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Batman – Arkham Knight | Tome 01 : Les origines

Situé dans l’univers des jeux vidéo de l’excellente série Arkham (alias l’ArkhamVerse) — qui avait déjà eu droit à une incursion en comic-book via Batman – Arkham City —, ce premier volume d’Arkham Knight est censé lever le voile sur « les origines » (son titre) du mystérieux Chevalier d’Arkham (aka « l’Arkham Knight » bien sûr). Mais c’est un tout petit plus compliqué que cela…

Publié en décembre 2015, au moment de la sortie du formidable jeu vidéo du même nom, retour sur un livre qui n’a curieusement jamais eu droit à sa suite.

[Résumé de l’éditeur]
Découvrez les origines du nouveau protecteur de Gotham dans la préquelle du jeu vidéo à succès Batman – Arkham Knight !

Le Joker est mort. Le projet Arkham City n’est plus qu’un mauvais souvenir. À l’aube d’un nouveau jour, Bruce Wayne, récupérant de ses récents exploits, est déchiré par un dilemme : la survie de Gotham City justifie-t-elle encore l’existence de Batman ? Mais l’introspection ne durera pas car déjà on annonce l’apparition d’un nouveau justicier aux méthodes particulièrement violentes, connu sous le nom d’Arkham Knight.

[Histoire]
Le Joker est mort mais son ombre plane toujours dans Gotham : toxines mortelles, clé USB retrouvée dans son corps, diffusion de vidéos en direct… Quels derniers messages veut délivrer le Clown Prince du Crime ?

Bruce Wayne jongle entre ses obligations de chef d’entreprise, impliquée dans la reconstruction de la ville, et son rôle de justicier nocturne, à la poursuite de ses habituels ennemis ou d’autres de seconde zone. Quand Gordon inhale du gaz mortel laissé par le Joker, le Chevalier Noir fait appel à Harley Quinn pour l’aider. L’occasion de croiser Killer Croc, disparu depuis quelques temps…

Dans l’ombre, le Pingouin prépare son retour ainsi que l’Épouvantail. Un mystérieux homme costumé aux méthodes radical apparaît également dans la cité.

[Critique]
Difficile d’accrocher à ce premier volume d’Arkham Knight si on n’a pas joué à Arkham Asylum et Arkham City ! Le lecteur sera probablement perdu, d’autant plus qu’étrangement, Urban Comics ne propose aucune aide pour se plonger dans l’ArkhamVerse. Pas d’avant-propos ou de notes éditoriales en bas de cases ou pages… Quand le Joker apparaît défiguré et mentionne le Titan, impossible de savoir à quoi il fait référence (les évènements du premier jeu). Quand Croc et L’Épouvantail reviennent discrètement, difficile de comprendre pourquoi ils avaient disparu (idem). Quant au statut quo inédit et au projet Arkham City, là aussi le lecteur non joueur risque d’être perturbé. Le manque de contextualisation est un défaut flagrant de l’édition de ce volume (fourni avec un code permettant d’obtenir un costume inédit sur PS4 ou Xbox One). On remarque aussi l’absence de lettres majuscules qui contiennent des accents ou cédilles par exemple lorsque Killer Croc s’exprime. Deux mauvais points donc…

Que vaut Les Origines à part ça ? Et bien, si l’on est familier des jeux (incluant ou non ledit Arkham Knight), on apprécie voir les évolutions d’une foule de personnages, que ce soit par des actions anodines ou visant à préparer le terrain pour le futur jeu vidéo. Impossible en revanche de ne pas être « déçu » à propos des fameuses « origines » (le titre de ce tome) du « Chevalier d’Arkham » (le titre de la série) car ce dernier n’apparaît quasiment pas ! Il aurait été judicieux de renommer ce volume autrement…

Malgré tout, le joueur/lecteur prend plaisir à suivre ces aventures bien rythmées (mais inégales) sous la plume du célèbre Peter J. Tomasi (la sympathique série Batman & Robin, avec un quatrième tome incroyablement réussi). On apprécie la mise en avant de Lucius Fox et d’Alfred (inoubliable sarcasme) parmi les alliés, entre autres. Les dessins ne sont pas en reste grâce aux traits de Viktor Bogdanovic notamment (ainsi que ceux d’Ig Guara et Robson Rocha) couplés à la colorisation de John Rauch (Andrew Dalhouse et Kelsey), proposant une immersion rappelant moins le côté terne des jeux vidéo mais offrant une vision plus proche des comics habituels. De beaux plans restent en mémoire ainsi qu’un découpage dynamique et fluide dans les scènes d’action. L’armure de l’Arkham Knight est particulièrement réussie et son arrivée (fin du premier chapitre sur les quatre qui compose le volume) est redoutablement efficace (dommage qu’on ne le revoit plus ensuite).

Un premier tome (sur trois à priori) qui peine à convaincre les non habitués de la franchise mais s’avère plaisant pour les connaisseurs. Néanmoins il est primordial d’attendre la suite afin de voir si l’ensemble proposera quelque chose de plus convaincant voire d’indispensable pour les complétistes car ce n’est pas le cas jusqu’à présent…

Si le succès de la série de comics Injustice, elle aussi issue de la brillante saga de jeux vidéo du même nom, n’est plus à démontrer, celui d’Arkham Knight semble être resté confidentiel… Urban Comics a affirmé à plusieurs reprises vouloir sortir le tome 2 en incluant un code pour télécharger le jeu vidéo sur PC Windows mais cela n’a jamais pu aboutir. Pourquoi ne pas proposer la suite malgré tout ?

L’éditeur devait même publier une des séries annexes, Genesis (complète en six chapitres, soit un unique tome et appréciée par la critique, modernisant efficacement Un deuil dans la famille tout en explicitant comment le Chevalier d’Arkham s’est constitué son armée) en novembre 2017 avant de le reporter sans date… La couverture avait même été dévoilée !

Le premier volume d’Arkham Knight, sorti deux ans plus tôt fin 2015 (et isiblement plus commercialisé en 2021), contient douze chapitres « numériques », équivalent de quatre chapitres « classiques » au format papier (composées d’une vingtaine de pages). Aux États-Unis, la série de comics Arkham Knight s’est étalée sur 41 chapitres digitaux (incluant un #0 et annual), soit l’équivalent d’environ 12 chapitres classiques, soit… deux ou trois tomes seulement !

Outre la série principale et Genesis, quatre chapitres spéciaux ont été publiés également à part : un sur Robin, un sur Batgirl et deux sur Batgirl & Harley Quinn. Là aussi on peut les imaginer compilés dans un tome à part. Ce qui aurait donné cinq tomes pour compléter l’entièreté de la saga ou bien deux sous forme d’intégrales. Début 2021, la question a de nouveau été posée à l’éditeur pour savoir ce qu’il en était de cette éventuelle « suite et fin »…

MàJ mars 2022 : dans le cadre d’une interview de François Hercouët, directeur éditorial d’Urban Comics, ce dernier a confirmé que la série Arkham Knight était définitivement abandonnée.

[A propos]
Publié chez Urban Comics le 4 décembre 2015.

Scénario : Peter J. Tomasi (+ collectif, cf. critique)
Dessin : Viktor Bogdanovic (+ collectif, cf. critique)
Couleur : John Rauch (+ collectif, cf. critique)

Traduction : Xavier Hanart
Lettrage : Calixte Ltd – Île Maurice

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La splendeur du Pingouin

Zoom sur l’incontournable Pingouin dans un récit complet accessible et à bas prix (16€), sorti en 2013 et qui sera proposé à partir de juin 2021 à 4,90€ grâce à la seconde opération estivale d’Urban Comics.

[Histoire]
Repoussant et difforme, Oswald Copplebot est passé du statut de martyr à l’un des plus puissants criminels de Gotham City. Génie du mal, prompt à faire basculer la vie d’une personne qui se moque de lui à un véritable enfer, le Pingouin découvre une nouvelle forme de bonheur en se nouant d’amitié avec une femme aveugle…

[Critique]
Entremêlant une enfance (forcément) malheureuse et une activité de nos jours de « parrain » local craint, le récit autour du Pingouin suit un sentier assez balisé pour peu qui a vu le film Batman – Le Défi (qui semble être une source d’inspiration pour le comic avec davantage de noirceur). La fiction nous emmène donc dans l’univers d’Oswald Copplebot sans réelles surprises : des crimes divers, des vengeances dès qu’on lui manque de respect, son attrait pour les volatiles et parapluies, des visites nocturnes de Batman et… une idylle avec une femme aveugle, Cassandra, qui ne le juge donc pas sur son physique. Gravitent autour de ces éléments deux autres axes narratifs liés : sa jeunesse ponctuée d’humiliations quotidiennes (par ses camarades ou sa famille) et sa relation singulière avec sa mère. Cette dernière était visiblement la seule personne lui témoignant de l’affection, Oswald lui accorde un soin particulier lorsqu’elle est devenue très âgée et diminuée — on la croit d’ailleurs morte, faute à une ambiguïté régnante entre les angles de vue la montrant à peine dans l’ombre et son mutisme permanent, rappelant le célèbre Psychose d’Alfred Hitchcock. Oswald offre des bijoux aux deux femmes qui de sa vie : sa mère et Cassandra. De la joaillerie volée sur laquelle enquête bien sûr le justicier de Gotham…

L’ensemble se lit vite, le rythme est bien équilibré, alternant flash-backs et présent, dialogues et pensées du Pingouin (narrateur de l’histoire). Les dessins de Szymon Kudranski  sont le point fort du livre mais sont loin d’être parfaits, plongeant le lecteur dans un univers sinistre, parfois violent et très sanglant (une décapitation ouvre le premier chapitre). Tout est noir, littéralement parlant puisque la plupart des cases sont extrêmement sombres, on peine parfois à distinguer ce qu’il s’y passe, surtout dans les scènes d’action. Les quelques tonalités brunes apportent une petite visibilité, élégamment couplées à celles bleutés, donc plus froides entourant l’aura du fameux Pingouin. C’est plutôt joli mais on aurait apprécié un peu plus de « luminosité » pour mieux parcourir les planches, aux segments parfois « illisibles », même si le travail sur ces jeux d’ombre et de lumière atteignent des sommets, sublimé par la colorisation de John Kalisz, le temps d’une ou deux cases assez régulièrement, avec un rendu quasi photographique.

Le récit signé Gregg Hurwitz associé aux élégants dessins (mais trop sombres) peine malgré tout à générer une certaine empathie (à défaut d’une pitié) pour son protagoniste, beaucoup trop proche mais aussi paradoxalement éloigné de son incarnation par Danny DeVito (le comédien apparaît d’ailleurs comme victime du Joker en arrière plan d’une case !). Trop proche dans sa façon de coller à peu près à la même histoire initiale, trop éloigné car manquant le coche pour se sentir touché par l’évolution d’Oswald (à l’inverse du long-métrage de Tim Burton donc). On s’en rapproche de temps en temps mais trop rarement, lors de quelques idées novatrices rapidement esquissées, vite envolées. Comme lorsque le Pingouin se mue en son ennemi juré dans un miroir, se demandant à quoi ressemble le monde de « son » point de vue. Bien sûr, on est plus ou moins « touché » selon sa sensibilité par la solitude d’Oswald, et in fine par sa tristesse et le pathos qu’il dégage, mais il manque quelques ingrédients qui auraient pu aboutir sur un coup de maître : une poésie macabre plus prononcée et une intrigue plus originale par exemple. Le binôme d’artiste (Hurwitz et Kudranski) a par la suite œuvré séparément ou ensemble sur la série Detective Comics (incluant Jours de colère) et Le Chevalier Noir.

Passé ces cinq chapitres de Pain & Prejudice (son titre originel), on a le droit à deux planches sur les origines du Pingouin (Countdown 52 #29) et surtout un épisode complet (Rira bien…) écrit par Jason Aaron et dessiné par Jason Pearson (Joker’s Asylum : The Penguin #1). Cet ultime récit raconte quasiment la même chose que La splendeur du Pingouin mais tient sur une vingtaine de pages, en étant tout autant efficace si ce n’est plus. Rédigé avant le premier (2008 vs. 2011/12), ce segment  fait partie d’une compilation d’histoires narrées par le Joker à propos de ses collègues d’Arkham. En synthèse, il est évident que le livre s’adresse aux fans du Pingouin, avides de retrouver ou découvrir le personnage malgré une narration sans grande audace et un aspect « déjà-vu ». Les amoureux de Batman ne seront pas servis en lisant cette histoire qu’on conseille davantage pour sa forme (les dessins et leur colorisation, même s’ils sont parfois trop sombres) que le fond (le scénario en lui-même).

[A propos]
Publié le 5 juillet 2013 chez Urban Comics

Scénario : Gregg Hurwitz (+ Jason Aaron)
Dessin : Szymon Kudranski (+ Jason Pearson)
Couleur : John Kalisz (+ Dave McCaig)

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : Stephan Boschat — Studio MAKMA

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Batman : Joker War – Tome 3

Après deux excellents tomes (surtout le premier, le second baissant très légèrement en qualité), Joker War perd un petit peu de sa superbe dans son troisième volume. Explications et critique.

[Résumé de l’éditeur]
Le Joker est parvenu un temps à ses fins en prenant le contrôle de la ville et en ruinant Bruce Wayne ! Laissé exsangue à l’issue de leur combat, Batman doit désormais rebâtir sa vie et retrouver la confiance de ses alliés comme des citoyens de Gotham. Car de nouveaux ennemis, comme Punchline et le Ghost Maker ne vont pas lui laisser le temps de reprendre son souffle !

[Histoire]
Batman doit changer ses méthodes de travail, à commencer par un nouveau lieu : une résidence en plein centre de Gotham à la place de son traditionnel manoir. Suite aux chutes de l’Empire Wayne, Lucius Fox peut couvrir Bruce Wayne mais moins investir d’argent dans les équipements du Chevalier Noir.

Selina donne une année à son conjoint afin de régler les problèmes de sa ville ; à l’issue de ce temps, ils décideront de la façon de gérer leur vie de couple, c’est-à-dire en quittant Gotham ou en continuant leur double-vie respective.

Dans les rues, quelques zonards sous l’emprise de la toxine du Joker — appelés les Souriards — rôdent. Clownhunter a poursuivi sa vendetta et cherche à nuire à Harley Quinn quand un ancien adversaire de Batman surgit dans la métropole : Ghost-Maker. Ce dernier connaît parfaitement Bruce Wayne et sa double identité depuis des années !

Ghost-Maker et Batman semblent avoir passé un marché, Ghost-Maker ne devait jamais se rendre à Gotham. Oracle (Barbara Gordon) ne trouve rien sur ce mystérieux antagoniste…

[Critique]
Composé de sept chapitres (Batman #101-105, Punchline #1 et Batman Annual #5), cette troisième salve de Joker War est dans l’ensemble convaincante mais en deçà de ses prédécesseures. Les cinq chapitres de la série Batman (un épisode nommé Fini de rire ! puis quatre regroupés sous le titre Histoire de fantômes) forment une étrange narration étant à la fois une conclusion (aux deux tomes d’avant donc), un moment « de transition » (l’impression de stagner entre deux grandes histoires, une passée et une à venir) et… une introduction (la fin est ouverte et relance un peu la saga avec un nouvel allié notamment).

Parmi les trois personnages créés par James Tynion IV depuis le début de Joker War, on déplore l’absence de Punchline (elle sera au centre du récit dans le chapitre d’après qui lui est entièrement consacrée), on apprécie le cheminement de Clownhunter (il n’a pas suivi les directives de Batman, a continué de se venger mais refusera de mener à terme son objectif en écoutant… Harley Quinn — puis il disparaît, inaugurant un futur ambigu, on le souhaite en tout cas… — le dernier épisode du livre lui sera aussi dédié) et l’on est mitigé quant au traitement du fameux Ghost-Maker.

Littéralement sorti de nulle part, c’est un homme que connaît Bruce depuis son apprentissage exilé de Gotham. Ne jamais avoir été mentionné auparavant est toujours un peu risqué (on se souvient de Tommy Elliott dans Silence, davantage ami d’enfance que partenaire d’entraînement durant plusieurs années et donc plus plausible à une incursion de la mythologie du Chevalier Noir). Ici, on a du mal à « croire » que cet énigmatique antagoniste existe depuis des lustres… Techniquement irréprochable, au look futuriste soigné (étrange mélange d’Iron Fist et Moon Knight — donc plutôt chez la concurrence que DC), Ghost-Maker n’est finalement qu’un autre énième ennemi aux ambitions radicales proches d’un Ra’s al Ghul notamment (pas forcément incohérent vu le passif commun entre Bruce Wayne et Ghost-Maker). En gros : on tue les « criminels », pas de place aux sentiments et à l’émotion.

Un peu faible et trop stéréotypé comme caractéristiques, c’est dommage (pour pas dire incompréhensible) de la part d’un talentueux scénariste comme James Tynion IV de se vautrer dans ce genre de facilité d’écriture (que ce soit pour les origines de Ghost-Maker ou celles de Punchline justement — cf. tome 2). Attention à la révélation à venir si vous n’avez pas lu le comic (passez au paragraphe suivant si jamais) : en quelques cases lors de la conclusion de l’aventure, Ghost-Maker décide de rejoindre la croisade de Bruce/Batman et de devenir un de ses alliés ! Pourquoi pas dans le fond (et c’est vrai qu’on a hâte de revoir cet anti-héros — surtout s’il rencontre Red Hood avec qui il partage de nombreux points communs), mais c’est assez mal amené et trop abrupte comme décision.

Le développement de Ghost-Maker laissait un peu à désirer, ce retournement de situation plus ou moins improbable déçoit pas mal, même s’il amène à une situation (un petit peu) excitante quant à l’avenir des justiciers dans Gotham. S’il ne faut retenir que le bon de l’entièreté de ces cinq chapitres, on apprécie le rythme, toujours aussi efficace, les dialogues travaillés du premier épisode surtout (entre Fox et Batman puis entre Catwoman et son mari), une bonne partie des dessins (on y reviendra car une myriade d’artistes opère tour à tour) et un ensemble qui reste correct à défaut d’être réellement marquant (comme le furent davantage les deux premiers volets — après tout il n’y a plus de guerre ni de Joker dans ce qui faisait l’intérêt principale de cette… Joker War).

Le chapitre sur Punchline (Sur le devant de la scène) reprend ce qui avait été vu fin du tome précédent avec la vidéo virale d’Alexis/Punchline clamant son innocence. On retrouve la version civile de cette nouvelle compagne du Joker le temps d’un flash-back puis on la découvre davantage via l’écoute de ses témoignages par… Cullen Row ! Personnage très secondaire apparu dans La Cour puis La nuit des Hiboux (créé par Scott Snyder donc). Le jeune homme est fasciné par Punchline, ce qui inquiète sa sœur, Harper Row, alias Bluebird puis Siala. C’est une agréable surprise, on avait surtout vu cette récente alliée du Chevalier Noir dans la saga Batman Eternal.

A la veille de son procès, difficile de savoir si Alexis/Punchline a été manipulée par le Joker ou si elle était consciente de la gravité de ses actes et donc complice. Leslie Thompkins (proche d’Harper Row) est consultée à titre professionnelle pour analyser la psychologie de l’accusée. Une foule de fans de Punchline clame sa libération et s’organise devant le tribunal où se tient son jugement. L’ensemble se tient bien, reste agréable à lire et n’a qu’un (gros) défaut : il n’y a pas de fin concrète ! C’est même indiqué : « Fin… et commencement. » On a clairement lu une introduction qui a étoffé un personnage intéressant (mieux que dans le tome 2) mais, hélas, se termine trop vite (on ignore le résultat du jugement, ce que font faire Harper et son frère, etc.), c’est très frustrant !

Enfin, l’ultime épisode qui clôt l’ouvrage, Il reste un espoir à Crime Alley (Batman Annual #5) s’attarde sur Bao, alias Clownhunter. La mort de ses parents causée par le Joker est enfin révélée tout en poursuivant son évolution globale puisque l’adolescent se rend chez Leslie Thompkins suite aux recommandations de Batman. En plus d’étoffer un protagoniste plutôt intéressant, le véritable tour de force de ce segment est son approche graphique, signée James Stokoe (aussi bien aux pinceaux qu’aux couleurs). Son style tranche avec les productions comics habituelles, mixant un improbable mélange entre Geof Darrow (The Shaolin Cowboy), Juan Jose Ryp (la trilogie Black Summer – No Hero – Supergod et aperçu dans le tome 7 de Batman & Robin), Franck Quitely (L’Autre Terre) et même un peu de Paul Pope (Batman – Année 100). En résulte un aspect à la frontière du surréalisme et de l’horrifique, un régal (qui ne plaira pas à tout le monde) !

Côté dessins justement, sur ce tome 3, Jorge Jimenez est malheureusement absent, remplacé par quelques valeurs sûres, comme Guillem March (#101, #103, #104) et Carlo Pagulayan par exemple (#102, #103, #105) puis par une armée d’artistes opérant parfois sur les mêmes épisodes : Carlos d’Anda (#102), Alvaro Martinez (#105), Christian Duce (#105), Ryan Benjamin (#104), Bengal, (#104) Mirka Andolfo (Punchline #1) et enfin James Stokoe (Batman Annual #05) ! En conservant Tomeu Morey à la colorisation le temps du premier épisode on retrouve un peu l’univers visuel instauré initialement mais Jimenez manque cruellement à l’ensemble (il reviendra dans le quatrième tome — qui sortira dans un délai plus long, le chapitre #106 étant prévu en mars 2021 après une pause liée à l’évènement Future State). David Baron s’occupe des couleurs d’autres chapitres (#102, #103, #104, #105), secondé par Romulo Fajardo Jr. et James Stokoe pour la suite et fin. Parmi les couvertures alternatives proposées en fin d’ouvrage, on retient celles de Francesco Mattina, superbes à tous points de vue.

En synthèse, ce troisième volet de Joker War 3 se lit très bien mais pêche pas un scénario plus convenu, un manque d’audace et une non-homogénéité graphique globale (qui reste qualitative tout de même — cf. les images illustrant cette critique). Les deux derniers chapitres, nettement plus longs, relèvent le niveau des précédents qui ne sont pas désagréables en soi mais loin d’atteindre les moments épiques des deux premiers tomes, que ce soit à l’écriture ou aux pinceaux. Sorte d’épilogue poussif avec l’insertion maladroite d’un antagoniste (à deux doigts d’une continuité rétroactive), on attend malgré tout ma suite avec impatience, surtout que les premières images sont alléchantes. Rendez-vous probablement fin 2021 pour la découvrir.

[A propos]
Publié chez Urban Comics l 16 avril 2021
Contenu : Batman #101-105, Batman Annual #5, Punchline Special #1

Scénario : James Tynion IV (+ Sam Johns)
Dessins : collectif (cf. article)
Encrage additionnel : Danny Miki
Couleur : collectif (cf. article)

Traduction : Jérôme Wicky
Lettrage : MAKMA (Sarah Grassart et Stephan Boschat)

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Batman – Joker War : Tome 03
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