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Catwoman Eternal – Tome 02 : Héritage

Après un premier tome original mais pas totalement convaincant car laborieux dans son écriture (manque de caractérisation et de contextualisation et paradoxalement très bavard et dense) et plus ou moins bien servi par des dessins clivants dans le genre, Catwoman Eternal se conclut déjà avec ce second volume. Critique d’une œuvre exigeante et, in fine, plutôt réussie et marquante.

[Résumé de l’éditeur]
En tant que nouvelle reine de la mafia de Gotham, Selina Kyle pensait pouvoir raccrocher le masque pour de bon, mais la politique et la diplomatie ont leurs limites. L’Empire du crime est sur le point de basculer dans l’effroi d’une guerre sans merci. Il est donc grand temps pour Catwoman d’arpenter à nouveau les toits de la ville pour combattre le crime de manière plus frontale et découvrir par la même occasion les raisons de la disparition récente du Chevalier Noir.

[Début de l’histoire]
La famille Falcone veut s’associer aux Calabrese (donc à Selina). Face à eux, la triple alliance entre Black Mask, le Pingouin et la famille Hasegawa reste fragile.

Au centre de tout ça, Selina Kyle jongle comme elle peut pour continuer son ascension du pouvoir, en sachant pertinemment que ça ne durera pas.

À Gotham, Batman est déclaré mort, un autre coup dur pour Catwoman

[Critique]
Cette seconde et dernière salve de Selina en reine de la pègre est clairement plus aboutie et compréhensible que le volet précédent ! Un résumé de l’éditeur puis une présentation des personnages aident grandement à contextualiser l’ensemble, ainsi que le court épisode introductif (Sneak Peek). Les six chapitres suivants (Catwoman #41-46) montrent l’évolution de Selina et Eiko, toutes deux en proie à leur propre famille et en affaire avec les autres. Le temps de présence de ces deux protagonistes est habilement équilibré.

L’auteure Genevieve Valentine a la bonne idée de convoquer deux figures emblématiques de Gotham City : Spoiler (Stephanie Brown) et Killer Croc. La première est liée à ce qu’il se déroule dans la saga Batman Eternal mais cela n’entache pas la compréhension. Croc apparaît ici comme un allié et non comme un ennemi primaire, c’est appréciable. En revanche, les allusions à la série Batman et particulièrement les deux derniers tomes, La Relève, souffrent d’une connexion un peu forcée et peu claire si on ne les a pas lus (qui sont ces nouveaux Bat-Robots ? pourquoi Bruce Wayne porte-il une barbe ?).

Moins verbeux, plus fluide, le scénario perd en complexité inutile et gagne en linéarité tout en gommant d’autres défauts du volet précédent : moins de personnages secondaires inintéressants, un peu moins de citations historiques ou culturelles inutiles (mais il y en a toujours). Un récit recentré sur des protagonistes plus attachants et des antagonistes efficaces. Sans révolutionner le genre, Catwoman Eternal propose une petite fresque orientée « mafia » assez inédite et cohérente, aussi bien dans l’univers de Catwoman que dans celui, plus large, de Batman (et ses fictions anglées sur les trafics en tout genre qui parsèment Gotham ou sa vie à hauteur civile, côté protection (Gotham Central) ou mafia – comme ici donc). Si ce fond séduit, aucun doute que le lecteur y trouvera son compte. Ceux qui étaient mitigés (à raison) en lisant Reine du crime devraient davantage apprécier cet Héritage (dans le sens où ce qui n’allait pas trop à l’époque est plutôt corrigé ici, si le postulat de base ne vous intéressait pas, inutile de poursuivre bien sûr).

Côté dessin, David Messina succède à Garry Brown. Les planches sont plus « convenues », on est davantage dans une veine « comics », perdant l’approche plus « indépendante », parfois brouillonne mais séduisante, du premier opus. Messina use de traits souvent trop gras, de formes de temps en temps disproportionnées et pêche dans la finesse de certains visages. On retrouve aussi, malheureusement, un côté sexué qui avait intelligemment disparu chez la femme fatale (dans le premier tome) sans non plus être aussi ridicule et accentué que dans la série Catwoman précédente. Néanmoins, conserver tout au long de cet opus le même artiste – et toujours la colorisation de Lee Loughridge – permet d’avoir cette cohérence graphique à l’entièreté du volume. Les illustrations de couverture sont cette fois signées Kevin Wada, complètement différentes du style de Jae Lee, moins élégantes et épurées, mais tout ça n’est pas bien primordial de toute façon.

Catwoman Eternal se savoure donc plus ou moins bien avec deux volumes foncièrement différents mais complémentaires. Sa conclusion rapide signe aussi la fin de ce « micro-univers » au sein d’un autre plus vaste et c’est presque dommage tant l’exploration aurait pu être enrichie de mille façons. Doit-on déjà dire adieu à Eiko ? Quid des inspecteurs Alvarez et Keyes (trop en retrait ici) ? La parenthèse mafieuse touche à sa fin, on y a vu les ingrédients classiques de ce genre (famille, ascension, trahison…) à la sauce Catwoman mature – radicalement éloignée de la série précédente où l’héroïne sautait partout dans des positions sexy à se battre contre des ennemis ridicules. Au moins Eternal fut une incursion assez inédite et à peu près efficace !

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 18 septembre 2015
Contient : Catwoman #41-46 + DC Sneak Peek : Catwoman

Scénario : Genevieve Valentine
Dessin : David Messina
Encrage : Gaetano Carlucci
Couleur : Lee Loughridge
Illustration des couvertures de la série : Kevin Wada

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Moscow Eye

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Catwoman Eternal – Tome 01 : Reine du crime

Après la série Catwoman (dont les deux premiers volumes étaient réussis mais les trois derniers complètements ratés), la série est « relaunchée » sous le titre Catwoman Eternal (uniquement en France). Cela permet de proposer un nouveau cycle d’aventures sur Selina Kyle conçue par une nouvelle équipe artistique et d’attirer un potentiel nouveau lectorat grâce au fameux « Tome 1 », tout en surfant sur une autre série (de l’époque) : Batman Eternal.

Reine du crime, le premier tome de Catwoman Eternal se déroule d’ailleurs après le deuxième opus de Batman Eternal (cf. chapitre 23 notamment) dans lequel Selina rend visite à son père en prison. Ce dernier, dont le nom de famille est Calabrese, fait comprendre à sa fille qu’elle-seule peut reprendre la tête de la pègre à Gotham. L’idée germe alors petit à petit dans la tête de la célèbre cambrioleuse avec un « aperçu cinq ans plus tard » proposé en fin du cinquième tome de la série précédente, dans le segment Futures End, en guise d’amuse-bouche. Découverte de cette nouvelle série en deux tomes, entièrement écrite par Genevieve Valentine (dessiné par Garry Brown pour le présent volume, David Messina pour le second).

[Résumé de l’éditeur]
Suite aux événements récents survenus dans Batman Eternal, Selina Kyle a fini par accepter ses responsabilités familiales pour enfin embrasser la carrière de reine de la pègre de Gotham. Mais la ville est-elle prête pour son règne ? Et si l’ex-héroïne masquée agit désormais à visage découvert, qui parcourt depuis les toits désertés de la cité ?

[Début de l’histoire]
Selina Kyle, Calabrese de son vrai nom, tente de se refaire un nom et de diriger son propre clan tout en interagissant avec les autres. Entre respect mutuel et trahison, la nouvelle reine de la pègre avance prudemment. Quel plan se cache derrière ses habiles coups ?

La pègre de Gotham a du mal à accepter cette situation…

Dans la ville, une personne a pris l’apparence de Catwoman, de quoi perturber Selina, même si Batman la suit de loin…

Mais quand Selina Kyle-Calabrese fait face à Black Mask et au GCPD, le danger est de plus en plus grand.

[Critique]
Difficile de résumer le début du récit (et même son entièreté), tant il est dense et exigeant (étonnamment, avoir lu la première série Catwoman aide un peu même si on est ici dans un tournant radical, original et une orientation plus séduisante et fondamentalement différente). Les échanges fusent, on a du mal suivre, une grande galerie de nouveaux personnages surgit sans qu’elle soit réellement présentée, Selina occupe déjà un poste assez haut dans la pègre sans qu’on ne sache pourquoi ni comment (et l’éditeur ne contextualise pas du tout cette situation en avant-propos, ni l’auteure – un comble), bref il faut donc s’accrocher ! Est-ce que ça vaut le coup ? Pas sûr… Cela dépendra du second volume (MàJ : meilleur que celui-ci donc finalement conseillé) mais il y a néanmoins plusieurs qualités (ne serait-ce que passer après les trois tomes de la série précédente ne peut « que » rehausser celle-ci).

On plonge d’emblée dans une ambiance complètement « polar » (narrative et visuelle – on y reviendra), qui entraîne le lecteur dans une Gotham noire, rappelant un peu Gotham Central. Cette incursion manque malheureusement cruellement d’exposition : comment Selina a-t-elle atterri là ? Quel est son rôle concret ? Qui sont ses alliés jamais vus auparavant : la cousine Antonia Calabrese, son frère Nick et le conseiller Chris Ward (sans oublier Aiden Mason) ? Quel est le lien entre les autres familles dont celle de M. Hasegawa et sa fille Eiko ? Les interrogations sont nombreuses et il faut embarquer dans le titre comme s’il était en cours depuis quelques épisodes et qu’on débarque à l’improviste. C’est donc difficile d’accès. Cette exigence pourrait tout à fait être un atout mais ici elle complexifie un scénario déjà très bavard. Les informations sont trop nombreuses et maladroitement déroulées pour ne pas s’y perdre, corrélée à tous ces nouveaux noms inédits…

L’auteure Genevieve Valentine écrit ici son premier comic (elle est aussi sur le deuxième et dernier tome de Catwoman Eternal et signera un peu plus tard quatre chapitres du très moyen Batman & Robin Eternal). Cette jeune écrivaine (née en 1981, elle avait donc trente-deux ans lors des débuts d’écriture de la série Catwoman Eternal) s’était davantage illustrée dans les romans de science-fiction et fantasy. Cela explique peut-être cet aspect verbeux et lassant qui parsème la bande dessinée. Au-delà du millefeuille de protagonistes, les dialogues sont entrecoupés aussi bien par diverses bulles narratives dont les pensées de Selina (rien d’anormal jusqu’à présent) mais aussi de nombreuses citations issues de poèmes, œuvres ou lettres historiques (se voulant métaphoriques de ce que vit Selina) qui se marient bien mal avec le reste du texte (comme souvent avec ce procédé littéraire), déjà très fourni – on se surprend à « se forcer » à lire ou se relire…

Malgré tout, le lecteur peut aisément être emporté – passé, et surtout accepté, cet étrange état des lieux – pour savoir comment va s’en sortir Selina. Si Reine du crime est maigre en scènes d’action (ce n’est pas un défaut), il instaure un climat de tension assez facilement : qui va trahir qui ? Qui va mourir ? Surtout : la figure de Black Mask n’aura jamais été aussi effrayante. En parallèle, la fiction s’aventure dans une double romance : Selina oscillant toujours entre Batman (forcément) et… une nouvelle antagoniste. C’est bien narré, ça passe crème, ça change (enfin !), bref c’est clairement une réussite. Ces différents éléments tirent donc le titre vers le haut.

On retrouve en complément quelques cabrioles « classiques » de Catwoman – même si ce n’est pas elle sous le masque, cf. paragraphe suivant –, un peu de présence de l’homme chauve-souris mais aussi du Pingouin et, comme évoqué, le terrible Roman Sionis (Black Mask). De quoi rester en terrain connu pour les fans même si tout ça est parfois au second voire au troisième plan. Sans oublier Alvarez et Keyes, deux inspecteurs présents depuis le début de la série précédente, permettant de les relier un brin. N’y a-t-il pas d’ailleurs des pistes quant au « fameux » mystère de l’épisode #0 publié deux ans plus tôt (et qui concluait le tome deux) ? Dans celui-ci, on voyait Selina rechercher son frère (possiblement présent dans cette aventure). L’identité de la voleuse était aussi supprimée des bases de données… un lien avec son patronyme ? Pourquoi pas… Et Selina était poussée en haut d’un toit, la laissant pour morte, comme si son nom avait une importance voire une influence dans Gotham. Ça se tient ! Mais était-ce réellement anticipé à l’époque ? Difficile à croire (d’autant plus que la famille Calabrese a été créée pour cette version, autant rester sur celle de Falcone comme déjà vu par le passé en comics ou en adaptations).

En parallèle, Catwoman Eternal met en avant Eiko Hasegawa ; on sait très vite qu’elle enfile le costume de Catwoman et tout l’épisode annual (qui arrive après le deuxième chapitre) est centré sur elle, idéal pour comprendre son point de vue et l’importance de son rôle dans ce grand puzzle complexe. Cet épisode est dessinée par Patrick Olliffe (qui avait majoritairement croqué Catwoman : Tome 5 – Course de haut vol) et John McCrea – encré par Tom Nguyen, colorisé par Lee Loughridge.

Sans être mauvais (visuellement parlant), il jure drastiquement avec les six autres épisodes, habilement mis en image par les traits épurés et imprécis de Garry Brown et dont les planches bénéficient des jeux de lumière de Lee Loughridge (à nouveau). Si les palettes chromatiques semblent peu variées, c’est pour mieux alterner ses ambiances chaudes et froides – simple, efficace. Entre le soin apporté aux visages (très anguleux), principalement quand ils sont en gros plans, et les nombreuses ombres qui les composent, on trouve un style graphique assez éloigné des productions mainstreams, à l’image de son scénario, in fine. Une succession de cases plutôt élégante et agréable à regarder, à défaut de suivre correctement l’intrigue. Oubliez la femme fatale en combinaison sexy et en posture sexuée des précédents tomes, ici l’approche se veut « réaliste » et civile mais pêche par le côté presque « brouillon » d’une silhouette ou un faciès dès qu’il est un chouilla éloigné.

Faut-il acheter et lire Catwoman Eternal ? Avec ce seul tome dans l’immédiat, on conseillerait la prudence, à savoir : attendre la suite et fin pour voir si le voyage vaut le cou(t)p d’être achever sereinement (MàJ : oui c’est plutôt réussi au final). Pour l’instant, malgré la proposition graphique alléchante (et très clivante – cf. les illustrations de cette critique), le scénario ne convient pas totalement : peu accessible, moins passionnant qu’il n’y paraît, défauts de caractérisation (de personnages) et d’expositions (de contextes), etc. Ce n’est ni une porte d’entrée pour découvrir Catwoman, ni une série « élitiste/prestigieuse » – ce qui n’est jamais un défaut – comme pouvait le prétendre à la fois le concept, les dessins et les superbes illustrations de couverture de Jae Lee (qui n’officie pas ailleurs attention – donc la couverture n’est pas représentative de son contenu). La direction empruntée est meilleure, sombre et lente, mais encore trop fortement déséquilibrée pour être incontournable ou simplement « plaisante ».

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 18 septembre 2015
Contient : Catwoman #35-40 + Annual #2

Scénario : Genevieve Valentine
Dessin : Garry Brown
Couleur : Lee Loughridge
Illustration des couvertures de la série : Jae Lee

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Moscow Eye

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Catwoman Eternal – Tome 01 : Reine du crime (16 €)
Catwoman Eternal – Tome 02 : Héritage (16 €)



Robin – Année Un

Cet ouvrage est composé de deux histoires qui se suivent. L’Épreuve de Force (Batman Chronicles : The Gauntlet en version originale), déjà publiée dans un hors-série paru chez Semic en août 1999, sous le titre Le Défi ; puis les quatre chapitres de Robin : Année Un (Robin : Year One) qui s’ajustent parfaitement dans la continuité.

Robin Annee Un[Histoire — L’Épreuve de Force]
Batman pense que Robin peut enfin l’accompagner dans ses sorties nocturnes pour combattre le crime. Pour cela, il lui impose un dernier et ultime test : le jeune rouge-gorge doit passer une nuit seul dans Gotham City, face à quelques criminels locaux.

[Histoire — Robin : Année Un]
Les premiers faits d’armes du Dynamique Duo ! Dick Grayson jongle entre son école le jour et son costume la nuit mais Alfred désapprouve la décision d’inclure un adolescent dans la croisade de son maître. Un avis partagé par Gordon qui souhaite protéger un enfant de tous les dangers qu’il s’apprête à affronter.

En ville, plusieurs jeunes filles sont enlevées par Le Chevalier Fou. Les raisons semblent impliquer un homme politique, connaissance de Bruce Wayne. Par ailleurs, Double Face comprend que le nouvel allié de Batman peut également être son talon d’Achille…

Robin Annee Un Epreuve de Force[Critique]
En voilà une bonne surprise ! Un récit presque indispensable en termes « d’origines » de l’univers du Dark Knight. En effet, il y avait d’abord Batman – Année Un, qui avait imposé une nouvelle mythologie, un côté sombre et torturé dans une ambiance polar. Les auteurs de Robin – Année Un ont repris cette idée. Le premier récit, L’Épreuve de Force (voir tout en bas la couverture originale avec un léger changement), plonge en effet le lecteur dans un univers très proche de l’œuvre de Miller, aussi bien graphiquement que scénaristiquement. Évidemment, Robin en slip prête à sourire, une photo de femme nue définie comme étant de la pornographie aussi, mais tout ceci donne l’illusion (volontaire ?) que la bande dessinée est sortie dans la foulée de Batman – Année Un, soit en 1987. Hors, elle a été publiée dix ans après : en 1997 !

La suite de l’ouvrage qui compose le plus gros du volume, à savoir les quatre chapitres de Robin : Year One, sont dessinées de façon plus « cartoon », ce qui peut clairement rebuter un lecteur. N’hésitez pas à feuilleter l’ouvrage avant pour vous donner une idée. Ce style rappelle un peu celui de Darwyn Cooke (Before Watchmen : Minutemen). Mais pour autant, l’écriture n’en est pas moins sombre : enlèvement de jeunes filles, meurtres, scènes « parfois insoutenables »… le contraste est saisissant et le rendu global original. Léger reproche : Urban Comics a choisi une police de caractère pas forcément lisible pour les textes du narrateur (Batman puis Alfred), notamment pour la lettre E, voir ci-dessous (cliquez pour agrandir).

Robin Anne Un BatmanSelon l’introduction, l’affrontement entre Robin et Double-Face est un souvenir qui hantera longtemps le jeune sidekick, notamment dans Le Fils Prodigue, quand Dick endossera le costume de Batman. Raison de plus pour découvrir ce comic. Néanmoins il n’est pas sans quelques légers défauts : outre l’aspect graphique évoqué qui peut décontenancer, on peut trouver dommage l’utilisation du Chapelier Fou et de Mister Freeze. L’un est dans son éternel délire d’Alice au Pays des Merveilles, en transformant les jeunes filles enlevées pour lesquelles il touche de l’argent, et l’autre réclame une rançon contre des poches de sang. Bref, on sent une sous-exploitation des personnages, un peu trop cliché et œuvrant uniquement dans un but vénal, c’est dommage. À l’inverse, Double-Face est effrayant tout le long de l’histoire. C’est sans doute un des meilleurs ouvrages qui lui rend hommage. Toute sa folie explose et c’est… glaçant.

Autre bon point : la narration omni-présente d’Alfred. Le célèbre majordome tient en effet un journal dans lequel il fait part de ses doutes et inquiétudes. On y découvre de jolies tournures : « Monsieur Richard porte un bien lourd fardeau sur ses jeunes épaules : les soucis de l’adolescence associés à ceux de la croisade de Monsieur Bruce. Je me demande s’il se rend compte de la nonchalance avec laquelle il abandonne sa jeunesse. Et si, au bout du compte, il estimera que ça en valait la peine. » La relation entre Alfred et ses deux « enfants » et le rapport entre Bruce et Dick sont très émouvants, chose rare dans les comics consacrés à Batman ! Le récit revient souvent sur l’optimisme du rouge-gorge et ce que cela implique : Bruce Wayne qui sourit, un côté plus « léger » (en apparence) et cela fait vraiment du bien, cette fraîcheur naïve est la bienvenue dans le monde toujours très sombre de l’homme chauve-souris.

Robin Annee  Un Two FaceLes histoires ne mettent pas en scène l’accident qui tua les parents de Dick, elles commencent quand Bruce l’a déjà adopté. Ce n’est pas plus mal, ça permet d’enchaîner rapidement avec du concret – malgré la confusion des noms des truands et leurs buts qui parsème le comic. On retrouve, entre autre, Chuck Dixon au scénario, qui avait participé à la saga Knightfall. Certes son récit est moins percutant que le Batman – Année Un, sans doute aussi à cause du style de dessin choisi, mais cette histoire du Jeune Prodige n’en demeure pas moins des plus intéressantes.

La colorisation accentue les tons pastels, proches d’un dessin animé, pour Robin : Year One. Le premier récit est plus dans le traditionnel old-school avec des couleurs moins vives mais tout aussi efficaces pour représenter une ambiance. Les nombreuses scènes de nuit ou d’intérieur sont ainsi extrêmement bien rendues, notamment dans la Bat-Cave ou lors d’un cambriolage. Il y a par ailleurs quelques jeux d’ombres et des planches successives sans texte, qui permettent d’admirer le dynamisme réalisé. Peu de bonus pour clore le livre : deux pages de croquis. Un grand format agréable à prendre en main, une lecture passionnante et le début du fameux duo, que demander de plus ?

Robin Annee Un Alfie[À propos]
Publiée en France chez Urban Comics le 5 septembre 2014.
Titre original : Batman Chronicles : The Gauntlet et Robin : Year One
Scénario : Bruce Canwall (L’Épreuve de Force), Scott Beatty et Chuck Dixon (Robin : Année Un #1)
Dessin : Lee Weeks (L’Épreuve de Force), Javier Pulido (Robin : Année Un #1-4), Marcos Martin (Robin : Année Un #4)
Couleur : Matt Hollingsworth (L’Épreuve de Force), Lee Loughridge (Robin : Année Un #1-4)
Encrage : Robert Campanella (Robin : Année Un #1-4)
Lettrage : Calix-Ltée
Traduction : Mathieu Auverdin

L’Épreuve de Force avait déjà été édité par Semic, dans le dixième hors-série du magazine Batman en août 1999, sous le titre Batman – The Gauntlet – Le Défi.

Première publication originale : Batman Chronicles : The Gauntlet (1997) et Batgirl/Robin Year One (Robin : Year One #1-4 — 2000-01).

Robin Annee Un Gauntlet DefiDe gauche à droite : la couverture originale, celle de Semic et enfin celle d’Urban Comics. On remarquera que les yeux de Batman ont été supprimés pour faire une immense ombre du Dark Knight ( et ainsi enlever, peut-être, le côté trop menaçant que cela imposait ?).

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