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Robin – Fils de Batman

Suite directe de la série Batman & Robin, ce récit complet a été publié dans tous les numéros du magazine Batman Univers de mars 2016 à avril 2017 avant de bénéficier d’une réédition intégrale en librairie fin juin 2017. Critique d’une œuvre mettant en avant l’enfant terrible de Bruce Wayne, aussi têtu qu’attachant… dans une longue aventure très inégale.

(La couverture de la version librairie (g.) et la couverture du troisième chapitre de la série
qui était également celle du troisième numéro de Batman Univers (dr.).
Cette image est aussi celle choisie en quatrième de couverture de la version librairie.)

[Résumé de l’éditeur]
À peine revenu d’entre les morts, Robin a passé une année, bientôt connue sous le nom d’An de Sang, à accomplir des tâches quasiment impossibles pour le compte des Al Ghul. Mais l’heure est à présent à la rédemption pour le fils de Bruce Wayne. Aidé de Goliath, son dragon apprivoisé, ainsi que d’un assassin nommé Personne, Robin plonge dans une longue quête où il pourra racheter ses fautes et enfin tourner la page. [1]

[Histoire]
Damian Wayne/Robin parcourt le monde avec Goliath, son « Man-Bat » géant apprivoisé. Le justicier retourne aux endroit où il avait tué ou meurtri plusieurs innocents, il rend également des artefacts qu’il avait dérobé.

Sa quête de rédemption n’est pas sans obstacle : Maya, la fille de Personne se dresse sur sa route (« Personne » était le nom de l’antagoniste Morgan Ducard que Damian a tué des années auparavant — cf. le premier tome de Batman & Robin (format simple ou intégrale)). Cette dernière décide de l’accompagner pour mieux se venger ensuite mais une étrange amitié naît entre les deux enfants.

Dans l’ombre, quelqu’un tente de ramener Talia al Ghul à la vie…

[1] Ce résumé officiel contient deux erreurs factuelles assez étranges. Goliath n’est pas un dragon mais un « Man-Bat », comme dit dans les nombreux avants-propos des numéros de Batman Univers. Il est aussi qualifié de « dragon chauve-souris » dans la bande dessinée puis de « chauve-souris ». Le qualifier uniquement de « dragon » n’est donc pas tout à fait correct (mais c’est un détail peu important). En revanche, « L’An de Sang » ne correspond pas à l’année qui suit la résurrection de Damian mais à une année qui s’est déroulée lorsqu’il était au service de la Ligue des Assassins, bien avant d’endossée la cape de Robin. Cette mauvaise dénomination peut embrouiller le potentiel acheteur se référant uniquement au synopsis.

[Critique]
Le prologue de la série (Sneak Peek) ouvre l’ouvrage avant de proposer les chapitres #1 à #6 (formant l’arc narratif L’An de Sang) puis #8 à #13 (six chapitres qui se suivent aussi mais certains un peu plus indépendants). Il manque donc le #7, ce qui est normal car celui-ci fait partie du crossover La Guerre des Robin (bien présent dans les numéros de Batman Univers et qui impactait d’autres séries comme Grayson, Robin War, Detective Comics… cf. cette autre critique).

Le premier récit, L’An de Sang, est écrit et dessiné par Patrick Gleason, déjà à l’œuvre (mais uniquement aux dessins) sur la série Batman & Robin, qui précède ce volume. Avant de plonger dans la bande dessinée, un bon récapitulatif d’Urban Comics (intitulé Tu ne tueras point) permet de se remémorer l’histoire de Damian Wayne (ou la découvrir) sans passer par la case lecture intégrale de Grant Morrison présente Batman puis Batman & Robin, les deux principales sagas où il était au cœur de l’action. En bref (pour les lecteurs novices) : Damian est le fils de Talia al Ghul et Bruce Wayne. Ce dernier ignorait son existence. La Ligue des Assassins l’a entraîné et formé pour devenir un puissant tueur. Têtu, buté et orgueilleux, le garçon ne contrôle pas sa colère ni ses pulsions assassines quand il est confié à son père. Le Chevalier Noir lui fait endosser la cape de Robin. Âgé de dix ans, Damien Wayne découvre l’entourage du protecteur de Gotham et patrouille avec lui. En combattant face à l’Hérétique, un de ses clones génétiquement modifié et artificiellement vieilli, le jeune enfant trouve la mort (sa mère est tuée par Batwoman dans la foulée). Revenu à la vie grâce à la ténacité de son père et diverses énergies provenant d’Apokolips entre autres, Damian tente d’expier ses pêchés. C’est ce retour que nous présente Robin, fils de Batman.

Le début est confus, multipliant les références au passé de Damian, navigant d’un pays à un autre, du présent au passé, de personnages secondaires différents, etc. Il faut un peu s’accrocher mais à partir du troisième chapitre (sur six pour cette première moitié d’ouvrage), ça devient plaisant : les protagonistes commencent à être attachants, le puzzle s’assemble et… Deathstroke fait son apparition ! Le scénario, à la fois ambitieux et intimiste se lit aisément sans révolutionner le genre : les aventures et combats se suivent et ne se ressemblent pas trop mais sans réelles surprises quant à leurs issues et conséquence. L’intérêt réside davantage dans la richesse (surtout visuelle) de l’univers déployé par Gleason (avec plus ou moins de réussite — cf. paragraphe suivant). Vadrouiller dans de nombreux lieux et croiser toutes sortes d’entités (humaines, démoniaques, hybrides…) se révèle assez plaisant et ravira bien évidemment les fans de Damian Wayne. Ses détracteurs ne seront pas conquis ici, tant le gamin garde son caractère insupportable mais paradoxalement très attachant par moment.

Côté dessins, on retrouve la même problématique que sur la série Batman & Robin : les visages de Patrick Gleason manquent cruellement de détails et de charme. Beaucoup trop « lisses », ils ne sont pas aidés non plus par l’encrage de Mick Gray et la colorisation de John Kalisz. C’est dommage car Gleason (et ses deux compères) assurent totalement quand il faut mettre en scène des séquences d’action improbables aux cases et planches généreuses ! Le dessinateur est à son meilleur quand il doit mêler des créatures, monstres, costumes, masques, squelettes, animaux fantastiques, etc. (bien aidé par les palettes chromatiques riches et variées) dans des situations épiques. Ces passages sont clairement les plus beaux de L’An de Sang, permettant de hausser le niveau de l’aspect graphique (on sent que l’artiste se « lâche » davantage ici que sur Batman & Robin). Sinon, entre fonds de cases assez pauvres et gros plans sur des visages ratés, le comic-book ne brille pas particulièrement sur cette partie malheureusement…

La suite est écrite par Ray Fawkes (Batman Eternal, Detective Comics…), accompagné par Ramon Bachs cette fois pour le dessin et l’encrage ainsi que de Mat Lopes pour les couleurs. Six autres épisodes ferment donc cette grande aventures (300 pages environ au total) : Cœur de glace, L’éveil du fils, Massacre chez les gorilles, Le baroud de la fin du monde et Ça ne finit jamais ! A noter que Patrick Gleason rempile pour un chapitre rapidement (Petits anges).

Si l’aspect graphique est plus séduisant (niveau visage surtout), la narration est inégale durant les trois premiers épisodes, enchaînant semi-histoire indépendante (se déroulant à nouveau durant l’An de Sang) et suite de ce qu’on a lu juste avant. Bruce Wayne est toujours amnésique, Damian se réfugie dans la Batcave avec Goliath, Titus (son chien), Pennyworth (un chat) et même la Bat-Vache (!), avec la complicité d’Alfred. Ce segment aurait pu être approfondi (la tristesse du fils face à un père qui ne le connaît pas, Alfred en figure paternelle de substitution… il y avait tant à explorer !) mais est délaissé au profit d’un retour sur le territoire des Ghul : une île mystérieuse, le bateau de Talia, le retour de Maya/Personne, la cité Gorille (et même l’île aux dinosaures ensuite ! — hélas toutes deux survolées) et… les Lu’un Darga, serviteurs de Den Darga et son fils Suren Darga. Ce dernier est probablement la pire idée scénaristique du comic-book : un Damian/Robin « bis » du côté des méchants, un gamin du même âge, du même sexe, du même caractère et qui a globalement de la même allure… Zéro originalité ; autant rapatrier un énième clone, cela aurait été plus pertinent car au final, on a un peu l’impression d’assister à un second titre calqué sur le premier, il n’y a pas de grandes différences majeures entre les deux…

Dès la première planche du quatrième épisode, Batman (Bruce Wayne, le vrai donc) est de retour ! On ne sait ni comment ni pourquoi et il n’y a pas de note explicative ou renvoi vers l’autre bande dessinée qui justifie cela (Batman La Relève) — ni dans la version librairie ni en magazine. C’est donc beaucoup trop rapide et risque de perdre le lecteur néophyte. Sans surprise, le Chevalier Noir prête main forte à son fils mais pas le temps d’avoir de retrouvailles émouvantes, l’action s’enchaîne sans temps mort. Dommage à nouveau.

L’ensemble du tome propose des aventures exotiques, colorées et plus ou moins sympathiques (c’est parfois drôle, « frais et léger », ça enrichit un peu Damian — même si on a toujours du mal à « croire » aussi bien à son passé de meurtrier mais aussi de ses éventuels états d’âmes dans sa quête de rédemption…) mais, in fine, guère fascinantes et aux dessins hétérogènes. Mi-figue, mi-raison donc, les aficionados de Damian aimeront probablement, les autres nettement moins.

Damian et Goliath promett(ai)ent une histoire singulière vu le matériel plutôt inédit et rarement vu dans la mythologie du Chevalier Noir, hélas ce n’est pas vraiment le cas ici. L’édition du tome comporte une trentaine de page de compléments : couvertures alternatives, dessins en noir et blanc, travaux de recherche, brouillons, etc. De quoi satisfaire les fans du comic.

On aimerait pourtant bien voir d’autres récits mais mieux écrits et plus cohérents. Maya est attachante, la complicité entre Goliath et Damian fonctionne bien, le trio est atypique, les moments partagés entre Damian et ses parents peuvent donner des choses intéressantes, etc. En somme : il y a de quoi faire ! Et malheureusement ça n’a pas été fait et ne le sera probablement plus. La série s’est en effet arrêtée en août 2016, rien ne laisse supposer qu’elle pourrait reprendre, tout comme ces quelques bribes d’idées peuvent convenir à n’importe quel autre titre ou de nouvelles histoires à créer… Paradoxalement, Robin – Fils de Batman se termine sur une pleine page qui annonce presque ces nouvelles aventures (Ça ne finit jamais !).

[A propos]
Publié en Franche chez Urban Comics le 30 juin 2017 mais aussi dans Batman Univers #1 à #14 (mars 2016 à avril 2017).
Contient DC Sneak Peek : Robin, Son of Batman #1 + Robin, Son of Batman #1-6 et #8-13

Scénario : Patrick Gleason, Ray Fawkes
Dessin : Patrick Gleason, Ramon Bachs, Mick Gray
Encrage : Mick Gray, Tom Nguyen, Ramon Bachs
Couleur : John Kalisz, Jeromy Cox, Mat Lopes

Traduction : Alex Nikolavitch
Lettrage : Stephan Boschat (Studio Makma)

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Grayson – Tome 03 : La fin de Spyral

Troisième et dernier tome des aventures du jovial et charismatique Dick Grayson en agent secret, alias Agent 37 ! Après deux volumes convaincants (critiques du premier ici et du deuxième là), que vaut la conclusion de cette saga davantage proche de James Bond que d’une aventure super-héroïque ?

[Résumé de l’éditeur]
En guerre contre l’agence d’espion qu’il avait infiltrée plus connue sous le nom de Spyral, Grayson, aussi appelé Agent 37, et anciennement Nightwing, se retrouve à présent contre son ancienne partenaire, Helena Bertinelli. Allié à l’agent 1 qui l’aide dans sa vendetta contre Spyral, Dick Grayson va devoir faire l’impensable et un énorme sacrifice pour sauver les siens.

[Rédumé de la quatrième de couverture]
Il y a un traître dans Spyral. Et tout semble accuser l’Agent 37, Dick Grayson… Épaulé par ce qui se rapproche le plus d’un coéquipier, l’Agent 1, l’ancien Robin comprend rapidement qu’il est pris pour cible. Quelqu’un souhaite lui faire porter le chapeau de bien des crimes. Mais c’est mal le connaître, car s’il doit mener une vendetta contre Spyral pour se tirer d’affaire, Grayson n’hésitera pas, quitte à affronter tous les agents de cette organisation, y compris ceux dont il était proche…

[Histoire]
L’Agent 37 (Dick Grayson) et l’Agent 1 (Tony « le Tigre ») combattent de nombreux autres agents tueurs de Spyral, envoyés par Helena Bertinelli et Elizabeth Netz. Dick et Tony parviennent ainsi à leur échapper mais cherchent tout autant à faire tomber Spyral et donc à les affronter.

Helena décide de faire appel aux puissants mercenaires du Syndicat : Grifter, Keshi, Frankenstein (agent de S.H.A.D.E.), Gwisin, King Faraday, Tigre de Bronze et Tao. Pour contrer ces « meilleurs espions du monde », Dick Grayson requiert l’aide de l’organisation Checkmate, dirigé par Maxwell Lord !

[Critique]
Difficile de ne rien dévoiler pour dresser la critique, en se réduisant au maximum : les pièces du puzzle sont assemblées et la conclusion est tout à fait correcte. Les cinq derniers chapitres (#16 à #20) finalisent les aventures de Dick sous son alias d’Agent 37. En résulte un voyage fort sympathique, plutôt inhabituel dans le registre des comics super-héroïques (on est davantage proche d’une James Bond, toutes proportions gardées). Le mélange des genres (espionnage, humour, action, légère science-fiction…) reste efficace tant il est bien dosé. Les trahisons et retournements de situation sont peu surprenants mais confèrent à l’ensemble une certaine satisfaction globale (moins prenante que les tomes précédents malheureusement).

Il sera plus aisé de tout relire à la suite pour mieux (re)comprendre les nombreux enjeux, organisations et évolutions de protagonistes des trois tomes de Grayson. Si la série ne s’étale que sur vingt chapitres (et se lit donc rapidement) — vingt-cinq au total avec les trois annuals et deux autres inédits —, elle gagnerait à être proposée en format intégrale à l’avenir. Ce troisième volume nous propose d’ailleurs le troisième annual, compilation de quatre témoignages ayant croisés l’Agent 37 : Harley Quinn, Constantine, Green Lantern (Simon Baz) et Azrael. Un bonus réussi qui apporte une touche d’humour et de pluralité de points de vue bienvenue, replongeant aussi le lecteur dans un univers un peu plus familier. Enfin l’épisode Futures End imagine les péripéties de Dick dans cinq années. A lire idéalement en parallèle des quatre tomes de l’évènement du même titre pour mieux saisir la trame (forcément) « futuriste ». Ce chapitre — très bon au demeurant — avait déjà été publié dans le septième hors-série de Batman Saga (on renvoie à notre critique de l’époque avec toute la contextualisation nécessaire). Il est tout à fait logique (et appréciable) de le retrouver en fermeture de cet ultime tome de Grayson.

La quatrième de couverture évoque fièrement le scénariste Tom King en tant qu’ancien agent de la CIA pour servir ses histoires. Ne nous voilons pas la face, ce passif chez le scénariste n’apporte rien de plus concrètement que tout ce que de nombreuses itérations sur le monde de l’espionnage ont déjà montré. Tom King est accompagné ici de Tim Seeley (crédité pour son travail sur « l’intrigue »). Néanmoins, seulement trois épisodes sont signés par le duo (#16-17 et Futures End). Tous les autres sont écrit par le duo Jackson Lanzing / Collin Kelly.

Aux dessins, nous retrouvons pour le premier chapitre (#16) le somptueux style de Mike Janin (également à l’encrage), colorisé par Jeromy Cox (à l’œuvre sur les épisodes suivants, voir détails ci-après), virevoltant entre ses personnages croqués avec malice et réalisme et un découpage atypique sublime. Hélas, il ne sera pas seul aux manettes de l’entièreté du volume (qui s’étale sur un peu moins de 200 pages). Viennent ensuite pour tous les autres, en vrac : Carmine Di Giandomenico, Roge Antonio, Geraldo Borges et pour l’annual uniquement pas moins de quatre autres artistes : Natasha Alterici, Christian Duce, Flaviano et Javier Fernandez ! Stephen Mooney a signé, quant à lui, l’épisode Futures End. Difficile d’avoir un aspect graphique homogène avec ce collectif de dessinateurs qui tranche radicalement avec la pattee de Janin à laquelle le lecteur était habitué depuis les débuts… C’est clairement le point faible de ce troisième tome. On conseille tout de même la série Grayson par son originalité et bien sûr pour les amoureux du personnage de Dick Grayson.

[A propos]
Publié en France chez Urban Comics le 2 juin 2017.
Précédemment publié dans Batman Univers #10 à #14 (décembre 2016 à avril 2017) ainsi que dans Batman Saga HS#7 (mai 2015).
Contient : Grayson #16-20 + Annual #3 + Grayson Futures End #1

Scénario : Tim Seeley & Tom King, Jackson Lanzing & Collin Kelly.
Dessin : Collectif
Encrage : Collectif
Couleur : Jeromy Cox

Lettrage : Stephan Boschat — Studio Makma
Traduction : Thomas Davier et Xavier Hanart

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Grayson (série terminée)
Tome 1/3 : Agent de Spyral
Tome 2/3 : Nemesis
Tome 3/3 : La fin de Spyral

Batman – Detective Comics | Vol. 9 : Gordon at War

Suite et fin des critiques de l’entièreté de la série Detective Comics (période New 52) qui a été intégralement publiée en France dans les magazines Batman Saga puis Batman Univers (et certains chapitres dans trois récits complets en librairie, cf. cet index récapitulatif). Afin de coller à la version US, les cinq derniers chapitres ont été compilés dans cette chronique, reprenant ainsi le sommaire de l’équivalent du neuvième et dernier tome : Gordon at War (traduit en France en kiosque par Notre Gordon en guerre). Après un huitième volume assez moyen, que vaut cette conclusion ?

[Histoire]
Un sosie de Georges Washington est retrouvé mort dans une ruelle. Batman (Gordon) enquête avec Bullock sur le mystérieux tueur qui se cache derrière ce crime. Ce dernier s’est constitué plusieurs masques humains afin de commettre ses assassinats.

C’est ensuite un cadavre ressemblant au spationaute Alan Shepart qui est découvert. Après le premier président des États-Unis, le premier homme à être allé dans l’espace…

Qui sera la prochaine victime ? Pourquoi l’auteur des meurtres suit un schéma précis et accorde une importance à la mise en scène macabre de ses méfaits ?

[Critique]
Le premier récit se découpe en trois épisodes regroupés sous l’appellation L’âge de bronze et chacun titré respectivement Le sang des héros, Le sel de la terre et Martyrs et marteaux. On y suit donc Gordon sous le costume de Batman mais cette fois sans l’armure high-tech, ce qui est davantage plaisant, enquêtant conjointement avec Bullock sur un tueur en série, un peu « à l’ancienne ». Efficace dans sa première moitié, on cherche à comprendre en même temps que les deux flics le mobile des meurtres et la corrélation entre les indices. Pétard mouillé : une énième personne folle (strictement inconnue dans la mythologie du Chevalier Noir) qui effectue des sacrifices afin d’accomplir sa destinée (sic)… Encore une « aventure » sans grand intérêt, in fine… On apprécie juste voir Gordon abîmé et moins « efficace » que le classique Dark Knight (à l’instar du tome précédent, ce genre de petites histoires seraient plus palpitantes à lire en les entremêlant avec la fin de la série Batman qui se déroule simultanément).

Pour fêter le cinquantième chapitre du relaunch de Detective Comics, un complément intitulé Les onze curieuses affaires de Batman sert d’interlude bonus. Il s’agit de onze couvertures pleine page modernisant d’anciennes couvertures cultes de la série Detective Comics (reliées par un dialogue entre Batman et Superman). Ainsi, les dessins de Jerry Robinson, Klaus Janson, Nroma Breyfogle, Dick Giordano ou encore Jim Aparo (parmi les plus célèbres) sont réinterprétés par Rafael Albuquerque, Fraze Irving, Chris Burnham, Kelley Jones, Cameron Stewart, John Paul Leon et quelques autres. Un bel hommage visuellement agréable et réussi !

Enfin, le second récit est évidemment Notre Gordon en guerre (Gordon at War) en deux chapitres. Le policier/justicier retrouve un ancien frère d’armes, vite tué… Gordon retourne en Afghanistan voir ses autres camarades encore vivants afin de comprendre qui cherche à leur nuire. Un passé militaire qui tranche (à nouveau) avec l’image habituelle de Gordon. Pourquoi pas dans le fond mais difficile de plonger avec passion chez ces marines, qui se retrouvent dans un temps souterrain dans le désert à combattre des fanatiques et même une sorte de momie surpuissante (sic – bis). Expéditif au possible malgré l’éventail de possibilités palpitantes qui n’aura donc pas été exploité.

Seul l’aspect graphique de l’ensemble, assuré par Fernando Pasarin (dessin), Matt Ryan (encrage) et Chris Sotomayor (couleurs) sauvent un peu ces cinq chapitres, apportant une certaine plausibilité, un découpage lisible et quelques scènes d’action sympathique. Un style malgré tout assez impersonnel mais pas déplaisant.

L’unique chapitre de Batman Rebirth est également inclus dans la version US, en France on a pu le découvrir dans le premier magazine du même nom en kiosque ainsi que le premier tome librairie de la série éponyme. Détachée de la série principale nommée Batman Rebirth en France, c’est une sorte d’introduction à celle-ci, assez moyenne. Elle avait été chroniquée ici (et mise à jour ).

En synthèse, cette conclusion de série est franchement pauvre : ni épique, ni émouvante, ni réellement intéressante. Le scénariste Peter J. Tomasi (capable du meilleur comme du pire visiblement) peine à séduire son lectorat. Le volume précédent était un poil plus accrocheur et pouvait parfaitement achever la série, surtout après les aventures de Bullock. En se basant sur les neuf tomes VO, on conserve (vite fait) les bons souvenirs du premier (son aspect graphique, son originalité avec le Taxidermiste — vite disparu malheureusement) et les jolies planches du second avec, entre autres, son récit centré sur Mr Toxic puis on oublie aisément les errements de multiples aventures des tomes 3 à 5, curieusement proposés en librairie en France (Empereur Pingouin puis Jours de colère). On apprécie en revanche les tomes 6 et 7, compilés chez nous dans Anarky, puis on oublie (à nouveau) les deux derniers volumes incluant celui chroniqué ici. Detective Comics période New 52 aura souffert d’être trop souvent dans l’ombre de sa série mère, obligée d’y être connectée, perdant une pseudo indépendance salvatrice. A de rares exceptions près (le travail sur Bullock notamment), il n’y a pas grand chose qui restera en mémoire de ces aventures dont la moitié n’auront pas forcément mis en avant Bruce Wayne/Batman.

[A propos]
Publié en France dans Batman Univers #10 puis #12 à #14 (décembre 2016 à avril 2017) chez Urban Comics

Scénario : Peter J. Tomasi
Dessin : Fernando Pasarin
Encrage : Matt Ryan
Couleur : Chris Sotomayor

Traduction : Thomas Davier
Lettrage : Stephan Boschat (Studio Makma)

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