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Justice League : No Justice

Après les évènements dans Batman Metal, plusieurs « suites » (lisibles indépendamment) sont à découvrir. La série dérivée Le Batman Qui Rit mais aussi ce one-shot, No Justice, dont deux nouvelles séries en découlent : New Justice et Justice League Dark (Rebirth). Que vaut ce volume unique qui « remanie » la fameuse Ligue ?

[Résumé de l’éditeur]
Après la destruction du mur cosmique de la Source, Brainiac attaque une fois de plus Metropolis et force la Ligue de Justice à trouver de nouveaux alliés pour le contrer. Son but ? Les préparer à affronter les Titans Oméga : des entités représentant les énergies qui régissent l’univers tels le Merveilleux, la Sagesse, le Mystère et l’Entropie. Chacune des entités tient à reverser les autres afin de devenir la seule puissance régentant la création.

[Histoire]
Brainiac
, un ennemi de Superman extrêmement intelligent, est sur Terre. Mais il ne vient pas pour combattre la Ligue de Justice « classique », il vient les chercher pour l’aider à détruire quatre frères. Quatre Dieux cosmiques surpuissants. Les Titans Oméga. Chacun incarnant l’une des énergies fondamentales de la vie. L’Entropie, la Sagesse, le Merveilleux et le Mystère. Ces frères considèrent les univers comme un jardin géant, un terrain de jeu où ils plantent leurs graines cosmiques. Comme les super-héros ont brisé le Mur Source de la frontière du Multivers connu (dans Batman Metal), les Titans Oméga sont de retour pour voir quelle énergie, donc quel Dieu cosmique entre eux quatre, l’emporterait sur les autres. Comme l’a résumé Aquaman : « notre univers est comme un aquarium qu’on aurait vidé dans l’océan. Nous sommes un banc de poissons rouges qui tente de lutter contre les requins…« 

Sur Colu, la planète de Brainiac, ce dernier a conçu quatre équipes, incluant aussi bien les justiciers de la Terre que certains de leurs ennemis, pour combattre les Titans. Brainiac les « force » à coopérer et sauver Colu car s’ils perdent, la prochaine planète victime des Titans sera la Terre. Ainsi, quatre nouvelles « League » émergent.

L’Escadron Entropie est composée de Batman, Lobo, Deathstroke, Lex Luthor et Changelin (Garfield Logan, le métamorphe des Teen Titans). L’Escadron Mystère de Superman, Starfire, le Limier Martien, Starro et Sinestro. L’Escadron Merveilleux regroupe Wonder Woman, Zatanna, Dr Fate, Raven et Etrigan. Enfin, l’Escadron Sagesse combine Flash, Cyborg, Robin, Atom et Harley Quinn.

Intelligence, puissance, magie et vitesse se dressent donc sur Colu pour sauver la Terre. Sur cette dernière, Green Arrow et Supergirl veillent… De son côté Amanda Waller prépare la Force Spéciale XI, composée des télépathes les plus puissants du monde (qu’elle a enlevé dans Justice League vs. Suicide Squad — un comic très « blockbuster sympathique », critique prochainement en ligne) pour pirater Brainiac une bonne fois pour toute.

[Critique]
No Justice se divise en quatre chapitre et un cinquième en marge (DC Nation #0) qui a été incorporé en ouverture de l’ouvrage. Ce qui… gâche un peu le suspense et les compositions inédites des équipes puisqu’elles sont dévoilées immédiatement durant ce flash-forward (une séquence censée se dérouler plus tard dans l’histoire). Néanmoins le comic se lit bien et rapidement (moins de 150 pages au total) et reste hyper accessible, aussi bien pour ceux qui n’ont pas lu Batman Metal (il n’y a vraiment pas besoin), que pour les fans dédiés à Batman uniquement ou pour ceux qui s’aventureraient chez DC (même si, clairement, vu la palette très large de personnages, c’est peut-être ardu si on n’en connait pas beaucoup).

D’ailleurs, si cette galerie de protagonistes est séduisante, quelques étrangetés sont à constater : Aquaman n’est pas sélectionné par exemple mais Harley Quinn et Robin (Damian Wayne) oui… Et tous les autres super-héros sont dans un coma causé par Brainiac, une solution un peu facile pour justifier l’injustifiable… D’autres points sont à déplorer.

Le récit est faussement épique. Le périple commun des héros et antagonistes assure de bons moments dans son second acte mais tombe à plat dans son dernier (l’affrontement avec les Titans — de simples figurants presque — n’a pas vraiment lieu). La résolution à coup d’arbres magiques est un peu facile et expéditive.

L’ensemble est également faussement révolutionnaire. Cette aventure commune va « simplement » générer de nouvelles ligues qui seront à découvrir dans trois autres séries (dont deux disponibles en France)  : une Justice League repensée malgré une composition somme toute convenue (Le Limier Martien en leader puis Batman, Superman, Flash, Green Lantern (John Stewart) et Hawk Girl, ainsi que Wonder Woman, Cyborg et Aquaman aux débuts — à lire dans New Justice), une Justice League « Dark » (Wonder Woman, Zatanna, Swamp Thing, Bobo/Detective Chimp et Man-Bat — dans Justice League Dark Rebirth) la Légion Fatale (dirigée par Lex Luthor, avec Sinestro, Grodd, Black Manta, Cheetah et le Joker). Une autre équipe, inédite en VF, est à découvrir dans Justice League Odyssey (Cyborg, Starfire, Green Lantern (Jessica Cruz), Darkseid (!) et Azrael).

Malgré ces faiblesses (nombreuses), le récit fonctionne quand même assez bien. Grâce au matériel inédit (ces rapprochements surréalistes, avec un humour certain, dans le duo entre Lobo et Changelin par exemple) et au côté « mainstream » assumé de l’œuvre. Beaucoup d’action, beaucoup de couleurs. On est en terrain connu et conquis pour les fans pas forcément trop exigeants. Le rythme est bon, les échanges aussi, tout se lit aisément, à l’inverse des récits récents de Snyder, toujours trop bavard, confus et inutilement compliqué. En lisant tous ses events à la suite, ce No Justice apparaît comme une bouffée d’air frais ! Il est ici accompagné de ses fidèles acolytes James Tynion IV et Joshua Williamson, peut-être responsable de cette fluidité narrative bienvenu.

Par ailleurs, une certaine place est accordée au Limier Martien, à Starro et à Cyborg. Un aspect bienvenu (Cyborg était déjà mis en avant dans le dernier volume de Batman Metal) qui redonne une position forte au Limier Martien, très très en retrait (voire inexistant) dans beaucoup de productions récentes DC. Ce come-back ravira les fans.

Le véritable atout de la bande dessinée réside dans sa partie graphique. À tous niveaux : les dessins de Francis Manapul (déjà à l’œuvre sur l’agréable Batman – Anarky) et la colorisation très vive, tour à tour chaude et froide, spectaculaire, sublime. Les découpages sont dynamiques, sans temps mort (couplé à la narration fluide) et de nombreux dessins s’étalent sur un format horizontal, donc en double page. Un vrai régal !

Malheureusement, les dessins du troisième chapitres sont partagés entre Riley Rossmo et Marcus To. L’un des deux (Rossmo visiblement) gâche complètement le travail de ses confrères avec des visages difformes et hideux ainsi que des corps aux proportions grotesques (surtout chez Wonder Woman, cf. images ci-après). Un véritable loupé qui n’est que sur quelques planches mais c’est fort dommage…

Des couvertures alternatives ferment le comic en bonus, on regrette qu’il n’y ait pas les dessins d’ébauches des teams et de leur couleur prédominante des costumes (pourtant bien présentes dans l’édition américaine). Les collectionneurs auraient appréciés aussi une sorte de jacquette/couverture réversible pouvant proposer quatre magnifiques couvertures (une par Escadron — visibles en toute fin et qui peuvent être de jolis fonds d’écran, servez-vous !), mais cela aurait gonflé le prix relativement faible (15,50€), pas de quoi chipoter donc.

No Justice n’est donc ni révolutionnaire, ni indispensable mais plaisant et rapide à lire comme un blockbuster sympathique, aux dessins agréables et aux nombreuses couleurs vives pour une histoire inédite mais un peu convenue.

[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 8 mars 2019

Contient Justice League : No Justice #1-4 et DC Nation #0

Scénario : Scott Snyder, James Tynion IV et Joshua Williamson
Dessin : Francis Manapul, Jorge Jimenez, Riley Rossmo et Marcus To
Encrage : Hi-Fi et Alejandro Sanchez

Traduction : Edmond Tourriol
Lettrage : Stephan Boschat et Cyril Bouquet (Studio MAKMA)

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Batman Metal – Tome 03 : Matière Hurlante

Article récapitulatif sur l’univers de la série et ses conséquences.

Suite et fin de la « révolution métal » de DC Comics dans ce troisième tome. Après un premier volet original, audacieux mais très indigeste et (inutilement) complexe, puis un second mieux rythmé, singulier et plaisant, que vaut cette ultime salve ?

[Résumés de l’éditeur]
Tome 01
: Enquêtant sur l’existence et les propriétés de différents métaux disséminés à travers la planète depuis des millénaires, Batman découvre un portail ouvrant sur un anti-multivers (le « Multivers Noir », nda) ; des dimensions parallèles où l’Histoire a déraillé et où des Chevaliers Noirs terrifiants ont supprimé les membres de la Ligue de Justice. Aujourd’hui, ces derniers décident d’envahir notre dimension.

Tome 02 : Alors que les plans de Barbatos concernant Batman apparaissent au grand jour, ses agents du Multivers Noir pénètrent notre réalité et confrontent leurs membres référents de la Ligue de Justice. Mais qui sont en réalité le Dévastateur, Red Death, la Noyée ou bien encore le Batman qui Rit, ces Chevaliers Noirs qui tous semblent être une version déformée du plus grand des justiciers, Batman ?

Tome 03 : Les Chevaliers Noirs contre la Ligue de Justice : le Multivers contre le Multivers Noir. Alors que Batman et Superman se retrouvent capturés et prisonniers d’une des tours de Barbatos, les derniers super-héros libres tentent tant bien que mal de réunir les différents métaux capables de leur assurer une victoire décisive et de leur permettre de sauver de l’extinction les nombreuses réalités parallèles.

Ce dernier tome se divise de la façon suivante : De la bouche de l’enfer (quatre chapitres provenant de plusieurs séries (The Flash #33, Justice League #32 et #33 et enfin Hal Jordan and The Green Lantern Corps #32), la série mère Batman Metal (ses trois derniers chapitres), entrecoupés d’épisodes en marge comme Retrouvé (sur Hawkman) et La Traque Sauvage (sur Les Chevaliers Noirs).

[Histoire]
Sept jours après l’apparition du Mont Challenger à Gotham City et des Chevaliers Noirs de Barbatos (menés par le Batman Qui Rit), Superman rejoint Batman dans le Multviers Noir pour le sauver (déjà vu en fin du volume précédent).

Trois équipes de super-héros se rendent à divers endroits afin de récupérer du « Métal N », qui pourrait vaincre les sbires de Barbatos. Wonder Woman, Kendra et le Dr Fate vont au rocher de l’éternité. Green Lantern et Mister Terrific dans l’espace vers l’empire Thanagarien. Aquaman et Deathstroke dans les profondeurs enfouis de l’Atlantide. Mais très vite, tous vont affronter les Chevaliers Noirs maléfiques. Murder Machine et Devastator retrouvent Steel et Flash (qui avaient aidé Superman à rejoindre le Multivers Noir). Soudainement, Cyborg réapparaît aussi…

Très vite, tout le monde est séparé et la Justice League doit compter sur chacun de ses membres, à l’exception de Batman (disparu) et Superman (piégé dans le Multivers Noirs). Ainsi, Wonder Woman, Flash, Green Lantern, Aquaman et Cyborg sont les derniers espoirs de l’humanité et du Multivers. Chacun débarque dans une Batcave bien particulière…

[Critique]
Cette conclusion est une semi-réussite (ou un semi-raté, c’est selon). Les délires de Scott Snyder vont dans trop de sens et plusieurs ne fonctionnent pas, beaucoup éparpillés depuis le début de la série et certains condensés dans sa dernière ligne droite (la deuxième moitié de ce livre) : les vibrations au rythme de la musique (Batman « Metal » si on n’avait toujours pas compris…), l’échappée littéraire de Sandman, la profusion de personnages secondaires pas forcément connus de tous les lecteurs sans qu’ils soient habilement introduits (Raven, les Metal Men, Mr Terrific, Plastic Man…), le (trop grand) rôle étonnant de Hawkman, la puissance des singes (!), une 53ème Terre en deus ex machina (avec foule de Batman : celui du Dark Knight Returns, de Vampire, de Red Son… mais hélas pas du tout exploités), un autre coup magique pour se sortir de tout ce bordel (qu’on ne dévoilera pas ici mais d’une paresse intellectuelle et bêtise confondante presque), un Dragon Joker (si, si !), les tribus préhistoriques, des nouveaux métaux indispensables, la répétition multiple de la phrase « toutes les routes mènent aux ténèbres » et ainsi de suite. Difficile de ne pas être perdu ou de trouver tout ça très cohérent et palpitant.

Néanmoins, d’autres éléments, plus positifs, sont à retenir. À commencer par toute la première moitié du livre qui fonctionne très bien avec les recherches et aventures des membres restants de la Justice League (sans Batman et Superman donc). La résolution du combat entre le Batman Qui Rit face à deux adversaires inédits (et, in fine, logique) est plutôt jouissive et limite culte. Le spectacle visuel et épique de l’acte final, malgré sa bouillie narrative et complexe, vaut aussi le détour.

Comme souvent chez Snyder (tout comme J. J. Abrams au cinéma et à la télévision), on sait débuter ses récits par des concepts soignés, originaux et intrigants mais on ne sait plus trop comment les résoudre en cours de route. C’est évoqué en conclusion : toute cette guerre n’est finalement qu’un commencement (voir fin d’article pour les conséquences). À l’instar des deux volets précédents, l’auteur pioche dans quelques épisodes de DC Comics des avatars plus ou moins populaires. Hawkman et ses réincarnations (un support matériel artistique peu publié en France), le démon Onimar Synn (vu dans Infinite Crisis), l’étoile de mer maléfique Starro (Justice League Anthologie, DC Comics Anthologie) ou encore le vaisseau Ultima Thule (Final Crisis). Ce travail rappelle évidemment celui de Grant Morrison (qui a aussi contribué au dernier chapitre Batman Metal) et ravira les fidèles de longue date. Chez les autres, cela passera sans doute moins bien (tout comme la lecture du run de Morrison par des non-initiés).

Niveau protagonistes, une certaine diversité équilibrée se dégage. Flash, Green Lantern et Cyborg occupent une place importante durant le premier tiers du livre. Une aubaine pour Cyborg, souvent relégué à un rôle très secondaire au sein de la Ligue. Hawkman/Carter est au premier plan à la moitié de l’ouvrage lors du chapitre qui lui est consacré. S’il est moins plombant que d’autres, il reste expéditif, offrant un aparté au moment où Superman et Batman le rejoignent, à la Forge. On retrouve ensuite le singe Bobo/Detective Chimp et (brièvement) les Metal Men puis le fameux Batman Qui Rit et ses Chevaliers Noirs. Wonder Woman est à nouveau la super-héroïne de choc pour la confrontation finale (un peu comme dans La Guerre de Darkseid). Étrangement, on aurait aimé suivre Lex Luthor aussi dans ce gros bazar (on apprend d’ailleurs qu’un Bruce Wayne a fusionné avec Luthor dans une des dimensions du Multivers Noir — on veut le découvrir !) et visiblement les quelques morts semés sont vite oubliés (comme Mera, qui ne réapparaît pourtant pas malgré un Aquaman qui continue d’être tout sourire à la fin…).

Une fois de plus, c’est la folie concernant les équipes artistiques. Outre Scott Snyder et James Tynion IV à l’écriture, d’autres auteurs se succèdent : Josh Williamson, Robert Venditti, Jeff Lemire et, comme déjà évoqué, Grant Morrison. Aux dessins, sur la série principale, Greg Capullo est en moyenne forme : ses différents visages sont trop ressemblants, ses figurants sont dans un style graphique proche d’un brouillon de Miller… Toutefois, son ultime chapitre est dantesque par ses batailles et combats homérique. Une dizaine d’autres artistes alternent les planches du volume : Liam Sharp, Doug Mahnke, Howard Porter, Jorge Jimenez, Ethan Van Sciver, Tyler Kirkham, Mikel Janin, Byan Hitch et Alvaro Martinez. Et autant aux couleurs bien sûr.

Toute cette épopée (l’entièreté de Batman Metal) est donc parfois lourdingue, parfois plaisante, certes audacieuse et assez originale mais plombée par une lecture pénible et des enjeux incompréhensibles avec des explications confuses ; à l’image de ce troisième tome, épuisant. On retient donc surtout le deuxième, centré sur les Chevaliers Noirs fous, comme pépite singulière et passionnante. D’une manière générale, ce sont d’ailleurs les chapitres des séries connectées et non de la principale qui sont les plus réussis, un comble ! Le Batman Qui Rit reste sans nul doute la meilleure création de l’ensemble, un nouvel antagoniste charismatique, effrayant et paradoxalement séduisant.

D’autres titres se déroulent après Batman Metal (l’épilogue laisse peu de places au doute de certaines conséquences de toute façon) ; à commencer par le one-shot No Justice, qui débouche ensuite sur la série New Justice (équivalent de relaunch de la Justice League). La série dérivée Le Batman Qui Rit se suit en un tome éponyme (plus ou moins indépendant) puis un second (idem), intitulé Les Infectés, qui se situe en marge de  Justice League : Doom War. Enfin tout cela converge vers Death Metal, prévu en France d’ici la fin de l’année.

[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 2 novembre 2018.

Scénario : collectif (voir article)
Dessin : collectif (voir article)
Encrage additionnel : collectif
Couleurs : collectif

Traduction : Edmond Tourriol (Studio Makma)
Lettrage : Stephan Boschat (Studio Makma)

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Batman Metal | Tome 01 : La Forge
Batman Metal | Tome 02 : Les Chevaliers Noirs
Batman Metal | Tome 03 : Matière Hurlante

Le Batman Qui Rit

Article récapitulatif sur l’univers de la série et ses conséquences.

Apparu dans Batman Metal, le personnage charismatique du Batman Qui Rit poursuit sa croisade contre Batman/Bruce Wayne dans un volume indépendant qui se déroule après la fin de la série mère (le volume trois de Metal donc). Toujours écrit par Scott Snyder, que vaut cette incursion ?

 

(À gauche, la couverture classique, dessinée par Ben Oliver,
à droite la version croquée par Jock pour l’édition limitée en vente au Comic Con 2019 de Paris.)

[Histoire]
Le Batman Qui Rit a survécu à son combat contre Batman et le Joker. Il débarque à Gotham City avec un nouveau Bruce Wayne maléfique : le Grim Knight. Dans le monde initial de ce Chevalier Noir, ce Bruce/Batman utilise des armes à feu et tue de sang-froid tous les criminels (il avait abattu Joe Chill avec sa propre arme juste après le meurtre de ses parents).

Le Batman Qui Rit et Grim Knight ont un double plan. D’un côté faire de Bruce Wayne un nouveau Batman Qui Rit en le fusionnant avec une toxine du Joker qui se libère une fois qu’il meurt. D’un autre évidemment détruire la ville…

Plusieurs cadavres sont retrouvés par Batman : tous ont son ADN et sont donc des Bruce Wayne provenant d’autres mondes. Qui sont-ils exactement et pourquoi sont-ils arrivés ici ?

[Critique]
Un des rares éléments les plus réussis de Batman Metal était le fameux Batman Qui Rit (et ses fameux Chevaliers Noirs). On se plaît donc à le revoir ici au premier plan, face à « notre » Batman. Les huit chapitres qui forment ce volume unique (qui appelle à une suite mais peut effectivement être lu de façon indépendante) sont une plongée violente et passionnante dans une course contre-la-montre, certes tirée par les cheveux (comme souvent chez le même auteur, Scott Snyder), mais dotée de bons ingrédients.

On retrouve en premier lieu un triptyque efficace contre le Mal : Batman, Alfred et Gordon. Ce côté « à l’ancienne » est accentué par la présence quasi mystique du Joker et du Grim Knight. Cela forme une approche très terre-à-terre et brutal, très efficace puis paradoxalement rejointe par l’aspect horrifique, fantastique et presque science-fiction du Batman Qui Rit. Un mélange des genres plutôt bien géré.

Malgré certaines qualités narratives (l’originalité du début — sincèrement réussi —, l’empathie envers les personnages…), d’autres séquences d’écrituer viennent plomber un peu le récit. Le dernier tiers du livre est interminable et confus. Snyder retombe dans ses explications alambiquées et vers un statu quo somme toute classique (comme trop souvent avec lui, hélas). Le scénariste continue aussi d’explorer son propre BatVerse avec cette « incompréhensible » Cour des Hiboux (vite mise hors-jeu pourtant, donc presque figurante) et Gotham elle-même dans un rôle majeur.

On trouve (avec malice) dans cette histoire une suite plus ou moins officielle à l’excellent Sombre Reflet, première histoire du Chevalier Noir écrite par Snyder et dessinée également par Jock. En effet, James Gordon Jr. tient un rôle important ici, permettant de voir ce qu’il était devenu. Bouclant ainsi la boucle, comme le laisse entendre l’auteur en avant-propos. Il explique aussi que Le Batman Qui Rit se déroule en parrallèle de son autre série qu’il scénarise : New Justice. Nul besoin de la connaître pour comprendre les éventuelles connexions (à chaud on en voit même aucune si on est vierge d’informations sur New Justice).

Le dessinateur Jock livre des dessins de bonnes factures avec son style inimitable : ses traits anguleux, droits et sa violence graphique. Malheureusement, il n’est pas au sommet de son art (cf. certaines illustrations de cet article, avec une petite galerie à la fin — même si les plus « belles» ont été sélectionnées —, et à l’exception de l’image ci-après et d’une autre, facilement identifiables, signées Eduardo Risso). La faute aussi à des décors parfois pauvres ou des fonds vides et à peine colorisés. Il manque quelques dessins en pleine planche ou double-pages où Jock aurait laissé son talent casser les rétines des lecteurs. Attention, ce n’est pas raté, loin de là (à nouveau se référer aux images de ce papier), mais quand on connaît le travail de l’artiste, on est un petit peu déçu de ne pas le voir déployer plus grandement son art.

Néanmoins l’ambiance sombre de l’ensemble est un des points forts du comic-book. Par contre le lettrage et la colorisation de celle-ci sont un point faible, car cela donne parfois du texte rouge sur fond noir ou gris plutôt illisible. À l’image de l’antagoniste croqué de façon brouillonne en fin de volume (un effet volontaire mais qui tombe à plat). Eduardo Risso (Cité Brisée, Dark Night…) assure le chapitre consacré au Grim Knight, dans deux styles nettement différents et bienvenus.

Le Batman Qui Rit mérite le détour pour ceux qui veulent connaître ce personnage en évitant la lecture indigeste (et coûteuse d’une certaine façon) des trois volets de Batman Metal — on peut tout de même en lire le second tome puis celui-ci. Étonnamment accessible, sa première partie est franchement plaisante, rappelant et offrant une suite à Sombre Reflet, comme un polar efficace. Sa seconde partie, hélas, est interminable, inutilement compliquée et parfois bâclée. L’ensemble reste prenant tout de même avec beaucoup d’action, un rythme en demi-teinte et une certaine approche de l’horreur, tranchant radicalement avec les aventures « classiques » du Chevalier Noir.

Le Batman Qui Rit reviendra en 2020 nous informe la dernière page, il s’agit du « tome 2 » : Les Infectés, prévu en avril prochain (même si aucun numéro n’est écrit sur le livre, de même que sur celui-ci).

[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 15 novembre 2019.

Scénario : Scott Snyder (avec James Tynion IV pour The Grim Knight)
Dessin : Jock (Eduardo Rysso pour The Grim Knight)
Couleurs : David Baron et Dave Stewart

Traduction : Edmond Tourriol
Lettrage : MAKMA (Stephan Boschat, Sabine Maddin)

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Le Batman Qui Rit