Archives par mot-clé : Howard Porter

Batman & Robin Dynamic Duo – Tome 1 : L’heure de la réconciliation

Nouvelle série centrée sur le célèbre duo dynamique avec Damian Wayne dans le rôle de Robin et s’inscrivant dans la poursuite de l’ère Infinite (sans avoir besoin de les connaître), donc après les séries Robin Infinite (trois tomes) puis sa conclusion Shadow War – des titres chapeautés par Joshua Williamson, à l’œuvre également sur ce premier opus réjouissant. Critique.

[Résumé de l’éditeur]
Les plus monstrueux voyous de Gotham s’associent et transforment la ville en une véritable jungle urbaine ! Le duo d’aventuriers formé par Batman et Robin doit anéantir le cerveau de l’opération criminelle. Mais un vilain, jusqu’alors inconnu, ourdit une vengeance contre le Chevalier Noir lui-même. Le jeune Damian, face à ses propres obligations scolaires, peut-il aider son père à éteindre cette menace avant qu’il ne soit trop tard ?

[Début de l’histoire]
Damian
vient habiter chez Bruce, dans son appartement à Gotham City. La relation père/fils va donc évoluer dans ce nouveau cadre.

En parallèle, ce dynamique duo doit retrouver le Dr Kafira, enlevé par le Lapin Blanc.

Qui se cache derrière réellement derrière ce kidnapping et pourquoi ?

Les activités nocturnes occupent les deux justiciers tandis que Damian fait ses premiers pas dans un lycée et tente de s’intégrer comme il peut dans l’établissement scolaire où il est clairement en décalage…

[Critique]
Enfin une chouette aventure simple mais efficace de Batman et Robin ! Loin du Chevalier Noir abîmé et torturé des deux autres séries de la continuité (le run de Zdarsky dans Dark City, celui de Ram V dans Nocturne). L’introduction de la bande dessinée permet de raccrocher les wagons avec le passif des deux personnages, à la fois dans une préface de Jean-Marc Laîné et dans quelques cases explicatives, notamment de la nouvelle habitation de Bruce Wayne et quelques mentions à l’évolution de Damian.

Le fils habituellement insupportable a particulièrement bien muri (on peut d’ailleurs le qualifier d’adolescent) durant la série Robin Infinite notamment (en dépit des faiblesses de celle-ci). Ici, le jeune homme est moins impulsif, plus consciencieux, aussi bien dans son travail que dans sa relation avec son père. C’est tout bonnement ultra plaisant (surtout quand on n’apprécie pas des masses ce jeune Robin initialement). Sa complicité avec un Bruce lui aussi assagi fait chaud au cœur tout en étant extrêmement efficace dans la narration – le rythme est très bien équilibré et on ne sent pas le temps passé en lisant cette histoire un peu rocambolesque.

C’est le point faible de l’ouvrage, l’intrigue n’est clairement pas à la hauteur. Le duo cherche à secourir un docteur, enlevé visiblement par Lapin Blanc. Qui ça ? Jaina Hudson, une vague antagoniste très très secondaire, créée dans le moyen Batman – Le Chevalier Noir il y a une douzaine d’année et qui avait disparu aussitôt être apparue sans bénéficier de véritable parcours. Mais ce n’est pas elle le plus important (on est d’ailleurs pas certain qu’il s’agisse de la même personne), c’est l’équipe d’ennemis qui gravite autour d’elle, en tant qu’alliés ou non, tous liés à la faune. D’un côté Killer Croc, Orca et Man-Bat, d’un autre le fameux trio infernal (initiée dans la série d’animation de 1992) où, cette fois, les trois hommes se cachant derrière des masques de renard, requin et vautour sont désormais de véritables hommes-animaux !

Pourtant c’est une nouvelle personne à la tête de ceux-ci qui est mise en avant, une certaine Soupir, s’inspirant potentiellement de Silence (cf. le comic éponyme) ! On ignore à ce stade s’il y a vraiment un lien. La fin suggère une identité « cohérente » et connectée au passé de Damian dévoilée au fil de l’eau dans la fiction et ce n’est malheureusement pas une surprise. Toutefois, Joshua Williamson reste suffisamment ambigu pour laisser planer un léger doute (à voir dans la suite donc). Malgré ces soucis d’écriture sur les ennemis et les retournements de situation (trop prévisibles), les dialogues entre Bruce et Damien sonnent justes, générant une double empathie et un attachement indéniable aux deux.

En parallèle, l’incursion de Damian dans un lycée est tout aussi réjouissante ! Se heurtant à des écoliers harceleurs, une professeure moins douée que lui et une directrice un peu étrange, cela donne un souffle singulier à la série (on pourrait titiller sur le fait que les deux femmes adultes de l’établissement sont – comme par hasard – de très jolies demoiselles). Ce Dynamic Duo est bien aidée par les traits épurés et la colorisation éclatante de Simone Di Meo.

Une approche solaire, chromatiquement très riche et indéniablement élégante qui confère une véritable identité graphique à la bande dessinée (comme toujours, il faut, évidemment, apprécier le style de l’illustrateur, à la fois mainstream tout en restant atypique, proche du manga, éclatant de dynamisme et fluidité). Dommage qu’il n’officie pas intégralement sur l’ouvrage pour avoir une parfaite cohérence visuelle (Mikel Janin, Nikola Cizmesija et Howard Porter – on en parle juste après) mais rien est à jeter pour autant. La légèreté de sa patte rejoint celle de l’écriture, un parti pris clivant, forcément, à acheter en connaissance de cause.

L’épisode annual est dessiné par Howard Porter, compagnon habituel de Williamson (entre autres sur Le Badge et Flash) avec un style fourmillant de crayonnés, une patte parfois brouillonne mais qui sert bien le propos en fonction de ce dernier, c’est le cas ici, heureusement. L’histoire rappelle le film The Hunt (2020) : Bruce et Damian partent en camping pour une virée père/fils loin du tumulte urbain et de leur job de justiciers. Problème, ils sont coincés dans un dôme magique le temps d’une nuit de partie de chasse où de nombreux mercenaires, dont Bloodsport, cherche l’adrénaline et l’assassinat ! Pour le binôme de super-héros en civil, c’est l’occasion idéale pour tester les conditions de survie et leurs limites sans bénéficier de leur arsenal habituel. Un récit plaisant et globalement original qui poursuit bien le titre mère, se déroulant en marge de celui-ci.

En somme, L’heure de la réconciliation est accessible et « divertissant » (oui, le terme est toujours compliqué à utiliser et séduit les moins exigeants mais aussi ceux qui cherchent une certaine simplicité – ce n’est pas un reproche). Moins sombre qu’à l’accoutumée, ce duo dynamique se lit très bien et donne envie de savoir la suite. S’il ne révolutionne ni la mythologie du Chevalier Noir, ni la continuité (en tout cas, à ce stade), il offre des séquences père/fils touchantes et une proposition graphique alléchante.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 29 mars 2024
Contient : Batman & Robin #1-5 + Batman & Robin 2024 Annual
Nombre de pages : 192

Scénario : Joshua Williamson
Dessin : Simone Di Meo, Mikel Janin, Nikola Cizmesija, Howard Porter
Couleur : Jeromy Cox, Romulo Fajardo Jr., Tomeu Morey, Rex Lokus

Traduction : Xavier Hanart
Lettrage : Scribgit

Acheter sur amazon.frBatman & Robin Dynamic Duo – Tome 1 : L’heure de la réconciliation (19 €)





Justice League – Knight Terrors

L’évènement Knight Terrors a touché différentes séries DC Comics. La principale éponyme est dans le récit primordial (Knight Terrors #1-4), agrémenté de trois segments qui s’y greffaient et rendent l’ensemble complet et terminé (Knight Terrors FCBD Edition #1, Knight Terrors: First Blood #1 et Knight Terrors: Night’s End #1). Pour découvrir les différents épisodes impactant les super-héros, antagonistes et vilains de DC, se référer à cette autre critique regroupant tous ces tie-ins (sur Batman, Superman, Green Lantern, etc.), nommés les terreurs nocturnes chez nous.

[Résumé de l’éditeur]
Lorsque Batman, Superman et Wonder Woman découvrent le corps de l’un de leurs plus anciens ennemis dans le Hall de Justice, leur enquête les mène au-delà de la réalité vers un nouveau méchant appelé Insomnia… qui utilise ses pouvoirs pour engloutir chaque héros et méchant dans leurs propres cauchemars sombres et tordus. Le seul moyen de sauver le monde du sommeil éternel est d’appeler à l’aide un héros improbable : Deadman !

Inutile de détailler le début de l’histoire, le résumé officiel de l’éditeur suffit.

[Critique]
Les connaisseurs de la VO le savent bien : le terme Justice League accolé au titre ne reflète pas le comic book, il s’agit d’une spécificité propre à l’édition française afin de mettre en avant le récit (et c’est tout à fait cohérent dans une logique éditoriale, impossible de vendre Knight Terrors sur base de ces deux simples mots). Il ne faut donc pas s’attendre à voir la ligue de justice habituelle affronter un ou plusieurs ennemis. Par opposition à Alice au pays des merveilles, on serait tenter de renommer l’ensemble à Deadman au pays des cauchemars.

En effet, Deadman est le véritable personnage principal de toute l’histoire (pas forcément très connu en France mais habilement ré-introduit dans la fiction pour se familiariser avec), il prend possession du corps de Batman pour évoluer dans le monde et il échange beaucoup avec Robin/Damian Wayne. En cela, le titre est plutôt orienté « Batman » et pourrait plaire à ses fans. C’est d’ailleurs probablement pour ça que c’est une couverture alternative sur le Chevalier Noir qui a été choisie pour illustrer Knight Terrors en France (les deux autres de la même série, centrées sur Superman et Wonder Woman, sont curieusement absents de la galerie de bonus à la fin du livre, mais à découvrir en introduction des Terreurs nocturnes sur ce site).

Alors, qu’est-ce que ça vaut tout ça ? Franchement, c’est très moyen… Le récit part un peu dans tous les sens, la menace peu tangible, paradoxalement simpliste et confuse. D’un côté, tout se résume à un démon (Insomnia donc) et d’une mystérieuse pierre magique, qui infiltre les cauchemars des personnes (citoyens et super-héros compris), d’un autre tout se complexifie inutilement en tentant d’ajouter ce MacGuffin, en navigant entre réalité, rêves et cauchemars, le tout peu aidé par une myriades de dessinateurs différents (on y reviendra). L’auteur Joshua Williamson poursuit un cycle initié avec Dark Crisis on Infinite Earths (qu’il avait aussi écrit – pas encore chroniqué sur ce site) et Planète Lazarus (de Mark Waid – idem). Nul besoin de les connaître pour comprendre (et potentiellement apprécier) Knight Terrors. L’éditeur résume l’essentiel en avant-propos;

Dans ses meilleurs moments, Knight Terrors se relève étonnamment intimiste voire touchant, avec Deadman en maître de cérémonie (qui s’adresse directement au lecteur) et la révélation de la bascule de l’ennemi vers le côté obscur  (une justification classique mais peu traitée – de façon pertinente et aboutie – sur les fameux dégâts collatéraux causées par des super-héros). Du reste, Knight Terrors convoque un autre personnage secondaire, Sandman, pas celui de Neil Gaiman mais Wesley Dodds, un héros de l’âge d’or ressuscité (littéralement) qui arbore un masque à gaz notamment. Impossible de ne pas penser au célèbre Rorschach de Watchmen et on se plaît à suivre la petite équipe hétéroclite composée de Deadman/Batman, Sandman et Robin/Damian !

Tout va bien sûr trop vite et peu après la moitié du titre, l’on apprend qu’Insomnia a impacté tous les cauchemars des super-héros, antagonistes et vilains, précisément ceux à découvrir en parallèle du récit complet, dans différents ouvrages dont les premiers Dawn of (nom d’un semi-relaunch de DC) et les habituels de Batman (on conseille d’ailleurs celui dans le troisième volet de Dark City). Tout est récapitulé et chroniqué sur cet article. Se pose la question de la pertinence d’avoir séparé tous ces chapitres (pas obligatoire et à la qualité variable) plutôt que les compiler dans un second voire troisième volume de Knight Terrors, probablement une stratégie commerciale vu la faible pertinence de l’ensemble.

Pour les complétistes, Knight Terrors se décompose en sept chapitres : la courte introduction Longue nuit à Gotham (Knight Terrors FCBD Edition #1), Premier Sang (Knight Terrors: First Blood #1) puis Mort à l’arrivée, Résurrection, La valse d’un mort, Matière à cauchemars (Knight Terrors #1-4) et enfin la conclusion Retour à la réalité (Knight Terrors: Night’s End #1) sur 190 pages au total (hors galerie de couvertures en bonus). Malheureusement, ces épisodes cumulent une armée de dessinateurs : Howard Porter, Giuseppe Camuncoli, Stefano Nesi, Caspar Wijngaard, Chris Bachalo et Trevor Hairsine.

On retient le style de Porter (DC Univers Rebirth – Le Badge) et ses esquisses volontairement maladroites, parfois grossières, désincarnées, se mêlant gracieusement aux mondes oniriques pour aboutir sur quelques illustrations sympathiques et richement colorisées. Des planches fonctionnent quand elles tendent vers le registre purement horrifique, trop rares pour s’en délecter. L’ambiance cauchemardesque et sinistre est néanmoins respectée, parfois surprenante, souvent frustrante (on aimerait en voir davantage et aller dans des directions plus osées voire radicales et gores), malgré des pattes artistiques décousues (Porter et Camuncoli restent les deux plus prolifiques sur l’œuvre).

En somme, Knight Terrors et un évènement « inoffensif », pas très intéressant ni révolutionnaire, agréable à lire et regarder, gentiment « divertissant » pour les moins exigeants mais complètement dispensable. Les amoureux de Deadman ne doivent, en revanche, pas faire l’impasse dessus tant ce personnage emblématique de DC est peu exploité (surtout en France). On pouvait d’ailleurs envisager une équipe façon Justice League Dark mais il n’en est rien (malgré quelques apparitions en guest). Cet event devrait avoir quelques conséquences dans Dawn of Titans et, peut-être, dans les futures productions de Williamson, on verra…

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 12 janvier 2024
Contient : Knight Terrors FCBD Edition #1 + Knight Terrors: First Blood #1 + Knight Terrors #1-4 + Knight Terrors: Night’s End #1
Nombre de pages : 208

Scénario : Joshua Williamson
Dessin & encrage : Howard Porter, Giuseppe Camuncoli, Stefano Nesi, Caspar Wijngaard, Chris Bachalo, Trevor Hairsine
Encrage additionnel : Jaime Mendoza, Danny Miki
Couleur : Brad Anderson, Frank Martin, Caspar Wijngaard, Chris Bachalo, Rain Beredo

Traduction : Benjamin Viette
Lettrage : Scribgit

Acheter sur amazon.fr : Justice League – Knight Terrors (21 €)

Batman – Shadow War

Si le titre est vendu comme récit complet, il poursuit en fait les deux premiers tomes de la série Robin Infinite (cf. critique 1 puis 2), l’équivalent du premier opus de Deathstroke Inc. – surtout son septième chapitre – (disponible dans Batman Infinite Bimestriel #2) et brièvement Batman Infinite Tome 4 (Abyss). Shadow War est-il malgré tout accessible ? Contextualisation, découverte et critique.

[Introduction par Urban Comics – issu du livre et disponible sur leur site]

Batman Shadow War est un crossover événement entre Batman, Robin, Deathstroke et Talia Al Ghul. C’est un récit chorale mettant en scène la suite des séries Batman Infinite, Robin Infinite et Deathtroke Inc. (publié dans la Batman Infinite Bimestriel #2).

Dans la série Robin Infinite, Damian Wayne décide de participer à un tournoi à mort sur l’île de Lazare, dotée de propriétés magiques semblant ramener à la vie à deux reprises quiconque y meurt, et où les meilleurs combattants du monde s’affrontent pour gagner l’immortalité. Sous l’œil de l’organisatrice, une certaine Mère Soul, Damian doit affronter des adversaires redoutables tels que Ravager, la fille de Deathstroke, le mystérieux Respawn et Flatline, la jeune pupille de Lord Death Man dont il tombe amoureux. En enquêtant sur l’île, Robin se rend compte que Mère Soul n’est autre que Rúh al Ghul, la mère de Ra’s et par conséquent sa propre arrière grand-mère. Il découvre alors qu’elle se sert du tournoi pour offrir des sacrifices à l’île, qui cache en son cœur un puits de Lazare. Une fois la victoire remportée par Hawke et le puits chargé, elle en libère un démon, avec pour objectif de purger la Terre des êtres humains afin que la nature reprenne ses droits. Ensemble, les participants du tournoi parviennent à le vaincre. C’est à ce moment que Ra’s arrive sur l’île au côté de Talia, décidé à contrecarrer les plans de sa mère et à la tuer une bonne fois pour toutes, avant d’être stoppé par Robin. C’est enfin l’occasion pour Damian et sa mère de se rapprocher, mais l’avenir de leur famille est incertain. Ra’s est en effet mourant, et ne peut plus utiliser les puits de Lazare…

De son côté, Deathstroke est lui aussi bien occupé. Sous les ordres du T.R.U.S.T. et de sa directrice, Juliette Ballantine, il doit faire équipe avec Black Canary pour affronter les « vilains » de ce monde. Pour Slade Wilson, il s’agit de savoir une bonne fois pour toutes s’il compte se ranger dans le camp des criminels ou dans celui des héros. Pour Dinah Lance, il s’agit d’une mission d’infiltration pour le compte d’Oracle afin de découvrir ce que le groupe manigance. En effet, il est découvert que le T.R.U.S.T. ne cherche pas à arrêter les vilains mais à les recruter, les neutralisant en cas de refus. Ce groupe n’est autre que la Société Secrète, dont l’objectif est de rallier héros et criminels pour lutter contre les plus grandes menaces et protéger le Multivers – ainsi que leurs propres intérêts. Deathstroke décide de tuer et de remplacer leur chef, fondant ainsi Deathstroke Inc., qui est à ses yeux un rempart contre le mal. Dinah, qui refuse de collaborer avec lui, n’est pas la seule à désapprouver sa conduite puisque Ravager et Respawn décident de le stopper. Deathstroke découvre alors que Respawn est en réalité une clone de lui-même et de Talia al Ghul, formé par Ra’s dans le but de servir de réserve d’organes pour le jeune Damian Wayne. L’acceptant comme son fils, Deathstroke le prend sous son aile et décide de l’entraîner afin qu’il prenne part à son grand projet.

Quant à Batman, il a réussi à mettre fin à l’État de Terreur de Gotham orchestré par l’Épouvantail via le programme sécuritaire Magistrat. Si la ville semble panser ses plaies, le crime ne dort jamais, et Batman non plus. Il apprend que d’anciens membre de Batman Incorporated ont été arrêtés suite à l’assassinat d’un criminel nommé Abyss. Le programme Batman Inc. avait pourtant été abandonné, mais il semblerait que Lex Luthor ait décidé de le financer dans le but de se servir de ses membres. Batman se rend rapidement compte qu’Abyss, qui a simulé sa mort, est un héros créé puis abandonné par Lex, ce dernier souhaitant former une légion de Batman à ses ordres. En réalité, les membres de Batman Inc. étaient en mission sous couverture et ont contribué à neutraliser Abyss et Luthor… serait-ce l’occasion de relancer le programme ? Gotham est déjà protégée par de nombreux alliés tels que Ghost Maker, qui s’occupe activement de former un jeune homme déterminé à se venger des sbires du Joker pour le compte de Batman, Clownhunter. Mais il est tout de même temps pour Batman de retourner à Gotham… ce que Deathstroke semble attendre de pied ferme.

En synthèse, il faut donc avoir lu idéalement Robin Infinite (Contre le monde ! puis Le démon intérieur), éventuellement Deathstroke Inc. (ou uniquement son septième chapitre, le seul réellement connecté à Shadow War) et facultativement Batman Infinite Tome 4 (Abyss). Le novice risque d’être perdu et seul l’extrême complétiste y trouvera son compte (et encore… d’autres récits sont reliés à Shadow War, comme on le verra en fin de critique). Malgré tout, même si on n’a pas tout lu en amont, on peut apprécier l’ensemble mais, évidemment, ça perdra de sa saveur !

[Résumé de l’éditeur]
Avec l’assassinat présumé de Ra’s Al Ghul par Deathstroke, c’est une véritable guerre que le mercenaire semble avoir déclenché. Talia, héritière du Démon, est bien décidée à venger son père et envoie aux trousses du meurtrier sa Ligue des Ombres pour l’éliminer. De leurs côtés, Batman et Damian Wayne, Robin et petit-fils du Démon, doivent s’associer pour amener Deathstroke devant la justice avant que Talia ne le tue. Et si l’assassinat de Ra’s Al Ghul n’était pas ce qu’il semblait… ?

Inutile de détailler le début de l’histoire, le résumé officiel de l’éditeur suffit.

[Critique]
Shadow War comporte de nombreux points forts qui permettent de conseiller le titre mais « malheureusement » son parti pris de crossover est aussi son point faible. On explique. Tout d’abord, les deux tiers du titre fonctionnent à merveille (et rien que pour cela on le conseille) : on s’interroge sur l’identité de l’usurpateur de Deathstroke, on suit avec engouement le fameux mercenaire et son « fils » dans une étrange fuite, couplée à la fois à la vengeance de Talia et ses Ligues mais aussi à la quête de justice (et de vérité) de Bruce/Batman accompagné de Damian.

Tout est très, très efficace : le rythme sans temps mort, la relation entre Bruce et Damian, celle entre Deathstroke et Unspawn, le terrain de jeu de l’ensemble, la dimension un brin « politique » (on insiste sur les guillemets), les connexions diverses et variées, plus ou moins facultatives, qui donnent corps au récit endiablé de Joshua Williamson, grand architecte de toute cette mini saga !

Ensuite, arrivé au dernier tiers, un épisode inédit revenant sur quelques têtes secondaires (Black Canary, Harley Quinn, Ghost-Maker, Clown Hunter…) vient complètement casser le rythme et apporter des informations sans grand intérêt. Dans son ultime ligne droite, Shadow War révèle qui tirait les ficelles dans l’ombre – son nom ne sera pas dévoilé ici, on peut d’ailleurs l’anticiper en début d’ouvrage en étant attentif. Mais… pour pleinement apprécier ce twist final, il faudrait avoir lu – Leviathan (disponible en deux tomes en France).

Bigre ! Comme si les séries mère ne suffisaient pas… Attention, Shadow War ne sera pas incompris ou « moins bon » si on n’a pas lu ces autres titres, mais, une fois de plus, il perd de sa saveur initial. C’est l’aboutissement agréable (et une sorte de récompense) pour le lecteur qui aurait tout suivi – avec une remarquable cohérence – mais ça perd en chemin les autres (probablement plus nombreux).

C’est donc ce point faible de la fiction – qui en aussi son point fort – qui le rend si paradoxal. Heureusement, entre l’écriture ciselée, les quelques émotions, l’investigation et les beaux dessins de l’ensemble (on y vient après), Shadow War demeure tout de même bien au-dessus de la moyenne de ce genre de productions (encore plus quand il s’agit d’une histoire entremêlée). Même si Batman est en retrait, le récit est (très) riche en action et devrait satisfaire les habitués du genre (on pense au plaisant Justice League vs Suicide Squad par exemple). C’est donc un « petit » évènement qui ne fera peut-être pas date dans la chronologie de Batman et/ou de DC Comics mais qui assure ce qu’il faut.

Il y a toutefois des questions en suspens. Si la mort d’un personnage secondaire ne fait pas trop de doute (révélée dans le paragraphe suivant pour les plus curieux), celle de Ra’s al Ghul semble elle aussi « définitive » (il a carrément été décapité !). Si cela est conservé à terme, alors Shadow War deviendra (peut-être) un peu plus « culte » et mémorable. C’était une réflexion abordée lors de la mort d’Alfred dans la fin de Batman Rebirthon n’y croyait pas vraiment tant les protagonistes de comics meurent et ressuscitent sans cesse – mais il semblerait bien qu’on se soit trompé car le célèbre majordome n’est toujours pas revenu presque quatre ans plus tard.  Ici, on parle d’un éco-terroriste-ninja quasiment immortel, ce serait étrange de ne jamais le revoir mais ce sera donc « à suivre » dans les prochaines publications DC.

De la même manière (cette fois-ci, attention aux spoilers) le retour à la vie de Deathstroke était très prévisible (à l’inverse de son fils/clone de Damian – lui bel et bien mort dans l’immédiat – avant d’être plongé dans un puits de Lazare ?). Sauf que… le célèbre mercenaire ne compte pas en rester là et pour découvrir ses futurs desseins, il ne faut pas se tourner vers sa série Deathstroke Inc. (les derniers épisodes de celle-ci sont un immense flash-back intitulé Year One – non prévu en France pour l’instant). Il faut livre… Dark Crisis on Infinite Earths, comme annoncé dans la dernière planche ! Quoi ? Encore un autre titre relié à tout ça ? Et oui… Shadow War s’en veut même être une sorte d’introduction luxueuse. Alors certes ce n’est pas essentiel « à ce stade » mais tout de même, on reste sur notre faim/fin et savoir qu’on doit découvrir cette « crise » (cf. index) peut également en laisser plus d’uns sur la touche (au-delà d’avoir un sentiment déceptif en fin d’ouvrage). Pire la suite de l’épopée de Robin trouvera une semi conclusion dans Robin Infinite – Tome 3 qui se poursuit « réellement » dans… Planète Lazarus ; quel enfer.

Shadow War a donc ce tort d’être connecté à des séries avant et après, des évidentes (Robin Infinite, Deathstroke Inc.…) et d’autres facultatives mais tout autant pertinentes pour un plaisir complet (Batman Infinite – avec une reprise de figures provenant de toute la saga Joker War même s’ils n’apportent pas grand chose de pertinent –, Leviathan…). Une fois tous ces éléments sus, à voir si on passe à la caisse : on le redit, sur ce site on trouve malgré tout que le récit est passionnant et « suffit » pour une lecture divertissante et, peut-être, « importante » vu les destins funestes engendrés. Inutile de rappeler que les fans de Damian Wayne, Deathstroke et de la famille Ghul y trouveront leur compte quoiqu’il arrive.

Visuellement, l’ensemble du titre est de bonne facture, croisant de nombreux artistes qui œuvraient sur les séries mères. On retrouve donc, pêle-mêle, Victor Bogdanovic, Howard Porter, Paolo Pantalena, Roger Cruz et six autres dessinateurs ! Un collectif impressionnant au total (dix dessinateurs donc mais aussi neuf coloristes et onze encreurs !) en plus de quatre scénaristes. Malgré tout, il en résulte une qualité graphique bien élaborée même si très hétérogène ; dans le genre « mainstream » on va dire que ça reste convenable.

Batman – Shadow War vient donc conclure une ère (Infinite) et presque trois séries (Batman Infinite, Deathstroke Inc. et Robin Infinite – ce dernier aura néanmoins un troisième tome qui sera davantage un épilogue (mais aussi un prologue – encore !) qu’autre chose). Sans être révolutionnaire (à date, à voir sur le long terme concernant Ra’s al Ghul), le crossover remplit efficacement sa notion de « divertissement » (la fameuse…) bien qu’il souffre d’être connecté à trop de séries. À lire (ou acheter) en toute connaissance de cause et en fonction de son exigence sur ce genre de proposition (qui – on le rappelle – fonctionne tout à fait pour une lecture limpide, rythmée et sans prise de tête).

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 18 novembre 2022.
Contient : Batman #122-123 + Robin #13-14 + Deathstroke Inc. #8-9 + Shadow War Alpha #1 + Shadow War Omega #1 + Shadow War Zone #1
Nombre de pages : 280

Scénario : Joshua Williamson, Nadia Shammas, Ed Brisson, Stephanie Phillips
Dessin : Victor Bogdanovic, Howard Porter, Paolo Pantalena, Roger Cruz + collectif
Encrage : Collectif
Couleur : Collectif

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : Moscow Eye

Acheter sur amazon.frBatman – Shadow War (24 €)