Archives de catégorie : Bat-Family

Batman – One Bad Day : Bane

Cinquième opus (sur huit) de la gamme One Bad Day, on s’attarde aujourd’hui sur Bane, créé en 1993 par Chuck Dixon, Doug Moench et Graham Nolan dans La Revanche de Bane, prélude à la grande saga Knightfall. Le célèbre ennemi a bénéficié de plusieurs adaptations (films, dessins animés, jeux vidéo…) mais a surtout été popularisé auprès du « grand public » dans The Dark Knight Rises en 2012, incarné par Tom Hardy. Côté comics, il est apparu après Knightfall dans des rôles « secondaires » à droite à gauche mais occupait une place de premier choix dans le run Batman Rebirth.

[Résumé de l’éditeur]
Si Eduardo Dorrance doit sa stature colossale au venom, c’est également à ce stéroïde qu’il doit ses plus gros ennuis. Sevré depuis longtemps maintenant, Bane a définitivement raccroché son masque de criminel pour se parer de celui d’un catcheur sur le déclin. Aussi, quand il apprend qu’une nouvelle source de venom existe, il va tout faire pour la détruire, afin que personne ne soit victime du poison qui a ruiné sa vie.

[Critique]
Un One Bad Day très intéressant et dans le haut du panier qui sort un peu du lot grâce à sa structure assez singulière (qu’on sera obligé de révéler dans le paragraphe suivant, passez à celui d’après si jamais) ! Dans ce récit complet sur Bane, l’auteur Joshua Williamson propose un « futur proche » à priori alternatif. Comprendre que Bane est de nouveau lutteur/catcheur sans que son passif soit renié. Il est même reconnu comme celui « qui a tué Batman » (en plus de lui avoir brisé le dos des années plus tôt, cf. Knightfall) et vit comme dans un manoir (celui de Wayne ?). L’antagoniste est dépeint avec une certaine mélancolie qui colle étonnamment bien au personnage.

Divisée en trois chapitres, l’histoire use d’une introduction un peu déroutante avant d’enchaîner sur une aventure plus convenue en flash-back (plusieurs parsèment l’ouvrage) en binôme entre Bane et le Chevalier Noir face à un nouvel ennemi. Surtout (attention à la révélation), le titre illustre davantage un « One Good Day » plutôt qu’un « Bad Day ». C’est-à-dire que la fiction ne revient pas sur le jour où tout a basculé pour Bane (malgré des souvenirs récurrents de sa mère et son enfance) et qu’il a choisi « le mal » (la « promesse » non tenue de cette collection de toute façon) mais celui où il peut opter pour l’inverse : le moment où l’on décide de faire le bien. C’est un choix audacieux et qui se marie bien à l’évolution de Bane (même si on peut « déplorer » que, d’une manière générale, les méchants d’anthologie de DC Comics – voire de la culture populaire globale – ne restent jamais réellement « mauvais » et s’adoucissent avec le temps voire deviennent des alliés).

En résulte un parcours plutôt inédit, passionnant dans son introspection de la figure mythique de Bane, moins dans sa quête de recherche du venin (et non venom – le terme en VO – comme l’indique l’éditeur en quatrième de couverture). Les affrontements sont tantôt spectaculaires, tantôt expéditifs (avec deux nouveaux ennemis oubliables). Il y a donc une partie du livre assez convenue et moins originale qui contrebalance bonnes idées et l’écriture assez solide du protagoniste.

Heureusement, les dessins et l’encrage d’Howard Porter couplés à la colorisation de Tomeu Morey apportent une véritable identité visuelle alléchante à l’ensemble. Porter est pourtant capable du pire (Justice League – La Tour de Babel) comme du meilleur (DC Univers Rebirth – Le Badge) ; ce sont probablement les gammes chromatiques peu criardes et contrastées qui apportent la patte graphique efficace (Morey excelle dans le domaine, cf. ses nombreux travaux : les séries Dark City, Batman Infinite, Joker War ou encore Batman/Catwoman, Heroes in Crisis…).

Côté écriture, Williamson est un habitué de DC Comics. Il a signé toute la longue série Flash Rebirth (onze tomes !), incluant les segments que le bolide écarlate partage avec Batman, comme dans Le Badge et Le Prix par exemple. Il a aussi œuvré sur Batman (Batman Infinite – Tome 4 : Abyss, la série Robin Infinite, Shadow War, Le Batman Qui Rit – Les Infectés…) et divers titres qui regroupent plusieurs héros et antagonistes (Justice League vs. Suicide Squad, DC Infinite Frontier, Dark Crisis, Justice League – No Justice…). En somme, c’est un auteur accompli, plus ou moins architecte de l’ère DC Comics actuelle (Infinite) qui maîtrise très bien son univers et réussit habilement cet exercice sur Bane – ce qui le sort un peu de sa zone de confort.

On conseille donc cet One Bad Day – avec celui du Sphinx et de Freeze (et on met de côté ceux sur Double-Face et Le Pingouin). Reste l’éternelle équation subjective : est-ce qu’un récit de ce genre et d’une soixantaine de pages vaut 15 € ? C’est toujours difficile d’arbitrer, d’autant qu’une éventuelle compilation des trois One Bad Day recommandés (à ce stade) coûterait à peine quelques euros de plus (contre 45 € à date séparément)… Rendez-vous cet été pour les trois derniers : Catwoman, Ra’s al Ghul puis Gueule d’Argile.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 7 juillet 2023.
Contient : Batman : One Bad Day – Bane #1

Scénario : Joshua Williamson
Dessin : Howard Porter
Couleur : Tomeu Morey

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Studio Myrtille (Christophe Semal)

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Batman Superman World’s Finest – Tome 1 : Le diable Nezha

Le grand retour d’une série consacrée à Batman et Superman ! Affublé du titre historique (World’s Finest), ce premier tome place son intrigue à l’époque où Robin est encore Dick Grayson. Découverte.

[Résumé de l’éditeur]
Depuis une attaque chimique dévastatrice, suite à une confrontation avec Metallo, les pouvoirs de Superman ne sont plus ce qu’ils étaient… Pour retrouver sa force d’antan, l’Homme d’Acier n’a d’autre choix que de se tourner vers le justicier de Gotham : le Chevalier Noir. Ensemble, les deux plus grands super-héros que le monde ait jamais connus vont devoir explorer toutes les pistes possibles pour délivrer l’Homme de Demain de son mal… allant jusqu’à enrôler une nouvelle équipe : la Doom Patrol.

[Début de l’histoire]
Metropolis est attaqué par Poison Ivy et Metallo ! Superman les combat avec l’aide de Batman et Robin (Dick Grayson). Zod ne tarde pas non plus à se montrer face à… la Doom Patrol !

Dans l’ombre, un autre ennemi fait surface : le diable Nezha. Les justiciers vont devoir s’allier et repousser leur limite pour affronter ces multiples menaces.

[Critique]
L’homme d’acier et l’homme chauve-souris en comics, c’est une longue histoire. Elle est résumée dans l’avant-propos du livre mais contentons-nous, sur ce site, de rappeler les quelques sorties existantes en France. Tout d’abord les deux ouvrages de Jeph Loeb, sobrement intitulés Superman Batman (cf. les critiques du tome 1 , pas trop mal au scénario, davantage clivant aux dessins, et du tome 2, moins réussi et plus indigeste). Ensuite, le célèbre récit complet L’étoffe des héros (pas encore chroniqué sur ce site mais assez moyen selon les modestes souvenirs de l’auteur de ces lignes). Enfin, la dernière série en date (avant cette World’s Finest) était tout simplement (en VO) Batman/Superman et s’était répartie en France dans Le Batman Qui Rit – Les Infectés (2020) puis dans les volumes 3 et 4 de Batman Bimestriel Infinite (fin 2022 et début 2023, cf. index – pas encore lu).

Aujourd’hui, la relance d’une aventure commune entre les deux super-héros apporte un vent de fraîcheur où brille notamment une partie graphique haute en couleur, un scénario simpliste mais efficace (contenant une excellente idée mais peu développée – on y reviendra) et une vaste galerie de protagonistes. Supergirl, Robin, la Doom Patrol et quelques autres figures de DC Comics gravitent autour de Batman et Superman. En cinq chapitres, l’équipe va affronter le puissant diable Nezha (titre de ce premier tome) – un sixième épisode un peu déconnecté ferme l’ouvrage. L’intrigue permet surtout à son auteur Mark Waid et au binôme Dan Monra/Tamra Bonvillain (dessinateur/coloriste) de s’éclater. On est dans un pur blockbuster mainstream (comme pouvaient l’être Justice League vs. Suicide Squad dans une moindre mesure).

Mark Waid est un scénariste réputé chez DC qui a signé des titres mémorables. On lui doit un long travail exemplaire (huit ans !) sur Flash par exemple (à découvrir dès juin 2023 dans The Flash Chronicles 1992) mais aussi le chef-d’œuvre Kingdom Come ou encore Superman – Les origines (très conseillé). Il a également travaillé sur l’excellente série 52, se déroulant après Infinite Crisis (cf. index des crises DC) et la série Justice League of America (rééditée en sept volumes après avoir eu droit à des sorties sous forme de récits complets pour La tour de Babel et Ascension).

Un artiste accompli également responsable éditorial chez DC Comics qui a contribué à des créations d’univers comme Gotham by Gaslight par exemple. Après plusieurs années chez Marvel ou ailleurs, Mark Waid a signé son grand retour chez DC et élabore un nouvel univers. Urban Comics le mettra en avant en juin prochain (cf. leur article récapitulatif), en plus de la publication de son début de run sur Flash, le très attendu Planet Lazarus – Tome 1 : Batman vs. Robin sera proposé,  ainsi que le second tome de Batman Superman World’s Finest.

Revenons sur le premier justement. La lecture est limpide, rythmée (on ne s’ennuie pas) et globalement accessible (si vous n’avez pas lu de comics sur la Doom Patrol mais que vous avez vu l’excellente adaptation en série TV ça devrait aller, sinon ce n’est pas très grave). On sent l’amour de Waid pour l’âge d’argent des comics, une époque moins sombre où les super-héros étaient davantage « optimistes ». Succession de combats, stratégies et retournements de situation agrémentées de la fidèle amitié et complicité des deux justiciers et leurs alliés de marque. C’est pile ce qu’on vient chercher dans World’s Finest donc rien à dire de plus à ce niveau-là. Certes le récit n’est pas forcément marquant, il remplit le contrat du fameux « divertissement efficace » (c’est, certes, peu exigeant mais ce n’est pas toujours aussi aisé que ce qu’on pourrait penser pour y arriver – cf. Justice League – Endless Winter qui cumulait poncifs et restait anecdotique, in fine).

Au cours de la fiction (attention aux révélations qui vont suivre – passez au paragraphe suivant et ne descendez pas jusqu’en bas de cette critique pour ne pas voir l’illustration associée), un être improbable fait son apparition : la fusion de Batman et Superman ! Difficile de savoir s’il s’agit d’une sorte de rapprochement mental entre les deux surhommes ou autre chose mais c’est terriblement jouissif ! Malheureusement cela ne dure que quelques planches… On aimerait revoir cet incroyable personnage dans une série entièrement consacrée à « lui ». Les guillemets sont de mise car on lit bien les pensées des deux héros, il y a donc une coexistence simultanée. Une anomalie encore jamais explorée chez DC Comics et qui mériterait un traitement à part.

Du reste, pas grand chose à dire, on apprécie la dynamique globale de l’ensemble et les différentes interactions de groupes, aussi bien celles de Batman et Superman que Batman et Robin, Robin et Supergirl, la Doom Patrol, etc. Il ne faut pas s’attendre à une œuvre « intellectuelle » (ce n’est pas un défaut) ou proposant des réflexions et analyses très poussées (comme beaucoup de comics du genre de toute façon) mais un festival de jolies scènes d’action et figures familières de DC attachantes, au-delà du duo du titre.

Visuellement, l’ensemble du titre est superbe ! Il faut dire qu’il bénéficie du duo de choc évoqué plus haut : Dan Mora et Tamra Bonvillain (déjà en équipe sur la série Once and Future, écrite par Kieron Gillen). L’action est hyper lisible, fluide et dynamique. Les personnages aisément reconnaissables et leurs émotions palpables. Ça fourmille de plein de couleurs vives, c’est soigné, c’est joli, ça fait le taf. Mora gagne en couleurs « vives » grâce à Bonvillain mais perd (peut-être) l’austérité et l’approche plus « réaliste » que lorsqu’il travaille avec Jordie Bellaire pour la colorisation, cf. Batman Detective Comics Infinite. Travis Moore s’occupe de l’épilogue dans un style plus conventionnel (cf. avant-dernière image de cet article). En synthèse, pour 17 € ce premier opus vaut clairement le coup si vous savez ce que vous venez chercher. La suite est alléchante (sortie prévue le 30 juin prochain) car elle verra une personne extraterrestre atterrir sur Terre (comme Superman en son temps) et pris sous l’aile aussi bien par Batman et le kryptonien que… le Joker (et The Key) !

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 6 janvier 2023.
Contient : Batman / Superman World’s Finest #1-6

Scénario : Mark Waid
Dessin & encrage : Dan Mora, Travis Moore
Couleur : Tamra Bonvillain

Traduction : Yann Graf
Lettrage : Makma (Gaël Legeard, Maurine Denoual, Lorine Roy et Stephan Boschat)

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Batman – One Bad Day : Double-Face

Second opus (sur huit, cf. index) de la gamme One Bad Day (après celui consacré au Sphinx), que vaut celui sur Double-Face ?

[Résumé de l’éditeur]
Si Harvey Dent n’avait pas été défiguré à l’acide, peut-être aurait-il pu continuer à œuvrer du côté de la loi en tant que procureur. Peut-être serait-il resté l’allié de Batman, aux côtés de Jim Gordon… Quoi qu’il en soit, Harvey Dent est aujourd’hui libre, apparemment débarrassé de sa double-personnalité criminelle. Mais lorsque son père de 88 ans est menacé, l’ancien monstre de foire menace de réapparaître. Tout se jouera à pile ou face.

[Début de l’histoire]
Harvey Dent semblé guéri et souhaite une seconde chance. Le maire de Gotham, Nakano, n’est pas très enclin mais accepte d’aider l’ancien procureur.

Quand Dent fait appel à Batman pour enquêter sur des menaces envers le père d’Harvey, l’entourage du Chevalier Noir lui rappelle les multiples problèmes et blessures liées à Double-Face

[Critique]
Un bon titre (court, 64 pages comme à chaque fois) sur Double-Face mais le concept du « One Bad Day » inexistant. Voilà qui résume assez bien l’œuvre. En effet, cette collection est censée montrer « le mauvais jour », celui où un vilain mythique a basculé pour embrasser pleinement sa voie maléfique (à l’instar de Killing Joke et du volume sur le Sphinx). Ce n’est absolument pas le cas ici, ce One Bad Day : Double-Face s’inscrit d’ailleurs dans la continuité des séries Batman (Infinite notamment). Le maire Nakano est présent, il y est fait mention du No Man’s Land, Batgirl est actuellement Stephanie Brown, Cassandra Cain (Orphan) est alliée au Chevalier Noir également et ainsi de suite.

Il peut être donc difficile (toutes proportions gardées) d’aborder ce récit complet comme tel même s’il reste accessible (car il ne faut pas s’attendre à banalement Batman contre Double-Face (ou Harvey Dent), il y a le background autour). Une fois ce statu quo acté, que reste-t-il de l’aventure ? Et bien une proposition graphique honorable, un rythme efficace, une intrigue pas très originale mais qui fonctionne pour ce qu’elle a à présenter, c’est-à-dire une énième variation de la vraie-fausse rédemption de Double-Face. Un sentiment de déjà-vu ? Assurément pour les lecteurs de longue date. Indispensable ? Absolument pas, au contraire (surtout pour le prix, 15 €).

Mariko Tamaki signe donc un scénario convenu, elle était plus inspirée pour son chouette roman graphique Harley Quinn – Breaking Glass (premier volet de la collection Urban Link désormais arrêtée) – et une BD récompensée, Cet été-là. Elle travaille aussi, entre autres, sur la série Batman Detective Comics Infinite (c’est probablement pour cela qu’elle a inscrit son récit dans cette continuité). Reste les dessins (et l’encrage) de Javier Fernandez (vu en grande partie sur la série Nighwing Rebirth) couplé à la colorisation de Jordie Bellaire (en petite forme). En résulte des planches sympathiques, dénotant avec les habituels comics, quelques compositions donnent une vague impression de bande dessinée un peu indépendante.

Comme souvent dans ce genre de cas, à part les amoureux de Double-Face, les autres n’y trouveront probablement par leur compte. Ce One Bad Day aurait très bien pu être un épisode annual de la série Batman ou Detective Comics que ça n’aurait pas changer grand chose. On apprécie donc un rythme efficace, un début narratif plutôt solide et des planches globalement agréables. Hélas, c’est à peu près tout. Ce n’est pas mauvais, ce n’est pas non plus très bon. Ça ne correspond pas vraiment à la « promesse éditoriale » (pour ceux qui la connaissent en tout cas) et ça revient un peu cher pour ce que c’est…

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 7 avril 2023.
Contient : Batman – One Bad Day : Two-Face 

Scénario : Mariko Tamaki
Dessin & encrage : Javier Fernandez
Couleur : Jordie Bellaire

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Studio Myrtille (Christophe Semal)

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