Archives de catégorie : Batman

Batman – The Dark Prince Charming 1/2

L’éditeur Dargaud a proposé le 3 novembre 2017 deux bandes dessinées atypiques sur Batman, une au format franco-belge et une au format japonais (manga). Au lieu de les sortir avec son label de comics Urban Comics (qui publie tous les Batman depuis 2012), elle a préféré viser un plus large public de deux façon. Ainsi, l’éditeur a mis en vente, sous son nom commun « Dargaud« , le premier tome (sur deux) — chroniqué ici — de Batman – The Dark Prince Charming de l’italien Enrico Marini, afin de fidéliser un public plutôt orienté vers la BD européenne. Un autre volume, Batman & the Justice League, est sorti sous forme de bande dessinée japonaise sous le label de mangas de Dargaud : Kana (plus précisément dans la filiale un peu plus « adule » Dark Kana).
Dargaud, Dark Kana et Urban Comics appartiennent au même groupe et ont donc fourni un travail commun de qualité (la typo en couverture du manga et du Marini est strictement la même que celles des ouvrages d’Urban Comics), le tout sous la supervision de DC Comics. Audacieux pour certains, mercantile pour d’autres (trouver un nouveau public, coïncidence avec la sortie du film Justice League, etc.), cette stratégie permet tout de même d’inviter un nouveau lectorat voire de le fédérer. Dans tous les cas c’est positif !
Retour sur le premier tome de la BD de Marini, qui a bénéficié d’une incroyable couverture médiatique.

Batman Marini  Batman Marini Collector

(La couverture de la version classique à gauche, de la version collector limitée à droite.)

[Histoire]
Le Chevalier Noir manque de peu une nouvelle occasion d’arrêter le Joker après un vol de bijoux destinés à Harley Quinn.

Peu après, une jeune femme soutient que Bruce Wayne est le père de sa fille biologique, Alina, âgée d’une petite dizaine d’année. Le milliardaire ayant refusé de payer une pension onéreuse et cette (soi-disant) ex petite-amie a prévenu les médias…

Le Clown du Crime décide alors de kidnapper Alina, 8 ans, et la maintient en vie dans un endroit secret. Batman prend cette affaire très à cœur et, avec l’aide de Gordon, se met farouchement en tête de retrouver l’enfant, quitte à être plus violent que d’habitude.

[Critique]
Une agréable surprise ! Tel est le sentiment après la lecture de cette bande dessinée au format franco-belge (donc moins paginée mais plus grande et plus large). Avec le déferlement médiatique et la grande opération marketing en place au moment de la mise en vente (fin 2017), on pouvait légitimement craindre « trop de bruit pour pas grand chose » alors que le résultat fourmille de bonnes idées. L’histoire demeure simpliste dans un premier temps : un vol de bijoux, le Joker et Harley en roue libre (et relativement drôles et cruels), Batman en réflexion personnelle sur son statut… Du classique certes, mais qui fonctionne bien grâce au découpage particulièrement dynamique de Marini, qui parvient à rendre plus vrai que nature une course-poursuite étonnante, qui n’est pas sans rappeler le film The Dark Knight. Il faut souligner ce rythme et cette vision très « cinématographique » (comme l’annonce Jim Lee en début d’ouvrage) que manie avec brio Marini.

Passé cette (longue) introduction simple mais efficace donc, le récit gagne en maturité lorsque l’idée d’une paternité nouvelle autour de Bruce Wayne survient — les fans connaissent déjà son passif avec Damian Wayne, progéniture issue d’une idylle avec Talia As Ghul dont l’univers de Marini ne semble pas s’encombrer. C’est d’ailleurs une des forces du récit qui capitalise sur un nombre minimum de têtes connues : Bruce Wayne/Batman, Alfred, Gordon, Selina Kyle/Catwoman (avec qui le milliardaire semble en couple et chacun connaît le secret de l’autre), le Joker et Harley Quinn. Killer Croc, Bullock et Montoya sont croisés. Pas de Robin, Nightwing ou autre allié super-héroïque et pas de grande galerie de vilains étoffée. Une bonne chose puisque The Dark Prince Charming peut clairement prétendre à rester dans la postérité des comics, ou plutôt bandes dessinées, cultes sous réserve que son second tome arrive à conclure brillamment son histoire (et avant une hypothétique ressortie en intégrale dans plusieurs années, qui proposerait donc un one-shot non négligeable — les dernières décennies ont prouvé que les récits sur le Chevalier Noir laissant une trace dans la mythologie de Batman sont souvent des volumes uniques).

Quid des graphismes ? Avec une prédominance de tons pastels (exécutés à l’aquarelle visiblement) tirant majoritairement vers le sépia (orange sombre) ainsi que le violet et le bleu (foncé) avec une touche de vert prononcé, l’ensemble se veut à la fois soigné et précis, tout en maintenant cette couche de couleur presque enfantine. Un étrange mélange audacieux et original, qui permet d’apprécier les traits de Marini, artiste qui ne « redéfinit » jamais réellement les silhouettes mythiques de l’univers de Batman (à l’exception honorable, peut-être, du couple criminel composé du Joker et de Harley). Ce n’est pas un défaut, bien au contraire, puisque ça permet d’ajouter une touche intemporelle là où sa touche personnelle provient principalement de sa mise en couleur, qu’on évoquait plus haut et qui donne une belle identité graphique à ce livre. L’avantage des hautes planches permet d’apprécier des décors plus flamboyants et vertigineux, plus cinématographique aussi (comme déjà précisé). Les plans de Gotham et l’aspect très urbain sont particulièrement réussis. Reste ce résultat peut-être un poil frustrant d’un encrage peu accentué, sans doute par habitude en comparaison des productions américaines.

Enrico Marini est un Italien connu pour ses œuvres Le Scorpion et Les Aigles de Rome. Sous l’égide de Jim Lee et Jim Chadwick de DC Comics, il a eu carte blanche pour proposer sa version de l’homme chauve-souris. En résulte donc cet ouvrage hybride, mi comic-book, mi bande dessinée européenne plus convenue. Pour autant, The Dark Prince Charming est (déjà) une valeur sûre justement grâce à son approche graphique originale, colorée et léchée et son scénario pour l’instant haletant. Deux versions ont été publiées pour l’occasion, une classique contenant un petit cahier graphique à la fin, et une limitée arborant une couverture différente et un autre cahier graphique, nettement plus fourni (proposant crayonnés, brouillons en noir et blanc et d’autres en couleurs) mais ne reprenant pas l’intégralité de l’autre version plus commune (étonnamment). Les complétistes devront (sans doute) attendre une version ultime rassemblant tous ces bonus et, idéalement, incluant le second tome.

[À propos]

Publié en France chez Dargaud le 3 novembre 2017 (le 1er décembre 2017 pour l’édition limitée)

Scénario & dessins : Enrico Marini

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : Eric Montésinos

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[Manga] Batman & the Justice League – Tome 02

Après un premier tome très très moyen, que vaut ce second recueil du Chevalier Noir en manga ? Globalement il n’y a que du mieux même si des défauts persistent mais on le conseille quand même. Explications.

[Histoire]
Batman affronte Orm, le frère d’Aquaman, qui veut raser la terre afin de construire un nouvel Empire.

Dans l’ombre, le Joker, Lex Luthor et un nouvel ennemi s’affaissent à composer une équipe de « super méchants » en lorgnant justement sur Orm.

Le Chevalier Noir, prompt à négocier toute aide de la part de la Justice League *, doit tout de même compter sur la coopération bienvenue d’Aquaman mais aussi de Superman et Wonder Woman.

Le jeune Rui, recueilli au Manoir Wayne, se retrouve face à sa mère plongée dans une folie démentielle, une personne que Luthor connaissait également…

* le point n’est pas explicité mais on devine que c’est suite à la mort de Robin par le Joker — un élément déjà évoqué dans le tome 1 et qui rejoint la chronologie dite « classique » de Batman.

[Critique]
Un scénario plus simple, des découpages dynamiques pour des scènes d’action réussies, la présence de nouveaux super-héros (Aquaman et Wonder Woman principalement), l’adolescent un peu agaçant en retrait… que de bons éléments pour rehausser le niveau de cette série atypique dès le second tome !

Batman & the Justice League — longuement abordé pour son aspect éditorial, historique et rapport au Japon dans cet article — séduit davantage que son premier tome, qui avait laissé une impression très mitigée. Ici, on est principalement dans de l’action pure et dure, où les mangakas excellent davantage que leurs confrères américains pour montrer des scènes de combats par exemple. Les amateurs du genre penseront d’ailleurs, forcément, à St. Seiya (Les Chevalier du Zodiaque) en voyant l’armure d’Orm et les affrontements. L’auteure ayant travaillée sur deux titres liés à cet univers, ce n’est sans doute pas anodin.

Côté graphisme, on est toujours sur des traits fins, épurés et agréables, bref un manga « classique » un peu supérieur à la moyenne. Faut-il encore accepter de ne voir que des visages androgynes pour la plupart des protagonistes et les coupes de cheveux habituelles au genre. On retrouve toujours cette musculature surréaliste pour Superman par rapport à son petit visage mais ça passe déjà « mieux ».

Les défauts se révèlent être les mêmes que dans le volet précédent mais ils occupent moins de pages donc on ferme plus aisément les yeux dessus : les fameuses « Ley Lines » convoitées par le Joker et Luthor, le héros principal (Rui) pas forcément très intéressant, les références culturelles au Pays du Soleil Levant qui dénotent un peu avec l’univers du Caped Crusader, etc.

Pour chipoter, on peut déplorer un petit manque d’avant-propos éditorial pour bien récapituler les évènements du volet précédent puisqu’un tome ne sort que tous les six mois (mais impossible de faire plus rapide puisque la version française propose l’intégralité des nouveaux chapitres dès qu’ils sont disponibles pour les compiler — un bel effort à saluer).

Ce deuxième tome est donc plus prenant que le premier, ce qui n’était pas très difficile, et inaugure du bon pour la suite. Une curiosité graphique et sympathique à découvrir !

[À propos]
Publié en France chez Dark Kana le 4 mai 2018.
Scénario : Shiori Teshirogi sous la supervision américaine de DC Comics
Dessin & Encrage : Shiori Teshirogi
Traduit et adapté en français par Rodolphe Gicquel

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Batman Metal – Tome 01 : La Forge

Article récapitulatif sur l’univers de la série et ses conséquences.

Batman Metal La Forge Tome 1

[Résumé de l’éditeur]
Enquêtant sur l’existence et les propriétés de différents métaux disséminés à travers la planète depuis des millénaires, Batman découvre un portail ouvrant sur un anti-multivers ; des dimensions parallèles où l’Histoire a déraillé et où des Chevaliers Noirs terrifiants ont supprimé les membres de la Ligue de Justice. Aujourd’hui, ces derniers décident d’envahir notre dimension.

Batman Batcave

[Histoire des deux préludes un peu plus détaillée]
Carter Hall, alias Hawkman, se souvient d’une nuit dans le désert égyptien où il a vu l’arrivée d’un mystérieux vaisseau, « un indice pour résoudre le plus grand mystère de l’humanité, forgé dans le métal ». Ce « métal N » lui a conféré la vie éternelle ainsi qu’à son épouse Shiera (Hawkgirl) mais aussi leur ennemi juré Hath-Set et une vie éternelle constituée de cycles de réincarnations infinies. Entre chaque nouvelle vie, Carter Hall visualise un cauchemar dans lequel règne le métal…

De nos jours au triangle des Bermudes, Batman sauve un professeur lors de l’éruption d’un volcan grâce à une armure spéciale et avec l’aide d’Aquaman. De son côté, Hal Jordan est chargé d’une nouvelle mission : enquêter sur une menace imminente qui prendra source… à la Bat-Cave ! Le Green Lantern s’y rend et affronte Duke Thomas, nouvel allié du Chevalier Noir.

Hawkman Hawkgirl

Michael Holt, aka Mister Terrific, est un scientifique émérite qui a passé un certain temps sur un monde parallèle appelé « Terre 2 ». À la demande de Batman, il a enquêté sur un certain mystère lié au « métal N » et revient dans le bon univers pour épauler le Dark Knight.

La menace inconnue et les mystérieuses investigations convergent vers plusieurs métaux particuliers, capable de ramener les morts à la vie, doté d’une grande puissance destructrice. Comme l’artefact, appelé dionésium, sur lequel travaille Batman en secret depuis très longtemps. Le détective a lui-même été en lien avec ce métal par le passé ainsi que deux autres.

« Le règne des Chevaliers Noirs et du véritable père de Batman (!) arrive. »

Dans l’ombre, les Immortels — dont fait partie Ra’s al Ghul — semblent veiller à dissimuler la vérité mais sont aussi prêt à intervenir  pour empêcher une catastrophe d’arriver.

« Déchirant le tissu de la réalité, l’arrivée de l’étrange métal qui va tout changer (et du démon qui s’est élevé des ténèbres et a conquis l’humanité) risque bien de modifier l’univers à tout jamais » et va nécessiter un combat extrême pour être détruit.

Batman Metal Nightmare

[Histoire de la mini-série Batman Metal]
Par le passé, à l’Âge de Pierre, trois tribus d’Hommes avaient la même soif de découverte : la Tribu du Loup, la Tribu de l’Ours et la Tribu de l’Oiseau. Mais la Tribu de la Chauve-Souris est arrivée pour imposer l’Âge de Métal.

Dans le présent, la Justice League — Batman, Superman, Wonder Woman, Flash, Green Lantern, Aquaman et Cyborg — est au milieu d’une arène de combat, en tant que gladiateurs pour Mongul (un ennemi de Superman), sur une lune et doit affronter des robots. Les justiciers n’ont pas le choix, ils sont revêtus de bouts d’armure métalliques qui bloquent certains de leur pouvoir et les ralentissent. Les machines robotiques ont été créés par Toyman (Hiro, aperçu dans les deux tomes de Superman / Batman), qui est l’esclave de Mongul, qui règne donc en maître sur l’étrange planète où s’est mystérieusement retrouvée la Justice League.

Joker Batcave

De retour à Gotham après avoir rapidement triomphé, les super-héros découvrent qu’une montagne est apparue en pleine ville lors d’une tempête d’énergie ! La mystérieuse Kendra Saunders (en réalité ex-Hawkgirl), à la tête des Blackhawks (voir All-Star Batman – Tome 2), est au même endroit et leur explique que certains lieux de la planète échappent à l’ordre normal des choses car ils sont sur une fréquence fantôme. « Des endroits où l’énergie cosmique conduite à travers le noyau métallique de la Terre s’annule, créant une sorte d’électricité statique qui dérange l’espace-temps, une poche cachée. » Elle montre une carte du multivers ; constituée des 52 univers — faits de matière et d’antimatière — connus par la Justice League. Mais le fameux métal N, émanant du mal et perpétuant le mal ne provient pas d’eux. Il viendrait du multivers noir (le recto de la carte). Le Dieu Barbatos, puissant ennemi déjà croisé par Batman (dans le cinquième tome de Grant Morrison présente Batman), est également lié à ce métal N et la venue du mal sur la Terre.

Batman s’enfuit de ses amis car il détient l’unique fragment de métal N, donc l’arme la plus puissante de tous les univers. Cela fait des millénaires que le milliardaire est aussi « mentionné / recherché » par des entités inconnus, qu’il a été exposé à plusieurs métaux et qu’il semble bien être la passerelle pouvant libérer le mal… Le Dark Knight peut compter sur sa Bat-Famille pour l’aider et même sur Swamp Thing.

Batman Metal Justice League

[Histoire de la mini-série La Résistance de Gotham]
Batman
, Superman et Wonder Woman ont disparu. Plusieurs alliés et antagonistes vont se mettre à leur recherche.

Un Chevalier Noir de Métal tient en laisse quatre jeunes Robin déformés par le même rictus que celui du Joker et assoiffés de sang. Il libère le Sphinx d’Arkham et lui propose de distribuer les cartes, « forgées grâce à la métallurgie cosmique et possédant donc un pouvoir surpuissant, pour façonner la réalité à Gotham selon ses souhaits et ceux des autres fous de Gotham ».

Damian Wayne (et son équipe des Teen Titans) va tout faire pour protéger la ville, trouvant l’aide inédite de Killer Croc et Harley Quinn (les deux membres de la Suicide Squad connaissant Gotham City) mais aussi de Nightwing et Green Arrow.

Nightwing Suicide Squad Nightwing Arrow Metal

[Critique]
Les résumés sont volontairement longs puisque les deux chapitres introduisant l’histoire s’étalent tout de même sur une soixantaine de pages, soit un tiers du livre. Force est de constater que ce début est très complexe, fascinant et déroutant.

Ce tome 1 de Batman Metal se scinde clairement en deux parties de quatre chapitres. La première propose les deux préludes (La Forge et La Fonte) et les deux chapitres de la série principale éponyme (Batman Metal). La seconde contient un chapitre de quatre séries différentes (Teen Titans, Nightwing, Suicide Squad et Green Arrow) qui se suivent et forment un arc (La Résistance de Gotham). La première partie est très pointue, multipliant les références à diverses publications de DC Comics et aux concepts de multivers — pas forcément abordables par des néophytes — et la seconde est davantage « classique » dans son évolution (une aventure de justiciers qui s’allient avec des antagonistes et combattent des ennemis), néanmoins elle reste plus original que la plupart du marché actuel et là aussi remplie de références à divers autres comics.

Batman Metal

Il y a, par exemple, des allusions à la chute au cœur de la Bat-Cave par le Joker (dans Le Deuil de la Famille) et à la Cour des Hiboux à de maintes reprises. Certaines de ses connexions permettent de porter un nouveau regard sur ces œuvres antérieures, déjà écrites par Scott Snyder à l’époque (avait-il ce plan éditorial sur le long terme ?). Les Blackhawks sont aussi de mise, ils sont apparus dans le deuxième tome d’All-Star Batman, toujours scénarisé par Scott Snyder. Indirectement, la série Detective Comics de l’ère Rebirth est aussi connectée puisque Gueule d’Argile aide Batman. Le Multivers de Morrison est évoquée en avant-propos mais pas disponible en France. Sans surprise, Crisis on Infinite Earths (et Crisis Compagnon) et même DC Anthologie sont mentionnés, ainsi que la fin de la série Justice League de la période Renaissance (où Darkseid, l’Anti-Monitor et le côté cosmique de l’éditeur étaient revenus au premier plan). Enfin, le tome 4 de Green Arrow Rebirth est annoté pour un passage anecdotique alors qu’il ne sortira sans doute qu’en fin d’année 2018. Idem pour Nightwing Rebirth 3 (le tome 1 est aussi indiqué).

En somme, beaucoup de lectures en amont pour idéalement « tout comprendre ». Si le lecteur est globalement familier de l’univers Batman à minima tout devrait être compréhensible (idéalement du monde de DC Comics, même sans avoir lu forcément tout ce qui est mentionné dans ce tome). Par contre, il est indéniable qu’un débutant, un non-connaisseur juste attiré par le prestigieux nom de « Batman Metal » (Urban Comics a vu les choses en grand avec un coffret collector, une présence au festival de musique métal Hellfest…) sera complètement perdu. C’est d’ailleurs le plus gros « défaut » du livre mais qui permet de devenir aussi un de ses plus bels atouts : sa complexité (de prime abord).

Deadman Nightmare

Réduire Batman Metal à un simple « en gros il y a des versions maléfiques de Batman qui débarquent d’un autre univers et le métal est lié au Chevalier Noir depuis pas mal d’histoires » est assez correct mais tellement dommage tant tout est dense. On assiste peut-être au plus beau travail de Scott Snyder, qui semble maîtriser ce nouveau concept et l’étendre à diverses séries avec talent. De la même manière que les références à d’autres comics, de nombreux personnages très très secondaires (dans l’univers DC) parsèment l’ouvrage : Dubbilex, Rêve des Infinis, Vandal, Dr Fate… et côté galerie de vilains, outre Nygma déjà évoqué, Mister Freeze, Poison Ivy, Talia et surtout le Joker ont la part belle. Réjouissant pour les fans.

Côté scénario donc, l’ensemble semble maîtrisé malgré les directions parfois confuses dans lesquelles le récit s’éparpille (surtout dans ses deux préludes). Ça reste fascinant et très original. Parfois déroutant devant tous les protagonistes qui se croisent ; le fil rouge restant Batman et Gotham City, avec bien sûr cette mystérieuse itération autour du « métal N » et ses conséquences. Inutile de rentrer davantage dans les détails pour ne rien révéler mais aussi parce que les longs résumés compensent cela. Le côté solitaire de Bruce est bien mis en avant, l’équipe inédite de la deuxième moitié du livre fonctionne très bien, les nombreuses bulles de texte changent des comics « habituels » qui sont moins avares sur le sujet.

Green Arrow Robin

Sous un prisme entièrement « batmanien », on sait donc que ces métaux sont déjà apparus dans les anciennes aventures du Chevalier Noir (ce qui est rappelé en fin d’ouvrage). Trois d’entre eux correspondent à un arc précis : l’électrum sert à ranimer la garde des Ergots, les assassins de la Cour des Hiboux (tomes 1 et 2 : La Cour des Hiboux et La Nuit des Hiboux), le dionésium utilisé par le Joker afin de guérir de ses blessures et par Bruce pour survivre de leur chute au fond de la Bat-Cave (tome 7 : Mascarade) et enfin le prométhium, qui alimentait la machine qui a ravivé les souvenirs de Bruce Wayne et restauré sa personnalité (tome 9 : La Relève – 2ème partie). Le dionésium était donc « la » réponse aux résurrections de Batman et du Joker » (à la fin de Mascarade). Cela arrive un peu tardivement mais apporte un jugement plus « positif » envers ces anciennes œuvres. Tout devient plus « logique » voire cohérent. On suppose également que ces métaux ont participé aux créations de diverses machines de Batman, notamment celle de clones avec un bout de métal niché dans le cerveau du Chevalier Noir.

On découvre aussi « le Batman qui rit », définit comme une « version perverse et détournée du Chevalier Noir tel que l’on connaît ». Un cauchemar vivant paradoxalement réjouissant pour les fans tant cette face diabolique à l’extrême a sans doute effleuré de nombreux lecteurs. L’extension de ce côté maléfique se traduit via des cartes du fameux métal N distribuées par ce « Batman qui rit » à quelques fous d’Arkham. Comme l’explique Mister Terrific, « le Métal Sombre de ces cartes défie toutes les lois de la science et de la raison », ce qui permet une bascule dans le registre fantastique et onirique d’une franche réussite. Anecdotiquement, les cinéphiles feront le lien entre l’influence évidente de Mad Max – Fury Road (pour certains looks de « méchants » mais aussi de scènes avec la Suicide Squad) et les gamers avec Alice, retour au pays de la folie pour quelques planches finales.

Joker Batman Metal

Où se situent donc les points négatifs de Batman Metal ? Est-ce qu’il y en a ? On l’a vu, la complexité de lecture, surtout pour les nouveaux lecteurs, apparaît comme l’unique gros point noir de ce premier tome (sur trois). Tout est extrêmement fascinant, habilement écrit et, on le répète à nouveau, très original. Reste donc la partie graphique, où bon nombre d’artistes se chevauchent pour le meilleur et… pour le très correct. Les deux préludes sont assurés par Jim Lee, Andy Kubert et John Romita Jr. On perçoit évidemment la différence de style entre chacun — avec une nette préférence pour Jim Lee, un petit bémol pour les traits d’Andy Kubert qui semble conserver une certaine approche du style de Frank Miller qu’il avait déjà opéré sur Dark Knight III et un côté mitigé pour John Romita Jr. qui se marie moins bien avec les deux autres. Néanmoins, le mix des trois reste graphiquement cohérent et plaisant. On retrouve ensuite Greg Capullo pour deux chapitres avec son style inimitable et la même équipe à l’encrage et la colorisation que celle de son ancienne série Batman. Rien à redire, tout est très propre et élégant. Les quatre derniers chapitres sont, forcément, tous dessinés par différents artistes et si, là aussi, les styles se suivent et ne se ressemblent pas vraiment, chacun a sa propre patte qui assure une jolie évolution et aucun ne fait tâche en lecture continue.

Suicide Squad

Une petite quinzaine de couvertures alternatives complètent le tome ainsi qu’une double-page qui revient sur les concepts et personnages intervenants dans Batman Metal. Cette note éditoriale aide clairement à mieux comprendre l’histoire (et sa suite) en évoquant les Blackhawks, les Challengers de l’Inconnu, les Tours des Monitors, Starman, etc.

Un œuvre forte, intéressante, qui fera date dans l’univers de Batman ET de DC Comics, pas à la portée de tout le monde mais déjà culte par ce début très prometteur. À découvrir d’urgence pour les fans du Chevalier Noir ou de l’Univers DC en général.

Robin Joker

[À propos]

Publié en France chez Urban Comics le 25 mai 2018.

Contient : Titres VF [VO]

01. Prélude : La Forge [Dark Days : The Forge #1]
02. Prélude : La Fonte [Dark Days : The Casting #1]
03. Batman Metal – Chapitre 1 [Dark Nights : Metal #1]
04. Batman Metal – Chapitre 2 [Dark Nights : Metal #2]
05. La Résistance de Gotham – Chapitre 1 [Teen Titans #12]
06. La Résistance de Gotham – Chapitre 2 [Nightwing #29]
07. La Résistance de Gotham – Chapitre 3 [Suicide Squad #26]
08. La Résistance de Gotham – Conclusion [Green Arrow #32]

Batman Metal Team

Scénario : Scott Snyder (01-02-03-04), James Tynion IV (01-02), Ben Percy (05), Tim Seeley (06), Rob Williams (07) et Ben Percy & Josh Williamson (08).
Dessin : Jim Lee (01-02), Andy Kubert (01-02), John Romita Jr. (01-02), Greg Capullo (03-04), Mirka Andolfo (05), Paul Pelletier (06), Stjepan Sejic (07) et Juan Ferreyra (09).
Encrage : Scott Williams (01-02), Klaus Johnson (01-02), Danny Miki (01-02), Jonathan Glapion (03-04), Mirka Andolfo (05), Andrew Hennessy (06), Stjepan Sejic (07) et Juan Ferreyra (09).
Couleur : Alex Sinclair (01-02), Jeremiah Skipper (01-02), Fco Plascencia (03-04), Romulo Fajardo Jr. (05), Adriano Lucas (06), Stjepan Sejic (07) et Juan Ferreyra (09).

Traduction : Edmond Tourriol (Studio Makma)
Lettrage : Stephan Boschat (Studio Makma)

Batman Fight Capullo

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