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Grayson – Tome 02 : Nemesis

Suite des aventures de l’ancien Robin, puis ex-Nightwing, ayant désormais une série à son nom dont la critique du premier tome est disponible ici.

grayson-tome-2-nemesis

[Histoire]
Helena est désormais à la tête de Spyral, rendant des comptes à Spyder, étrange trio arachnéen. Helena est sommée par d’autres instances d’enquêter sur une série de meurtres à priori commis par Grayson. En effet, chaque fois que l’Agent 37 a combattu quelqu’un, ce dernier a été retrouvé mort peu après. Ses soupçons se dirigent vers l’Agent 1 (Tiger), qui tient Dick responsable de la mort de son ancienne coéquipière : l’Agent 8 (survenue dans le premier tome).

De son côté, Grayson a pour mission de voler un collier et de le remettre à son acheteur, qui s’avère être Lex Luthor. Le bijou étant constitué de kryptonite, et le puissant homme étant devenu membre à part entière de la Ligue de Justice et à la tête de l’A.R.G.U.S. (voir Justice League – Tome 08 : La Ligue d’Injustice), il est de son devoir de trouver des éléments pouvant faire plier ses collègues (Superman en l’occurrence).

L’ancien Robin n’arrive d’ailleurs plus à joindre Batman pour rendre les comptes de son infiltration (pour cause : Bruce Wayne est devenu amnésique après son combat contre le Joker et Alfred ne lui a pas dit qu’il avait été le célèbre justicier masqué — voir Batman – Tome 08 : La Relève (première partie)). Il décide dans la foulée de quitter Spyral et de retourner voir ses anciens alliés pour leur annoncer qu’il est en vie…

Grayson Fly

[Critique]
Ce second tome est clairement supérieur au premier. Il fait même partie des « coups de cœur » du site (même s’il n’est pas exempt de défauts). Outre la partie graphique, toujours autant soignée et agréable (on y reviendra après), l’histoire évolue de façon très intéressante, aussi bien pour le personnage principal, que sur les trames narratives et les connexions avec l’univers de Grayson. Il y a tout d’abord un agréable point de vue changeant du premier chapitre qui reprend le même que dans l’ouvrage précédent mais du point de vue d’un adversaire de Grayson. Ce petit aspect est la première pierre à l’édifice sur la plus grosse enquête dans Nemesis. Qui aboutira à la fois sur un combat contre « le double » de Dick (extrêmement bien écrit et dessiné, en plus d’être drôle) et une révélation qui est surprenante et non prévisible. C’est suffisamment rare dans le monde des comics que cela mérite d’être souligné. En outre, quelques aspects de Spyral, avec notamment Spyder, l’organisation Checkmate et deux ou trois détails rendent un chouilla confus certaines informations, surtout sur la fin, mais ce n’est pas très problématique. Le premier chapitre comporte des dialogues en espagnol non traduits, tandis que ceux du deuxième le sont, étrange (même chose dans les Batman Univers qui publiaient la série).

Grayson Tiger

Le quatrième chapitre narre les retrouvailles de l’ex-Nightwing avec tour à tour Bruce Wayne (amnésique donc) Jason, Tim, Barbara et Damian. Ce qui amène à de nombreuses références, à commencer par quelques échos au Deuil de la Famille sur les mensonges de Dick, similaires à ceux de Bruce à l’époque. Mais surtout au second tome de Batgirl (pour mieux saisir les réactions de Barbara), et plus ou moins au retour de Damian (L’éveil de Robin, Robin : Son of Batman, à lire dans les numéros de Batman Saga) et à la préparation de Robin War (un mini-évènement qui touchera plusieurs séries). Batman Eternal est aussi plus ou moins nommé, et les prémices de sa suite, Batman & Robin Eternal arrivent doucement. Mais pour ces cas des retrouvailles, nul besoin d’être familier avec tout l’univers pour apprécier la bande dessinée. On notera aussi des rappels, plus discrets, aux traditionnels Hiboux (introduits dans La Cour des Hiboux et régulièrement mentionnés) et à L’An Zéro ; et même à un ennemi de seconde zone : le Requin Tigre. Il est vrai par contre, que la série Batman, en particulier le tome 8, livre une clé de compréhension non négligeable sur l’absence de Bruce Wayne/Batman et même son remplaçant très robotique.

Grayson 2 Helena

Dans le même genre, il est évoqué une portion d’autoroute durant le chapitre annual, placé en milieu du tome, sur laquelle Batman avait combattu la Justice League. Il s’agit cette fois du tome 7 de la série Batman (Mascarade). Cette séquence voit Dick s’associer à Superman, un très bon moment, qui fait cette fois référence à Superman : L’Homme de Demain – Tome 02, puisque l’Homme d’Acier a, à priori perdu, ses pouvoirs. À nouveau ce n’est pas très grave de ne pas connaître toutes ses séries annexes pour la compréhension globale (même si c’est toujours un peu dommage), mais cela donne une séquence très « Mad Max Urbaine », assez comique (la moto « Lana » et les échanges entre Clark et Dick). On y retrouve aussi « Die Faust der Kain » (Le Poing de Cain), une équipe de mercenaires (évoquée à la toute fin de Nightwing ; qui servait de transition vers Grayson) qui tue bon nombre de personnes et leur permet de récupérer des points. Ce système, baptisé par Dick « Le Candy Crush du Meurtre », les motive (sic) à se débarrasser de plusieurs cibles, dont l’Agent 37 et Superman bien sûr.

La seconde partie de Nemesis, Comme un fantôme de la tombe remet l’Agent 37 au sein des mécanismes de Spyral. Ces deux derniers chapitres sont déjà plus convenus, peut-être moins prenants (exceptée la fin), un brin complexe, mais ça continue de fonctionner. Si l’éditeur les avait exclu, on aurait frôlé le tome « parfait » tant tout tenait la route et restait très bon visuellement parlant.

Grayson Mad Max

Une excellente première moitié d’ouvrage, un petit aparté un peu soudain (avec Superman, mais tout de même réussi) et une suite et fin satisfaisante (bien qu’en deça du début mais suffisante quand même). Graphiquement, c’est à nouveau un sans faute avec des planches parfois découpées de façon originale, donnant un bon dynamisme aux acrobaties du héros et lors des scènes de combat. Les traits sont toujours aussi soignés et élégants. À l’instar du tome précédent, seul le chapitre annual, dessiné cette fois par Alvaro Martinez vient casser la belle cohérence d’illustrations jusqu’ici mise en place par Mikel Janin, mais ce n’est pas non plus trop dramatique, juste un peu moins joli. Idem avec le chapitre final, croqué par Stephen Mooney, qui avait déjà opéré sur le premier tome à plusieurs reprises. On s’y retrouve, même si ça ne vaut pas la perfection de Janin.

On notera aussi quelques plans montrant le héros nu (ou son torse, ou encore quelques allusions sexuelles, déjà récurrentes dans le précédent livre). À priori, pas de quoi faire polémique, au contraire. Certains lecteurs y ont vu un côté érotique (!) et homosexuel (!!) ; il est plus pertinent d’y voir un penchant alternatif aux traditionnels dessins sexualisant constamment ses figures féminines. Ce qu’on voit dans Grayson (le corps pas forcément vêtu de Dick) n’est qu’un infime pourcentage de ce que produisent en continue les bandes dessinées américaines classiques mais en « sens inverse », c’est à dire au niveau de la femme (d’habitude ce sont les héroïnes qui sont courtement habillées ou dans des poses suggestives — sans que cela n’émeuve plus que ça). À prendre donc sous un prisme plutôt féministe, voire une évolution intéressante dans le monde malheureusement très sexiste (et encore bien fermé) d’une majorité des lecteurs de comics.

Grayson Tiger Shark

En attendant, cette série propose toujours quelque-chose de résolument original, « frais » et bien écrit. Drôle et parfois surprenante, Grayson souffre un chouilla des multiples références et légères connexions à ses nombreuses séries sœurs. Cela ne gâche pas la lecture mais n’en fait pas forcément une lecture « à part » et intemporelle, ce qui lui aurait permis de pouvoir presque devenir « culte ». Même si l’on est encore éloigné du côté super-héroïque, ce qui n’est absolument pas un reproche, au contraire, et des figures classiques (Batman, Nightwing, Robin), on s’en rapproche doucement sans que cela soit dommageable ou mal amené. Une lecture étonnante, à nouveau plus proche d’un James Bond qu’autre chose, mais particulièrement addictive et visuellement attractive.

Une galerie de couvertures alternatives et de dessins de recherches de personnages concluent l’ouvrage.

Grayson Superman

[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 20 mai 2016.
Scénario : Tim Seeley & Tom King
Dessin : Mikel Janin, Alvaro Martinez (Un homme ordinaire) et Stephen Mooney (Comme un fantôme de la tombe — chapitre 2 (Grayson #14))
Encrage : Raul Fernandez (Un homme ordinaire) et Hugo Petrus (Comme un fantôme de la tombe)
Couleur : Jeromy Cox
Lettrage : Stephan Boschat — Studio Makma
Traduction : Thomas Davier

(Contient : DC Sneak Peek Grayson #1, Grayson #9-14 + Annual #2)
Prologue — Nemesis (3 chapitres) — Sous vos applaudissements — Un homme ordinaire (annual) — Comme un fantôme de la tombe (2 chapitres)
Publié dans Batman Univers #1 à #7 (mars à septembre 2016)

Grayson James Bond Grayson Kiss

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Grayson – Tome 02 : Nemesis

Grayson – Tome 01 : Agent de Spyral

Après les cinq tomes de la série Nightwing, d’une qualité très hétérogène, pour ne pas dire assez pauvre, et d’une conclusion ratée, Dick continue ses aventures dans Grayson. L’identité civile de l’ancien Robin ayant été dévoilée au monde entier durant Le Règne du Mal, il ne pouvait plus agir sous le costume de Nightwing.
Critique du premier tome, contenant les huit premiers chapitres, l’annual et un secret origin, tous déjà publiés dans les magazines Batman Saga d’avril à décembre 2015.

grayson-tome-1-agent-spyral

[Histoire]
À bord d’un train, Grayson, alias l’Agent 37 cherche à « récupérer » un homme, qui serait un « méta-humain » (qui possèderait donc de potentiels pouvoirs). Il est aidé par sa coéquipière Helena Bertinelli (aka la Matrone) ; tous deux travaillent pour Spyral, dont la base est le pensionnat St Hadrian, fausse école pour jeunes filles masquant en réalité l’entraînement de nouvelles recrues. Spyral est une organisation discrète qui œuvre en secret pour éradiquer les hommes dangereux. L’homme à sa tête, Monsieur Minos (dont le visage est justement une spirale — en tout cas aux yeux de tous), ne jure que par la transparence lorsqu’il l’estime nécessaire. Il peut d’ailleurs dévoiler les identités secrètes de tous les super-héros puisqu’il possède déjà un dossier très fourni et quasiment exact pour chaque justicier (Flash, Cyborg, Batman…).

C’est afin de lutter contre cette menace que Dick Grayson a infiltré Spyral, à la demande de Batman — auprès duquel il dresse un rapport régulièrement. Le jeune homme a en effet vu son identité civile révélée au monde entier et est censé être mort (voir Le Règne du Mal), une couverture idéale pour mener a bien sa mission secrète. Seul Batman est au courant que l’ex jeune prodige est en vie, même Alfred ne le sait pas !

En attendant de découvrir qui se cache derrière Monsieur Minos, ainsi que les sombres desseins de Spyral, Grayson et Bertinelli, accompagnés parfois d’autres agents, sont chargés de récupérer les organes de Parangon, conférant à ceux sur qui ils sont greffés des propriétés surhumaines. Leur route croisera à plusieurs reprises celle du violent Midnighter.

Grayson & Helena

[Critique]
Le dernier chapitre de Nightwing (le trentième) servait de transition, voire d’introduction à cette nouvelle série. On nous y présentait vaguement l’organisation terroriste Le Poing de Caïn (qui reviendra dans ce tome) ainsi que Spyral, et un ultime affrontement, un poil primitif et illogique, entre Batman et l’ex premier Robin. Il aurait été judicieux de le placer en début d’ouvrage pour rappeler ces éléments pour les lecteurs, nouveaux ou non.

« Fils. Acrobate. Le Grayson volant. Dick.
Acolyte. Phénomène. Le Jeune Prodige. Robin.
Héros. Protecteur. L’héritier noir. Nightwing.
Prisonnier. Victime. Le martyr démasqué.
Agent. Taupe. L’espion ressuscité. Grayson. »

Peu importe, on prend plaisir à suivre ce nouveau Dick, dans un savant mélange de thriller et de science-fiction. Un croisement entre James Bond/Jason Bourne/Mission : Impossible et un improbable jeu vidéo où la quête principale serait de récupérer des objets à chaque niveau (ici des organes). À côté de cela, la psychologie des héros n’est pas forcément très fouillée : peu ou prou d’interrogations sur la psyché et l’évolution de Dick. Son rapport à « sa mort », ses proches. Le tome se focalise sur ses missions, entraînant donc pas mal de scènes d’actions, plutôt réussies, et des dialogues inspirés, avec une bonne dose d’humour, comme dans les meilleurs moment de Nightwing (et qui rappelaient déjà plus ou moins l’ADN de Spider-Man). Le pensionnat St Hadrian n’est pas en reste avec pas mal de moments sympathiques voire franchement drôles avec les élèves (et surtout groupies) de Dick. Ces dernières, petits seconds rôles, mériteraient un développement plus abouti, peut-être par la suite, il y a du potentiel.

Grayson Midnighter

Malgré tout, ce premier tome contient quelques failles : un côté prévisible dans le déroulement des chapitres et principalement dans sa fin, expéditive et guère surprenante, une facilité scénariste avec l’hypnos, outil de manipulation greffé dans l’œil des agents *, des incompréhensions assez loufoques (le visage de Minos *, le rôle du « Jardinier » ?), une romance entamée (avec l’Agent 8) puis radicalement terminée sans revenir dessus, etc. Nonobstant, l’ensemble reste original et « frais », il est conseillé.

L’occasion aussi de (re)voir Midnighter, un anti-héros issu de Stormwatch, un univers de comics créé par Jim Lee en 1993 via son label Image Comics/WildStorm. Midnighter est plus connu, en France, pour ses apparitions dans les séries The Authority (signées par Warren Ellis à l’aube des années 2000 — qu’Urban rééditera à terme). Plus qu’une simple copie homosexuelle de Batman (costume similaire, violence excessive), Midnighter fait office ici d’antagoniste, tour à tour ennemi puis allié forcé. Impossible évidemment de ne pas y voir une alternative à l’ancienne relation (professionnelle et amicale) de Robin envers son mentor. On découvre également la version New52 de Helena Bertinelli, plus connue sous son alias de Huntress. Fille d’un mafieux et super-héroïne violente et radicale dans la continuité et la chronologie « classique », Huntress apparaît surtout dans la saga No Man’s Land et plus anecdotiquement dans Silence. Ici elle est une « simple » agent et co-équipière de Dick, plutôt sympathique.

En plus des qualités d’écritures (même s’il y a les imperfections évoquées plus haut) de Tim Seeley et Tom King, la partie graphique est extrêmement réussie. Mikel Janin a un style très fin et réaliste, la colorisation de Jeromy Cox donne ainsi un aspect se rapprochant d’un jeu vidéo en 2D (un peu comme du cell-shading) en beaucoup plus élégant. L’ensemble confère une légère fausse impression de relief, parfaitement léchée. Le quatrième chapitre, se déroulant quasi intégralement dans le désert est somptueux, sans nul doute le passage le plus abouti visuellement parlant. L’annual est assuré par Stephen Mooney, pas déplaisant non plus mais dans un style sensiblement différent, valant le détour pour ses paysages irlandais (d’où provient le dessinateur justement). Si cet annual n’est finalement pas très « original » car il reste dans le ton des autres chapitres (ce n’est pas un reproche en soi), le secret origin, à nouveau dessiné par Mooney, est moins convenu : le passé du héros étant narré par Helena lorsqu’elle conseillait Mr Minos de recruter Dick. Un joli écho à un passif super-héroïque qu’on aurait presque tendance à oublier en lisant les aventures de ses « agents très spéciaux ». Mooney rempilera pour un autre chapitre (le septième) avant que Janin ne termine l’arc en reprenant la main. La cohérence reste de mise entre les deux, même si clairement les traits de Mooney, plus gras, et l’absence de détails dans certaines cases sont à relever.

Grayson Desert

Reste que, légitimement parlant, nous ne sommes pas vraiment dans une histoire de super-héros mais plutôt d’espionnage. Loin d’être un défaut, cela va dérouter les lecteurs s’attendant à trouver des justiciers costumés et des références à Batman. Celles-ci sont éparses, entre une communication entre l’ancien élève et son mentor (noms de code des deux : Ornithologue et Monsieur Malone) sur une courte planche par chapitre, et quelques références à Batman Eternal (qui se déroulait en même temps). Beaucoup de changements donc, et pas de Robin ni de Nightwing.

Une lecture soignée, imparfaite mais rafraîchissante, drôle et qui change de l’univers « classique » de Batman, voire de DC Comics. La part belle aux illustrations et aux couvertures compensent les faiblesses d’écriture. Chaudement recommandé.

Grayson Dick Sex

« Oh, oui, vous, les nobles super-héros, vous tirez des rayons laser, des flèches, des batatrucs, mais un flingue, non, non, jamais.
Seigneur Dieu ! Pas un flingue !
Vous êtes tous comme Batman. Des petits garçons cachés sous leur masque, qui pleurent leur maman décédée. […]
Tu n’es pas un super-héros. Tu es un espion avec un flingue. Tu n’es pas Wing-Knight, Night-Wing ou quoi que ce soit. »

NB : Le chapitre one-shot de Grayson « Futures End » (se déroulent dans le futur) a été publié entre les chapitres 2 et 3 de la série. Intitulé Un lieu unique pour mourir, ce dernier était plutôt audacieux (se déroulant dans le désordre chronologique) et mérite sa place dans un ouvrage en librairie (peut-être dans les tomes suivants ?) car même si l’histoire décrite dans ce dernier (dans un possible futur cinq ans après « le présent ») ne se réalise pas, il vaut le détour.

Grayson Hypnos

* en détail : la « technologie hypnos de distorsion visuelle et de manipulation mémorielle » permet d’hypnotiser les personnes regardant les visages de ceux qui portent l’hypnos ; ainsi ceux qui croisent les agents sont incapables de se souvenir de la face de leur agresseur, ils ne voient qu’une spirale à la place d’un visage. C’est ce même principe qui est appliqué à Monsieur Minos, rendant son visage méconnaissable également pour ses propres agents. Le tome 2 viendra davantage éclairer ce concept.

La critique du tome 2 (la suite directe) est en ligne.

Grayson Mr Minos

[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 6 novembre 2015.

Scénario : Tim Seeley & Tom King
Dessin : Mikel Janin et Stephen Mooney (Grayson #7 + Secret Origins #8 + Annual #1)
Couleur : Jeromy Cox
Lettrage : Stephan Boschat — Studio Makma
Traduction : Thomas Davier
Publié dans Batman Saga #35 à #43 (avril à décembre 2015)

(Contient : Grayson #1-8, Annual 1 + Secret Origins #8)

Grayson Action

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Grayson Helena

Batman – Tome 08 : La Relève (1ère partie)

Avant-dernier tome de la série scénarisée par Scott Snyder, l’artiste va encore plus loin que d’habitude pour casser les codes de la mythologie du Chevalier Noir. Audacieux ou ridicule ? Dans les deux cas, c’est osé et ne laisse pas indifférent. Plongée dans la suite de Mascarade, qui dévoile un nouveau Batman, au sens littéral comme au figuré.

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[Histoire]
Cinq ans avant l’attaque du Joker sur Gotham City, un cadavre était retrouvé par Batman dans les marécages en amont de la ville. Ce dernier aurait un lien avec… Le Pingouin.

De nos jours, alors que Batman est considéré comme mort, c’est l’ancien commissaire Gordon qui est désigné par la puissante compagnie Powers International pour remplacer le Chevalier Noir ! Mais celui-ci travaillera avec la police et n’agira pas en totale indépendance. L’évolution du symbole du justicier s’illustre également à travers un costume radicalement modifié puisque « Batman » est aux commandes, la majeure partie du temps, d’une armure géante/combinaison robotique. Celle-ci ne sera pas de trop pour venir à bout d’ennemis composés d’énergie et aux super-pouvoirs divers.

De son côté, Bruce Wayne est sorti vivant de son combat contre le Joker mais est devenu amnésique. Il est en couple et s’occupe de jeunes enfants dans un refuge de Lucius Fox. Alfred lui a rappelé une partie de son passé mais lui a caché son ancienne identité secrète, afin que son maître continue de vivre heureux et apaisé.

Dans les ruelles de Gotham, un nouveau mal rôde : Mister Bloom, créature longiforme qui a l’air indestructible…

Batman Bunny

[Critique]
Voici une histoire atypique dans l’univers de Batman. Si le chapitre qui ouvre le comic-book (le #44, Un cas comme un autre, sorte de flash-back placé en début d’intrigue pour cette version reliée en librairie) est de facture classique, écrit par Scott Snyder et Brian Azzarello (Dark Knight III, La Cité Brisée), élégamment dessiné par Jock (Sombre Reflet) qui signe aussi la couverture choisie pour cette édition française, les suivants (du #41 au #43 puis le #45) du tandem Snyder-Capullo offrent un renouveau faussement polémique. Tout d’abord, Bruce Wayne écarté de son rôle de justicier a déjà été vu, aussi bien dans le run de Morrison (lorsque Batman était « mort » et remplacé par Dick Grayson) mais également dans la saga Knightfall, où Jean-Paul Valley lui succédait le temps que le milliardaire se remette de sa blessure. Ce fameux « Azraël » évoluait d’ailleurs vers un costume de plus en plus robotique, comme ici et à l’instar de l’armure qu’endosse Batman dans The Dark Knight Returns de Frank Miller (et dans une moindre mesure dans Kingdom Come). Bref, rien de réellement novateur sur ce plan là ; seule l’amnésie de Wayne est « originale ». Plus anecdotique : ce principe de relève (comme le titre du livre) se rapproche de la vision de Christopher Nolan dans son film The Dark Knight Rises, qui concluait sa trilogie.

Par ailleurs, l’idée que Batman soit financé (et « contrôlé ») par une organisation rappelle à nouveau Morrison avec Batman Incorporated (la notion de contrôle en moins, évidemment). Finalement, outre le look d’une armure tourné vers les « mechas » (issus des animes et mangas, donc de la culture japonaise) et plutôt calqué sur un lapin qu’une chauve-souris, c’est surtout que Gordon soit affilié à cette position qui est surprenant. C’est éventuellement réprobateur : le policier, quarante-six ans dans la série, suit un entraînement intensif, se rase le crâne, enchaîne les vannes et les punchlines… En somme, ce Gordon 2.0 devient « cool » et totalement différent du personnage classique. C’est ce parti pris, trahison suprême ou intéressante initiative, qui mérite un débat. Dans l’évolution du travail de Scott Snyder, ça ne choque pas tant que cela mais pour un respect de cohérence, il aurait été plus judicieux de choisir un autre protagoniste pour incarner cette mouture. Pourquoi pas Harper Row, alias Bluebird ? Une jeune fille démunie et un brin punk : une image totalement contrastée avec celle de Bruce Wayne. Introduite dès le début de la série et occupant une place de plus en plus importante (notamment dans Batman Eternal), cela aurait été un choix certainement plus judicieux (mais toujours délicat par rapport au reste).

Bruce Wayne Gordon New Batman

Scott Snyder, très lucide, a anticipé les critiques négatives (une fois de plus) en établissant plusieurs mises en abîme dans sa bande dessinée pour montrer à son lectorat qu’il a bien conscience du traitement totalement hors-norme qu’il fait subir à Batman. Ainsi, l’on découvre en dessin deux enfants qui tiennent chacun une figurine du Chevalier Noir : l’un a celle du Batman « classique », l’autre celle du nouveau (c’est à dire de l’armure/du robot).

« Tu peux raconter ce que tu veux, mais Batman, c’est celui-ci. C’est lui, le vrai.
Ton machin là ? Même s’il a toute une collec’ de jouets assortis, c’est pas Batman.
Et puis, sérieux, il a même pas de Batmobile ! »

Même chose plus loin, avec Gordon qui explique que sa combinaison hight-tech, ressemblant plus à un lapin qu’à une chauve-souris, n’est pas non plus ce qu’est censée représenter le Chevalier Noir. Sans parler de la Batmobile devenue un énorme camion blindé…

« Parce que pour moi, non, hein, c’est pas Batman, ça. […]
On dirait… Un Bat-Lapin. Un Robot-Bat-Lapin ? »
[Gordon lorsqu’il découvre sa future armure.]

Batman La Releve Figurines

À côté de cette version plus ou moins novatrice de Batman, le lecteur découvre un ennemi végétal, créature hybride particulièrement menaçante, encore un peu mystérieuse. Poison Ivy aurait-elle été plus appropriée ? Très certainement. Elle aurait gagée aussi à parfaire un angle « réaliste » plausible qui était sensiblement instauré depuis le premier tome. Le Caped Crusader affronte en plus d’autre étrangetés, monstres organiques et/ou composés d’énergie (!). Ces combats ne transportent pas vraiment le lecteur (d’autant plus qu’on ne comprend pas spécialement leurs enjeux), ils servent surtout à se familiariser avec Gordon/Batman.

Les quatre chapitres de Snyder/Capullo sont encore trop « maigres » pour plonger avec fascination dans ce nouvel arc. Comme pour La Cour/Nuit des Hiboux et L’An Zéro, Snyder préfère étaler (à raison) son histoire sur l’équivalent de deux volumes. Ce n’est pas plus mal car ses « one-shot » (Le Deuil de la Famille et Mascarade) se lisent trop rapidement, confèrent un sentiment de bâclage voire de chapitres expéditifs. Il faudra donc attendre la suite (et fin) de cette relève pour construire un avis définitif, aussi bien sur ce segment que sur son travail global sur la série.

Comme toujours, côté graphique, le triptyque de choc excelle : Greg Capullo et son trait fin, détaillé et fluide, encré par Danny Miki puis colorisé avec brio par Fco Plascencia. Ce dernier procure, depuis L’An Zéro, un rendu visuel parfois « psychédélique », avec de nombreuses couleurs vives : en résultent d’agréables planches. Pour la partie scénaristique, cela devient une habitude : Snyder enchaîne bonnes et mauvaises idées et citent beaucoup ses anciennes et annexes productions (agréable pour le fin connaisseur, déstabilisant pour le néophyte). Par exemple le jeune Duke aperçu enfant dans L’An Zéro est ici adolescent et les connexions avec Batman Eternal et Mascarade sont nombreuses. Mais on navigue entre flashbacks et flashforwards avec une étonnante fluidité (les prémices du nouveau Batman, l’acceptation puis le changement de Gordon, ses affrontements, etc.).

Batman Gordon Suit Costume

Batman Annual #4, Maison de Fous, clôt l’ouvrage. Écrit par James Tynion IV (fidèle compagnon de plume de Snyder, comme le #3 publié dans Mascarade), on y suit Bruce Wayne (qui ignore toujours son ancienne double-identité), sa compagne Julie, mademoiselle Powers (à la tête de la compagnie éponyme qui a recruté Gordon en nouveau Batman) et Alfred dans le manoir familial (qui était devenu provisoirement le lieu d’hébergements des fous de l’asile d’Arkham, suite à son effondrement dans Batman Eternal). Le petit groupe sera confronté à l’Homme-Mystère, Mister Freeze et Gueule d’Argile. Un bon complément, dessiné par Roge Antonio, qui poursuit le statu quo inédit du lieu. La Relève est donc à découvrir, principalement pour son originalité (qui divisera, comme toujours), mais il est nécessaire de prévoir l’achat de la suite, faute de ne pas être totalement satisfait cette fois-ci.

Batman Releve

[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 27 mai 2016.
Scénario : Scott Snyder, Brian Azzarello (Un cas comme un autre) et James Tynion IV (Maison de fous)
Dessin : Greg Capullo, Jock (Un cas comme un autre) et Roge Antonio (Maison de fous)
Encrage : Danny Miki
Couleur : Fco Plascencia, Lee Loughridge (Un cas comme un autre) et Dave McCaig (Maison de fous)
Lettrage : Stephan Boschat — Studio Makma
Traduction : Jérôme Wicky

Contient : Batman #41-45 and Free Comic Book Day 2015: DC Comics Divergence #1 + Batman Annual #4

Batman Jock

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Mister Bloom