Archives de catégorie : Batman

[Manga] Batman & the Justice League – Tome 01

L’éditeur Dargaud a proposé le 3 novembre 2017 deux bandes dessinées atypiques sur Batman, une au format franco-belge et une au format japonais (manga). Au lieu de les sortir avec son label de comics Urban Comics (qui publie tous les Batman depuis 2012), elle a préféré viser un plus large public de deux façon. Ainsi, l’éditeur a mis en vente, sous son nom commun « Dargaud« , le premier tome (sur deux)  de Batman – The Dark Prince Charming de l’italien Enrico Marini, afin de fidéliser un public plutôt orienté vers la BD européenne. Un autre volume, Batman & the Justice League — chroniqué ici —, est sorti sous forme de bande dessinée japonaise sous le label de mangas de Dargaud : Kana (plus précisément dans la filiale un peu plus « adule » Dark Kana).
Dargaud, Dark Kana et Urban Comics appartiennent au même groupe et ont donc fourni un travail commun de qualité (la typo en couverture du manga et du Marini est strictement la même que celles des ouvrages d’Urban Comics), le tout sous la supervision de DC Comics. Audacieux pour certains, mercantile pour d’autres (trouver un nouveau public, coïncidence avec la sortie du film Justice League, etc.), cette stratégie permet tout de même d’inviter un nouveau lectorat voire de le fédérer. Dans tous les cas c’est positif !
Retour sur le premier tome du manga, écrit et dessiné par Shiori Teshirogi.

Batman Manga Kana

[Histoire]
Le jeune japonais Rui Aramiya débarque à Gotham City, une ville quasiment inconnue du reste du monde, pour y chercher ses parents disparus depuis un an. Dès son arrivée, il est confronté à deux policiers corrompus et, malgré quelques techniques de self-défense utilisées dignes d’un ninja (!), il est sauvé de justesse par Batman.

Le Chevalier Noir découvre peu après que le Joker complote avec Lex Luthor pour récupérer l’intelligence et l’énergie des citoyens grâce à un certain nectar *.

Gordon prend sous son aile Rui Aramiya et rend visite à Bruce Wayne.

Manga Batman Dark Knight

* Aussi « surréaliste » que cela puisse paraître en lisant ces simples termes, c’est ce qui se rapproche le plus de ce que développe le Joker lui-même dans le récit : « l’ingrédient de base de mon nectar de Gaïa est l’intelligence de tous les êtres vivants ou ayant existé. Elle forme un flot qui tourne autour de notre planète. C’est ce qu’on appelle les Ley Lines. À présent ce nectar est en train de récupérer l’intelligence des habitants de Gotham afin de la recycler. Ainsi nos concitoyens sont en train de perdre la raison. Leurs facultés intellectuelles et même leurs plus beaux souvenirs. » Une explication complexe… Et pas très crédible.

Manga Batman Kana

[Critique]
Avec son histoire à la fois simpliste et paradoxalement confuse (certains enjeux sont mal écrits voire peu plausibles, cf. les propos du Joker ci-dessus), cette intrusion du Chevalier Noir dans le manga échoue à séduire d’emblée son lectorat. Lectorat multiple puisque les fans de Batman, habitués aux comics, ne seront sans doute guère conquis (à cause de du synopsis basique ou du petit format du livre) ; quant aux lecteurs de mangas ils risquent d’être perdus à cause de la porte d’entrée parfois maladroite ou peu passionnante que propose ce premier tome. Explications.

Côté scénario, il faut saluer l’effort de rendre accessible le fameux « univers DC » et ses super-héros plutôt rapidement et habilement. On découvre successivement et modestement Batman, Gotham City, le lourd passé entre le Joker et le Chevalier Noir (et notamment la mort de Robin), le commissaire Gordon, Superman et très brièvement les autres membres de la Justice League. Sur ce dernier point, le titre de l’œuvre est un brin trompeur (tout du moins pour ce premier tome) puisque dans « Batman & the Justice League », seul Batman est réellement au centre du récit. Superman débarque dans le troisième chapitre (sur quatre au total) et Gordon explique au jeune protagoniste Rui qui sont les autres membres de la Ligue (qui n’apparaissent donc pas dans cette salve d’introduction). Ce n’est pas problématique, nul doute qu’ils vont arriver dès le second tome.

Manga Batman

L’un des problèmes, toujours d’un point de vue strictement narratif, est le difficile mélange du genre avec justement Rui. Si Batman a suivi des préceptes proches des ninja lors de sa formation, montrer Rui les utiliser ne fonctionne pas (il y a fort à parier qu’il deviendra un nouveau Robin). Pour l’instant en tout cas. D’autres éléments propres à la culture japonaise se connectent difficilement avec l’univers du Dark Detective. L’ensemble est donc assez inégal.

Autre souci : l’histoire, comme déjà évoqué, est assez basique : introduction du jeune héros, première confrontation avec Batman, ennemis démasqués, « plans diaboliques des méchants » explicités avec lourdeur (et malgré tout très confus — cf. les propos du Joker plus haut — d’où le côté « maladroit » également évoqué en amont), et ainsi de suite… En effet, les (grands) connaisseurs de comics se rappelleront de cette époque (l’Âge d’Argent) où chaque ennemi détaillait ses manigances, où chaque bulle était explicite sur tout et rien, où chaque case racontait toutes les actions des personnages, etc. Pénible à la lecture donc. Ce parti pris tend à séduire un lectorat totalement néophyte et plutôt jeune.

Manga Batman Joker

Côté dessin, les amateurs de bandes dessinées japonaises ne seront pas dépaysés : les traits sont fins, plutôt élégants (pas toujours, notamment les vues d’ensemble de Batman), somme toute assez classiques pour un shônen manga (destiné aux garçons adolescents). Shiori Teshirogi utilise efficacement quelques codes propre au genre dans ses découpages assez efficaces : le comique de situation via les expressions faciales exagérées et les trames (permettant des remplissages ou des dégradés de noir) par exemple sont utilisés à bon escient.

Sans surprise, l’homme chauve-souris et l’homme d’acier (et quelques autres qu’on ne dévoilera pas ici) sont assez androgynes (visage très efféminés, cheveux mi-longs…). Une fois de plus nous sommes en terrain connu pour un manga et c’est une approche plutôt sympathique, agréable et originale. Toutefois, deux éléments visuels ne fonctionnent clairement pas. D’une part les proportions des visages par rapport aux corps, principalement pour Superman. Une tête d’adolescent toute petite sur un énorme corps musclé et robuste (cf. image ci-dessous). D’autre part une ressemblance plus ou moins frappante entre trois personnages (dont Batman et Superman). Sentiment de voir un malhabile copier-coller… qui fait donc tâche.

Du reste, on peut regretter quelques jolies planches en couleur qui ont été mises en niveaux de gris pour obtenir le noir et blanc uniforme et fidèle aux 180 pages du manga (comme tous les livres du genre, avec une lecture de droite à gauche, respectée également pour cette version). Certaines BD japonaises bénéficient pourtant de quelques planches en couleur dans leur édition française. Vu le résultat de celles affichées pour la publicité du manga (cf. en fin de page de cet article), il est dommage de ne pas les avoir incluses.

Manga Superman

Shiori Teshirogi est une artiste déjà habituée à reprendre une saga, ou en tout cas des personnages emblématiques d’une licence, sous la supervision de l’artiste créateur originel (ici c’est carrément l’éditeur américain DC Comics qui valide le projet et le suit). En effet, la femme – qui fêtera ses quarante ans en 2018 – a travaillé durant dix années sur deux séries : Saint Seiya – The Lost Canvas (25 tomes) et Saint Seiya – The Lost Canvas Chronicles (16 tomes). Saint Seiya est le titre japonais des fameux Chevaliers du Zodiaque. Ces deux séries se déroulent dans le même univers qu’a conçu Masami Kurumada, qui y assurait le scénario (et Shiori Teshirogi était donc aux dessins). La femme connaît donc les avantages (le prestige d’œuvrer sur un titre populaire) et les inconvénients (une liberté restreinte et sans doute peu d’indépendance) du genre.

Il ne s’agit pas de la première incursion de Batman dans un style manga. En France, on a pu lire Batman – L’Enfant des Rêves (en deux tomes) au début des années 2000. Un récit assez moyen écrit et dessiné par Kia Asamiya, auteur des mangas Silent Möbius et, entre autres, Junk -record of the last hero-. Asamiya s’est aussi attaquer aux X-Men de Marvel dans sa carrière. Autre manga sur Batman : les huit pages de Katsuhiro Otomo, auteur de l’œuvre culte Akira, dans le second tome de Batman Black & White, publié chez Urban Comics en 2016. Un recueil compilant des histoires courtes sur le Chevalier Noir uniquement en noir et blanc et par de grands noms de la bande dessinée. Celle d’Otomo, intitulée Le Troisième Masque, est une réussite. Le mitigé Batman – Death Mask, de Yoshinori Natsume reste inédit dans notre pays.

Alors, est-ce qu’on conseille ce premier tome, très bancal, du manga Batman & the Justice League ? Clairement non. MAIS… L’investissement étant minime (7,45€), il serait dommage de passer à côté de cette curiosité après seulement un volume. Il faut presque « obligatoirement » attendre le second volet qui permettra une analyse plus poussée qui excuserait les erreurs du premier, qui répond forcément à un cahier des charges commercial assez conséquent — toujours dans cette volonté de séduire un multiple lectorat. C’est d’ailleurs ce qu’il fallait peut-être éviter : vouloir plaire aux amateurs de DC Comics, attirer des non-connaisseurs de mangas, charmer des curieux peu adeptes de Batman, concilier ceux qui apprécient déjà les bandes dessinées japonaises et le Chevalier Noir, etc. Rendez-vous au tome 2 pour statuer si ça veut le coup de s’engager et continuer cette collection.

Manga Batman Gotham City

[À propos]
Publié en France chez Dark Kana le 3 novembre 2017.
Scénario : Shiori Teshirogi sous la supervision américaine de DC Comics
Dessin & Encrage : Shiori Teshirogi
Traduit et adapté en français par Rodolphe Gicquel
Première publication originale en juin 2017.

Acheter sur amazon.fr :
Batman & the Justice League : Tome 01

Deux images promotionnelles en couleur à découvrir ci-dessous.

Manga Batman & the Justice League

Batman & the Justice League Manga

 

Dark Knight III – Tome 04

Dark Knight III (en quatre tome) est le troisième volet du « Dark Knight Universe de Frank Miller », débuté en 1986 avec The Dark Knight Returns et poursuivi avec The Dark Knight Strikes Again.
Page récapitulative | Critique de Dark Knight III – Tome 01 | Tome 02 | Tome 03

MàJ : suite à la publication en format intégrale de Dark Knight III en 2020, l’entièreté de la série a bénéficié d’une critique mise à jour sous un prisme de lecture « à la suite ». C’est à découvrir sur cet article.

 

batman-dark-knight-iii-tome-4  Dark Knight III - Tome 4

(La couverture de gauche est bien la couverture « définitive » choisie pour l’impression.
Celle de droite, dévoilée sur les sites de vente sur Internet, est soit la version alternative pour l’enseigne Cultura
— ce qui serait étrange car les trois précédentes étaient en couleur et non en noir et blanc —,
soit une première version de maquette qui a tout simplement été annulée.
)

Afin de mieux « savourer » la conclusion de Dark Knight III, il est évidemment conseillé de relire les trois premiers tomes juste avant. Toutefois, pour ceux n’ayant pas le temps de se replonger dedans, le résumé de l’éditeur  en introduction d’ouvrage est très bien écrit et récapitule brillamment tous les éléments passés.

DK3 Sup save Bat

[Histoire]
Durant la grande bataille face aux kryptoniens à Gotham, Batman a trouvé la mort. Superman emmène la dépouille de Bruce Wayne dans un puits de Lazare pour le ramener à la vie.

De son côté, Quar et son fils Baal (défiguré par Batgirl/Carrie Kelley) veulent se venger en tuant le fils de Superman, Jonathan, qu’il a eu avec Wonder Woman.

L’autre enfant du même couple, Lara, qui s’était rangée du côté des kryptoniens, va devoir choisir « son camp ».

DK3 Quar

[Critique]
Dernière salve de Dark Knight III, composé de trois chapitres (7 à 9), ce tome conclut efficacement, épiquement et même talentueusement ces « nouvelles aventures de Batman ». Les guillemets sont de mises car, comme c’était déjà le cas pour The Dark Knight Strikes Again (la première suite clairement ratée de The Dark Knight Returns), l’histoire concerne plutôt les membres de la Justice League (la Trinité surtout) que Batman en lui-même. L’omniprésence de Superman et Lara (sa fille), ainsi que les nombreux personnages secondaires (Wonder Woman, Atom, Flash, Green Lantern…) permettent de mettre en avant davantage « l’univers » consolidé de Frank Miller que son super-héros Gothamien (ou sa relève via Carrie Kelley). Est-ce problématique ? Non, c’est assez cohérent avec ce qu’institue Miller depuis son œuvre originelle d’il y a plus de trente ans.

Qu’il y a-t-il de bon et de moins bon dans ce quatrième tome alors ? Dans les mauvais points, il y a évidemment la « mort » de Bruce Wayne. Si le format de publication (par chapitre aux États-Unis et par volume en France) a permis de laisser planer le doute quelques temps (Batman est-il vraiment décédé ?), on est peu surpris de voir sa résurrection dès l’ouverture du livre. Une renaissance qui s’accompagne par un bain de jouvence, permettant aux scénaristes de « boucler la boucle » en concluant sur un nouveau départ un peu facile (Batman et Batwoman — qui était Batgirl et avant Robin — forment un duo « jeune » et prêt à en découdre), un peu « happy end » mais clairement nécessaire dans cette saga relativement cynique, noire et violente. La curieuse impression de lecture rapide passe « mieux » en (re)lisant toute la série en une fois, même si s’attarder sur plus d’éléments (la commissaire Yindel, Aquaman…) aurait été intéressant. Le grand méchant de DK3 était à la fois puissant et… ridicule. Ridicule par ses motivations, l’éternel mantra de vengeance et de règne dictatorial pour montrer sa puissance et sa force à un peuple (les Terriens). Toutefois, ce questionnement sur le divin revient régulièrement tout au long des neuf chapitres (et ses « appendices », voir ci-après) et cela pousse à la réflexion interne. Une bonne chose donc.

DK3 Batgirl Batman Superman

Les « appendices » (nom plus juste donné aux back-ups) sont cette fois centrés sur Hawkman et Hawkgirl mais surtout Green Lantern (pour la seconde fois) et le commissaire Yindel (face à des faux Joker et à Bruno, une femme nazie — sic) ; le dernier constitue surtout un bel épilogue. À l’inverse des précédents appendices, ceux de cet ouvrage sont graphiquement plus réussis, Miller retrouvant peu à peu de sa superbe. Le reste de l’ouvrage s’émancipe (à nouveau) de son style puisque Kubert est plus proche de sa patte personnelle que celle de son illustre maître. Une évolution flagrante lorsqu’on (re)lit tout d’une traite.

Scénaristiquement parlant (Azzarello travaillant avec Miller, sans qu’on sache clairement sous quelle forme), l’accent est mis sur Lara, avec brio, et Wonder Woman apparaît « enfin » comme elle se doit. Il n’y a pas grand chose à « reprocher » à cette conclusion, elle apparaît comme évidente, bien qu’un peu facile comme on le soulignait plus haut. Pas expéditive, plutôt épique, pas forcément surprenante mais pas non plus totalement prévisible, bref l’ensemble de ce Dark Knight III est — finalement — une bonne série de comics. « Finalement » car le début était relativement moyen (faute à une publication segmentée en de trop nombreux tomes, voir « l’analyse éditoriale » dans le dernier paragraphe de cet article).

DK3 Wonder Woman

► Conclusion générale

Presque deux ans après la publication du premier tome de Dark Knight III, les lecteurs français peuvent enfin découvrir sa conclusion en cette fin d’année 2017. Un achèvement qu’on ne peut que conseiller de découvrir après relecture des trois premiers livres. Mis bout à bout, en lecture continue, l’ensemble s’avère parfaitement cohérent et gagne à la fois en une certaine maturité et sagesse (dans son épilogue) mais aussi dans ses planches (principales comme appendices), plus soignées et travaillées qu’au début. MàJ 2019 : il est évidemment conseillé de se procurer désormais la version intégrale, moins onéreuse et plus digeste.

Malgré la canonicité évidente de ce troisième volet, sa modernité et son style graphique un chouilla différent, le rendent presque « indépendant » de The Dark Knight Returns. Une qualité puisque cela permet de séduire de nouveaux lecteurs, peu connaisseur des comics sur le Chevalier Noir. La patte Millerienne est toujours présente mais à « petite dose » concernant, par exemple, les encarts médiatiques ou les avis populistes (avec parfois l’abus de langage qui va avec — ce désagréable parlé SMS).

Trump Dark Knight

The Master Race (le titre original) est-il meilleur que Returns ? Assurément non mais il est largement supérieur à Strikes Again et à pléthore de comics « mainstream » qui sont souvent divertissants et agréables à lire mais qui ne cherchent pas forcément à avoir une petite patte « intello » qu’on retrouve ici, parfois maladroitement, parfois habilement. Rien d’extraordinaire bien sûr, et même « déjà vu » mais l’œil de Miller sur le monde actuel et son interrogation sur divers sujets (le divin, la force de police, etc.) est toujours plaisant, moins puissant qu’en 1986 par contre… C’est d’ailleurs un point dommageable : vu l’actuel état des lieux de notre société, ses avancées technologiques et sa situation géo-politique, ce DK3 paraît presque trop détaché d’enjeux importants (les fakes news par exemple). Mais il faut saluer les citations de… Donald Trump (voir illustration ci-dessus) ! Déjà croqué avant son élection dans les précédents tomes, une de ses apparitions ici prend (encore) un nouveau sens pour établir un parallèle glaçant avec notre propre monde.

La chute puis la renaissance, éternel cycle commun de l’industrie, est ici réussi. Fermant efficacement ce qui a été instauré il y a plus de trente ans et laissant des ouvertures possibles (mais pas nécessaires) pour une autre suite ou une exploration du DKU (Dark Knight Universe de Miller).

DK3 Batwoman

Côté éditorial — cela avait déjà été évoqué — Urban Comics a choisi de publier en quatre segments l’intégralité de DKIII. Soit un total de 57€ (chaque tome coûte 14€ sauf le dernier à 15€). L’ensemble est évidemment beaucoup trop cher par rapport à la quantité de chapitres (neuf et neuf back-ups/appendices). Mais quel choix possible pour l’éditeur français ? Attendre la fin pour publier l’intégrale ? C’était tentant mais « risquer » (de se mettre à dos quelques lecteurs, d’autres se tournant vers la VO). Publier en kiosque avant la librairie ? Bonne idée mais DKIII est l’un des rares comics sur Batman pouvant se vendre au public non-connaisseur du Chevalier Noir ou même des comics (sur la base de suite de The Dark Knight Returns et du nom de Miller). Ne reste plus qu’une solution : la division de volumes en librairie.

Urban a toujours maintenue que la version intégrale n’était pas prévue. Vu le nombre conséquent de couvertures alternatives non proposées en bonus et pour le côté pratique, il est presque évident que l’éditeur changera d’avis (c’est même sans doute acté depuis le début) et proposera l’intégrale dans quelques années (à l’instar de Top 10, Geoff Johns présente Green Lantern, Scalped, 100 Bullets, DMZ…). MàJ 2019 : c’est bien le cas, pour 35€ et les couvertures sont dans un recueil sublime mais limité (29€). L’idéal aurait été de publier deux tomes et non quatre. Pour ne pas prendre trop de retard sur la VO, proposer un rapport qualité-prix « équilibré » et pourquoi pas l’intégrale en même temps que le tome deux pour satisfaire tout le monde. Tout ceci n’est évidemment pas bien grave mais 57€ pour l’équivalent d’une publication intégrale à 28 voire 35€ maximum (edit : bingo !),  ça fait quand même un écart non négligeable pour les moins aisés. Ce quatrième tome est le plus riche des quatre en bonus, grâce à ses nombreuses planches encrées en noir et blanc en supplément et des couvertures couleur.

DKIII Batman Dead Batgirl

[À propos]
Publié en France chez Urban Comics le 1 décembre 2017.
Titre original : The Dark Knight III – The Master Race #7-9 & Dark Knight Universe Presents : Strange Adventures #1 / Detective Comics #1 / Action Comics #1
Scénario : Frank Miller et Brian Azzarello
Dessin : Andy Kubert et Frank Miller (DKUP)
Encrage : Klaus Janson
Couleur : Brad Anderson et Alex Sinclair
Lettrage : Stephan Boschat — Studio Makma
Traduction : Jérôme Wicky
Première publication originale en 2016-2017.

DK3 Wonder Sup

► Acheter sur amazon.fr :
Dark Knight III – Tome 04
Dark Knight III – Tome 03
Dark Knight III – Tome 02
Dark Knight III – Tome 01

DK3 Cover Final

No Man’s Land – Tome 04

No Man’s Land est une longue saga constituée de plusieurs tomes : le volume unique Cataclysme, qui en était l’introduction, puis le récit « principal » de No Man’s Land en six tomes et, enfin, New Gotham en trois volumes. Voir la page récapitulative si besoin.
Afin d’établir des résumés et critiques plus visibles qu’un gros bloc reprenant l’ensemble de l’ouvrage, celles-ci sont divisées par les différentes (petites) histoires qui composent le tome. Le résumé est en italique sous le titre et la critique est précédée d’une petite flèche.

batman-no-mans-land-tome-4

Le Message
scénario : Alisa Kwitney | dessin : Michael Zulli
Batman : No Man’s Land Secret Files #1

Peu avant l’évacuation des citoyens de Gotham, l’un d’eux, Jason Braun, entend une voix lui demandant de délivrer un message à Oracle. Suit une dérive nocturne où l’homme va croiser Le Pingouin, Poison Ivy… et quelques autres têtes connues de la ville.

Harley Quinn Penguin Pingouin

► Voici une étrange introduction, présentant un nouveau personnage, qui n’aura d’intérêt que s’il revient ultérieurement. D’un point de vue purement rationnel, il s’agit « juste » d’un homme sombrant dans la folie de la ville, la dernière nuit où il était possible de la quitter. Avare en métaphore et proche du mysticisme, le style graphique aide à apprécier cette petite histoire qui replonge dans le passé (les débuts du no man’s land) mais s’attarde sur une personne lambda sans développement narratif réellement intéressant.

Harley Quinn
scénario : Paul Dini | dessin : Yvel Guichet
Batman : Harley Quinn #1

Poison Ivy, chargée de la récolte de fruits par Batman, découvre une étrange figure familière en costume d’Arlequin dans des décombres à Gotham. Elle décide de la soigner et écoute son histoire d’ancienne psychiatre à l’Asile d’Arkham (là où Ivy l’a connu) et son idylle avec le Joker.

Harley Quinn No Mans Land

► Cette longue histoire (48 pages) est presque la première véritable apparition de Harley Quinn dans un comic-book. Nous sommes en octobre 1999, sept ans après sa création par Paul Dini pour la série d’animation Batman, la muse du Joker a droit à sa transition vers le papier en intégrant officiellement l’arc narratif en cours de Batman, en passant par ses origines (contées ici). C’est « presque » sa première apparition puisqu’elle était déjà dans le chapitre The Batman Adventures #12 en septembre 1993 (soit pile un an après sa découverte dans le dessin animé). Mais ce chapitre est un mélange d’adaptation et de prolongement de la série de Paul Dini (et Bruce Timm), plutôt anecdotique et enfantin (disponible en français dans Batman – Les Nouvelles Aventures – Tome 2). Et puis sûr, en février 1994 est sorti l’excellent Mad Love, à la fois adaptation de l’épisode éponyme qui refermait la série, et transposition papier officielle dans un one-shot dans un récit à la double lecture. C’est donc plutôt la troisième fois que Quinn apparaît dans une bande dessinée mais véritablement la première fois qu’elle intègre le Bat-Universe des comics, sa mythologie et ses connexions avec les autres protagonistes, prenant ainsi part à la complexe mythologie du Chevalier Noir. On notera aussi au passage la couverture alternative de ce chapitre par Alex Ross, livrant toujours de sublimes compositions (cf. Kingdome Come), qui a été choisi pour illustrer ce quatrième tome de No Man’s Land.

Modifiant très légèrement des petits passages d’origin-story de Mad Love (la rencontre entre Harley et le Joker), cette histoire développe efficacement le personnage d’Harleen Quinzel. Le récit navigue d’ailleurs en perpétuelle confusion sur l’état mentale de la dulcinée du Joker et de ce dernier. Jonglant entre la folie pure et le rationalisme à propos de leur idylle, bien difficile de juger si l’un ou l’autre est réellement fou et pas conscient de ses actes. Ces éléments sont clairement les points forts de ce chapitre, s’intercalant peu après Les Fruits de la Terre (fin du volume précédent) et dans l’immense échiquier qu’est la saga No Man’s Land. On retrouve évidemment le Joker et on en sait davantage sur ce qu’il faisait récemment.

Hélas, la pauvreté graphique, oscillant étrangement entre le très cartoony (pour se rapprocher de la série d’animation ?) et un style plus classique mais mal encré et colorisé, n’aident pas à faire de ce Harley Quinn, un « must-have » et un objet culte (l’exploit de Mad Love n’est donc pas réitéré). Dommage mais pas complètement gâché pour autant car le scénariste Paul Dini, créateur du personnage, livre tout de même une histoire solide et passionnante.

*À titre anecdotique, on peut lire Nom de Zeus…

Le Roi
scénario : Ian Edginton | dessin : Jason Minor
Batman : Shadow of the Bat #89

Batman cherche  » Le Roi « , un mystérieux bienfaiteur qui a aidé les plus démunis et abandonnés. Killer Croc semble être en lien avec cette disparition.

Batman Killer Croc

► Si, une fois de plus, on s’attarde sur un personnage anecdotique, il est intéressant de constater le « bien » qui est fait dans Gotham City et, surtout, c’est la première fois depuis longtemps que Batman est au centre d’un récit. Ce qui fait… du bien aussi ! Toutefois les graphismes hideux n’aident pas à rendre cette histoire mémorable, loin de là…

Sur les quais
scénario : Janet Harvey | dessin : Sergio Cariello
Batman #569

Batman confie une mission à la nouvelle Batgirl, ravie de pouvoir montrer ses talents à celui qu’elle admire.

Batgirl No Mans Land

► Le développement du personnage de la fille de Caïn — toujours sans prénom durant cette histoire — se poursuit « lentement mais sûrement ». Apparue à la fin du deuxième tome, elle a pris la relève de l’ancienne Batgirl (Huntress qui avait revêtu la cape sans le réel aval de Batman), et permet d’obtenir une certaine dynamique intéressante. Notamment dans la relation maître-élève qui avait disparu depuis un bon moment dans les aventures du Chevalier Noir. Du reste, on poursuit, ou plutôt on stagne (mais ce n’est pas bien grave), l’évolution du no man’s land de Gotham avec toujours ses différents gangs et lieux stratégiques.

Le Retour
scénario : Larry Hama | dessin : Mike Deodato Jr.
Detective Comics #736

Bane est de retour à Gotham. Par un ingénieux système, la brute intelligente réussit à passer les ponts pourtant détruits et gardés. Bane considère que c’est SA ville et qu’il est temps de revenir y mettre de l’ordre et évidemment d’affronter Batman.

Bane No Mans Land

►Avec un excellent rythme (aucun temps mort, beaucoup d’action bien croquée), ce retour fracassant de Bane (apparu dans Knightfall, la précédente saga qui se déroulait peu avant celle-ci) est réjouissant même s’il fait surtout office d’introduction. On a hâte de voir cet antagoniste puissant œuvrer dans la ville car, s’il y a bien un ennemi du Chevalier Noir qui n’est pas dans le manichéisme primaire, c’est bien Bane.

Sous les pavés, la guerre !
scénario : Chuck Dixon / Staz Johnson | dessin : Gordon Purcell
Robin #68 à 70

Batman confie la lourde tâche à Robin (Timothy Drake) de trouver une cache dans les égouts qui contient nourritures et médicaments. Le jeune apprenti ne veut décevoir son mentor et se risque dans le dédale poisseux où plusieurs figures ennemies se côtoient… À commencer par Mangles et Mégaborg, qui manquent de peu de se noyer. De l’autre côté de Gotham, en rentrant chez elle après un footing, Stéphanie Brown est confrontée à sa mère, qui vient de découvrir le costume de Spoiler en rangeant les affaires de sa fille.

Robin No Mans Land

► Comme dans la seconde partie du tome précédent, trois chapitres constituent cette mini-histoire : les Rats, les Louveteaux, les Survivants. On y retrouve justement des têtes connues et aperçues en début du troisième volume : le duo Tommy Mangles et Mégaborg (ils sont un peu ridicules et deviennent rapidement des figurants), Otis Flannegan, le « chasseur de rats » (sauf qu’il ne les chasse pas, il les dompte), lui aussi brièvement croisé dans le tome précédent et enfin (surtout), Mister Freeze qui signe là son grand retour. Malheureusement l’ensemble ne sera pas spécialement épique mais fonctionne rudement bien grâce au travail d’écriture sur Robin, obstiné à ne pas décevoir Batman.

Une autre partie intéressante du récit se situe du point de vue Stéphanie Brown. Selon une conversation, on comprend que la jeune fille était enceinte et a avorté. En couple avec Robin (même si ce n’est pas explicitement indiqué), on prend plaisir à suivre l’avancement de cette autre justicière, même sans son costume. Un aparté plus poussé aurait été le bienvenu, de peur qu’elle soit délaissé et revienne plus tard sans forcément avoir eu un traitement aussi soigné (ou plutôt publié) que ses alliés.

Fantômes
scénario : Dennis O’Neil | dessin : Roger Robinson
Azrael #58

Azrael continue d’aider les plus démunis et les ramène au Docteur Thompkins. Mais le justicier ne cesse d’être hanté et poursuivi par ses démons intérieurs : son père, l’Ordre de St. Dumas…

Azrael no mans land

► Il est toujours difficile de lire les aventures de Jean-Paul Valley. Si le jeune homme est charismatique et que son cheminement interne est toujours plutôt bien développé (il est à la limite de la schizophrénie), la dériver avec les chevaliers mystiques, le côté sectaire et d’autres éléments ont toujours du mal à passer dans l’univers de Batman. Il aurait sans doute fallu lire tout l’arc consacré à Azrael pour pleinement être

Le Code
scénario : Bronwyn Carlton | dessin : Mike Deodato Jr. / Tom Morgan
Batman #570 | Detective Comics #737

Le Joker et Harley Quinn prennent possession d’un immeuble. Harley s’installe dans un appartement où elle découvre un code de séduction qu’elle décide de suivre à la lettre pour que son poussin montre son amour pour elle. De son côté, le Clown du Crime décide d’organiser une élection dans son territoire pour permettre « démocratiquement » de savoir qui va le diriger entre lui et Petit, un policier qui a préféré s’exiler de Gordon, préférant des méthodes plus brutales. L’objectif du Joker est multiple : retrouver sa dulcinée, montrer que Batman impose sa façon de faire alors que lui propose d’être élu, etc.

Joker Harley No Mans Land

► Le retour du duo fou, peu de temps après les premiers pas d’Harley. L’ensemble est clairement bien écrit et réjouissant, on retrouve les caractéristiques propres du couple, empruntant à la fois à la série d’animation et aux codes des comics papier (le Joker est plus violent, Harley semble plus maline). L’élection est clairement un prétexte bidon et une intrigue très secondaire. Elle permet tout de même de retrouver Huntress, qui agit en solo suite à son renvoi par Batman. Graphiquement ça tient la route et continue de montrer par petites touches des histoires différentes qui font avancer lentement mais sûrement l’intrigue, même si la globalité de la saga « stagne » toujours (elle dévoile juste les petites avancées de chaque protagonistes ou antagonistes).

Jeu de Pouvoir
scénario : Larry Hama | dessin : Rick Burchett
Batman : Legends of the Dark Knight #121

Batman enquête dans un quartier où Mister Freeze semble régner…

Batman Torture Tue

► Le style de Rick Burchett rappelle indéniablement celui de Darwyn Cooke. Cela permet d’y voir une histoire aux allures « enfantines » mais aux propos plus « adultes », ce qui détonne toujours et est particulièrement efficace. Mais ici, le côté sombre et mature du récit n’est évoqué que partiellement : la mort de Nora — femme de Victor Fries — et le sauvetage des œuvres d’art par ce dernier afin de les préserver du désastre causé par le no man’s land. L’idée n’est malheureusement qu’effleurer et il faudra absolument la développer. Ne reste qu’un très long affrontement, presque onirique entre l’homme de glace et l’homme chauve-souris. Une petite mention est faite à Robin (voir plus haut) mais on ne sait pas comment Mister Freeze s’est échappé pour redevenir libre. Un court chapitre plutôt réussi mais qui aurait méritait de s’étendre sur un autre.

Le Gouffre aux Chimères
scénario : Larry Hama | dessin : Paul Gulacy
Batman : Legends of the Dark Knight #122 | Batman : Shadow of the Bat #90

Le Chevalier Noir s’allie à Lynx, une antagoniste borgne redoutable. Ensemble ils vont combattre une triade asiatique qui exploite les plus démunis. Ces derniers sont des esclaves chargés de pédaler en continue pour fournir de l’électricité à des chefs mafieux.

Batman Lynx No Mans Land

► Quand baissent les chimères… et un bel exemple pour la jeunesse sont les deux titres de cette histoire un peu anecdotique puisqu’elle fait intervenir un personnage peu connu et pas forcément charismatique. On retient surtout un flash-back en France et la dernière planche annonçant un plan d’action de Bane. L’ensemble est assez moyen d’un point de vue graphique et Batman semble être un roc imbattable. Des échanges avec Lynx sont par contre intéressants, comme celui-ci : « Je combats le crime et je suis un détective. Je ne me considère pas comme un héros. Ce n’est pas un métier… c’est une appellation… que décerne la postérité. »

Conclusion : Si chaque tome de No Man’s Land poursuit un certain schéma pré-établi avec brio (de multiples petites histoires faisant intervenir des héros, des antagonistes, des ennemis, des inconnus… partiellement ou sur deux à trois chapitres), la formule semble s’essouffler un petit peu. En effet, l’ensemble a toujours été hétérogène quant à la qualité graphique (c’est à nouveau le cas ici mais une tendance tout de même en dessous de ce qu’on a connu) mais toujours homogène côté scénario. L’écart se creuse dans ce quatrième tome puisqu’on a du très bon (toutes les histoires avec le Joker, Harley Quinn, Bane et éventuellement Mister Freeze) et du moins bon voire franchement pas mauvais (les errances d’Azrael, Killer Croc et Le Pingouin).

En constat général, les deux tiers de l’œuvre sont quand même excellents (scénaristiquement parlant) mais l’autre tiers se révèle plus que moyen. L’équilibre qualitatif devient un peu plus fragile. Néanmoins, la saga continue de passionner, à défaut de vraiment s’émanciper vers un échappatoire logique et une certaine légèreté faite d’espoir et de clarté. Recommandé tout de même donc.

Acheter sur amazon.fr