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Batman Detective Comics – Tome 03 : La Ligue des Ombres

Après un second tome très convaincant, retour sur le troisième volume de la série Batman Detective Comics sous l’ère Rebirth.

[Résumé de l’éditeur]
Depuis des années, la Ligue des Ombres agit en secret pour prendre le contrôle de Gotham. L’équipe dirigée par Batman et Batwoman va devoir affronter ce qui n’était jusqu’ici qu’une sinistre rumeur. Mais au milieu de cette lutte sans merci, le secret des origines d’Orphan menace la stabilité du groupe.

[Histoire]
Les alliés de Batman traversent une période compliquée : Orphan est toujours autant isolée malgré son amitié avec Harper Row, Gueule d’Argile broie du noir car son ADN en tant que Basil Karlo est de moins en moins présent dans son corps, Jean-Paul Valley tente d’intégrer tant bien que mal l’équipe, etc.

Le colonel Jacob Kane, père de Kathy (Batwoman), toujours prisonnier, justifie ses actes passées pour protéger Gotham de la mystérieuse Ligue des Ombres. Un prétexte pour le Chevalier Noir qui pense que cette organisation sert juste à faire peur à la Ligue des Assassins de Ra’s al Ghul.

Pourtant, Lady Shiva est de retour dans la ville. La mère de Cassandra Cain (Orphan) est-elle derrière une attaque groupée ressemblant fortement à un mode opérateur du Joker ?!

Et pour ne rien arrangé : le maire Hady est assassiné et le coupable présumé est… Batman !

[Critique]
Tome de transition assez chargé voire confus. On s’y perd un peu entre la Ligue des Ombres ET celles des Assassins (sachant que la première a déjà porté le nom de la seconde et vice-versa – notamment dans le film Batman Begins, ce qui peut induire en erreur un lectorat novice). Le point fort de l’œuvre est, à l’instar des deux précédents, la mise en avant de certains personnages secondaires. Ici c’est principalement Cassandra Cain qui occupe cette place (et un peu Gueule d’Argile). La jeune femme s’ouvre aux autres et elle croise sa mère, Lady Shiva.

À ce titre, ce tome confirme à nouveau que la série est la suite directe de Batman & Robin Eternal (qu’elle cite plusieurs fois depuis le début), de quoi allécher les lecteurs à se tourner vers cette saga s’ils ne la connaissent pas (dont le premier cycle, Batman Eternal, était une réussite totale là où le second, Batman & Robin Eternal, enchaînait les ratés) ou à récompenser les fans de longue date avec une extension plus ou moins réussie mais suffisamment originale pour être lue avec un certain intérêt. Dans les deux cas c’est gagnant (pour l’éditeur).

Les intrigues se connectent plus ou moins mais bénéficient de grosses facilités scénaristiques : les blessés reviennent vite au combat (on parle de trois personnages s’étant pris une épée dans le ventre !), Orphan anéantit à elle-seule une armée, Ra’s al Ghul arrive tranquillou dans la Bat-Cave, Lady Shiva maîtrise Batman en deux mouvements, etc. Tout va un peu trop vite pour qu’on y croit aisément… Il est d’ailleurs dommage d’avoir choisi la couverture de Ghul contre Batman puisque le célèbre ennemi n’intervient qu’en fin d’ouvrage et s’avère être un élément de surprise.

Pas mal de défauts donc, côté écriture surtout malgré les éléments habituels de la fiction qui fonctionnent toujours bien : le rythme est bon, l’équilibre de l’équipe fonctionne avec toujours un ou deux protagonistes plus soigné à chaque tome, etc. Mais cette fois (surtout après l’excellent deuxième volume), tout est « trop gros » pour qu’on suspende notre crédulité au plaisir du divertissement. L’auteur James Tynion IV signe son premier « loupé » au bout de trois tomes (les guillemets sont de mises car, on insiste, ce n’est pas non plus mauvais ou raté, juste qu’on a du mal avec ces énormités scénaristiques…).

L’histoire n’est pas mauvaise en soi mais conjugue trop d’énormités pour qu’on y prenne vraiment du plaisir. Heureusement, les dessins régalent la plupart du temps, avec parfois de beaux combats (et toujours des planches à lire « horizontalement » étalées sur deux pages sans qu’on s’en rende compte de prime abord ou gâchant la lisibilité tant il faut écarter le livre au milieu pour conserver une certaine lisibilité – dommage donc, mais c’est un problème relevé à chaque tome). Du côté des artistes, c’est un festival : Marcio Takara, Christian Duce, Fernando Blanco, Alvaro Martinez et Eddy Barrows (bien connu des fans des Nightwing période New 52). En somme, il s’agit de l’équipe artistique plus ou moins habituelle sur le titre avec des styles assez similaire et une cohérence graphique respectée. Les coloristes (sept !) sont là aussi les familiers de la bande dessinée (cf. rubrique À propos).

Pour l’anecdote, La Ligue des Ombres mentionne le second tome d’All Star Batman et s’achève sur un chapitre back-up montrant Batman et Red Robin (seule présence du co-équipier dans l’histoire) annonçant Batman Metal. Spoiler n’apparaît pas dans ce troisième tome (on la retrouvera brièvement en introduction du quatrième puis dans le cinquième), une mystérieuse armure au début du livre ne trouve pas d’écho plus tard (là aussi il faudra attendre le tome suivant) et l’ennemi très secondaire Ulysse est « à suivre », il y a un bon potentiel. Pas mal de crayonnés et croquis complémentent la traditionnelle galerie des couvertures alternatives des chapitres en guise de bonus. Du reste, comme évoqué dans la critique, on partage un mélange de déception et lecture simpliste…

[À propos]
Publié le 6 avril 2018 chez Urban Comics, précédemment publié dans les magazines Batman Rebirth #8 à #11 (janvier à avril 2018).

Contient : Detective Comics #950-956

Scénario : James Tynion IV
Dessin : voir critique
Couleur : Dean White, Alex Sinclair, John Rauch, Allen Passalaqua, Marcelo Maiolo, Brad Anderson, Adriano Lucas
Encrage : Raul Fernandez, Eber Ferreira

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Stephan Boschat (studio MAKMA)

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(Admirez ce « Café du chien »…)

Batman Imposter

Scénarisé par Mattson Tomlin, qui a brièvement participé à l’écriture du film The Batman, dessiné par le talentueux Andrea Sorrentino (Joker – Killer Smile), publié dans le prestigieux Black Label, proposé en France le 25 février 2022, soit très rapidement après sa sortie US (dernier trimestre 2021) et dans deux deux éditions (une classique et une limitée en vente exclusivement chez Leclerc), que vaut Batman Imposter, récit complet en trois chapitres dont les couvertures variantes sont signées par le célèbre Lee Bermejo (Joker) ? Découverte et critique d’un titre qui risque de devenir rapidement culte ! Explications.

(La couverture à gauche est la régulière, à droite la limitée en vente chez Leclerc.)

[Résumé de l’éditeur]
Cela fait trois ans que Bruce Wayne a endossé le costume de Batman afin de faire de Gotham une ville plus sûre et moins corrompue. À force de sacrifices et de persévérance, il a presque atteint son but. Mais quand un imposteur adopte son déguisement afin d’assassiner d’anciens criminels, c’est toute la police de Gotham qui se met à ses trousses, notamment l’inspectrice Blair Wong, déterminée à découvrir la véritable identité du justicier !

« Si la présence de Batman impacte à ce point l’économie de la ville… alors c’est un angle d’attaque inédit qui mérite d’être exploré. Un gars dans un costume de chauve-souris qui tabasse les criminels… ça m’a toujours semblé un peu gros à avaler. En revanche, s’il s’agit d’une mascarade visant à dissimuler une sorte d’espionnage industriel… […] Qui a perdu le plus depuis l’apparition de Batman ? Qui a gagné le plus ? »

[Histoire]
Leslie Thompkins secoure et soigne Batman après une nuit agitée. La psychothérapeute se remémore quand elle a pris le jeune Bruce sous son aile et ce qu’il a enduré. Elle le met en garde : le milliardaire doit honorer ses rendez-vous psy avec elle sinon elle le dénoncera.

De son côté, le citoyen philanthrope Wesker sollicite l’inspectrice Blair Wong. Wesker soupçonne un de ses employés éphémères d’être Batman.

Le GCPD reçoit une vidéo montrant Batman tuer trois anciens pensionnaires de Blackgate condamnées pour assassinat. Si certains policiers sont favorables à cette forme de « justice » radicale, il n’en est pas de même pour le chef du département qui ordonne de traquer et ramener l’homme chauve-souris, désormais criminel et meurtrier.

Le Chevalier Noir doit enquêter sur cet imposteur, tandis que Wong reprend les indices qui mèneraient à l’identité de Batman. À commencer par une grande fortune obligatoire pour être équipée aussi puissamment pour un justicier…

[Critique]
Chef-d’œuvre. On tient une pépite !
C’est devenu tellement rare dans les comics Batman d’avoir un récit complet qui se suffit à lui-même, qui va ravir aussi bien les nouveaux venus que les fans de longue date que le titre rejoint carrément la courte liste des incontournables (pas un coup de cœur, carrément un indispensable !). Dans quelques années, Batman Imposter sera considéré comme un classique, c’est indéniable. Il regorge de qualités, c’est du grand art ! Comme il s’agit d’un elseworld (comme la très bonne trilogie Batman – Terre Un), pas besoin de connaître la continuité « classique » du personnage, celui-ci prend place dans un monde qu’on peut qualifier « d’alternatif », le temps de découvrir cette histoire. Aucun pré-requis n’est donc nécessaire pour se plonger dedans !

L’histoire est évoquée plus haut, concept « simple » mais hyper efficace : un imposteur tue en se drapant du costume du Chevalier Noir. Double-enquête : d’un côté le GCPD qui veut arrêter ce Batman persuadé qu’il s’agit du même justicier déjà connu depuis trois ans, d’un autre côté Bruce Wayne qui cherche bien sûr à mettre la main sur son double meurtrier. Autour de lui, deux femmes importantes : Leslie Thompkins (ici femme noire de la cinquantaine) avec qui il suit une thérapie, échange sur ses doutes constants et son « mal-être », Blair Wong, inspectrice qui traque évidemment l’homme chauve-souris mais s’éprend de Bruce Wayne. Toutes deux forment un point d’ancrage important pour l’évolution de notre héros sans pour autant être de banales « faire-valoir féminins ».

Au-delà des drames et douleurs du quotidien, le récit gagne en nuance quant à l’interrogation de l’auto-justice (vigilantism) et, surtout, le cheminement du mystère sur l’identité du fameux imposteur. Tout est très plausible, écrit intelligemment. Deux exemples concrets. Wong estime à juste titre que Batman (le vrai et/ou le copycat) a forcément accès à des ressources économiques élevées et probablement une formation militaire. Ses pistes l’amènent légitimement vers Bruce Wayne (ce qui, aussi surréaliste qu’il puisse paraître, est rarement le cas dans l’ensemble des productions sur le Chevalier Noir). Mais cela permet d’aider le lecteur à savoir aussi qui se cache sous le masque de l’imposteur. Autre point intéressant : un vaste réseau souterrain utilisé pour par le justicier pour se déplacer rapidement, en moto notamment, et à l’abri des regards. Mais d’où proviennent ces véhicules ? Les motos sont dans les nombreuses rue de Gotham, sans plaques d’immatriculation, plus ou moins cachées, prêtes à servir à n’importe quel moment. Pourtant elles n’ont pas été déclarées volées. Donc sont-elles… achetées ?

C’est ce genre de réflexions qui sont mises en avant dans la partie thriller de l’œuvre ; c’est passionnant et extrêmement bien rédigé par le jeune et nouveau venu Mattson Tomlin, né en… juillet 1990 ! Ce scénariste a d’ailleurs participé à l’écriture du film The Batman de Matt Reeves (même s’il n’est pas crédité en tant que tel, cela a été confirmé dès 2019). Cela se ressent grâce au look de Bruce Wayne, calqué sur l’acteur Robert Pattinson, ainsi que le costume du Dark Knight, proche de celui des images dévoilées. Même si, majoritairement, son visage reste dans l’ombre. Le réalisateur a d’ailleurs évoqué Batman Imposter comme un des sept comics servant d’inspiration pour son long-métrage (même si, factuellement, la bande dessinée a été publié durant la post-production du film, il est aisé d’imaginer que Tomlin a travaillé de concret avec Reeves en injectant « sa patte »). Mais nous reviendrons sur ce sujet quand The Batman sera sorti au cinéma !

Dans Batman Imposter, il y a peu de figures familières de la mythologie du Caped Crusader. Alfred est aperçu en flash-back (il a démissionné de son rôle très tôt face à la colère quotidienne et la violence continue du jeune Bruce). Seuls deux ennemis de seconde voire troisième zone sont croqués. Arnold Wesker, alias le Ventriloque, et Otis Flannegan, alias Ratcatcher. Pas de costumes ou affrontements ici, les deux hommes interviennent rarement et ne sont pas « méchants » (ce sont des rôles très très secondaires), la narration pousse à l’empathie et leur sort est particulièrement bien écrit, en particulier le premier, qui renoue avec l’ADN pur de Batman : l’altruisme et l’humanisme (rappelant aussi le décrié Trois Jokers dont la conclusion mettait bien en avant cet aspect du justicier).

De même, on insiste lourdement sur la règle primordiale du justicier : il ne tue pas. Est-ce un pied-de-nez aux adaptations plus ou moins récentes montrant un Batman « grim and gritty » parfois clivant (le Grim Knight dans Le Batman qui Rit en comic book, le Batfleck de Batman v Superman au cinéma, etc.) ? On ne sait pas trop mais ça fonctionne. On voit un Batman très impliqué dans sa croisade tout en ayant une vision « détective », qui manque cruellement à l’ensemble des comics sur le Chevalier Noir (et à ses adaptations à l’écran), ainsi qu’un bon « code d’honneur », malgré quelques tournures (justifiées) sur la vengeance. Bref, là aussi impossible de ne pas penser au futur long-métrage à venir.

La bande dessinée est parfois bavarde, l’ensemble est dense lors des phases d’enquête notamment, mais elle sait parfaitement les alterner avec des séquences quasi mutiques niveau action et infiltration (voire d’émotions). C’est là aussi un autre point fort du titre : un parfait équilibre pour garder un rythme haletant sans s’éparpiller dans des textes complexes ou au détriment des scènes de contemplation. Il faut dire qu’Andrea Sorrentino régale les rétines à chaque planche. Les amoureux du dessinateur et son style atypique vont être servis !

Comme on l’évoquait dans la critique de Joker : Killer Smile, Andrea Sorrentino avait déjà sublimé les aventures de Green Arrow dans l’excellent run de la période New 52 (disponible en deux tomes intégrales) qu’il signait conjointement avec Jeff Lemire. Chez Marvel, on retrouvait aussi les compères sur Wolverine dans la très bonne série Old Man Logan période post Secret Wars. Des titres qu’on recommande chaudement en complément de Gideon Falls, création indépendante disponible chez Urban Comics.

Dans Batman Imposter, Sorrentino est au sommet de son art : il délivre habilement ses cases et planches avec une approche inédite, une construction hors-norme qui va parfois dans tous les sens sans jamais perdre son lecteur (cf. nombreuses images en fin de cette critique). Ses traits réalistes, aussi bien pour les protagonistes que pour les déambulations nocturnes et urbaines, sont magnifiés par la colorisation de Jordie Bellaire (qui œuvrait déjà avec lui sur Joker : Killer Smile mais aussi sur des chapitres de Batman et Detective Comics, comme les deux excellents premiers tomes de Joker War ou encore sur The Dark Knight Returns – The Golden Child ; elle est par ailleurs scénariste du reboot en comics de Buffy contre les vampires, qu’on conseille également).

Les pleine planches de la patte si singulière de Sorrentino couplées aux tons sombres, souvent nappées d’écarlate, le tout dans une veine ultra réaliste, parfois d’une froideur sans nom, et dotées subtilement d’une pointe d’émotion sont simplement parfaites. Il n’y a rien à redire (si on est emporté par ce style, évidemment mais difficile de faire la fine bouche).

En synthèse, Batman Imposter coche toutes les cases de la bande dessinée exigeante, passionnante, accessible, originale et pour un prix tout à fait correct (18€). On aurait tort de s’en priver ; on prend le pari que dans très peu de temps elle sera dans toutes les listes des comics Batman incontournables et cultes ! Seule une partie de sa conclusion pourrait décevoir le lecteur suite à ses attentes mais globalement l’œuvre tient la route et pourra être analysée à travers plusieurs prismes.

Comme souvent dans des coups d’éclats du genre, une suite pourrait arriver (elle n’est pas prévue à date) mais The Dark Knight Returns et Batman – White Knight, par exemple, ont eu quelques héritiers – moins inspirés… À suivre dans quelques années donc. D’un côté on ne voudrait pas « toucher au sacré », d’un autre on apprécierait en savoir davantage sur la psyché de ce Wayne et de retrouver les nouvelles têtes créées spécialement pour ce titre, à commencer par la charismatique Blair Wong. Dans tous les cas : un achat indispensable (qui donne encore plus envie de découvrir le film The Batman si vraiment le comic a servi d’une des matrices pour sa conception) !

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 25 février 2022

Scénario : Mattson Tomlin
Dessin : Andrea Sorrentino
Couleur : Jordie Bellaire

Traduction : Yann Graf
Lettrage : Éric Montesinos

Acheter sur amazon.fr : Batman Imposter (18€)

 

Batman : Terre-Un (tome 03)

Enfin ! Après huit ans et demi d’attente, le troisième et dernier volume de la série Batman Terre-Un, initiée par le scénariste Geoff Johns et le dessinateur Gary Frank, sera en vente à partir du 4 mars 2022. Rappelons que la gamme Terre-Un (Earth One en VO) est composée de récit elseworld (monde parrallèle) en marge de la continuité dite « classique », c’est-à-dire une revisitation des univers des héros de DC Comics (Superman, Green Lantern et Wonder Woman y ont droit aussi – cf. fin d’article) qui ne nécessite aucun pré-requis pour se plonger dedans. Mais attention, les différences avec la mythologie « officielle » de chaque justicier y sont légion, à commencer par celle du Chevalier Noir bien sûr. Rappel des tomes précédents et critique de cette conclusion tant attendue.

[Contexte : rappel des deux premiers volets]

Le premier tome, sorti en août 2013 chez nous, nous présentait un Bruce Wayne impulsif faisant ses premiers pas en tant que Batman inexpérimenté, violent, arrogant voire antipathique. Vaguement épaulé par un Alfred ancien militaire, Bruce/Batman tentait de résoudre le mystère de la mort de ses parents. Est-ce le maire Copplebot qui l’avait commanditée pour ne pas avoir d’opposant à la réélection municipale ? De son côté Gordon se rachetait une conduite en arrêtant de fermer les yeux sur des délits mineurs et stoppant nette la corruption qui gangrenait son service. Il avait embarqué la pétillante star de la télévision (!) Harvey Bullock bon gré mal gré dans sa croisade. Ce dernier, découvrant l’horreur absolu d’un tueur en série de jeunes filles tomba alors en dépression et dans l’alcoolisme.

La critique est toujours disponible sur le site (elle aurait peut-être besoin d’être remaniée/réécrite vu l’époque de sa mise en ligne…). Mais, en synthèse, nous avions droit aux fondations communes du Chevalier Noir sous un nouvel enrobage über réaliste et violent. Un univers familier donc, mais paradoxalement différent. Une réussite en tous points. En le relisant en 2022, on ne peut s’empêcher d’imaginer qu’il a nourri l’inspiration des scénaristes du film The Batman, du moins pas rapport aux premières images dévoilées (même si les auteurs ont évoqué sept autres comics comme matrice de leur long-métrage).

Le second volume, proposée en février 2016, prolongeait évidemment le récit de ce « nouveau » Batman. Encore à ses débuts, il doit cette fois faire face à plusieurs menaces. Tout d’abord un mystérieux homme crocodile vivant dans les égouts (Killer Croc donc – in fine ni un ennemi, ni une brute sanguinaire, presque un allié !), ensuite Harvey Dent, colérique et ayant Wayne dans le viseur (c’est finalement sa sœur, Jessica – la maire de Gotham et flirt de Bruce – qui pourrait muter en Double-Face, son frère étant à priori mort !) et enfin le Sphinx. Un terroriste énigmatique tuant plusieurs personnes (pour n’en cibler en réalité qu’une parmi ces foules) et mettant à rude épreuve le Chevalier Noir. Celui-ci peut toujours compter sur l’aide de Gordon, tous deux établissent bien vite une coopération mutuelle, apprenant l’un de l’autre efficacement. Alfred est toujours de la partie, alternant les sages conseils et la virulence (verbale et physique) nécessaire à la quête de son protégé. Bullock en retrait restait profondément empathique, Barbara était simplement évoquée (alors qu’elle croquait son costume de Batgirl à la fin du tome précédent – donc on s’attendait à la voir), Lucius Fox s’occupe des gadgets et équipement de Betman et Catwoman croisée dans un appartement (sans savoir qu’il s’agissait d’elle dans un premier temps – elle devrait en toute logique figurer dans le troisième livre).

Là aussi, la critique complète est en ligne pour ce second volume tout aussi excellent que le premier, si ce n’est davantage ! Une course contre la montre effrénée, brutale et intelligente. Clairement un sans-faute qui continue de nourrir cette itération maline du Dark Knight sous des traits réalistes et sans concession. Une fois de plus, la série est accessible à n’importe qui et propose de solides bases qui mérite un enrichissement brillant et une conclusion à la hauteur. C’est la promesse du troisième et dernier tome, en vente dès mars 2022. Découverte.

[Résumé de l’éditeur]
Après la mort de son frère, le nouveau maire de Gotham, Jessica Dent se remet de ses blessures et est décidée à faire de la ville un endroit à nouveau sûr. De son côté, Batman continue sa croisade contre le crime, s’associant avec de nouveaux alliés surprenants comme Killer Croc ou une voleuse d’exception : Catwoman !

« Dans ce troisième volet de leur relecture moderne et réaliste de la légende de Batman, Geoff Johns et Gary Frank replongent l’apprenti justicer dans les complexités de la politique urbaine et les tréfonds de l’âme humaine. L’héritier de deux lignées, les Wayne e les Arkham, devrai faire face à la folie et aux fantômes du passé… »

[Histoire]
Un mois après la mort de Harvey Dent (voir fin du tome 2), Bruce, Alfred et Waylon (Killer Croc – au courant de l’identité de Batman donc) creusent des tunnels dans les égouts de Gotham, surnommés le Labyrinthe d’Arkham, afin de trouver un espace suffisamment grand pour cacher « la voiture » (la Batmobile, créée par Lucius Fox et ses ingénieurs) et une base d’opérations (la Batcave).

De son côté, Jessica Dent se remet de sa blessure au visage et reprend ses fonctions de maire, épaulée par Bruce. La ville est moins dangereuse depuis que la police, emmenée par Gordon, est moins corrompue et que le Batman combat l’injustice. Mais quand Adrian Arkham, homme fou à la rue est retrouvé dans un asile abandonné, Bruce Wayne est dépassé : il s’agit de son grand-père, normalement mort !

Dans l’ombre, les gangs de la ville obéissent à une mystérieuse personne qui va commanditer une guerre civile. Heureusement, le Chevalier Noir peut compter sur ses outsiders, rejoints par Catwoman.

[Critique]
Drôle de « conclusion ». Le livre s’achève sur une fin ouverte (sans surprise) qui frustre par ce qu’elle montre tant cela donne envie de prolonger à nouveau cet univers de Terre-Un ! Néanmoins, tout ce qui précède cet aboutissement comporte son lot de qualités et de défauts. La bonne surprise réside dans l’alliance inattendue avec Waylon qui fonctionne à merveille, surtout ses échanges avec Alfred. L’altruisme de Bruce, envers Jessica, envers Gotham City, envers ses ennemis… parsème le récit, couplé à de nombreux plans sur les yeux (déjà dans le deuxième tome), accentuant avec sincérité cette humanité (et parfois avec une pointe d’émotions). Le rythme est toujours aussi haletant, cette impression de course contre la montre effrénée dont on distingue mal de prime abord tous les enjeux.

La faute à de multiples intrigues plus ou moins bien narrées. D’un côté les mystères autour de Jessica Dent, avec des rebondissements plus ou moins prévisibles mais qui restent intéressants. D’un autre la dimension un peu étrange avec le grand-père de Bruce, évoquant une malédiction de trois siècles sur sa famille – ce qui n’est pas sans rappeler Curse of the White Knight et donc un élément qui s’insère moyennement dans cette itération de Batman, profondément encrée dans le « réel » et l’urbain. Heureusement Geoff Johns rattrape brillamment ces égarements sur ce sujet avec une pirouette scénaristique plutôt habile bien qu’un peu tardive et « facile ». Au moins, le mystère autour de la mort de la mère de Martha Wayne (donc la grand-mère de Bruce) est levé ; il était abordé dès le premier tome.

Du reste, on suit tout de même avec un certain plaisir l’évolution de Bruce et de Batman. Catwoman est à la fois proche de l’ADN du personnage mais éloignée par son costume un peu ridicule. Ce troisième volume est aucun doute le moins bon des trois mais ça ne veut pas dire qu’il est mauvais. Un peu mitigé à la lecture il est vrai, surtout après les deux excellents précédents tomes qui avaient placé la barre très haut. Néanmoins, en enchaînant les trois titres, on apprécie la cohérence globale de l’œuvre (une intégrale pourrait voir le jour dans quelques années tant l’ensemble s’enchaîne brillamment et sur une courte durée). À défaut d’un scénario de Geoff Johns plus haletant, on apprécie les traits de Gary Frank, très en forme. Les deux artistes venaient d’achever l’immense Doomsday Clock et Johns une foule de projets divers (cf. le récapitulatif de Trois Jokers qu’il a écrit aussi), retardant cette troisième salve de Batman : Terre-Un.

Gary Frank est une fois de plus entouré de Jon Sibal à l’encrage et Brad Anderson à la colorisation, conférant une fois de plus des planches somptueuses lors des pleines pages et toujours un travail de l’ombre particulièrement soigné (voir les nombreuses images en fin de critique). Des traits toujours réalistes, épousant la volonté d’une série d’être « plausible » dans notre propre monde. Graphiquement, il y a peu à redire et ceux qui ont aimé les deux premiers tomes n’ont pas de raison de faire l’impasse sur ce dernier, même s’il lui manque un côté plus épique ou avec des ennemis plus « célèbres » pour terminer en beauté… Ces « nouvelles origines » ont été séduisantes et sont particulièrement accessibles, c’est une série qu’on conseille donc et qui faisait déjà partie des coups de cœur du site dès son premier tome (on inclut volontiers le second dans la sélection).

On notera également que le 8 juin prochain, dans sa nouvelle opération estivale, entièrement dédiée au Chevalier Noir (article à venir), Urban proposera le premier tome de Terre-Un pour 4,90€ seulement ! De quoi lire l’intégralité de la série pour 36,90€ au lieu de 48€ (si avoir une collection dépareillée ne vous dérange pas, bien entendu).

La gamme Terre-Un/Earth One touche d’autres super-héros de DC Comics. Accessible, originale et souvent signée par des artistes de renom, elle est bien sûr recommandée. En France, on peut lire les deux tomes sur Superman, les deux sur Wonder Woman, les deux sur Green Lantern et les trois sur Batman bien sûr. Deux sur les Teen Titans existent en anglais. Aquaman et Flash n’ont pas encore eu l’honneur d’apparaître dans cet univers mais c’est normalement en cours de réalisation.

[À propos]
Publié chez Urban Comics le 4 mars 2022.

Scénario : Geoff Johns
Dessin : Gary Frank
Encrage : Jonathan Sibal
Couleur : Brad Anderson

Traduction : Alex Nikolavitch
Lettrage : Sabine Maddin et Stephan Boschat (Studio Makma)

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