animé de The Dark Knight Returs). Tout ceci sortira donc deux semaines avant le film Batman v Superman : L’Aube de la Justice, dans lequel la nouvelle mouture de Batman, interprété par Ben Affleck, est fortement inspirée par la version qu’a proposé Frank Miller il y a déjà trente ans.

► Mise à jour février 2016 : une page récapitulative est en ligne !