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Batman – One Bad Day : Double-Face

Second opus (sur huit, cf. index) de la gamme One Bad Day (après celui consacré au Sphinx), que vaut celui sur Double-Face ?

[Résumé de l’éditeur]
Si Harvey Dent n’avait pas été défiguré à l’acide, peut-être aurait-il pu continuer à œuvrer du côté de la loi en tant que procureur. Peut-être serait-il resté l’allié de Batman, aux côtés de Jim Gordon… Quoi qu’il en soit, Harvey Dent est aujourd’hui libre, apparemment débarrassé de sa double-personnalité criminelle. Mais lorsque son père de 88 ans est menacé, l’ancien monstre de foire menace de réapparaître. Tout se jouera à pile ou face.

[Début de l’histoire]
Harvey Dent semblé guéri et souhaite une seconde chance. Le maire de Gotham, Nakano, n’est pas très enclin mais accepte d’aider l’ancien procureur.

Quand Dent fait appel à Batman pour enquêter sur des menaces envers le père d’Harvey, l’entourage du Chevalier Noir lui rappelle les multiples problèmes et blessures liées à Double-Face

[Critique]
Un bon titre (court, 64 pages comme à chaque fois) sur Double-Face mais le concept du « One Bad Day » inexistant. Voilà qui résume assez bien l’œuvre. En effet, cette collection est censée montrer « le mauvais jour », celui où un vilain mythique a basculé pour embrasser pleinement sa voie maléfique (à l’instar de Killing Joke et du volume sur le Sphinx). Ce n’est absolument pas le cas ici, ce One Bad Day : Double-Face s’inscrit d’ailleurs dans la continuité des séries Batman (Infinite notamment). Le maire Nakano est présent, il y est fait mention du No Man’s Land, Batgirl est actuellement Stephanie Brown, Cassandra Cain (Orphan) est alliée au Chevalier Noir également et ainsi de suite.

Il peut être donc difficile (toutes proportions gardées) d’aborder ce récit complet comme tel même s’il reste accessible (car il ne faut pas s’attendre à banalement Batman contre Double-Face (ou Harvey Dent), il y a le background autour). Une fois ce statu quo acté, que reste-t-il de l’aventure ? Et bien une proposition graphique honorable, un rythme efficace, une intrigue pas très originale mais qui fonctionne pour ce qu’elle a à présenter, c’est-à-dire une énième variation de la vraie-fausse rédemption de Double-Face. Un sentiment de déjà-vu ? Assurément pour les lecteurs de longue date. Indispensable ? Absolument pas, au contraire (surtout pour le prix, 15 €).

Mariko Tamaki signe donc un scénario convenu, elle était plus inspirée pour son chouette roman graphique Harley Quinn – Breaking Glass (premier volet de la collection Urban Link désormais arrêtée) – et une BD récompensée, Cet été-là. Elle travaille aussi, entre autres, sur la série Batman Detective Comics Infinite (c’est probablement pour cela qu’elle a inscrit son récit dans cette continuité). Reste les dessins (et l’encrage) de Javier Fernandez (vu en grande partie sur la série Nighwing Rebirth) couplé à la colorisation de Jordie Bellaire (en petite forme). En résulte des planches sympathiques, dénotant avec les habituels comics, quelques compositions donnent une vague impression de bande dessinée un peu indépendante.

Comme souvent dans ce genre de cas, à part les amoureux de Double-Face, les autres n’y trouveront probablement par leur compte. Ce One Bad Day aurait très bien pu être un épisode annual de la série Batman ou Detective Comics que ça n’aurait pas changer grand chose. On apprécie donc un rythme efficace, un début narratif plutôt solide et des planches globalement agréables. Hélas, c’est à peu près tout. Ce n’est pas mauvais, ce n’est pas non plus très bon. Ça ne correspond pas vraiment à la « promesse éditoriale » (pour ceux qui la connaissent en tout cas) et ça revient un peu cher pour ce que c’est…

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 7 avril 2023.
Contient : Batman – One Bad Day : Two-Face 

Scénario : Mariko Tamaki
Dessin & encrage : Javier Fernandez
Couleur : Jordie Bellaire

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Studio Myrtille (Christophe Semal)

Acheter sur amazon.frBatman – One Bad Day : Double-Face (15 €)




Batman – Le film 1989

Adaptation hyper fidèle au célèbre film de Tim Burton sorti en 1989 (toujours pas chroniqué sur ce site), cette bande dessinée n’a pas forcément grand intérêt car elle n’apporte rien de plus. À réserver aux complétistes ou aux amoureux du dessinateur/encreur Jerry Orway. Soulignons malgré tout la belle édition d’Urban, garnie de bonus (à l’inverse de la précédente édition française de Comics USA en… 1989).

[Résumé de l’éditeur]
Depuis le meurtre de ses parents, Bruce Wayne s’est juré de se venger en éradiquant le crime dans sa ville et en se parant du costume du Chevalier Noir. Pour réussir, il va bientôt devoir affronter celui qui deviendra l’un de ses plus redoutables ennemis : un certain Jack Napier, le bras droit du parrain de la pègre de Gotham. Batman ne tarde alors pas à découvrir que son adversaire est étroitement lié à son destin…

[Début de l’histoire]
À Gotham City, une rumeur court : une chauve-souris géante sévirait dans la ville. Les journalistes Alexander Knox et Vicky Vale enquêtent dessus, alors que la police se refuse d’y croire. Le parrain Carl Grissom a la main-mise sur la ville, avec son bras droit Jack Napier.

Un soir, lors d’une soirée au Manoir Wayne où les deux journalistes sont conviés, Bruce Wayne, sous le charme de Vicky Vale, doit s’éclipser pour aider la police à arrêter Napier, trahi par son patron Grissom (il entretenait une relation avec sa conjointe). Sous le costume de la chauve-souris, Batman, n’arrive pas à empêcher Jack de tomber dans une cuve d’acide qui transformera l’homme en terrible fou encore plus psychopathe : le Joker !

[Critique]
Difficile de conseiller l’achat de Batman – Le film 1989 puisque les amoureux du long-métrage de Tim Burton y trouveront « uniquement » sa version de papier (un brin raccourcie et composée de 95% des mêmes scènes mais sans la musique et l’habillage artistique propre au cinéma évidemment). Ceux qui aiment le film préféreront probablement le revoir ou bien s’ils sont complétistes, ils voudront ce comic book (qui peut agir comme une madeleine de Proust ou un bref voyage nostalgique). En soixante quatre pages (seulement !) Dennis O’Neil reprend quasiment mot pour mot les dialogues et le même cheminement narratif que la fiction du septième art.

Bien sûr, il y a énormément de choses à dire sur le film de Burton (ses qualités intrinsèques, son adaptation et sa révolution pour le genre) mais on aurait bien du mal à les cerner ici tant le médium est différent. C’est peut-être l’avant-propos de Yann Graf (éditeur chez Urban Comics, traducteur depuis peu et spécialiste de Batman) qui apporte aussi bien une nouveauté qu’un contexte intéressant sur le parcours (compliqué) de la gestation de la production et la finalisation de l’œuvre.

Justement, il était difficile à l’époque de revoir aisément le film (à part au cinéma durant sa sortie) puis quelques mois plus tard en laserdisc et VHS pour les plus fortunés. Cette version en BD offrait donc une certaine « seconde séance » appréciable, d’autant plus les dessins et l’encrage de Jerry Ordway (sur place durant le tournage pour mieux se familiariser des traits des acteurs) sont particulièrement réussis et fidèles.

La colorisation de Steve Oliff confère un certain réalisme et s’approprie l’imagerie gothique propre à l’univers instauré par Burton et son célèbre Joker/Jack Napier/Jack Nicholson – qui vole aussi la vedette à Batman/Bruce Wayne/Michael Keaton (de même que Vicky Vale/Kim Basinger quasiment). Manque une certaine dimension épique et spectaculaire, la BD restant assez « figée » et en ayant (forcément) en tête sa version cinéma, difficile de l’apprécier pleinement.

L’édition propose en bonus l’intégralité des planches en noir et blanc encrés et en anglais (cf. image tout en bas de cette critique) ainsi que quelques croquis et couvertures. Un contenu plus adapté que la précédente édition française sorti en 1989 (qui avait eu droit à une courte critique sur ce site). La même équipe artistique récidivera pour adapter en comics le second film de Tim Burton (Batman Returns/Le défi). Ceux appréciant le style de Jerry Ordway peuvent se tourner vers le célèbre Crisis on Infinite Earths qu’il avait signé quelques années plus tôt.

Du reste, on attend plutôt avec impatience la série de comics Batman’89 (six épisodes) publiée aux États-Unis en 2021, qui se veut être la suite directe du film, uniquement disponible dans ce format (cf. couverture à gauche).

Une curiosité absolue disponible en VO en one-shot pour une vingtaine d’euros mettant en avant Double-Face sous les traits de Billy Dee Williams (qui incarnait Harvey Dent dans le premier film Batman), la même Catwoman (Michelle Pfeiffer) et… un Robin !

Le tout écrit par Sam Hamm, scénariste des deux films de Burton. Pour l’instant, cette suite inédite n’est pas annoncée en France (mais la réédition de l’ouvrage de cette critique laisse à penser que c’est prévu).

 

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[À propos]
Publié chez Urban Comics le 10 novembre 2022.
Contient : Batman – The 1989 Movie Adaptation Deluxe Edition 

Scénario : Denis O’Neil
Dessin et encrage : Jerry Ordway
Couleur : Steve Oliff

Traduction : Xavier Hanard
Lettrage : Cromatik Ltd

Acheter sur amazon.fr : Batman – Le film 1989 (17 €)

 


Batman – One Bad Day : Le Sphinx

One Bad Day est une nouvelle collection (en huit volumes, cf. index) se concentrant sur un antagoniste mythique du Chevalier Noir et particulièrement « le jour où il a basculé ». Une mauvaise journée donc, reprenant (plus ou moins) ce qu’a créé Alan Moore dans Killing Joke (pour justifier la naissance du Joker). Le célèbre Sphinx inaugure cette gamme (Double-Face est prévu en avril, le Pingouin en mai, Mr. Freeze en juin puis Bane en juillet). Chaque récit est complet, comporte 70 pages environ et coûte 15 €. Critique.

[Résumé de l’éditeur]
Un homme vient d’être tué en plein jour. Et son cadavre porte la marque du Sphinx. Mais les raisons du crime ne semblent pas être claires… En revanche, le modus operandi du criminel implique comme toujours de nombreuses énigmes pour retracer sa piste. Et les règles du jeu sont strictes. Batman devra mettre tout son talent de détective au service de ce nouveau jeu de piste pour comprendre les véritables motivations du meurtrier.

[Critique]
On tient la curiosité voire le premier coup de cœur de l’année 2023 (avec Catwoman – Lonely City) ! Évidemment, la bande dessinée séduira avant tout les fans du Sphinx (comme l’auteur de ces lignes) mais il se dégage une vraie patte quasiment « indépendante » en lisant ce comic book ! D’abord graphiquement (on y reviendra) mais aussi dans sa narration décousue, parfois complexe, parfois étrange (les dialogues entre Edward jeune et l’un de ses professeurs semblent peu plausibles – sortis de l’imaginaire de l’adolescent ?), son traitement singulier de l’enquête et, surtout, de l’ennemi au centre du récit.

C’est très simple : le Sphinx n’a jamais semblé aussi effrayant alors qu’il ne fait « rien » de concret. Ses crimes possibles d’un claquement de doigt (meurtres, chantage…) lui confèrent un respect et une crainte rarement vus dans le genre (et même dans les titres où il était à l’honneur, comme par exemple Batman – Silence). Le prisme choisi ici est l’hyper-réalisme, rappelant quelques histoires récentes comme l’excellent Batman – Imposter. Cet Edward Nygma pourrait donc exister dans notre monde, tel un sociopathe (ce qui n’est pas sans rappeler la performance de Paul Dano dans le même rôle dans le très bon film The Batman sorti en 2022).

L’écriture de Tom King (auteur clivant, habitué de l’écurie DC Comics, cf. son run Batman Rebirth, Batman/Catwoman, Heroes in Crisis, etc.) confère une dimension humaine et tragique au personnage principal. Deux lignes temporels cohabitent. L’une sur la jeunesse d’Edward Tierney (son véritable nom de famille visiblement), aux tons sépia (on en parle plus loin), montrant l’évolution d’un enfant/adolescent craintif face à un père autoritaire. Doué à l’école mais pas forcément le meilleur, le jeune Edward noue une relation étrange avec un de ses professeurs – modèle paternel de substitution. En parallèle, dans le présent, un Batman plus aguerri et mystérieux que jamais, tente de comprendre pourquoi le Sphinx s’est fait arrêter volontairement.

La jeunesse d’Edward est assez convenue dans le genre (pour « comprendre/justifier » son basculement progressive vers la folie – ou l’intelligence ?) et l’investigation de Batman est (trop) bavarde, usant de sentiers parfois battus mais d’autres parfois inédits. Néanmoins, elle converge vers une confrontation d’anthologie sur… un terrain de basketball ! Les deux ennemis y échangent non pas des balles mais un dialogue ciselé et tendu.

Tout au long de la fiction, l’ADN du Sphinx est parfaitement représenté, modernisé et même développé avec une certaine lassitude chez le principal intéressé. Difficile de s’épancher davantage sans en dévoiler trop et tant la lecture n’est pas forcément limpide (voire carrément décevante à certains passages). Règles du jeu, tricherie, ego… pas de doute, Edward est bien au cœur du récit mais l’ensemble est un peu trop verbeux de temps à autre, sans que ce soit nécessaire ou pertinent. C’est le point faible du titre, assurément.

Heureusement, les sublimes dessins de Mitch Gerads (intervenu ponctuellement sur les œuvres de King précitées) et sa colorisation livrent un travail magistral ! Outre l’atmosphère et l’ambiance (noire, évidemment), l’artiste joue sur plusieurs tableaux. Il dépeint des protagonistes avec une certaine dose de réalisme et une approche chromatique atypique. En n’utilisant quasiment que deux couleurs, le vert et l’orange et leurs variations (beige/crème notamment) et sans compter le noir et blanc bien sûr, Gerads dénote et livre un style hors-norme.

Tout le passé d’Edward fourmille de nappes sépias, ancrant bien se segment dans un passé « lumineux » contrastant avec le lugubre présent. Ainsi, au-delà de sa Gotham nocturne, pluvieuse, son Arkham angoissant et d’autres lieux divers, l’illustrateur relie les deux jonctions temporelles dans une magnifique double page (à découvrir en bas de cet article).

Il fait du Chevalier Noir un (anti)héros de l’ombre, on voit rarement le bas de son visage quand il endosse son costume par exemple. Mieux : le justicier franchit plus ou moins certaines limites et la conclusion reste ouverte sur ce sujet, promettant des discussions virtuelles et réelles qui marqueront probablement le titre dans une certaine « postérité », toutes proportions gardées.

Reste un premier opus d’une collection au prix à la fois accessible (15 €) mais potentiellement « décevant » face au nombre de pages (soixante-dix environ). C’est un débat sans fin (déjà ouvert à l’époque de Killing Joke) quand on sait qu’en compilant les autres titres ensemble (voir ci-après), le ratio pages/prix aurait été largement plus avantageux mais… au risque d’avoir un livre aux histoires inégales.

Batman – One Bad Day : Le Sphinx s’ajoute à Batman Arkham – Le Sphinx pour les amoureux du célèbre Riddler (son nom en VO). Les autres ne devraient pas forcément passer leur chemin face à cette proposition singulière (aussi bien graphiquement que scénaristiquement) d’un Batman ambigu face à un ennemi complexe et le tout superbement croqué, proche d’une bande dessinée indé. Pas un chef-d’œuvre (il y a plusieurs défauts) mais un véritable coup de cœur.

(Cette critique a été rédigée plusieurs semaines après lecture du comic, chose assez inhabituelle sur le site – pas impossible qu’une seconde lecture prochainement (d’ici fin mars) engendrera une petite réécriture/mise à jour.)

Début 2023, six Batman – One Bad Day ont été publiés aux États-Unis : Bane, Catwoman, Le Pingouin, Mr. Freeze, le Sphinx/Riddler et Double-Face. Les deux derniers mettront en avant Gueule d’Argile et Ra’s al Ghul (étonnamment pas de Poison Ivy et d’Harley Quinn). En mars 2023, on savait qu’Urban Comics allait publier un titre chaque mois jusqu’en juillet : Double-Face en avril, Le Pingouin en mai, Mr. Freeze en juin et Bane en juillet. Catwoman arrivera probablement en août ou septembre 2023 puis Gueule d’Argile et Ra’s al Ghul à la rentrée. À noter qu’aux États-Unis les huit tomes ont été regroupés dans un élégant coffret ; on ignore si Urban le proposera.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 17 mars 2023
Contient : Batman – One Bad Day : The Riddler 

Scénario : Tom King
Dessin & couleur : Mitch Gerads

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : Studio Myrtille (Christophe Semal)

Acheter sur amazon.frBatman – One Bad Day : Le Sphinx (15€)