Batman : Detective – Tome 3 : De sang-froid

Après deux tomes très moyens (Mythologie et Médiéval), la série Batman : Detective repart à la hausse grâce à ce troisième volet qui place Mr Freeze au centre de son récit ! Mais attention, la composition de l’épais comic (quatre histoires répartis en dix chapitres !) ne permet pas de hisser la fiction dans les coups de cœur. Explications.

[Résumé de l’éditeur]
Après avoir protégé Gotham de l’énigmatique Chevalier d’Arkham, et son armée de fantassins fanatiques, le Chevalier Noir pensait avoir gagné un peu de répit. C’était sans compter sur ses adversaires de toujours. Alors que Deadshot s’en prend à Lucius Fox et Bruce Wayne en personne, Mr Freeze tente de réveiller sa femme Nora de sa stase glaciaire…

[Début de l’histoire]
Pas besoin de détailler davantage, le résumé de l’éditeur suffit.

[Critique]
Comme certains comics, De sang-froid se compose de plusieurs histoires (qui se suivent plus ou moins), chacune ayant ses qualités et défauts, la plus importante étant celle éponyme sur Freeze. En résulte donc un tome fortement inégal mais globalement plaisant ! Dans Salutations à Gotham (un chapitre), le Chevalier Noir retrouve le Joker dans un parc d’attraction (à côté de la rivière Bolland, hommage au dessinateur de Killing Joke – que ce court segment tente vaguement de moderniser).

Le Clown tient en joue plusieurs visiteurs mais sans que cela ne soit une réelle menace pour le Chevalier Noir. Anecdotique au possible malgré les chouettes dessins de Doug Mahnke, l’épisode prend de l’intérêt dans sa conclusion – déconnectée du reste – dans laquelle Lex Luthor propose un sérum à Mr Freeze pour que ce dernier ramène à la vie sa femme, immobilisée dans la glace.

Dans Survivor (trois chapitres), Bruce Wayne embarque dans un avion pour parler business avec notamment Lucius Fox et plusieurs hommes d’affaires. Deadshot a été chargé de faire tomber l’avion qui s’échoue sur une île dans le Pacifique (on ne sait d’ailleurs pas pourquoi ni par qui Deadshot est missionné…). Encore une fois, malgré quelques planches sympathiques (signées Christian Duce cette fois), l’histoire n’est pas très mémorable pour ne pas dire absurde.

Bruce tombe en effet sur deux anciens naufragés établis sur l’île (deux soldats ennemis devenus amis) puis se confectionne un costume artisanal de Batman afin d’aller délivrer les passagers du crash retenus prisonniers par Deadshot. Tout le monde remarque bien sûr l’absence de Bruce Wayne mais personne ne fait le lien avec la présence hasardeuse de l’homme chauve-souris dans cet endroit perdu… À nouveau, le plus important se déroule en fin de chaque épisode lorsqu’on se recentre sur Freeze.

C’est justement De sang-froid (cinq chapitres) qui est ensuite proposé (et donne donc son titre à l’ouvrage). On y retrouve l’histoire « habituelle » de Victor Fries, à savoir sa quête de ramener à la vie sa femme plongée dans le coma et cryogénisée. Une trame éculée et magnifiée dans plusieurs comics bien sûr (Batman Arkham – Mister Freeze – bientôt chroniqué –, La Nuit des Hiboux…) mais aussi et surtout dans le célèbre dessin animé de 1992, ainsi que le DLC du jeu vidéo mésestimé Arkham Origins.

On oublie volontairement l’adaptation à l’écran en 1997 dans Batman & Robin, où Freeze était campé par un Arnold Schwarzenegger en roue libre. Pour la suite de cette critique, il convient de dévoiler quelques éléments importants de la narration. Passez au neuvième paragraphe si besoin, c’est-à-dire celui après les deux blocs de lecture entre les deux prochaines images ci-après (Batman puis Batman en armure) et ne descendez pas tout en bas de la critique pour voir les différentes illustrations – arrêtez vous à celle de Deadshot en pleine page.

Ce qui donne l’originalité au titre est que justement Nora revient – pour une fois – à la vie ! Et si cela était déjà arrivé par le passé (impossible de retrouver dans quel comic), ici la jeune épouse se démarque en… empruntant une voie criminelle avec délectation. Mieux : elle se fiche carrément de Fries, le haïssant pour son côté paternaliste pénible et sa personnalité romantique agaçante. Cette approche plus féministe, inédite et surprenante, fait sérieusement du bien ! En découle de bonnes choses : la complicité du couple avant l’émancipation de Nora, le binôme Batman/Freeze pour tenter de réparer les morceaux, etc. Auparavant, c’était l’avancée méthodique et précise de Fries qui passionnait. Son sang-froid (sans mauvais jeu de mots) pour élaborer son expérience puis l’exécution de celle-ci fonctionnait remarquablement.

Dans un second temps, c’est la naissance d’une nouvelle antagoniste qui est plaisante à suivre. Bien que Nora rappelle évidemment son mari mais aussi Captain Cold (forcément), son fort caractère et son retour à la vie peuvent donner de belles opportunités. On se plaît à imaginer une cohésion avec Poison Ivy par exemple ou d’autres figures féminines de la mythologie de Batman. Mais ce sera pour la prochaine fois, Nora peut désormais vivre de nouvelles aventures et on verra ce qui lui est réservé dans un autre titre (ou d’ici la fin de la série peut-être ?). On apprécie aussi la « tragédie inversée » en conclusion, entre Batman et Freeze (difficile d’en dire davantage sans divulgâcher) même si on aurait apprécié un peu plus d’enrichissement à cette histoire avec un ou deux épisodes complémentaires.

En somme si les morceaux de conclusions des récits précédents (sur Freeze) avaient été rassemblés et proposés en guise d’introduction à ces cinq chapitres de De sang-froid (sans rien d’autre ensuite), on aurait clairement eu un coup de cœur pour un album composé de cinq à six chapitres. Malheureusement, ce qu’il y a avant casse cet ensemble, ajoutant des longueurs et histoires inutiles, c’est bien dommage… Néanmoins le voyage graphique vaut globalement le coup pour l’entièreté du livre, c’est toujours ça de gagné aussi.

Peter Tomasi écrit (à nouveau) l’intégralité de l’ensemble à l’exception de l’ultime chapitre, Orphelins, composé par Tom Taylor, auteur prolifique souvent inspiré (DCEASED, Injustice…) mais parfois en petit forme (le récent La Dernière Sentinelle). Dessiné par Fernando Blanco, on y suit une courte enquête de Bruce Wayne dans un orphelinat à son nom où un enfant a fugué. Le milliardaire officie en civil d’un côté puis en costume avec Damian/Robin en soirée. Efficace et un brin émouvant, le récit a une double connotation non spécifiée par l’éditeur.

En effet, à ce moment là, Bruce est évidemment orphelin de ses parents mais également de son majordome, Alfred (qui trouve la mort dans le douzième et dernier tome de Batman Rebirth, tué par Bane). Curieusement, durant les histoires précédentes, il y avait des mentions et rappels discrets en bas de cases et planches pour dire que l’histoire se déroulait avant le chapitre Batman #77 ou le dernier tome de Batman Rebirth. Ainsi, ceux qui connaissaient la fin tragique d’Alfred pouvaient comprendre pourquoi il était en vie ici, à l’inverse, ceux qui ne le savaient pas n’ont probablement pas saisi l’intérêt (à raison) de ces mentions.

De sang-froid relève donc la barre (ce n’était pas très difficile) mais propose un tome décousu où se mêlent trop d’histoires peu connectées. On retient surtout celle sur Mr Freeze et sa nouvelle expérience, plutôt originale, palpitante et apportant une semi-nouveauté qui – on l’espère – ne sera pas abandonné par la suite, auquel cas il y aurait eu peu de sens de nous montrer cela. Visuellement, ce troisième opus (sur cinq) tient la route, offrant quelques séquences épiques et une action globalement lisible (parfois un peu figée et sans grands enjeux dramatiques).

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 21 août 2020.
Contient : Detective Comics #1008-1017

Scénario : Peter Tomasi, Tom Taylor
Dessin : Doug Mahnke, Christian Duce, José Luis, Fernando Blanco
Encrage : Jaime Mendoza, Christian Duce, Keith Champagne, Christian Alamy, Mark Irwin, Matt Santorelli, Tyler Kirkham, Fernando Blanco
Couleur : David Baron, Luis Guerreo, John Kalisz

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Stephan Boschat (studio MAKMA)

Acheter sur amazon.frBatman : Detective – Tome 3 : De sang-froid (24€)





Batman – One Dark Knight

Un récit complet en trois chapitres, un dessinateur talentueux (Jock) qui s’essaie pour la première fois à l’écriture, une fiction dense et rythmée… One Dark Knight est proposé dans le DC Black Label, permettant aux non initiés de s’emparer de cette nouvelle œuvre sur Batman tout en ne l’inscrivant pas forcément dans la chronologie officielle du Chevalier Noir. Mais ce one-shot (prévu le 28 octobre prochain) vaut-il le coup ? Le voyage graphique assurément, le scénario nettement moins. Explications.

[Résumé de l’éditeur]
C’était le genre de mission que Batman avait mené des centaines de fois : escorter la police de Gotham tandis qu’elle transférait le criminel connu sous le nom d’E.M.P. dans la prison de Blackgate. Les pouvoirs électriques du méta-humain représentaient une menace certaine, mais la situation semblait sous contrôle. Jusqu’à ce que tout dérape. À présent les rues chaudes de la ville ont sombré dans l’obscurité la plus totale, toutes les lumières se sont éteintes, la police est aux abois et le Chevalier Noir doit se frayer un chemin au cœur du pénitencier le plus dangereux au monde. Sans compter qu’à Blackgate, chaque recoin cache une nouvelle surprise, et l’aube ne semble pas près de poindre…

[Début de l’histoire]
Pas besoin de détailler davantage, le résumé de l’éditeur suffit.

[Critique]
Une nuit. C’est la durée qui s’écoule pour cette aventure de Batman, habilement rythmée grâce à ce resserrage temporel relativement court. Au cours des trois épisodes s’étalant sur cent cinquante pages environ (Un été en ville, Choisir les pistes, On ne peut pas fuir éternellement), le Chevalier Noir doit assurer la protection d’un ennemi inédit : Edward M. Pressler. Initiales : E.M.P., comme pour EletroMagnetic Pulse, soit une Impulsion Électromagnétique en français (IEM) – les fans de Matrix connaissent probablement bien. Un criminel conçu spécialement pour la BD au nom sans grande subtilité puisque ce cher Edward a le même « pouvoir » que ce que son acronyme laisse penser. Ainsi, l’homme méta-humain peut absorber l’électricité autour de lui et donc en priver les citoyens (et par extension les bâtiments, la logistique routière…).

Cela permet à l’auteur-dessinateur de proposer son road trip Gothamien dans un noir quasi-total (rappelant brièvement aussi bien le fameux black-out de L’An Zéro fomenté par le Sphinx que le transfert du Joker dans le film The Dark Knight – dont le titre du comic ici rend peut-être hommage, jouant sur le terme Night (nuit) / Knight (chevalier), à nouveau sans grande subtilité mais ce n’est pas très important). Durant cette course effrénée, le justicier escorte son prisonnier sans artifice, sans véhicule, à mains nues (en le portant !), nouant une semi-complicité avec lui. On y retrouve l’ADN du Batman moderne de ces dernières décennies : un justicier seul aux commandes (vaguement épaulé par Gordon et Alfred – ce dernier vite en retrait faute d’électricité et donc de communication), une approche violente mais toujours une empathie pour la personne qu’il protège, en l’occurrence ici un criminel qui peut difficilement contrôler ses pouvoirs.

Jock rend un puissant hommage à la métropole du Chevalier Noir. Rarement Gotham City n’aurait été aussi magnifiée pour être le terrain de jeu – le temps d’une nuit donc – pour la mission de Batman. Ruelles, ponts, immeubles, égouts… la dimension urbaine est au premier plan tout du long, sans pour autant y apporter une touche de fantaisie, du registre merveilleux ou gothique ; c’est-à-dire qu’il pourrait s’agir de New-York ou n’importe quelle autre ville des États-Unis que ça n’aurait pas changé grand chose, in fine, graphiquement parlant – mais ce n’est clairement pas grave.

Si le récit tient la route, on ne peut s’empêcher d’y trouver quelques facilités narratives et des segments qui empêchent One Dark Knight de devenir au mieux incontournable (comme ce fut le cas récemment pour Imposter par exemple), au pire un coup de cœur. En effet, l’auteur dessinateur se défend de piocher dans la grande galerie des prestigieux ennemis de l’homme chauve-souris en proposant donc ce fameux Edward/EMP à qui on ne s’attache pas vraiment malgré la tragédie vécue par ce dernier et les conséquences qui connecteront d’autres personnages secondaires à son histoire.

Jock fait juste apparaître Killer Croc quelques temps et on se dit qu’avec son style graphique (on y reviendra), on aurait tellement aimé le voir animer des figures emblématiques qui se seraient complètement prêtés aussi au jeu de cette histoire (Edward n’est pas forcément interchangeable avec son pouvoir mais n’importe quel vilain aurait pu faire sauter des générateurs et plonger Gotham dans le noir et le chaos). Jock (Mark Wilson de son vrai nom) s’essaie pour la première fois au rôle de scénariste et si globalement tout fonctionne (le rythme comme déjà dit, les dialogues, la compréhension générale de l’œuvre…), on est quand même un peu déçu de ne pas y trouver un élément qui aurait propulsé le titre comme une lecture indispensable.

On est donc mitigé par le scénario, assez convenu (un évènement dans la conclusion relance un peu l’intrigue même si on pouvait le prévoir aisément) et pas très marquant… Heureusement, il y a l’alléchante patte visuelle qui est un régal pour les amateurs de Jock ! Il avait illustré Sombre Reflet, Le Batman Qui Rit et de nombreuses couvertures (notamment pour la série All Star Batman, où il signait aussi quelques planches pour le deuxième tome), le hissant parmi les artistes se démarquant des productions habituelles des comics grâce à son travail si particulier – le plus abouti ici (cf. les nombreuses images de cette critiques). Parmi ses réussites, citons le superbe Green Arrow – Année Un et la série The Losers.

Son style singulier enchaîne les traits anguleux (rappelant un peu ceux de Sean Murphy, cf. White Knight), un découpage fluide et une brutalité graphique jouant sur le sombre avec quelques tonalités chromatiques détonantes (évoquant cette fois Andrea Sorrentino, cf. Imposter cité plus haut). Les deux tiers du titre se déroulent quasiment « dans le noir », chaque brève source lumineuse ou effusion de sang fait mouche ! On perçoit quelques hommages à Frank Miller également. Les dessins (encrage et colorisation inclus – tous assurés par Jock) sont donc sans surprise LE point fort de l’ouvrage. Et clairement pour dix sept euros il serait dommage de se priver !

One Dark Knight ne parvient donc pas à se hisser comme un récit complet incontournable mais reste une balade visuelle irréprochable, emmenée par des planches atypiques, où se mêlent ombres et noirceur nocturne avec de fulgurances éphémères écarlates ou solaires. De ce contraste de l’ambiance froide globale, légèrement bleutée, résulte une élégante bande dessinée à la trame (narrative) agréable mais oubliable. Le livre se referme sur les traditionnelles couvertures alternatives, on aurait aimé quelques mots de l’auteur ou des travaux de recherche et étapes de travail, pourtant présents dans l’édition VO. En somme, si vous êtes fan de l’univers de Jock ou si les illustrations présentes dans cette chronique vous séduisent, aucun doute que vous allez apprécier, si vous êtes plus exigeants sur l’écriture ou espériez un titre qui fera date, vous risquez d’être déçus…

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 28 octobre 2022.
Contient : Batman : One Dark Knight #1-3

Scénario et dessin (et encrage/couleur) : Jock

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : Éric Montésinos

Acheter sur amazon.fr : Batman – One Dark Knight (17 €)

 




Batman : Detective – Tome 2 : Médiéval

Après un premier tome très décevant mais qui contenait un épilogue annonçant élégamment ce second volet (via un des nombreux épisodes #1000 de Batman Detective Comics), découverte de Médiéval.

[Résumé de l’éditeur]
Après avoir passé un test dans un simulateur où chaque année Batman exorcise ses démons et se confronte à sa propre mort, Bruce Wayne reprend la mission de sa vie : protéger Gotham. Mais l’apparition d’un mystérieux chevalier vêtu d’une armure lourde, armé d’une épée et visiblement très au fait des activités de l’homme chauve-souris, va lancer une véritable joute : le Chevalier Noir contre le Chevalier d’Arkham !

[Début de l’histoire]
Pas besoin de détailler davantage, le résumé de l’éditeur suffit amplement.

[Critique]
Le premier volume se soldait par une pirouette scénaristique paresseuse et frustrante : les affrontements de Batman étaient issus de son imagination via une simulation. Cette fois, le même scénariste (Peter Tomasi) propose un véritable ennemi, pas inintéressant au demeurant (on y reviendra) mais qui s’imbrique – à nouveau – très mal dans la mythologie de Batman (on en reparlera aussi).

En effet, dans Médiéval, comme son nom l’indique, le détective affronte un chevalier et ses sbires calqués sur les combattants de l’ère moyenâgeuse. Ledit chevalier a beau s’appeler « Le Chevalier d’Arkham » (pour une raison qu’on dévoilera plus loin), il n’a strictement rien à voir avec l’antagoniste du même nom dans le comic éponyme qui enrichissant l’univers du jeu vidéo Arkham Knight (traduction littérale du… Chevalier d’Arkham). En synthèse, ce n’est pas Jason Todd qui se cache sous l’armure du chevalier. À l’instar de la critique de l’opus précédent, il convient de dévoiler l’identité de cet antagoniste afin d’en dresser une critique. Passez au cinquième paragraphe pour préserver la surprise.

La personne sous le casque de chevalier est une femme. Il s’agit d’Astrid Arkham, la fille de Jeremiah Arkham et Ingrid Karlsson. Une ennemie créée pour l’occasion dont les origines (narrés au milieu de la fiction) sont plutôt originales. Sa mère était médecin dans le célèbre asile, en couple avec son directeur ; lors d’une émeute, Ingrid accouche et – contre toute attente – les patients protègent le nouveau-né et sa génitrice ! Malheureusement, un autre prisonnier va tuer Ingrid avec… des batarangs !

C’est évident cet évènement qui déclenchera plus tard la vengeant du Chevalier d’Arkham envers le Chevalier Noir, accusé donc à tort de ce meurtre. La démarche est donc logique, bien qu’un peu convenu, mais l’idée d’une éducation collective par les pensionnaires d’Arkham envers une enfant était bien vu. C’est malheureusement le point le moins exploité de la fiction. Voir le Joker et Harley Quinn en flash-back en parents de substitution ou d’autres vilains emblématiques se prendre d’affection et protéger Astrid était la bonne idée de Médiévale. Mais ça s’arrête là…

Comme évoqué plus haut, la présence d’un chevalier du moyen-âge en armure, épaulé par des combattants à l’arc, se marie maladroitement avec la mythologie de Batman. C’est déjà le cas lorsque Azrael entre en scène dans diverses histoires, son esthétique dénote avec le reste de la galerie de protagonistes de Batman et – idem que dans Mythologie – casse un peu le registre thriller, noir et enquête propres au Chevalier Noir depuis quelques années. On le rappelle : il n’y a aucun problème à s’essayer à plusieurs styles de fiction pour enrichir le mythe de Batman, lui-même étant passé par à peu près tous les genres (fantastique, science-fiction, réaliste…) mais c’est rarement extraordinaire ou indispensable… On retrouve d’ailleurs ici le Dr. Phosphorus, un méta-humain comparable à une sorte de squelette radioactif (aperçu dans Dark Detective, Catwoman ou brièvement dans Trois Jokers).

En somme, le récit Médiéval bénéficie d’un rythme soutenu, facilitant sa lecture, bien aidé des dessins de Brad Walker, adepte de constructions dynamiques éclatées sur des doubles pages. Cela ne sauve pas l’ensemble mais permet d’introduire une nouvelle méchante globalement charismatique, mal développée ici mais prometteuse pour une éventuelle autre utilisation sous une plume davantage inspirée. Cette fois, Batman n’intervient pas seul mais avec l’aide de son fils Damian en Robin, de quoi offrir quelques échanges ciselés et amusants mais rien de folichon non plus.

Après les cinq chapitres de Médiéval, la bande dessinée propose un interlude en deux épisodes : Ça va saigner et Laisse saigner (dans la version librairie, Le Sang coulera / Sang pour sang en format kiosque, étonnamment !), tous deux suivant une coopération inédite entre Le Spectre et Le Chevalier Noir, dessinés et encrés par Kyle Hotz qui confère une envoûtante patte graphique rappelant le Batman des années 1990. Longues oreilles pointues, cape fantasmagorique, contours brumeux, ambiance lugubre, Gotham sombre et inquiétant… – on pense par exemple au Batman de Year Two / Année Deux – on aurait aimé en voir davantage ! L’histoire en elle-même offre une parenthèse rude et sanglante, pas assez forte pour être marquante mais réellement réussite visuellement, bien plus que ce qu’on a lu juste avant dans Médiéval.

Si le premier tome survolait le cliché de l’introspection de Batman, ici c’est le classique « Batman créé ses propres ennemis » qui est vaguement narré… Ce deuxième tome est donc « un peu mieux » que le précédent mais ni l’écriture ni les dessins n’offrent un divertissement immanquable. À ce stade, on ne conseille pas vraiment ces deux premiers volets, en espérant que les trois suivants (la série est terminée en cinq opus) se démarquent davantage, soit en proposant un fil rouge narratif étalé sur l’ensemble des tomes, soit un récit solide indépendant du reste de la série. Croisons les doigts…

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 14 février 2020.
Contient : Detective Comics #1001-1007

Scénario : Peter Tomasi
Dessin : Brad Walker (#1001-1005), Kyle Hotz (#1006-1007)
Encrage : Andrew Hennessy (#1001-1005), Kyle Hotz (#1006-1007)
Couleur : Nathan Fairbain (#1001-1005), David Baron (#1006-1007)

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : MAKMA (Stephan Boschat)

Acheter sur amazon.frBatman : Detective – Tome 2 : Médiéval (17€)